• Aucun résultat trouvé

Une forme militante

Dans le document Le dialogue d’idées au 18e siècle (Page 116-149)

DEUXIEME PARTIE

2. Un genre philosophique 1 Une forme éloquente

2.2. Une forme militante

Le degré d'abstraction des dialogues peut quelquefois nous paraître faible. Cela s'explique autant par l'intention pédagogique des auteurs, qui tendent à privilégier la clarté de l'écriture aux dépens de l'opacité du concept, que par un trait commun à toute la philosophie des Lumières (Voltaire l'a mis en évidence dès les Lettres philosophiques) : l'importance donnée à la raison pratique, c'est-à-dire celle qui n'a pas pour fin « la pure spéculation, ou la connaissance de la vérité, mais la connaissance de ce qui est juste, et de la conduite qui s’y conforme », selon les termes de Locke dans le Deuxième traité du

gouvernement civil402. Commençons donc par examiner le choix des sujets qui reviennent de

préférence dans les dialogues : on remarquera l'importance donnée aux questions de morale, de politique, de religion, plutôt que de métaphysique. Pour ce qui concerne la religion, le modèle est le

De natura deorum de Cicéron. La Mothe Le Vayer y renvoyait explicitement en intitulant un de ses

dialogues De la Divinité, et l'ouvrage de l'orateur latin reste une référence pour les esprits sceptiques du XVIII° siècle. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Hume le cite à la fois dans l'Essai sur les principes

de la morale, et dans les Dialogues sur la religion naturelle403. Il n'est pas jusqu'à Benoît de Maillet qui,

dans la préface de son étonnant Telliamed, n'éprouve le besoin de citer le De natura deorum comme pour mieux indiquer les conséquences de son système sur les vérités de la religion.

La société, le bonheur et les lois sont également les thèmes de prédilection de cette philosophie. Le dialogue est ainsi le lieu de rencontre des devoirs de l'individu et des préoccupations du législateur. Il faudrait faire, de Montesquieu à Mably, la liste des dialogues qui expriment l'aspiration au bonheur. Celle-ci n'est plus limitée, comme chez les théologiens, par le péché originel, mais par des vices inhérents à l'évolution des moeurs. La nature humaine est réhabilitée, mais on découvre que la société peut aussi la corrompre. Le constat commence par une discussion sur le luxe. Dès 1701, les

Dialogues entre MM. Patru et d'Ablancourt sur les plaisirs (d'attribution contestée) opposent la frugalité

antique à l'intempérance moderne. Malgré des divergences significatives, les interlocuteurs de ces dialogues semblent aussi peu attirés par l'austérité janséniste que l'épicurisme mondain. Le compromis qui se dessine est plutôt celui d'une société régie par les besoins de « la simple nature ». L'idée d'une morale naturelle entre ainsi peu à peu en concurrence avec l'enseignement de la morale chrétienne sans nécessairement la contredire. Chez d'autres auteurs, la recherche du bonheur ici-bas prend la forme d'une condamnation des métaux précieux. Dans les Dialogues curieux de La Hontan (1703), le Huron Adario voit dans l'usage de la monnaie l'origine des maux qui frappent la civilisation européenne : « Je dis donc que ce que vous appelez argent est le démon des démons, le tyran des Français, la source de tous les maux, la perte des âmes et le sépulcre des vivants ». C'est ce même culte des métaux précieux que Montesquieu dénonce par la bouche du Lacédémonien Xantippe, dans le Dialogue de Xantippe et de Xénocrate rédigé en 1723. Ces discussions sur le luxe ou l'acquisition des richesses, parfois contemporaines du Système de Law, prennent place dans le cadre d'une réflexion plus générale sur la morale que l'on veut « naturelle ». Puisque le critère est désormais la Nature, les auteurs de dialogue doivent chercher des interlocuteurs chargés d'exprimer cette nature de façon

