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Les systèmes éducatifs confrontés à de nouveaux élèves

CHRISTIANE PERREGAUX Professeure , Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Genève

Résumé

L’auteure analyse le système éducatif par rapport à l’enfant étranger , mis au

bénéfice des mêmes droits que les autres enfants et apporte la réponse donnée par l’école à cette nouvelle question.

Les enfants étrangers peuvent être répertoriés selon cinq statuts juridiques : étrangers, migrants, requérants, réfugiés et clandestins. Cette classification est pertinente pour l’école. Les élèves, dans ces cinq situations, s’écartent de la norme scolaire et ont des problèmes qui se manifestent dans les compétences linguistiques, culturelles, sociales et dans la ré- élaboration psychologique, cognitive, affective, parcours scolaires et expériences sociétales.

Afin de ne pas perdre de vue ses objectifs (contrat social, contrat didactique et contrat éducatif), l’école essaie de répondre à la diversité de la population scolaire par la formation d’enseignants, par la mise en place de dispositifs scolaires pour l’intégration de nouveaux élèves et par l’orientation du système éducatif. Il est également important de voir comment la société traite la question des enfants étrangers et le rôle qu’elle attribue à cet égard à l’école. Selon l’auteure, la politique fédérale suisse alimente la représentation négative du phénomène migratoire. Resumen

La autora analiza el sistema educativo en relación al niño extranjero, el cual debe gozar de los mismos derechos que los otros niños, así como la respuesta que brinda la escuela a esta nueva cuestión.

migrantes, solicitantes, refugiados y clandestinos. Esta clasificación es pertinenete para la escuela. Los alumnos, en estas cinco situaciones, se alejan de la norma escolar, y se enfrentan a problemas que se manifiestan en la competencia lingüística, cultural, social, y dentro de la reelaboración psicológica, cognitiva, afectiva, y en el transcurso escolar y experiencias sociales.

Con la finalidad de no perder sus objetivos (contrato social, contrato didáctico y contrato educativo), la escuela intenta dar respuesta a la diversidad de populación escolar mediante la formación de los profesores, la implantación de dispositivos escolares para la integración de nuevos alumnos y por medio de la orientación del sistema educativo. Al mismo tiempo, es igualmente importante, ver como la sociedad trata la cuestión de los niños extranjeros, y el papel que atribuye a la escuela.

Según la autora, la política federal suiza alimenta la representación negativa del fenómeno migratorio.

Summary

The author analyzes the education system in relation to a foreign child, receiving the benefit of the same rights as the other children and provides the answer given by the school to this new question.

Foreign children can be listed according to five legal statutes: foreigners, migrants, applicants, refugees and clandestines. This classification is relevant for the school. The students, in these five situations, deviate from the school norm and have

problems which appear in their linguistic, cultural, social abilities and in psychological, cognitive, emotional redevelopment, school courses and societal experiments.

In order to not lose sight of its objectives (social contract, didactic contract and educational contract), the school attempts to answer to the diversity of the school population through teacher training, the installation of school devices for the

integration of new students and through the orientation of the system of education. It is also significant to see how society treats the question of foreign children and the role that is attributed to the school in this respect. According to the author, the Swiss federal policy feeds the negative representation of the migratory phenomenon. Avant de commencer, j'aimerais remercier les organisateurs pour m'avoir invité à ce cours et je vous propose pendant ce moment de réflexion d'articuler 4 idées forces: La pertinence pour l'école des catégorisations telles qu'elles sont décrites dans le programme de notre cours

Etrangers, Migrants, Réfugiés, Clandestins

Les propositions des systèmes éducatifs confrontés à de nouvelles problématiques Les liens entre initiatives scolaires et politique à l'égard des étrangers

Et les droits de l'enfant ?

J'aimerais vous rappeler que mon expérience est suisse et que c'est le canton de Genève que je connais le mieux. Je crois, cependant, que les questions que l'école se pose aujourd'hui concernant notamment le changement de sa population est commune à de très nombreux endroits – exode rural vers les villes, migrations

qui sont très nombreux en Afrique et en Asie), catastrophes naturelles, etc. Remarquons que la plupart des migrations actuelles ont lieu du fait même du déséquilibre économique planétaire, ce qui entraîne notamment des déséquilibres démographiques et politiques. Nous sommes donc ici en face de phénomènes qui n'ont rien de naturels – sauf parfois pour les catastrophes que l'on appelle naturelles – et mettent en évidence la responsabilité de certains dirigeants économiques et politiques.

