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VERS DE NOUVELLES COHESIONS SOCIALES ?

IV. L’AVENIR DE LA CONVENTION A Obstacles

Certains Etats ont déclaré dès 1990 qu’ils ne s’opposaient pas au consensus mais n’envisageaient pas de ratifier la Convention: ces affirmations faites il y a 10 ans doivent être nuancées, car la situation politique et migratoire de ces pays a peut-être changé dans l’intervalle et une connaissance plus précise de la Convention et de ses implications pourrait modifier ce point de vue. Le fait est que de nombreuses

objections – fondées ou non – ont été invoquées pour expliquer une résistance

passive à la ratification; en voici quelques unes, accompagnées de nos observations :

Priorité doit être accordée au renforcement des contrôles aux frontières afin de mettre un terme à la migration irrégulière et ses abus. Une telle approche n’est pas incompatible cependant avec la reconnaissance de droits fondamentaux à tous les travailleurs migrants se trouvant sur le territoire étatique.

L’accroissement de la pauvreté, l’élargissement du fossé entre pays riches et pauvres, ainsi que l’explosion démographique de certains pays en développement sont la source principale de la migration : reconnaître des droits à tous les

travailleurs migrants serait un encouragement à une migration irrégulière encore accrue. A cela on peut rétorquer que la connaissance de l’existence de droits n’est pas un facteur déterminant lorsqu’un travailleur migrant se voit contraint de quitter son pays pour survivre.

Certains Etats estiment que le nombre réduit de travailleurs migrants se trouvant sur leur territoire ne mérite pas qu’un effort de ratification soit entrepris. Ils semblent sous-estimer l’impact positif que pourrait provoquer leur démarche sur d’autres Etats. Une situation économique précaire et un taux de chômage en hausse ne se prêtent pas à l’adoption d’un texte vu comme “accordant” des droits à des étrangers, surtout

en situation irrégulière. Un tel argument est dangereux, car il encourage la montée de la xénophobie, de la discrimination et des abus, phénomènes que la Convention cherche à juguler et éradiquer; au surplus, la Convention ne fait que réaffirmer l’existence des droits fondamentaux.

La réglementation de la migration relève du droit des étrangers et, par conséquent, de la souveraineté nationale; il serait inopportun pour l’Etat de prendre des

engagements internationaux en la matière. Si une politique de migration touche certes au cœur de la souveraineté, la reconnaissance de droits fondamentaux à tous les migrants est une obligation internationale qui s’impose à tout Etat. La législation nationale est déjà suffisamment protectrice et est conforme aux standards

internationaux. Une ratification aurait toutefois l’avantage d’ancrer en droit international les obligations de l’Etat et de rendre plus difficile un changement défavorable de la législation.

L’existence, le contenu et les implications de la Convention sont largement

méconnus; aucune pression soutenue ne s’exerce à l’égard des Etats pour les inciter à ratifier. L’argument ne manquait pas de pertinence il y a quelques années, mais n’a désormais plus cours.

L’adoption de la Convention et la reconnaissance de droits à tous les migrants, surtout en situation irrégulière, favoriserait une augmentation de la migration irrégulière et serait incompatible avec une politique de dissuasion. La valeur démagogique de l’argument est indéniable, mais sa pertinence juridique est nulle lorsque l’on sait que la Convention laisse intact le pouvoir de l’Etat de fixer les critères régissant l’admission des travailleurs migrants.

La Convention couvre un vaste domaine et il est fort probable qu’un Etat doive au préalable changer sa législation interne pour l’adapter aux dispositions de la Convention: cet obstacle est réel, mais de nature temporaire si l’Etat prend effectivement les mesures qui s’imposent pour ajuster sa législation.

La pléthore d’instruments internationaux en ce domaine est telle qu’il suffit de ratifier et d’appliquer ces instruments; l’argument ne manque pas de poids, même si les motifs ayant incité les Etats à rédiger la Convention montrent qu’elle répond à un besoin réel.

Malgré ces obstacles, un accroissement du nombre des ratifications a été noté récemment de sorte que l’entrée en vigueur prochaine est envisageable. Notons au passage que pour certains traités d’importance majeure, comme les deux Pactes des Nations Unies, il fallut attendre 10 ans pour qu’ils entrent en vigueur. Si l’entrée en vigueur prochaine est réjouissante, encore faut-il tenir compte du statut migratoire des Etats liés par la Convention: à ce jour, peu d’Etats de destination ou d’emploi ont ratifié la Convention.

B. Perspectives

Une première question qui mérite quelques développements est celle de l’impact de la Convention sur le droit: s’agit-il d’une convention de codification du droit existant, ou d’un développement progressif ? Dans le premier cas, tous les Etats seraient déjà liés par le droit coutumier; dans le second cas, seules les parties contractantes seraient tenues au respect du droit conventionnel. La réponse n’est pas aisée, car

souvent ce genre de convention est un subtil amalgame de codification et de développement progressif. Lorsqu’il s’agit d’énoncer le droit de fond, surtout en ce qui concerne les droits et devoirs des migrants en situation irrégulière, la Convention est essentiellement codificatrice; lorsqu’il est question du devoir des Etats de

promouvoir des conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations, la convention fait oeuvre novatrice.