402 John Locke, Deuxième traité du gouvernement civil, trad. B. Gilson, Vrin, 1967, IV, 21, 4.

403 Dialogues sur la religion naturelle, édition d'un anonyme du XVIII° siècle, Edimbourg, 1779, p. 120; Enquête sur les principes de la morale, éd. Flammarion, G-F, 1991, p. 82.

exemplaire. Ainsi, on ne se contente plus de louer le bon sauvage, on le fait parler. Si l'opposition de l'homme naturel et de l'homme civilisé traverse toute la littérature des Lumières, et n'est pas réservée au dialogue, cette confrontation critique trouve là un mode d'expression particulièrement adapté. On peut s'interroger sur le traitement, philosophique ou non, de ces thèmes récurrents. A cet égard, le fait que les Dialogues de La Hontan soient parmi les plus aptes à représenter le dialogue des Lumières est révélateur de la force et de la faiblesse du genre. La simplification de l'argumentation, la caricature des thèses que l'on prétend combattre, montrent à quel point le dialogue des Lumières est une forme au service du militantisme philosophique plutôt que de la philosophie. La spécificité de ces dialogues réside donc autant dans le choix des sujet que dans le choix des interlocuteurs et des topiques du discours qui ont en eux-mêmes une valeur critique. La principale originalité de ces mises en scènes est la production d'une extériorité, comme une condition posée à l'élaboration de la connaissance. L'invention de l'extériorité est le premier moment de cette généalogie critique de la signification en jeu dans le dialogue. Comme le remarque Jean-Marie Goulemot, « le philosophe, qui se déclare concerné par le social, ne peut pourtant ni décrire ni analyser la société dans laquelle il vit - son organisation, ses pratiques, son idéologie - s'il ne parvient à se situer en dehors d'elle pour la poser dans sa radicale étrangeté comme un objet de connaissance. Il n'y a de philosophie que par constitution d'une extériorité»404. Dans le genre qui nous occupe, cette extériorité n'est pas produite par le dialogue tout seul, comme mode de discours, mais par le dialogue en tant qu'il mobilise d'autres

figures que celles admises par le discours rationaliste traditionnel, un autre espace ou un autre temporalité.

Extériorité et altérité critique.

Au premier chef, le dialogue est bien un exercice critique parce qu'il se présente comme la confrontation de points de vues. Il faut prendre ici l'expression points de vues au sens strict. Selon la position dans laquelle on se place, le même objet paraît proche ou lointain, uniforme ou varié. Cette position mérite d'être analysée non seulement à travers la relation spécifique que les sujets du discours instaurent avec l'objet qu'ils examinent (perspective verticale), mais aussi à travers le rapport d'un sujet à un autre sujet qui modifie sa relation au monde environnant (perspective horizontale). Cette différence d'approche sous-tend la division entre les deux chapitres qui vont suivre.

Le décentrement du sujet et la relativisation des points de vues.

La catégorie fondamentale à laquelle il faut revenir pour penser la différence au XVIII° siècle est celle de l'espace. L'époque où les Lumières prennent leur essor correspond à la fin d'une longue période durant laquelle l'image du monde s'est profondément modifiée, et qu'Alexandre Koyré a désignée comme le passage « du monde clos à l’univers infini »405. La destruction du Cosmos et l'extension de l'univers qui s'accroît de Copernic à Newton, ouvre de nouveaux espaces à la pensée philosophique - en même temps qu'elle bouleverse ses repères. Durant tout le Grand Siècle, la tendance du rationalisme européen à se penser comme le centre était sensible dans le regard que le

404 Jean-Marie Goulemot, La Littérature des Lumières en toutes lettres, Bordas, 1989, p. 132. 405 Alexandre Koyré, Du monde clos à l'univers infini, [1957], trad. de l'anglais, Gallimard, 1991.