J'aimerais ajouter que trop souvent la question des nouveaux élèves est traitée dans l'école comme si la plupart élèves étrangers (migrants, réfugiés ou clandestins) étaient des nouveaux arrivants alors qu'en Suisse les statistiques montrent que la plupart des étrangers sont ici de puis de longues années. L'accueil certes est

important mais la réflexion sur la scolarité habituelle dans les classes multiculturelles est également à considérer.

Mais prenons le premier point concernant les classifications. A quoi correspondent- elles sinon à des statuts juridiques particuliers dont il faudra voir la pertinence pour l'école.

Etrangers

Caractéristique: l'élève n'a pas le passeport du pays où il se rend à l'école Cette supra catégorisation englobe toutes celles qui sont notées ci-après. Migrants

Caractéristiques: soit l'élève a migré avec sa famille soit sa famille a migré et l'élève est alors enfant de migrant – on utilise surtout ce terme pour les migrants

économiques - Requérants

Caractéristiques: l'élève fait partie d'une famille qui a demandé l'asile politique ou lui- même a demandé l'asile (requérant mineur non-accompagné) – ce terme est récent et définit les personnes dont on n'a pas encore statué sur leur sort et par extension les personnes qui ont été acceptées dans le pays au terme d'un accueil collectif – Réfugiés

Caractéristiques: la famille de l'élève – et donc l'élève - a obtenu un statut de réfugié – soit parce que la procédure s'est conclue favorablement soit parce que la famille fait partie d'un contingent du Haut Commissariat aux réfugiés –

Clandestins

Caractéristiques: selon le statut des parents, les enfants ne sont pas autorisés à séjourner dans le pays de migration ou alors parents et enfants sont clandestins Les points communs à tous c'est qu'ils sont d'un ailleurs et d'un ici – qu'ils vont avoir à jouer de ces deux pôles de leur vie, à développer leur répertoire identitaire, leurs appartenances, leurs réseaux linguistiques et culturelles, leurs interactions sociales dans l'alternance entre des lieux et des personnes représentant davantage l'ici ou l'ailleurs. L'école va bien sûr être un point d'ancrage particulièrement fort de l'ici. Je crois pouvoir dire que si l'on fait appel à ces catégorisations, comme nous le faisons pour ce cours, c'est d'abord pour montrer que sur certains points les élèves

qui les composent ont un écart avec la norme scolaire et que, de façon générale, les enfants appartenant à ces catégories posent question à l'école. Leur écart à la norme se ferait notamment sur les points suivants:

Compétences linguistiques: les langues que certains connaissent ne sont pas celles qui sont valorisées ou enseignées à l'école

Compétences culturelles: une partie des références culturelles ne sont pas en adéquation avec celles qui fonctionnent ici – il peut y avoir perte de repères avant que de nouvelles références se construisent

Compétences sociales: même chose que précédemment

Réélaboration psychologique / cognitive et affective: une autre façon d'apprendre / se refaire de nouveaux amis / selon les raisons du départ, nécessité de travailler sur certains traumatismes dus aux situations de violence

Parcours scolaires: selon les situations de départ, systèmes scolaires différents, scolarité plus ou moins régulière

Expériences sociétales: familiarisation avec une organisation sociale particulière / certaines modalités de liens entre l'école et la famille

On voit donc que les situations peuvent être extrêmement diverses, que les enfants ne répondent pas tous à tous les points qui viennent d'être énumérés.

Mais voyons maintenant comment l'école essaie de répondre à cette diversité de la population scolaire pour ne pas perdre de vue ses objectifs que je résumerai ainsi: - Contrat social

- Contrat didactique - Contrat éducatif

Ces trois contrats sont interdépendants mais selon les moments, certains seront plus que d'autres au centre de l'activité scolaire.

Je prendrai trois facteurs importants pour traiter cette question: 1) La formation des enseignants

2) Les dispositifs scolaires mis en place pour l'intégration des nouveaux élèves 3) L'orientation plus ou moins sélective du système éducatif

Les résultats d'une étude que nous avons menée avec Cristina Allemann-Ghionda et Claire de Goumoëns dans 11 instituts de formation des maîtres primaires de Suisse ont montré que le thème de la pluralité linguistique et culturelle était peu traité et quand il l'était c'était souvent à cause de l'initiative d'un formateur intéressé.

traiter de ces questions pour que l'effet de catégorisation puisse être travaillé et que les enseignants prennent la mesure des recherches qui sont menées sur le sujet. On assiste en fait à un continuum qui va de:

-.immersion totale dans les classes ordinaires, sans appui (submersion) - immersion totale dans les classes ordinaires avec appui,

- structures d'accueil à la carte temporaires, - classes d'accueil semi-séparées temporaires, - classes séparées.

