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INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE

INTRODUCTION : VERS UNE THEORIE GENERALE DU VIEILLISSEMENT

2. Les théories du vieillissement

2.2. Les théories évolutionnistes

A l’état sauvage, dans la plupart des espèces, un individu a très peu de chance de mourir sous l’effet du vieillissement, il mourra beaucoup plus souvent sous l’effet de la prédation. Le vieillissement, comme processus d’élimination des individus les plus âgés dans la population, semble paradoxal dans cette perspective. Le vieillissement apparaît le plus souvent dans les contextes de domestication ou de civilisation et a peu de chance de se rencontrer à l’état naturel.

Les études qui s’intéressent aux mécanismes de l’évolution des espèces résolvent des paradoxes, tel que la limitation de la longévité sans que mort et vieillissement représentent des adaptations avantageuses ni pour les individus, ni pour les espèces.

Revenons sur les travaux de Weismann (1892 ; Kirkwood et Cremer 1982) et leur cadre théorique : la théorie darwinienne de l’évolution des espèces. C’est dans ce cadre que Weismann veut expliquer les caractères héréditaires tel que la longévité ou le vieillissement dans leurs significations biologiques. La première voie explorée par celui-ci est celle de comprendre la mort naturelle comme un phénomène d’adaptation en terme utilitaire, la disparition des plus âgés étant utile au niveau de la population ou de l’espèce, si elle ne peut l’être au niveau de l’individu.

Cette adaptation, au niveau de l’individu, met en place une nécessité de reproduction et l’opportunité de la mort, “car les individus usés n’ont aucune valeur pour l’espèce, ils lui sont même nuisibles, en prenant la place de ceux qui sont sains”.

Cette réflexion a été dénoncée par de nombreux auteurs pour sa circularité. En effet, comment expliquer un processus qui éliminerait les individus âgés ? Les “jeunes” sont de toute façon en meilleure condition et prendront le place des “âgés”, qui sont désavantagés devant toute compétition ou adaptation de leurs congénères, sans la nécessité d’élaborer un mécanisme d’élimination. Dans ces travaux postérieurs, Weismann suivit de nouvelles orientations, mais sans renier ses idées initiales, ce qui a engendré de nombreuses confusions sur ses idées (Kirkwood et Cremer, 1982).

Il posa une distinction entre les cellules germinale et somatique. Pour assurer la succession des générations, il est nécessaire de maintenir “l’immortalité” des cellules reproductrices, ce qui implique une aptitude à la division cellulaire illimitée. Cette immortalité est potentielle, car aucun individu n’est assuré d’arriver à l’âge de reproduction, et partielle car il y a brassage de la lignée maternelle et paternelle, mais elle reste indispensable à la conservation de l’espèce et de la vie. Le reste du corps : le soma n’a pas besoin d’être éternel, il pourrait en principe disparaître dès qu’il a transmis ces cellules reproductrices pour produire au moins un descendant.

En 1891, Weismann développa, dans sa théorie de l’évolution régressive, un nouveau point de vue sur une élimination des vieux au profit de l’espèce. “Toute fonction et tout organe disparaissent dés qu’ils deviennent sans valeur pour la préservation de l’espèce” (c’est-à-dire sa valeur reproductive ; Kirkwood et Cremer, 1982).

Cette valeur est illustrée par exemple avec les animaux cavernicoles dont la vision est faible, et dont les organes de la vue ont régressé. La perte de fonction traduit en fait le relâchement de la sélection naturelle. La vision, ou l’immortalité des individus, devient inutile en tant que fonction, et la valeur sélective de cette fonction devient nulle. Ainsi, dans l’idée de Weismann, la perte de l’immortalité permettrait de libérer des ressources potentielles. Les cellules somatiques affranchies d’une contrainte de survie débuteraient de nouvelles perspectives, incluant l’apparition de la mort naturelle. La théorie de l’évolution pourrait expliquer la mort naturelle sans que celle-ci apporte un avantage direct.