Une deuxième question consiste à savoir si la convention constitue un progrès: on a cru décerner, ci et là, des régressions par rapport aux normes existantes, par

exemple en matière de regroupement familial ; il est possible que le souci

d’universalité et de recherche du consensus ait pu conduire à des concessions sur certains points. Le fait demeure cependant que la recherche d’un élargissement des champs d’application personnel et matériel ne s’est pas effectuée au détriment de l’approfondissement des droits garantis aux travailleurs migrants.

Une troisième observation a trait à l’équilibre entre droits de l’individu et contrôle exercé par l’Etat ; des esprits chagrins –pour utiliser un euphémisme dicté par mon devoir de réserve – ne manqueraient pas de fustiger la longue liste de droits

accordés aux travailleurs migrants en situation irrégulière, porte ouverte aux vagues déferlantes d’étrangers qui viendront bouleverser l’équilibre démographique, racial, religieux et culturel des pays d’accueil ! Au-delà de cette rhétorique et de ces

rodomontades, il faut relever que la Convention n’affecte pas le droit de chaque Etat de renvoyer, en respectant les garanties judiciaires accordées à tout individu, les travailleurs migrants qui se trouveraient en situation irrégulière.

Une quatrième observation concerne l’impact de la Convention sur les relations interétatiques : l’accent mis sur le besoin de coopération internationale en matière de migration influencera, imperceptiblement, la ligne de démarcation entre ce qui relève de la compétence exclusive de l’Etat et ce qui tombe sous l’emprise de la

coopération multilatérale : dans un domaine aussi sensible que la migration, cette avancée est plus importante qu’il n’y paraît de prime abord.

Notre cinquième et pénultième observation concerne un des buts de la Convention. Rappelons qu’à l’origine de la Convention il y a la prise de conscience, au début des années 70, des abus auxquels donnait lieu le trafic de main-d’oeuvre et du besoin d’y mettre un frein ou un terme. Cet objectif sera-t-il atteint par la ratification et la mise en oeuvre de la Convention ? La réponse doit être fortement nuancée, car si la protection des droits et l’égalité de traitement peut constituer un frein au trafic des personnes, des mesures répressives sont nécessaires à cet effet : il est d’ailleurs curieux de remarquer que, en ce moment même, un comité spécial des Nations Unies planche à Vienne sur l’élaboration de deux projets de Convention : le premier est un protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir le trafic des personnes, en particulier des femmes et des enfants ; le second est un projet de protocole contre l’introduction clandestine de migrants par terre, air et mer additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

Une dernière observation concerne l’influence de la Convention : même avant son entrée en vigueur – qui désormais ne saurait tarder plus d’une année ou deux – la Convention inspire les législations nationales, voire des arrangements régionaux agit

comme moteur ou représente l’aulne à laquelle est mesurée la conformité de tout nouveau texte à ce que devrait constituer une protection efficace des droits des travailleurs migrants. Une fois entrée en vigueur, son impact se mesurera surtout en fonction du nombre et de la qualité migratoire – pays d’origine ou d’emploi – des Etats parties. Si la ratification de la Convention doit être encouragée, encore faut-il rappeler que son respect effectif ne sera assuré que si le travailleur migrant ne sera pas perçu par la collectivité d’accueil comme un individu taillable et corvéable à merci, sujet à la discrimination, au racisme rampant ou déclaré, et aux autres formes d’intolérance : le droit n’est un instrument de progrès et de civilisation que dans les sociétés désireuses de faire oeuvre de progrès et de civilisation.

Avril 2001. Tous droits réservés. Institut International des Droits de l’enfant

La Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) permet les ingérences dans le droit à la vie privée et familiale des étrangers, lorsque celles-ci ont une base légale et apparaissent nécessaires à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays tout en tenant compte des exigences d’une "société démocratique" (art. 8.2 CEDH).

Selon l’article 16 de la Loi fédérale (suisse) sur le séjour et l’établissement des

étrangers du 26 mars 1931 (LSEE), "pour les autorisations, les autorités doivent tenir compte des intérêts moraux et économiques du pays, ainsi que du degré de

surpopulation étrangère" (nos italiques).

Le Tribunal fédéral (suisse) a considéré que les enfants devaient être entendus dans ce cadre et que l'audition pouvait être menée de manière indirecte, notamment par le biais d'une lettre au tribunal (arrêt du 23.6.1998,Recueil officiel 124 II p. 368).

L’existence d’un système des droits de l’enfant est établie par deux éléments principaux. D’une part, l’approche globale, "holistique", défendue par le Comité des droits de l’enfant implique que ces droits sont indissociables et doivent être appliqués de manière coordonnée et complète à tous les enfants. D’autre part, les droits de l’enfant reposent sur quatre piliers qui en assurent la cohérence: non-discrimination (art. 2), intérêt supérieur de l’enfant (art. 3), droit à la vie et au développement (art. 6), droit de l’enfant de donner son opinion (art. 12). Enfin, chaque situation dans laquelle l'enfant se trouve sollicite plusieurs de ses droits simultanément ou successivement: enfant adopté, enfant en conflit avec la loi, enfant malade, et bien évidemment enfant migrant.