On peut également souligner qu'en Suisse, les élèves étrangers se retrouvent plus fréquemment que les Suisses de même niveau socio-économiques dans des classes spécialisées, de développement, etc. La proportion n'est pas la même dans tous les cantons.

Les recherches actuelles montrent que les classes séparées favorisent la création de ghettos, de classes dévalorisées et discriminantes, n'incitent pas les élèves à

l'investissement scolaire et à l'intégration. La question de la tension entre séparation et intégration – peut-on séparer pour intégrer ? – est aujourd'hui d'actualité.Selon l'âge de la sélection et la logique illusoire de l'homogénéité que défend l'école, les élèves des catégories ci-dessus se trouveront dans des situations plus ou moins difficile. Plus l'hétérogénéité des élèves est longue, plus l'institution est souple et plus elle accepte des écarts à la norme. Plus la logique de l'homogénéité, donc de la norme est acceptée, plus les élèves seront dispersés dans d'autres filières. Cette mise à l'écart amène les élèves à un processus d'enfermement, un refus d'intégration (voir les travaux de Doudin, 1998).

Mais l'école n'est pas seule dans cette aventure. C'est un truisme d'affirmer que l'école représente la société dans laquelle elle se trouve. Si la population scolaire change, la population dans son ensemble change aussi. La question est donc

d'analyser comment la société traite la question des étrangers, migrants, requérants, réfugiés, clandestins et le rôle qu'elle attribue sur ce point à l'école.

En Suisse, par exemple, la politique à l'égard des étrangers qui est principalement exemplifiée par la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers est traitée depuis les années 20 sous l'angle économique, sous l'angle du contrôle, de la peur, de la contrainte. Je rappelle ici que l'article de loi sur l'intégration de juin 1998 n'est pas encore mis en application. Alors que l'école (CDIP) est en recherche dans plusieurs cantons. D'une certaine façon, la politique fédérale a une influence négative sur l'école au moins sur deux points:

a) Les permis octroyés à de nombreuses personnes ne sont pas stables et provoquent la crainte du retour forcé, la peur de participer et de s'exprimer

(l'investissement scolaire peut en souffrir tout comme les rapports entre l'école et les familles).

b) La représentation collective de l'Autre est forgée par cette politique du soupçon – avoir dans sa classe deux requérants ou trois enfants migrants ou 1 clandestin veut dire presque toujours dans la bouche de l'enseignant qu'il est confronté à des difficultés comme si les élèves suisses représentaient un bloc homogène et aucun d'entre eux n'avaient de difficultés – des difficultés d'ordre très varié. On assiste à un cercle vicieux – la représentation qui prévaut dans l'espace public est souvent très

problématique, l'école la saisit au bon, l'alimente de situations qui correspondent à ce qu'on attend et la relance dans l'espace public.

La politique fédérale alimente la représentation négative, la représentation du soupçon et créée une cécité mentale qui empêche de prendre au sérieux les recherches qui mettent en évidence les ressources des élèves.

Et les droits de l'enfant…

Plus on en parle et plus ils sont bafoués…Pour terminer, je voudrais réaffirmer quels sont les droits des enfants migrants, des enfants réfugiés. Ils ont les mêmes droits que les autres enfants: ce n'est pas parce qu'aujourd'hui ils vivent la vulnérabilité de l'exil qu'ils doivent en plus être privés de certains droits inscrits dans la convention: droit de vivre en famille, droit d'apprendre, droit d'aller à l'école, d'utiliser leur langue, de conserver leur culture, de pratiquer leur religion…

Les enfants nous rappellent ici que c'est à nous adultes de nous battre pour que leurs droits soient respectés – et nous retrouvons ici notre responsabilité citoyenne: selon leur passé, les enfants ont besoin d'appui, de structures particulières, de cours de langue, mais ils ont davantage besoin encore de se sentir égaux aux autres élèves, de sentir qu'ensemble, tous, ils ont un destin commun. Nous verrons demain comment utiliser les ressources exprimées par chacun.