l'homme portait sur l'univers (géocentrisme), sur la Divinité (anthropocentrisme)406, comme sur les êtres et le monde alentour (européocentrisme). A l'aube du XVIII° siècle, la notion de centre est de plus en plus problématisée. La cosmologie nouvelle induite par la révolution copernicienne s'accompagne aussi d'une nouvelle cartographie. L'exploration méthodique du monde par les voyageurs et l'extension des connaissances géographiques constituent une seconde Renaissance. Les philosophes des Lumières vont tirer les conséquences de ces transformations dans le sens d'une relativisation des valeurs. A contrario, si La Bruyère, dans le dernier chapitre des Caractères, s'en prend vivement aux récits de voyage, c'est peut-être parce que l'élargissement du monde ébranle les dogmes et les certitudes acquises. On a souvent mis l'accent sur cette nouvelle donne anthropologique : la découverte d'autres continents et d'autres cultures entraîne un élargissement de l'espace géographique et de l'espace moral, tandis que la notion de centre devient problématique. Il faut pourtant rappeler la permanence des normes classiques dans la philosophie des Lumières, qui postule que la vérité est universelle tandis que l'erreur est particulière. Pour Voltaire, par exemple, la vérité est au centre : « le centre où tous les hommes se réunissent dans tous les temps et dans tous les lieux est donc la vérité, et les écarts de ce centre sont donc le mensonge » (Profession de foi des théistes, XXVII, 56). La différence capitale avec le discours théologique du siècle précédent, est que le centre est désormais commun à tous les hommes, c'est-à-dire à tous les espaces et à tous les temps. La notion de centre est donc ici au service d'un universalisme humaniste, bien différent de l'anthropocentrisme traditionnel.

Il faut envisager la manière dont la littérature va accomplir cette rupture, selon une stratégie d'écriture que l'on peut qualifier de "décentrement" méthodologique. Puisque le discours critique constitue une mise à distance des principes et des préjugés communs à une culture, les auteurs philosophes vont placer leurs personnages dans une position excentrée. L'exemple le plus courant est celui fourni par les oeuvres qui relatent une expérience de voyage dans l'espace ou le temps : voyages probables ou improbables où le merveilleux fait bon ménage avec la réflexion philosophique. On n'insistera pas sur cette expérience qui n'est pas propre au dialogue407 mais dont le dialogue tire profit : certains entretiens philosophique s'ouvrent ainsi sur une relation de voyage, dont le commentaire est prétexte à une discussion argumentée. L'ouvrage le plus célèbre est sans doute le

Supplément au Voyage de Bougainville de Diderot, mais le procédé est utilisé dans d'autres textes

importants bien que moins connus, tels les Dialogues d'Evhémère de Voltaire, ou le Dialogue qui termine l'Enquête sur les principes de la morale, de Hume. Dans cet entretien écrit à la manière de Swift, Hume montre que la diversité des usages empêche toute conception normative de la morale. La fiction du voyage permet en outre de jeter un regard ironique sur les moeurs de l'Angleterre du

406 Sur cette prétention anthropocentriste, on comparera la prudence de Descartes (« Car encore que ce soit une pensée pieuse et bonne, en ce qui regarde les moeurs, de croire que Dieu a fait toutes choses pour nous (...) il n'est toutefois aucunement vraisemblable que toutes choses aient été faites pour nous, en telle façon que Dieu n'ait eu aucune autre fin en les créant », Principes de la Philosophie, 3° partie, article 3) à la raillerie de Fontenelle : « Notre folie à nous autres, est de croire que toute la nature, sans exception, est destinée à nos usages; (...). Sur ce principe on ne manqua pas d'abord de s'imaginer qu'il falloit que la Terre fût en repos au centre de l'univers, tandis que tous les Corps célestes qui étoient faits pour elles, prendroient la peine de tourner alentour pour l'éclairer », (Entretiens, éd. citée, Premier soir, p. 23-24; nous soulignons).

407 On peut remarquer, en revanche, que ce type de littérature fait une large place au dialogue. Ainsi, dans La Terre Australe connue de Jacques Sadeur (chap. 5, 6 et 7), on voit une espèce de philosophe sauvage - le « vénérable vieillard » - discuter avec le protagoniste de la libre pensée des hermaphrodites australiens. Et les passages les plus suggestifs du Micromégas de Voltaire, sont de véritables conversations philosophiques (chap. 2 et surtout le chap. 7, qui est aussi la conclusion du texte).

