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Les mécanismes de réparation de l’ADN mitochondrial

INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE

CHAPITRE 2 : LE STRESS OXYDATIF

3. Les mécanismes de réparation de l’ADN mitochondrial

Nous sommes, en tant qu’individu, constamment exposés dans notre environnement à une multitude de causes qui peuvent induire des dommages cellulaires. La cellule qui subit un stress réagit par l’expression de très nombreux gènes : des enzymes anti-oxydantes, des enzymes de réparation de l’ADN, des protéines de choc thermique, des protéines liées au transport du glucose, des facteurs de transcription, des messagers secondaires, etc. Si le stress n’est pas trop important, l’ensemble cellulaire est rééquilibré, sinon il mène au vieillissement et à la mort cellulaire. Mais, la réponse cellulaire à un stress nécessite de l’énergie et la quantité d’énergie produite diminue avec l’âge. De plus, les cellules différenciées et post-mitotiques sont plus sensibles au stress oxydatif (cellules nerveuses et musculaires).

Les modèles de réparation de l’ADN nucléaire sont beaucoup mieux compris que dans la mitochondrie. De nombreux gènes humains ont été identifiés et des tests in vitro ont été réalisés pour caractériser les modèles biochimiques et les interactions de protéines impliquées dans la réparation de l’ADN nucléaire.

Figure 14 : Modèles de réparation de l’ADN dans le noyau et la mitochondrie des cellules de mammifères.

Selon Bohr et al. 2002. Gene 286 : 127-134.

La réparation de l’ADN dans le noyau prend place suivant plusieurs modèles (figure 14 ; Lindahl et Wood 1999 ; Larsen et al. 2005). Le mode NER (nucleotide excision repair) élimine les lésions induites par les UV, les grandes lésions ADN formées par beaucoup de produits chimiques. C’est le modèle le mieux caractérisé actuellement, plusieurs protéines participent directement à ce processus. Un autre système de réparation très important est le modèle BER (base excision repair) (Wilson et Kunkel 2000). Ce système élimine la plupart des lésions oxydantes.

Dans la mitochondrie, des systèmes de réparation existent mais pourraient différer sur certains points des systèmes nucléaires (figure 14). Le système de réparation directe (DR : direct repair ou direct reversal) serait effectif à partir d’un variant mitochondrial de la protéine nucléaire. Le système NER si important dans le noyau ne serait probablement pas présent dans la mitochondrie après de nombreuses études. La réparation des mésappariements (MMR : Mismatch repair) serait active dans la mitochondrie mais il n’est pas très clair pour l’instant que le système soit similaire au nucléaire. Les cassures double brin de l’ADN sont restaurées par une réparation recombinante (RER : recombinational repair) par des protéines adressées à la mitochondrie (pour une revue complète des systèmes de réparation voir Larsen et al. 2005).

Le système BER est assez bien décrit dans la mitochondrie, de plus c’est un système important dans les dommages oxydants induits par les ROS sur l’ADN (figure 15). De nombreuses études ont été réalisées sur ce modèle et nous allons parler plus précisément de la lésion 8-oxoG et de son mode d’excision réparation par la protéine OGG1 (Oxoguanine DNA Glycosylase 1) qui joue un rôle majeur dans la protection du génome mitochondrial lors de stress oxydant, de mutation et de vieillissement.

Figure 15 : Les sous-modèles de réparation et d’excision des bases.

A et B représentent des nucléotides uniques (ou short patch) ou A est initié par clivage de AP-endonucléase et B est initié par clivage de la glycosylase associée à AP-lyase. C représente une réparation sur une partie plus longue. Selon Hashigushi et al. 2004. Mitochondrion 4 :

215-222.

Le système BER est initié par une enzyme DNA glycosylase qui reconnaît la base modifiée et l’élimine (figure 15). Dans les cellules eucaryotes, la réparation de 8-oxoG est initiée par l’enzyme Oxoguanine DNA Glycosylase 1 (OGG1). Par la suite, des enzymes endonucléases (AP-endonuclease ou AP-lyase ; AP : sites apuriniques ou apyrimidiques) coupent le site sans base résultant de l’action de la glycosylase, générant une cassure simple brin. Le processus de réparation a lieu à travers deux sous-modèles, le remplacement d’un seul nucléotide (ou short-patch : A et B) et une réparation d’une plus longue partie d’ADN (long-patch : C) dépendant de la nature finale du brin lors de la coupure. Dans le noyau, la polymérase β est la polymérase majeure de ce système BER et le emplacement d’un seul nucléotide semble être le modèle prédominant dans la réparation des bases oxydées 8-oxoG et TG (Dianov et al. 2003).