Dans la lignée de ce raisonnement, mais en des termes de génétique moderne, les théories de Medawar (1952) et de Williams (1957) apporte une nouvelle notion de “valeur reproductive”

au sein des espèces.

La sélection naturelle est très efficace lorsque l’organisme accède à la maturité car le potentiel reproductif d’un individu adulte est à préserver. L’efficacité de la sélection naturelle est moindre avant et après cet âge, ce qui expliquerait que le taux de mortalité diminue avec l’âge jusqu’à la maturité sexuelle, puis augmenterait ensuite. Le lien entre reproduction et vieillissement tiendrait au fait du relâchement de la sélection naturelle à la maturité reproductive. Le vieillissement ne serait pas programmé par l’évolution, mais plutôt une conséquence secondaire des processus évolutifs : c’est la théorie de l’accumulation des mutations délétères à des âges avancés de Medawar (1952).

Ces théories instaurent un lien entre croissance et longévité. Williams (1957) a constaté que la croissance indéfinie des adultes est liée à l’augmentation continue de leur fécondité, et augmente donc leur valeur reproductive avec l’âge. La sélection naturelle est toujours

“active” : les processus de vieillissement n’apparaissent pas ou sont imperceptibles (sénescence négligeable). Mais le lien entre croissance et longévité ne serait qu’une relation d’opportunité. La limitation de la longévité, par le vieillissement, aurait pu apparaître au cours de l’évolution, dans les espèces à croissance limitée parce que leur fécondité n’augmente pas avec l’âge ( sénescence progressive).

En ce qui concerne la sénescence rapide, comme par exemple les saumons, dont les individus achèvent leur développement par un cycle reproductif unique et meurent aussitôt, la théorie évolutionniste explique que la sélection naturelle a favorisé les individus les plus efficaces lors de leur première tentative, car les membres de ces espèces n’avaient qu’une très faible chance de se reproduire une seconde fois. Ce mode de reproduction serait un moyen d’optimiser le succès reproductif individuel.

Williams (1957) a avancé une hypothèse supplémentaire pour mieux rendre compte de l’inefficacité de la sélection naturelle envers les mutations qui ont un effet sur les individus âgés : la pléiotropie antagoniste. Certains gènes peuvent avoir un effet bénéfique sur un individu jeune et conférer un effet délétère ou défavorable sur l’individu âgé. L’exemple proposé par Williams à l’époque était celui d’un gène impliqué dans la fixation du calcium.

Une mutation entraînant une fixation plus efficace serait favorable en période de croissance lors de la formation du squelette osseux, mais serait néfaste plus tardivement à l’organisme avec l’avancé en âge, en accélérant par exemple la calcification des tissus artériels.

Il existe une probabilité à ce que l’individu devienne âgé, mais la sélection naturelle pourra retenir ce gène favorable à l’individu jeune.

Kirkwood a développé et précisé ces idées dans une thématique “Weismannienne” de la théorie du soma jetable (Kirkwood 1977 ; Kirkwood et Holliday 1979). Il souligne que la

seule finalité biologique de l’organisme est d’assurer la continuité de la lignée germinale.

L’efficacité du “succès reproductif” est le principal critère de la sélection naturelle. Il installe un arbitrage permanent dans l’organisme entre les exigences de la survie et celle de la reproduction.

L’organisme, tout le long de son cycle de vie, est sans cesse confronter à faire un choix : doit-il affecter ses ressources en énergie et en matières premières à sa propre survie ou bien à la survie de sa propre lignée germinale ? Ce choix est illustré par les expériences de restriction calorique : en diminuant l’apport calorique, les animaux sont moins fertiles voire stériles mais augmentent leur longévité. Dans certains cas, la diminution de la fertilité est compensée par des procréations jusqu’aux grands âges.

Les théories évolutionnistes estiment donc qu’il n’y a pas de programmation active et délibérée du vieillissement et de la mort naturelle des organismes pluricellulaires. Ces processus sont des effets secondaires inéluctables du mode d’action de la sélection naturelle.

