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Le projet touristique français

Dans le document Le projet de station touristique (Page 146-148)

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1. Le projet touristique français

La France a suivi et parfois précédé ce mouvement européen de structuration de l'organisation publique en faveur du tourisme.

Cependant, une double contradiction a longtemps prévalu en France en matière de politique publique d'encadrement touristique : au secteur économique très important et en essor rapide s'opposait une politique publique quasi-inexistante en termes de structuration de filière (comparée à celle de l'agro-alimentaire ou de l'énergie, par exemple) ; à l'accroissement du nombre de communes qui investissaient dans le tourisme, l'Etat n'a pas répondu, jusque dans les années 83, par une politique et une législation poussées en termes de gestion des sta- tions : l'aménagement a longtemps prévalu seul.

Cette politique de l'absence est largement due à la multiplicité des logiques insti- tutionnelles et à la confusion des discours en matière de développement touris- tique.

En effet, dans la période des années 65-82, quatre discours différents se sont affrontés, tous porteurs d'un message et d'une conception différents du tourisme et, par conséquent, du concept de station. Cette confusion prévaut encore dans un certain nombre de cas et empêche la définition locale du projet de station, d'un corps de doctrine sur le management des espaces et sites :

- pendant cette période de développement, un certain nombre d'acteurs institutionnels ont vu dans le tourisme un prétexte à la prise en considéra- tion de l'organisation de l'espace : les MISSIONS D'AMENAGEMENT des côtes ont produit de l'aménagement fondé sur l'ordonnancement d'opérations immobilières d'envergure; à l'opposé, l'aménagement touristique vu par le

MINISTERE DE L'AGRICULTURE a écarté jusque dans les années 91 toute finalité économique autre que para agricole, ou a enfermé l'activité touristique dans un cadre très global, celui de la pluriactivité.

- d'autres acteurs institutionnels (COMMISSARIAT GENERAL AU PLAN,

DELEGATION A L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET A L'ACTION REGIONALE) prônaient au contraire la structuration de ce "secteur économique qui doit créer des emplois avant toute chose " en filière organisée.

- à l'opposé, pour les tenants des loisirs associatifs, le tourisme est resté très longtemps hors du champ de l'activité économique rentable : le concept capitaliste et commercial était en contradiction avec la finalité so- ciale accordée au loisir. Le tourisme devait rester " une activité familiale, de jeunesse et de sports pour tous " (discours et pratiques longtemps tenus par les H.L.M.,V.V.F., L.V.T.,CECOREL, U.C.P.A....). La production et la gestion des villages de vacances sont encore fortement marquées par cette conception du tourisme social (voir chapitre premier).

- "pas du tout !" semblait répondre en écho un quatrième groupe d'interve- nants institutionnalisés : "le tourisme est une pratique de la nature et de sauvegarde des arts et traditions populaires par des gens éclairés ". La

mouvance de la socialisation de la nature, de la consommation douce de l'environnement (CENTRES PERMANENTS A L'INITIATION A L'ENVIRONNEMENT, PARCS NATURELS REGIONAUX) entreprenait sur cette position doctrinale des réalisations touristiques éducatives, muséographiques et de protection du milieu, dont les meilleurs exemples sont aujourd'hui conservés par les équipements des Parcs.

Cette période est également caractérisée par une forte instabilité ministérielle et administrative : rattachée au ministère des transports, puis de l'artisanat, du commerce extérieur, des Postes et Télécommunications, du Temps libre... la po- litique de développement touristique de la France navigue à vue, ballottée entre les différents partenaires au gré des alliances et des opportunités. Dix sept mi- nistères sont concernés par le tourisme, et le secrétariat d'Etat, né récemment et dont le statut reconnu de ministère ne date que de 1988, joue le rôle d'un inter- médiaire entre dix sept jungles administratives différentes.

Enfin, cette période est marquée par l'opposition chronique entre un secteur marchand (hôtellerie, agents de voyage, voyagistes.... qui vivent du tourisme) et les politiques des collectivités territoriales (qui disposent de la légitimité de bâtir, de percevoir les subventions de l'Etat et pour qui le concept de marché touris- tique est resté étranger à toute réflexion de développement jusque dans les an- nées 85-90). Qui plus est, les partenaires associatifs et les partenaires agricoles prônent longtemps un tourisme sans savoir si le produit proposé convient aux consommateurs.

En 1979, M. Lacroix, Directeur du tourisme au Secrétariat d'Etat, structure pour la première fois l'action de sa direction autour du concept d'économie touristique. Ses services insistent sur le changement du comportement de l'Etat en termes d'octroi de subventions et demandent, en échange des aides attribuées, des contreparties aux promoteurs, notamment en matière d'allongement de l'ouver- ture des équipements et des hébergements, exigent en contrepartie la mise en place de politiques de commercialisation des produits, la signature de contrats à risques partagés entre pouvoirs publics et promoteur. On cherche à concilier l'aménagement du territoire avec le développement économique. Le poids éco- nomique du tourisme dans les marchés internationaux, le rôle financier straté- gique du tourisme dans la balance des paiements poussent l'Etat à définir peu à peu une politique de filière touristique de la France à partir de 1983. Et, comme cette date est également celle du transfert des compétences de l'Etat aux ré- gions, départements et communes, il pousse dans cette voie les collectivités lo- cales. Le changement de comportement sera effectivement suivi à partir de 1984-1985 par les communes, départements et régions, soucieuses de la rému- nération des services rendus, négociant les projets en fonction de leur rentabilité économique : la crise a généré la rareté des crédits publics et le discours ges- tionnaire rigoriste provoque une concertation obligée entre opérateurs privés et partenaires publics.

La crise économique, le changement politique de 1981 et la décentralisation pro- voquent ainsi un glissement rapide d'une politique d'interventionnisme rigide de l'Etat-providence, producteur d'un aménagement conçu uniquement en termes d'organisation de l'espace, en politique de développement et de partenariat

conçue en termes de gestion de filière dans laquelle l'aménagement des sites et stations est systématiquement confronté à leur possible mise en marché, à l'op- tique mercatique.

Pour ce faire, l'Etat et les collectivités se dotent progressivement d'outils tech- niques et financiers auxquels les stations peuvent faire appel pour la conduite de leur projet opérationnel.

Dans le document Le projet de station touristique (Page 146-148)