Les dernières indications pour un mécanisme BER dans la mitochondrie viennent de l’isolement d’une endonucléase mitochondriale de mammifère qui reconnaît spécifiquement les sites AP et coupe le brin ADN (Tomkinson et al. 1988). Pinz et Bogenhagen (1998) ont purifié une ligase mitochondriale qui paraîtrait proche de la ligase III nucléaire. Ces localisations mitochondriales d’enzymes impliquées dans le système BER ont fourni des preuves pour un modèle BER efficace dans les mitochondries de mammifères. Une endonucléase spécifique aux dommages oxydants (mtODE, mitochondrial oxidative damage

endonuclease) a été purifiée à partir de mitochondries de foie de rats (Croteau et al. 1997).

Cette enzyme introduit une cassure simple brin sur les sites 8-oxoG et serait une AP-lyase/glycosylase putative. La mtODE est en fait l’isoforme mitochondriale de la glycosylase OGG1 présente dans le noyau nucléaire (Souza-Pinto et al. 2001a). La protéine OGG1 est une glycosylase ADN majeure pour la réparation des lésions 8-oxoG dans l’ADN. C’est une glycosylase bifonctionnelle, avec une activité AP-lyase, coupant l’ADN sur les sites abasiques par un mécanisme de β-élimination (Radicella et al. 1997). L’existence de deux séquences cibles mitochondriale et nucléaire ont suggéré que ce gène pourrait coder deux isoformes nucléaires et mitochondriales. Les études avec des constructions de protéines fluorescentes transfectées sur des cellules de mammifères ont confirmé la localisation de OGG1 dans les deux compartiments (Seeberg et al. 2000). Il apparaît qu’il y est un dernier exon alternatif sur le gène ogg1 et que l’adressage différentiel dirige la protéine OGG1 vers le noyau (exon 7) ou vers la mitochondrie (exon 8) (Seeberg et al. 2000).

Bohr et al. (2002) ont montré que l’enzyme OGG1 est plus importante dans la réparation mitochondriale que nucléaire en travaillant avec des souris sauvages et délétées du gène ogg1.

Une perte complète de l’activité glycosylase sur le 8-oxoG dans les souris délétées du gène a été démontré alors que les activités d’excision sur d’autres bases oxydées par d’autres glycosylases sont fonctionnelles. La protéine OGG1 exerce donc un rôle important dans la réparation du 8-oxoG dans la mitochondrie (Souza-Pinto et al. 2001a). De plus, ces auteurs ont enregistré une augmentation l’activité de l’enzyme mtOGG1 avec l’âge dans le foie et le cœur de souris (Souza-Pinto et al. 2001b). Des résultats similaires sont obtenus dans les rats et les souris suggérant une réponse commune associée à l’âge dans les mammifères (Souza-Pinto et al. 1999; 2001b). Cette augmentation spécifique de l’activité d’excision suggère que la réparation des dommages oxydants sur l’ADN pourrait être induite dans la mitochondrie.

Donc, ces résultats montrent que la réparation de la 8-oxoG dans l’ADNmt ne décline pas avec l’âge, mais au contraire augmente. Ces résultats ne sont pas contradictoires avec les rapports d’accumulation de 8-oxoG avec l’âge. Un stade d’accumulation de dommages peut être causé par une augmentation du taux de formation ou par une diminution du taux d’élimination. Il est possible que le taux de formation de dommages dépasse la capacité de réparation de l’ADNmt menant à une accumulation ultime de dommages (Bohr 2002).

D’autres endonucléases sur les modèles animaux ont été découvertes. Une endonucléase nommée mtTGendo associant une activité glycosylase, qui reconnaît spécifiquement la base TG dans la mitochondrie, a été caractérisée (Stierum et al. 1999).

Des protéines pro-oxydantes ont été identifiées. Une enzyme glycosylase qui élimine les bases adénines appariées avec la base 8-oxoG, et donc qui contribue à la prévention de la mutation (Takao et al. 1999). Une 8-oxo-dGTPase humaine, qui empêche l’incorporation du 8-oxoG dans l’ADN a été localisée dans des mitochondries de mammifère (Kang et al. 1995).

Les recherches sur les fonctions de réparation dans la mitochondrie commencent à peine à être comprises, mais elles démontrent que la mitochondrie n’est pas aussi déficiente en système de réparation comme il a été longtemps pensé. L’accumulation de dommages ADN sur la mitochondrie pourrait être régulée ou réparée par des enzymes anti-oxydantes jusqu’à un certain équilibre. L’activité de réparation semble augmenter dans la mitochondrie avec l’âge alors qu’elle décline dans le noyau. Mais malgré cette augmentation de réparation, il y a encore une augmentation enregistrée des lésions oxydantes sur l’ADNmt avec l’âge. Cela suggère qu’il y aurait une augmentation importante de formation des lésions ADN et que les enzymes de réparation essayent de les contrebalancer mais avec des effets limités.