XVIII° siècle. Comme pour ajouter à cette prise de distance, Hume donne des exemples de « philosophie extravagante » choisis dans le temps (Diogène pour les anciens, Pascal pour les modernes). L'expression est bien à prendre au pied de la lettre : , cette philosophie est en effet la seule qui puisse nous faire sortir des sentiers battus et des lieux communs. Le dispositif du dialogue est donc à double détente. Le voyage de Hume oblige l'esprit à quitter son centre; une première fois en l'arrachant à ses repères géographiques, une seconde fois en le confrontant à des modes de pensée singuliers. A la position excentrée du philosophe, s'ajoute ainsi un point de vue excentrique.

Dans d'autres cas, la production de l'extériorité est purement discursive. Il s'agit alors d'une opération mentale dont le dialogue peut être l'instrument privilégié. En homme de science, le Père Regnault a vu tout le parti qu'on pouvait tirer d'une telle forme. Il semble qu'on puisse établir un lien entre son projet intellectuel et le choix qu'il fait du dialogue :

La plupart des objets sont forts composés, ils ont beaucoup de faces; et notre esprit qui est toujours borné (...) a peine à les étudier toutes; il s'attache à quelques unes. (...). Mais plusieurs esprits pénétrants regardent la même chose par divers endroits. (...). La vérité s'offre de tous côtés, quand on l'aime assez pour la saisir avec le même plaisir de quelque part qu'elle vienne, vint-elle d'un enfant, d'un ennemi408.

Pour le Père jésuite, un seul esprit ne peut appréhender le même objet sous différentes faces et selon différents points de vue. S'il requiert le concours de plusieurs intelligences c'est pour rendre à la nature toute sa complexité, comme on observe un objet à trois dimensions. Les remarques du Père Regnault témoignent d'une épistémologie d'un genre nouveau, qui trouve dans la méthode dialogique un supplément d'objectivité. La vérité est une mais on peut l'appréhender par divers côtés409. Dans les Entretiens sur la pluralité des mondes, Fontenelle illustre superbement ce postulat théorique. En choisissant d'une part, des interlocuteurs d'horizons idéologiques différents (un savant, une marquise), d'autre part un sujet qui engage par lui-même la notion de diversité (la pluralité des mondes), le philosophe augmente l'effet dialogique. S'il n'y a rien d'étonnant à ce que les problèmes d'astronomie discutés dans les Entretiens posent la question de la place de l'homme dans l'univers, plus étonnante en revanche est la manière dont le texte mime sa propre démarche intellectuelle. A force de visions - moitié philosophiques et moitié poétiques - mais aussi à coups de traits d'esprit et d'humour, les Entretiens produisent ainsi une sorte de théorie de la relativité générale. L'aspect le plus important de cette oeuvre complexe tient au décentrement du sujet qui nous est proposé, décentrement auquel il faut attribuer une valeur critique car il engage comme on va le voir une critique du jugement, de son origine, de ses fondements.

Le résultat des observations astronomiques du philosophe est sensible dès le Premier Soir, puisque l'abandon du géocentrisme va modifier radicalement le système de pensée de la marquise. En effet,

408 Le Père Regnault, Logique en forme d'entretiens, ou l'art de trouver la vérité, Paris, 1762 (dernier entretien, p. 261-262). 409 On trouve moins de certitude chez Diderot et les philosophes matérialistes pour qui « la recherche de la vérité est un processus de type probabiliste » comme le remarque Michel Baridon (« Imaginaire scientifique et voix humaine », in L'Encyclopédie, Diderot, l'esthétique, Mélanges en hommage à Jacques Chouillet, PUF, 1991, p. 118). C'est en partie ce qui explique la complexité organique des dialogues de Diderot.