Elles fondent une alternative de type passif/actif.

La sélection naturelle serait seulement passive : c’est l’hypothèse du fardeau mutationnel. Elle s’avère impuissante face aux mutations délétères des individus âgés car leurs effets ont lieu en marge de la période “protégée” de celle-ci. Dans cette perspective, sénescence et mort sont des échecs inévitables de la sélection naturelle, d’autant plus que les effets sont tardifs (s’y intègre la théorie de Medawar 1952).

La sélection naturelle est active, mais de manière indirecte : c’est l’hypothèse de l’optimisation du cycle de vie (Williams 1957 ; Kirkwood 1977). Elle confère un avantage sélectif précoce même si c’est au détriment de la longévité : la longévité dépend en partie des gènes, et certaines combinaisons de gènes préexistants dans une population hétérogène confèrent une plus grande longévité. L’accroissement de la longévité semble se faire au dépend de la reproduction.

Les deux conceptions sont recevables et explicatives sans que l’on puisse trancher entre elles.

De nombreuses recherches sont élaborées à partir de ces théories pour mettre en évidence les mécanismes biologiques fondamentaux du vieillissement. Les approches expérimentales incluent les études de prolifération in vitro et de sénescence proliférative sur les cellules mitotiques pour établir des relations entre le vieillissement cellulaire et celui de l’organisme.

L’étude des télomères a mis en évidence leurs rôles dans la sénescence cellulaire. Il a été démontré que des gènes (appelés anti-oncogènes) sont exprimés dans la sénescence cellulaire

et les cancers, ce qui impliquerait une symétrie des mécanismes. Les facteurs héréditaires de longévité chez l’homme sont examinés ainsi que l’apoptose (pour une revue globale des voies étudiées dans un axe évolutionniste voir Klarsfeld et Revah, 2000).

Le vieillissement et le métabolisme énergétique présentent des intérêts dans la perspective évolutionniste. Notamment la théorie des radicaux libres de Harman reliée aux mitochondries (1972). La diminution de la synthèse d’ATP dans les cellules post-mitotiques entraînent des effets beaucoup plus importants. Il y a une augmentation de la division des mitochondries pour compenser la perte d’énergie, mais ces divisions augmentent le nombre de mitochondries déficientes. Donc, dans les cellules post-mitotiques la sélection amplifie préférentiellement les génomes mitochondriaux porteurs de mutations délétères. L’oxygène, nécessaire à la vie, porte aussi le vieillissement au travers des produits de sa métabolisation. Il y a une augmentation des dommages avec l’âge dus aux radicaux libres, et l’augmentation des dommages est exponentielle comme le taux de mortalité. La théorie des radicaux libres liant la longévité offre une vision nouvelle par rapport à la théorie du taux de vie de Pearl : la consommation énergétique n’est pas le facteur déterminant de la longévité, ce sont les produits secondaires, les radicaux libres, qui l’endommagent. La longévité dépendrait du taux de production associé de radicaux libres, ou encore, de l’efficacité des systèmes d’élimination.

CHAPITRE 1 : LA MITOCHONDRIE

Introduction : La conversion de l’énergie

Les mitochondries sont des organites présents dans toutes les cellules eucaryotes et peuvent être représentées en plusieurs centaines dans une cellule humaine typique. Elles sont essentielles au fonctionnement cellulaire car elles effectuent la plupart des oxydations cellulaires et produisent des molécules d’ATP (Adénosine triphosphate) nécessaires au fonctionnement énergétique des cellules par l’intermédiaire de nombreuses enzymes de conversion et par la chaîne de phosphorylation oxydative.

Les mitochondries sont des organites indépendants mais sont sous un double contrôle génétique. La majorité des protéines mitochondriales sont codées depuis le génome nucléaire, l’autre partie par l’ADN mitochondrial. En effet, l’hypothèse généralement admise est que les organites qui convertissent l’énergie des cellules eucaryotes proviennent de procaryotes primitifs incorporés il y a environ 1,9 milliards d’années. Ceci expliquerait pourquoi les mitochondries (ainsi que les chloroplastes dans le règne végétal) possèdent leur propre ADN.