Le rôle de la mitochondrie dans le vieillissement implique de nombreux facteurs entraînant de des réactions en cascade (figure 16).

La chaîne de transport d’électrons est activement impliquée dans la synthèse de l’ATP couplée à la respiration qui consomme l’oxygène. Une fraction de cet oxygène est incomplètement réduite, menant à la fuite d’électrons qui génèrent des ROS et des radicaux libres organiques. Ces molécules peuvent être éliminées par des enzymes anti-oxydantes mais certaines échappent à cette dégradation et peuvent causer des dommages et des mutations aux molécules ADNmt situées prés de la membrane interne. Les molécules ADNmt sont transcrites et traduites pour produire des sous-unités déficientes qui sont assemblées en complexes et forment une chaîne de transport d’électrons défectueuse. Cette chaîne défectueuse est moins efficace à la synthèse d’ATP mais produit aussi plus de ROS, qui à leur tour produiront plus de dommages oxydants aux molécules mitochondriales. Ce « cercle vicieux » se propage d’une manière « âge dépendante », et il en résulte une accumulation en relation avec l’âge de dommages oxydants et de mutations ADNmt, ce qui mène ultimement à un déclin progressif de la fonction énergétique du tissu dans un processus de vieillissement.

D’un autre côté, les enzymes d’élimination des radicaux libres et les systèmes de réparation de l’ADN deviennent moins efficaces durant le processus de vieillissement. De plus, un niveau élevé de ROS peut induire directement apoptose par une cascade de changements sur les molécules mitochondriales.

Par conséquent, l’accumulation de dommages oxydants, de molécules ADNmt mutées et de mitochondries défectueuses peuvent agir synergétiquement pour causer un déclin général des fonctions physiologiques et biochimiques d’un tissu et mener au vieillissement et aux maladies dégénératives associées.

Figure 16 : Rôle de la mitochondrie dans le vieillissement humain et les maladies dégénératives de l’âge.

Selon Wei et Lee 2002 Exp Biol Med 227 : 671-682.

CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS INDUITES DE L’ADN MITOCHONDRIAL

Introduction

De nombreuses recherches ont démontré le déclin de la capacité mitochondriale dans la phosphorylation oxydative lors du vieillissement sur des tissus tel que le muscle, le cœur, le cerveau, le foie et d’autres organes. Cependant la signification de ce déclin dépendant de l’âge dans le processus du vieillissement, c'est-à-dire : si il a un rôle causal ou plutôt si il est une des manifestations de ces processus, n’est pas clairement établi. La grande variabilité individuelle dans le taux de vieillissement, les différences importantes parmi les tissus et les types cellulaires de la détérioration de la phosphorylation oxydative, la variation en mosaïque forte des cellules intra-tissulaires dans le dysfonctionnement mitochondrial, et l’absence de connaissances concernant la génétique et les seuils de dysfonctionnements contribuent à de nombreuses controverses sur le rôle de la mitochondrie dans le vieillissement.

Une autre aire de discussion concerne l’importance des mutations ADNmt dans le déclin de l’activité de la phosphorylation oxydative dépendante de l’âge. Depuis environ vingt cinq ans (Piko et al. 1988 ; Holt et al. 1988 ; Cortopassi et Arnheim 1990), l’évaluation de nombreuses délétions de taille plus ou moins grande dans l’ADNmt ou de duplications en tandem (CA)n a été réalisée sur de nombreux tissus et dans des niveaux relativement bas sur des individus âgés. Les pertinences fonctionnelles possibles des ces mutations dans le processus du vieillissement sont largement discutées. Par contre, jusqu’à très récemment, des preuves souvent discordantes et non conclusives étaient disponibles sur l’accumulation de mutations ponctuelles ADNmt dans les individus âgés (Pallotti et al. 1996 ; Jazin et al. 1996). Depuis quelques années, cependant, l’accumulation de mutations ponctuelles ADNmt dépendantes de l’âge a été démontrée dans la majorité d’individus d’un certain âge (Michikawa et al. 1999 ; Calloway et al. 2000 ; Wang et al. 2001).

Ces mutations se rencontrent principalement dans la région de contrôle ADNmt, aux sites critiques pour la réplication. Certains auteurs estiment que la spécificité tissulaire et la sélectivité des nucléotides de ces mutations soutiendraient l’idée de leur pertinence fonctionnelle (Chomyn et Attardi 2003).