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Les stations littorales confrontées à la crise

Dans le document Le projet de station touristique (Page 109-113)

créée en 1991, la dotation aux groupements de communes et la garantie de progression minimale de la dotation générale de fonctionnement de chaque

1. Les stations littorales confrontées à la crise

Les stations touristiques du littoral français (et, plus généralement, européen) s'insèrent dans un marché de masse qui représente un secteur économique non négligeable de 135 milliards de francs (contre 16 milliards pour la montagne). Le littoral français, long de 5 500 km dont 2 000 km de plages, regroupe 10 % de la population française en 894 communes dont 12 villes de plus de 50 000 habi- tants et 8 de plus de 100 000. Environ 500 communes perçoivent une dotation touristique et près de 200 sont des stations ou communes classées touristiques. L'économie touristique du littoral français représentait 135 milliards de francs de chiffre d'affaire en 1990 (soit 10 fois celui de la pêche), 200 000 emplois, 40% des séjours touristiques effectués. En 1992, la DATAR recensait sur le littoral 550000 emplacements de camping, soit 62 % du potentiel national, le tiers des hôtels et gîtes, 372 ports de plaisance (soit 128 000 anneaux), 57 centres de thalassothérapie, 170 golfs (soit 45 % des golfs français)... Espace rare, le littoral dont la densité de population est déjà supérieure au triple de la moyenne nationale, doit accueillir chaque année 20 millions de touristes qui viennent ainsi tripler sa population permanente. Le littoral méditerranéen est évidemment le plus prisé : 40 % des autorisations de logements en région Provence-Alpes-Côte d'Azur concernent le Var où on dénombrait encore, en 1992, 36 opérations d'aménagement, dont la moitié en golfs. Ces statistiques rendent imparfaitement compte de la pression touristique sur le littoral dans la mesure où la population tend à se concentrer non seulement sur la frange côtière mais encore sur les sites les plus attractifs. Les trente dernières années ont été marquées par une urbanisation de très grande ampleur : la moitié de la frange côtière est urbanisée, dont 20 % de façon dense. La densité de l'urbanisation décroît rapidement à mesure que l'on s'éloigne du rivage : appréciée au niveau d'une bande éloignée de 2 km des plages, elle n'est plus que de 15 %. La maîtrise du foncier est assurée, pour 15 % des côtes, par la collectivité : 7 % au titre du CONSERVATOIRE DU LITTORAL (chapitre 2), 3 % par les départements, 5 % par les domaines (forêts domaniales).

Plusieurs problèmes confrontent les stations littorales à une vraie crise.

1. Des problèmes insurmontables créés par une fréquentation peu diversifiée

Le problème de la saisonnalité est lié au type de fréquentation du littoral français: si 20 millions de touristes y séjournent par an (soit 47 % des journées vacances des Français), l'offre directe est trop concentrée sur la brève saison estivale, trop limitée à l'hébergement, notamment en camping. L'offre s'adressant aux tour opérateurs est sous représentée (notamment à destination des clientèles étrangères) ; cependant, si la clientèle européenne est susceptible de venir sur le littoral pour des vacances d'été de deux semaines en moyenne, elle le peut aussi pour des vacances plus courtes toute l'année. Ce sont des vacances familiales, pour lesquelles les européens du Nord recherchent qualité et authenticité.

Si la fréquentation touristique des stations littorales connaît des évolutions à la fois qualitatives et quantitatives positives en valeur absolue, des destinations

concurrentes se sont développées et diminuent les parts du marché du tourisme littoral. De plus, si le nombre de séjours augmente, en revanche leur durée dimi- nue : certaines stations connaissent de volume d'affaires marquées depuis les années 90.

Le déséquilibre entre une offre longtemps insuffisante et une demande en crois- sance constante a joué en faveur de la croissance débridée de l'aménagement touristique pendant cinq décennies. Le bassin de clientèle semblant inépuisable, les stations se sont développées sans toujours pouvoir anticiper sur la transfor- mation des désirs des touristes. L'offre s'est adaptée en quantité aux "pics" esti- vaux de fréquentation touristique, créant une surcapacité le reste de l'année et de réels problèmes de rentabilité des équipements.

L'allongement de la saison touristique est donc un enjeu important pour les sta- tions littorales. Mais cet allongement implique de résoudre tant les problèmes d'animation que d'hébergement : l'importance des résidences secondaires, fer- mées pendant plus de onze mois par an en moyenne, empêche la vie de cer- tains quartiers et compromet la rentabilité des commerces. Les établissements hôteliers susceptibles d'ouvrir hors saison n'ont pas une capacité d'accueil suffi- sante pour atteindre une masse critique : la problématique de développement est prise dans un cercle vicieux.

C'est pourquoi il semble que les professionnels se dirigent vers de véritables "produits stations", des stations intégrées, développées selon un modèle réfléchi, avec une cohérence dans les activités et les produits proposés à des clientèles très différentes, comme à Deauville ou à Biarritz en cette fin de siècle.

2. L'adaptation de l'immobilier aux souhaits de la demande

Le problème de l'inadaptation grandissante de l'offre à la demande n'est pas le moindre: le littoral touristique est une mono industrie pour une mono saison ! Le tiers de la clientèle privilégie l'hébergement marchand : caravaning, hôtellerie,... alors que les deux autres tiers préfèrent loger dans un immobilier privatif non marchand (résidences secondaires) ; Au cours des cinquante dernières années, le développement du littoral a été financé pour l'essentiel par l'immobilier. Le fonctionnement du marché de l'aménagement repose plus sur des bases finan- cières que sur des fondements urbanistiques ou commerciaux et les stations ont dû asseoir leur stratégie sur des facteurs de faisabilité techniques plutôt que tou- ristiques (toutes les opérations n'ont pas été raisonnées en termes d'adéquation offre/demande).