1) la notion de centre devient elle-même problématique, et se trouve prise dans un réseau de relations où le monde physique et le monde social sont apparentés. La théorie copernicienne a remis l'homme à sa juste place dans l'univers, et ce n'est pas sans conséquences sur le plan anthropologique :

Croyés-vous m'avoir humiliée, pour m'avoir appris que la Terre tourne autour du Soleil? Je vous jure que je ne m'en estime pas moins. Mon Dieu, Madame, repris-je, je sçai bien qu'on sera moins jaloux du rang qu'on tient dans l'Univers, que de celui qu'on croit devoir tenir dans une chambre, et que la préséance de deux Planètes ne sera jamais une si grande affaire, que celle de deux Ambassadeurs. Cependant la même inclination qui fait qu'on veut avoir la place la plus honorable dans une cérémonie, fait qu'un philosophe dans un système se met au centre du Monde, s'il peut. Il est bien aise que tout soit fait pour lui; il suppose peut-être sans s'en apercevoir ce principe qui le flatte, et son coeur ne laisse pas de s'interesser à une affaire de pure spéculation. Franchement, répliqua-t-elle, c'est là une calomnie que vous avez inventée contre le Genre humain. On n'auroit donc jamais dû recevoir le Sistême de Copernic, puisqu'il est si humiliant410.

On voit au passage comment Fontenelle se moque des résistances que l'héliocentrisme a provoqué dans l'orthodoxie spirituelle du XVII° siècle. La voix de la marquise rejoint ironiquement celle du parti dévot, mais en la déformant et réduisant son argumentation originelle (la Création divine met l'homme au centre de l'univers) à un pur réflexe égocentrique.

2) le mouvement conjoint de la terre et des planètes affecte autant l'objet observé que le sujet observant. Apparaît alors pour la première fois la notion essentielle de points de vue :

Nous marchons, et les autres Planètes marchent aussi, mais plus ou moins vîte que nous; cela nous met dans différens points de vûë à leur égards, et nous fait paroître dans leurs cours des bizarreries dont il n'est pas nécessaire que je vous parle. Il suffit que vous sçachiés que ce qu'il y a d'irrégulier dans les Planètes, ne vient que de la diverse manière dont notre mouvement nous les fait rencontrer, et qu'au fond elles sont toutes très-réglées411.

A ce moment du texte, se pose déjà clairement la question des rapports entre l'être et le paraître, entre le faux et le vrai, le régulier et l'irrégulier : tout dépend du « point de vue » que l'on adopte. La suite du dialogue va jouer de cette permutation des regards. La description de la rotation de la terre sur elle-même met sens dessus-dessous l'imagination des interlocuteurs : suspendus dans l'air à la verticale du lieu où ils se trouvent, ils voient défiler en vingt quatre heures d'autres habitants du monde, Anglais, Iroquois ou Tartares, c'est-à-dire d'autres modes de vies et d'autres systèmes de pensée412. Ce mouvement spéculaire n'acquiert véritablement une valeur critique que dans le Second Soir. Partant de l'hypothèse « que la lune est une terre habitée », le narrateur entraîne la marquise

410 Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des mondes, éd. citée p. 30-31. 411 Ibid, p. 34 (nous soulignons).

dans une réflexion sur la connaissance qui s'inspire de l'argumentation cartésienne sur l'expérience trompeuse des sens. Pour le bourgeois de Paris « qui ne sera jamais sorti de sa ville », la connaissance du monde réel reste circonscrite au seul espace qui s'offre à son regard : « On lui demandera s’il croit que Saint-Denis soit habité comme Paris. Il répondra hardiment que non ; car, dira-t-il, je vois bien les habitants de Paris, mais ceux de Saint-Denis je ne les vois point, on n’en a jamais entendu parler ». Et le philosophe de conclure : « Notre Saint-Denis c’est la lune, et chacun de nous est ce Bourgeois de Paris, qui n’est jamais sorti de sa ville »413. La lune et la terre ne sont pas si dissemblables qu'il y paraît. Cette idée de la pluralité des mondes peut donc avoir plusieurs degrés de signification. Elle

Dans le document Le dialogue d’idées au 18e siècle (Page 116-149)