Comité des droits de l’enfant, Rapport sur la quatorzième session, doc. Nations Unies CRC/C/62, 3.3.1997, par. 174.

Voir les réserves du Japon, du Liechtenstein et de la Suisse, op. cit. (note 5).

C'est ce qu'il a fait concernant la réserve générale émise par le Royaume-Uni en matière d'immigration (Comité des droits de l’enfant, Rapport sur la huitième session, doc. Nations Unies CRC/C/38, 20.2.1995, par. 209).

Affaire Moustaquim c. Belgique (note 4).

Ce terme est employé dans l’arrêt du Tribunal fédéral du 21.11.1995 (2a.187/1995, publié dans Asyl, 1996/1, pp. 28-30). L'exemple de la Suisse est riche d'enseignements: l'autorité tient compte du risque d'une rupture brutale avec le milieu actuel et du "travail de longue haleine, comprenant notamment l'apprentissage de la langue comme l'intégration sociale" qui a été accompli par le mineur. Dans une autre affaire, le Tribunal fédéral a admis qu’un enfant de 9 ans et 8 mois devrait faire preuve d’efforts d’adaptation "très importants" au Zaïre. "Toutefois, compte tenu de la situation de la famille dans son ensemble, ces circonstances ne suffisent pas pour admettre un cas personnel d’extrême gravité" (ATF du 27.2.1997, 2A.540/1996, publié dans Asyl, 1997/2, pp. 48-50 (49)).

N’oublions toutefois pas qu’à la différence de la Convention européenne des droits de l’homme, la Convention relative aux droits de l'enfant n’instaure aucun mécanisme de contrôle du type juridictionnel.

Message sur l’adhésion de la Suisse à la Convention de 1989 relative aux droits de l’enfant, Feuille fédérale, 1994, V, p. 59.

Ainsi p. ex. "la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine", "l'enfance a droit à une aide et à une assistance spéciales", "l'importance de la coopération internationale pour l'amélioration des conditions de vie des enfants dans tous les pays".

Le Comité des droits de l’enfant a "souligné que la Convention témoignait d’une approche holistique des droits de l’enfant qui sont interdépendants. Le fait que chacun de ces droits constitue un élément fondamental de la dignité de l’enfant et qu’il influe sur la jouissance d’autres droits doit être pris en compte […]" (Rapport du

Comité des droits de l’enfant à l’Assemblée générale, doc. Nations Unies A/49/41,

1994, par. 528).

P. David, Mise en oeuvre des droits de l’enfant: quelques défis communs aux pays ouest-européens, Bulletin suisse des droits de l’enfant, Dossier, vol. 3.2, juin 1997. Comité des droits de l’enfant, Rapport sur la neuvième session, doc. Nations Unies CRC/C/43, 9.6.1995, par. 104. On rappellera utilement que l'art. 24 CDE fait obligation à l'Etat de "garantir qu'aucun enfant ne soit privé du droit d'avoir accès aux services médicaux et de rééducation".

Comité des droits de l’enfant, Rapport sur la dixième session, doc. Nations Unies CRC/C/46, 18.12.1995, par. 111. La France a reçu la recommandation de veiller au respect des principes généraux de la Convention et des dispositions relatives au droit à l’identité, aux relations parents-enfants, à la réunification familiale et à la protection des enfants réfugiés (Comité des droits de l’enfant, Rapport sur la sixième session, doc. Nations Unies CRC/C/29, 16.5.1994, par. 93 et 103).

Comité des droits de l’enfant, Rapport sur la huitième session, doc. Nations Unies CRC/C/38, 20.2.1995, par. 183.

Selon le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, les réserves à un traité sur les droits de l’homme "doivent être spécifiques et transparentes. […Elles] ne sauraient donc être de caractère général, mais doivent viser une disposition particulière du Pacte et indiquer précisément son champ d’application" (Observation générale 24, doc. Nations Unies CCPR/C/21/Rev.1/Add.6, 11.11.1994). Les réserves à l’art. 10 CDE ne peuvent, pour cette raison également, avoir une portée dépassant les termes de cette disposition.

Le Comité des droits de l’enfant constate surtout l’absence d’un tel système global en France (op. cit. (note 24), par. 93).

Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies, rŽsolution 45/113, 14.12.1990.

En Suisse, selon une circulaire de l’Office fédéral des réfugiés du 30.10.1998, et la Loi fédérale sur l'asile du 26 juin 1998, le requérant d'asile mineur non accompagné doit être immédiatement pourvu d'un tuteur ou d'un curateur, appelé "personne de confiance" dans la loi (art. 17 al. 3).

Décision de la Commission suisse de recours en matière d'asile, 12.9.2000. Préambule par. 2 et art. 29.1.d.