C'est pourquoi aujourd'hui l'aménagement touristique a du mal à créer les condi- tions favorables à une exploitation rationnelle et durable de la demande de loisirs : les stations cherchent d'autres modes de financement et souhaitent apporter des réponses nouvelles aux attentes insatisfaites des touristes en matière d'équipements et d'hébergements. Pourtant, les retombées économiques atten- dues d'un projet sont peu à peu prises en compte dans son montage technique, le concept de gestion précède la plupart du temps la construction, la logique ur- baine n'est pas déconnectée du marché. D'autre part, le développement du mode d'hébergement "sauvage" échappe de plus en plus aux circuits écono-

miques classiques, en raison de la multiplication de l'offre de particulier à parti- culier. Celle-ci induit des effets néfastes sur la fiscalité. De plus, elle empêche la rationalisation des circuits commerciaux et les mises en marché organisées. Pour tenter de maîtriser localement la commercialisation de l'offre, certaines sta- tions ont souhaité favoriser l'hôtellerie et la para hôtellerie, notamment en hors saison, en développant les courts séjours sous forme de produits "forfaitisés" (aux prix forfaitaires), s'adressant aussi bien aux clientèles étrangères que fran- çaises. D'autres stations, à des fins d'incitation à la banalisation du parc réceptif, proposent une décote sur la taxe d'habitation, afin se stimuler les propriétaires peu enclins à utiliser leurs appartements à des fins locatives. Rares sont cepen- dant celles qui engagent des politiques d'aide à la rénovation du patrimoine existant, bien que les stations de dix, quinze voire vingt ans d'âge ne sont plus aux normes. Il faut dire que le montant indispensable à une rénovation correcte de logement varie généralement entre 50 000 et 100 000 francs. Ce processus, qui associe propriétaires individuels, collectivités locales, professionnels de l'hé- bergement de loisir demande une grande capacité de concertation locale.

L'immobilier a permis longtemps de financer le développement des stations. Mais ce schéma est de moins en moins reproductible : de nombreuses stations arrivent à un seuil d'occupation maximale des sols et les constructeurs se dés- engagent des projets d'extension. Les stations sont ainsi dans l'obligation de trouver d'autres moyens que les droits à construire pour financer leur dévelop- pement et leurs besoins d'animation et de commercialisation. Cela impose de repenser bien souvent toute la politique de ville touristique : celles construites à force de résidences secondaires ne sont plus à même de générer à hauteur suf- fisante des flux économiques puissants car l'activité induite est insuffisamment rémunératrice.

Les projets d'aménagement prennent en compte actuellement cet aspect. Les promoteurs immobiliers sont amenés, sous l'effet de la crise, à mieux intégrer les prévisions de ressources économiques de leurs clientèles et d'animation de la station. Cette l'évolution impose une action coordonnée des différents parte- naires, collectivités et entreprises privées. Elle nécessite des efforts importants en matière de commercialisation, de formation, de relation avec les profession- nels du tourisme (voyagistes et agences réceptives).

Enfin, plus récemment, la protection par les politiques publiques du littoral fran- çais a fait l'objet d'une attention renouvelée (chapitre 2) : les collectivités maîtri- sent le foncier sur 15 % des côtes environ (7 % par le CONSERVATOIRE DU LITTORAL, 3 % par les Départements, 5 % par les domaines (forêts) ; et si 10 %

des côtes sont urbanisées, 1 % du littoral est aménagé chaque année. L'aménagement y est aujourd'hui encadré par deux textes essentiels : la loi litto- ral (1986) et la loi paysages (1993). Ces lois, dont les tenants et aboutissants font l'objet du second chapitre, ont profondément modifié l'environnement juri- dique dans un sens restrictif : 70 % des recours déposés au titre de la Loi littoral (100 % de ceux concernant des ZAC) aboutissent à des annulations d'autorisa- tion d'aménager. Cette remise en cause des décisions aboutit à une insécurité des opérations, donc à un désengagement des investisseurs. L'annulation de programmes touristiques intégrés a remis en cause, pour un temps, la création de nouveaux grands aménagements en station. Le blocage des travaux de centres villes ont induit un effet pervers de mitage en reportant les aménage-

ments sur la bande rétro littorale, moins bien protégée par la loi. Le gel d'es- paces ne s'accompagne pas du souci de l'entretien de ces espaces, ce qui re- vient à la considérer comme un frein au droit de construire et non comme un outil de gestion des grands équilibres territoriaux. Enfin, la loi du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages vient renforcer les dispositions pro- tectrices en faveur de certains territoires remarquables, notamment en matière d'architecture.

Les évolutions souhaitables portent donc sur la qualité des hébergements et leur réhabilitation, l'amélioration de l'animation, l'allongement de la saison, une ap- proche intersectorielle prenant en compte hébergement, restauration, animation, transports et s'articulant avec les autres aspects de la vie locale, la formation des acteurs de la vie touristique, la promotion et la commercialisation. L'ensemble de ces tâches implique des acteurs diversifiés. Elles nécessitent souvent un rap- prochement des partenaires ayant des intérêts complémentaires dans la réalisa- tion des projets.

Dans le document Le projet de station touristique (Page 109-113)