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INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE

INTRODUCTION : VERS UNE THEORIE GENERALE DU VIEILLISSEMENT

2. Le génome mitochondrial

2.2. Les caractères spécifiques

La localisation cytoplasmique des mitochondries et le nombre de copies élevées de molécules ADNmt contribuent à des caractères uniques de la génétique mitochondriale.

Premièrement, l’ADNmt est transmis maternellement. Dans les ovocytes humains on trouve entre 50 000 et 100 000 molécules d’ADNmt. Après la fécondation, seules les mitochondries apportées par l’ovocyte sont conservées et serviront de « réserve » initiale pour le nouvel individu. Ces mitochondries d’origine maternelle, initialement dispersées dans le cytoplasme sont redistribuées dans le zygote, autour des deux pronucleis. Il ne semble pas avoir de réplication de l’ADNmt avant l’implantation de l’embryon (May-Panloup et al. 2004). La transmission uniparentale de l’ADNmt, classiquement admise, implique une destruction totale de l’ADNmt d’origine spermatique dans l’œuf fécondé. L’élimination spécifique des mitochondries paternelles dans l’ovocyte et l’absence de réplication de l’ADNmt au sein de l’ovocyte fécondé sont les mécanismes qui permettent d’expliquer l’absence de transmission d’ADNmt paternel. La reconnaissance et la destruction des mitochondries paternelles reposent sur le processus d’ubiquitinylation d’une protéine membranaire mitochondriale (la prohibitine), commencé au cours de la spermatogenèse. Lors de la décondensation du spermatozoïde dans le cytoplasme ovocytaire, les sites ubiquitinylés des membranes mitochondriales paternelles seraient alors démasqués et pris pour cibles par les enzymes protéolytiques du cytoplasme ovocytaire. Cette destruction se produirait au plus tard lors de la troisième division de segmentation de l’embryon (Manfredi et al. 1997).

Deuxièmement, les gènes mitochondriaux ont un taux de mutation plus élevé que les gènes nucléaires. Les mitochondries semblent avoir perdu un système de réparation ADN efficace.

De plus les protéines de protection telles que les histones ont disparu et l’ADN mitochondrial est physiquement associé avec la membrane mitochondriale interne, où les radicaux oxygènes sont générés à partir des sous-produits de la chaîne de phosphorylation oxydative. De plus, le métabolisme mitochondrial anormal pourrait accélérer le taux de mutation ADNmt (Lightowlers et al. 1997). Ces caractères spécifiques sont probablement la cause de 10 à 17 fois plus d’accumulation de polymorphismes dans l’ADNmt par rapport à l’ADN nucléaire (Wallace et al. 1997). Les séquences variables dans la D-Loop évoluent beaucoup plus rapidement que dans les régions codantes (Howell et al. 1996).

Troisièmement, les mitochondries subissent la ségrégation réplicative lors des divisions cellulaires méiotique ou mitotique. Chaque cellule contient une centaine de mitochondries, chacune contenant 2 à 10 copies de molécules ADNmt. Normalement toutes ces molécules sont identiques : l’homoplasmie. A chaque division cellulaire, les mitochondries et leurs génomes sont distribués de façon aléatoire aux cellules filles, un processus appelé la ségrégation réplicative. Quand une mutation apparaît dans l’ADNmt, elle crée un mélange intracellulaire de molécules mutantes et normales : l’hétéroplasmie.

Au cours de l’ovogenèse, le cytoplasme de l’ovocyte subit une croissance phénoménale et son contingent de mitochondries évolue beaucoup : il subit d’abord une restriction puis une intense amplification (figure 7). Les ovogonies ne contiennent qu’une dizaine de copies ADNmt alors que les ovocytes mûrs en renferment jusqu’à plusieurs dizaines de milliers. Il se produit une expansion clonale à partir d’un très petit nombre d’ADNmt sélectionnés, ce qui permet à l’ovocyte de transmettre au nouvel individu une population homoplasmique d’ADNmt. Ceci est attribué à un goulot d’étranglement génétique (Poulton et al. 1998). Ce goulot génétique permet normalement d’éliminer les rares formes mutées, sauf dans le cas où la sélection inclurait un ADNmt muté. On observera alors, une accélération d’une éventuelle dérive génétique, avec fixation d’une mutation dans la descendance. Ainsi, en dépit d’un nombre de copies ADNmt élevé dans les ovocytes murs et le nombre relativement petit de divisions dans la lignée germinale femelle, les variants de séquence ADNmt peuvent se séparer rapidement entre les générations (Poulton et al. 1998 ; Marchington et al. 1997 ; 1998).

Figure 7 : Le développement embryonnaire, l’implantation et la formation de la lignée germinale femelle.

Le schéma montre la réduction du nombre de molécules ADNmt par cellules : le goulot d’étranglement génétique mitochondrial. Selon Chinnery et al. 2000 Trends in Genetics 16 (11) : 500-505.

Quatrièmement, beaucoup de mutations ADNmt pathogéniques sont sous forme d’hétéroplasmies. Le phénotype est normal jusqu’à une proportion critique de mutants ADNmt présent dans un tissu où le seuil pour une expression génotypique est dépassé (Wallace et al. 1997). Ce seuil varie selon les différentes mutations et est de l’ordre de 60%

pour l’ADNmt délété (Hayashi et al. 1991). Pour la mutation ponctuelle 8344 A>G, laquelle cause un syndrome d’épilepsie et des fibres musculaires “effilochées” (ragged-red fibers), le niveau seuil est d’environ de 85% ADNmt muté (Chomyn 1998). Une fois ce seuil dépassé, divers changements dans le phénotype sont observés pour des augmentations mineures dans la proportion de mutants. Différents phénotypes associés avec le même génotype sont principalement déterminés par la concentration et la distribution de la mutation dans les tissus affectés. En effet, les tissus sont différemment dépendants de la phosphorylation oxydative.

Les organes avec des besoins élevés en ATP et des capacités régénératrices faibles, tel que le cerveau, le cœur et le muscle squelettique, sont beaucoup plus sensibles aux effets pathogéniques des mutations mitochondriales (Wallace 1994b, 1995).

Cinquièmement, les mutations somatiques s’accumulent avec l’âge dans les tissus post-mitotiques, réduisant les capacités énergétiques. Ces mutations incluent les réarrangements, les délétions, les substitutions de base dans la région codante et les mutations dans la région de contrôle ADNmt. Les radicaux libres de l’oxygène causent ces modifications et il a été proposé que l’accumulation de ces mutations somatiques résultent d’un déclin en relation avec l’âge de la fonction mitochondriale menant aux maladies dégénératives et à la sénescence (Wallace et al. 1992 ; Wallace 1995 ; Wallace 2005).