Cependant la relation symbiotique développée entre les deux types cellulaires est devenue largement dépendante. Ainsi les mitochondries ont perdu une grande partie de leur génome et sont devenues dépendantes des protéines codées par les gènes nucléaires, synthétisées dans le cytosol et importées dans les organites. Les cellules hôtes sont-elles aussi devenues dépendantes des mitochondries en ce qui concerne la production d’ATP nécessaire aux biosynthèses cellulaires, aux pompages des ions et des solutés.

La molécule d’ADN mitochondrial (ADNmt) humaine est représentée par un double brin ADN circulaire de 16569 pb (paire de bases) qui code treize polypeptides de la chaîne de phosphorylation oxydative, deux ARN ribosomiques et vingt deux ARN de transfert. Le taux de mutation est plus élevé que celui des gènes nucléaires, mais la plupart des mutations ADNmt sont des polymorphismes neutres qui sont accumulés séquentiellement dans les lignées maternelles. Ces polymorphismes ont créé des groupes d’haplotypes ADNmt ou haplogroupes (voir Crubézy et al. 2002 p13). La variation de séquence ADNmt peut être utilisée dans les constructions phylogénétiques qui permettraient d’expliquer les relations d’évolution entre les séquences individuelles.

1. La mitochondrie

1.1. Structure

Une cellule humaine typique comporte plusieurs centaines de mitochondries (jusqu’à 2000 pour les cellules hépatiques) dont elles sont dépendantes pour leurs formations énergétiques aérobies. La mitochondrie est caractérisée par sa double membrane qui joue un rôle important dans la conversion de l’énergie. Chacune de ses membranes est spécialisée et définit deux compartiments séparés, l’espace matriciel et l’espace inter membranaire (figure 2).

Figure 2 : Organisation générale d’une mitochondrie.

Quatre régions peuvent être visualisées : les membranes externe et interne, la matrice (espace matriciel) et l’espace inter-membranaire.

(Sur http://www.creaturesfrance.free.fr)

La membrane externe contient de nombreuses copies d’une protéine de transport appelée porine et est donc perméable aux molécules ≤ à 10 000 daltons, tandis que la membrane interne est imperméable aux ions grâce à un phospholipide double appelé cardiolipine et est repliée en de nombreuses crêtes qui augmentent sa surface totale. Elle contient des protéines réparties en trois fonctions : les protéines réalisant les réactions d’oxydation dans la chaîne respiratoire, un complexe enzymatique, l’ATP synthétase, qui fabrique l’ATP dans la matrice et des protéines de transport spécifiques. C’est à partir de cette membrane imperméable aux ions que peut s’établir le gradient électrochimique nécessaire au fonctionnement de l’ATP synthétase. L’espace inter membranaire contient plusieurs enzymes qui utilisent l’ATP pour phosphoryler d’autres nucléotides. La matrice est un mélange de nombreuses enzymes, incluant celles nécessaires à l’oxydation du pyruvate et des acides gras et au cycle de Krebs.

Elle contient également plusieurs copies de l’ADNmt, des ribosomes mitochondriaux particuliers, des ARN de transfert et des enzymes dédiées à l’expression des gènes mitochondriaux.

Les mitochondries sont des organites très mobiles et sont souvent associées aux microtubules lors de leurs déplacements dans le cytoplasme. Dans certains types cellulaires, elles restent immobilisées sur une position et fournissent directement de l’ATP à un site de consommation : par exemple, entre des myofibrilles adjacentes dans une cellule du muscle cardiaque, ou enroulées autour du flagelle du spermatozoïde (figure 3).

Figure 3 : Localisation des mitochondries à proximité des sites à forte consommation d’ATP.

Ici dans le muscle cardiaque et dans une queue de spermatozoïde.Selon Alberts et al. 1994. 2° éd Médecine Flammarion.