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La législation sur les stations

Dans le document Le projet de station touristique (Page 162-166)

Région : CRT

2. La législation sur les stations

Qu'est-ce qu'une station touristique ? La question, déjà abordée dans le liminaire de cet ouvrage, peut sembler étrange ou déplacée : le concept de station cor- respond à une réalité économique et sociale locale. Le mot choque cependant lorsqu'on l'applique sans discernement à la fois aux bourgs ruraux ou aux métropoles. Pourtant, il ne fait pas que définir un concept mais désigne également une catégorie juridique de commune régie par une législation qui offre à la collectivité concernée le bénéfice d'un traitement fiscal particulier et une organisation politique et technique particulière d'un secteur économique complexe.

1. La station comme catégorie juridique de commune

Sur un plan plus strictement juridique, le terme de station touristique recouvre toute une série d'appellations diverses mentionnées dans une nomenclature par- ticulière du Code des communes. Rappelons d'abord que celui-ci distingue d'abord trois catégories de communes pouvant faire l'objet d'un traitement fiscal différent dans le cadre du calcul de la Dotation Générale de Fonctionnement (problème traité au premier chapitre): la station classée, la commune touristique, la commune à forte fréquentation journalière. Le Code distingue ensuite, dans un autre paragraphe, les diverses conditions nécessaires pour bénéficier du titre de station classée ( articles L. 141.1 et suivants).

La législation relative aux stations classées, qui date de 1919, déterminait à l'origine trois catégories de stations : les stations hydrominérales qui possèdent une ou plusieurs sources d'eaux minérales ou d'un établissement les exploitant ; les stations climatiques, label pouvant être octroyé aux "communes qui offrent aux malades leurs avantages climatiques", les stations balnéaires. Ces appella- tions ont été complétées, au fil du temps, par des dénominations diverses : au total, la loi prévoit ainsi six appellations différentes destinées aux communes ou groupes de communes qui réunissent soit un ensemble de curiosités naturelles, pittoresques, historiques ou artistiques, soit des avantages résultant de leur si- tuation géographique ou hydrominérale, de leur climat ou de leur altitude telles que ressources thermales, balnéaires, maritimes, sportives ou uvales. On dé- nombre ainsi en plus les dénominations de stations uvales pour "les communes sur le territoire desquelles est cultivé un raisin de table reconnu apte à une cure thérapeutique", stations de tourisme aux "communes, fractions de communes ou groupements de communes qui offrent un ensemble de curiosité naturelle ou artistique", stations de sports d'hiver et d'alpinisme. Les stations vertes de vacances ne figurent pas parmi ces appellations prévues par l'Etat : le titre est donné par une Association des stations vertes, créée en 1964, sur la base de critères qui lui sont propres et non contrôlés par les pouvoirs publics. Ces communes de moins de 10 000 habitants, au caractère pittoresque, doivent disposer d'équipements collectifs de loisir (piscine, courts de tennis), d'hébergements en nombre suffisant (hôtels, terrains de camping). En adhérant

à la charte elles ne peuvent que faire reconnaître leurs avantages par un label mais ne bénéficient d'aucun avantage financier ni aide spécifique de l'Etat.

Le classement d'une commune en station est délivré par le Conseil d'Etat sur demande du conseil municipal ou d'office, et après avis du ministère du Tourisme, de l'Economie et des Finances, de l'Intérieur, de la Culture et de la Santé. Il a pour objet de faciliter la fréquentation de la station (reconnaissance de sa qualité par un label), de favoriser son développement par des travaux d'équi- pement et d'entretien (dotations financières spéciales permettant la conservation des monuments, des sites, l'assainissement, l'embellissement, l'amélioration des conditions d'accès, d'habilitation, de séjour, de traitement ou de circulation), et, en ce qui concerne les stations hydrominérales, climatiques et uvales, de faciliter le traitement des personnes privées de ressources suffisantes (prise en charge par les organismes de sécurité sociale).

La procédure de classement est différente selon les cas. Elle est fixée par les ar- ticles R. 143 et suivants du Code des communes et nécessitent un enquête me- née par un commissaire enquêteur, dont l'avis est transmis au conseil municipal, un avis du conseil général, du conseil départemental d'hygiène, de la commis- sion départementale des sites, perspectives et paysages. Très stricte (elle met en œuvre des critères, des quotas, des normes draconiens d'évaluation), elle fait également l'objet d'un avis du Conseil National du Tourisme pour les stations de sports d'hiver. Pour obtenir le classement dans une catégorie se station qui re- lève de la compétence du Ministère du Tourisme, la commune doit bénéficier d'une situation sanitaire irréprochable, d'un plan d'occupation des sols approuvé, d'au moins 75 chambres en hôtellerie classée, d'un office de tourisme homolo- gué par l'autorité administrative (chapitre 3).

Les effets du classement sont contraignants : ils impliquent une mise en valeur obligatoire des éléments attractifs et un P.O.S. approuvé (art. R 123 du code de l'urbanisme). Mais le classement offre la seule possibilité d'implanter un Casino ou de gérer le tourisme local sous forme d'établissement public industriel et commercial (EPIC) par un Office Municipal du Tourisme (O.M.T.). Le classement rend le régime financier de la commune particulier : elle perçoit une taxe addi- tionnelle à certains droits d'enregistrement (art. 1584 Code Impôts, taxe obliga- toire pour les stations de moins de 5 000 habitants au taux de 1,20 %), une taxe sur les entreprises spécialement intéressées à la prospérité des stations (L. 233. 46 Code communes, applicable aux seules remontées mécaniques dans les sta- tions de sports d'hiver) et la taxe de séjour (L 233.29 du Code des communes). Ce système d'appellations est jugé très insuffisant (Monferrand, Conseil National du Tourisme, 1992), notamment en raison de la lourdeur de la procédure qui reste très centralisée, plusieurs années étant nécessaires pour faire aboutir une demande en Conseil d'Etat. En effet, on dénombrait en 1991 (Gazette Officielle du Tourisme, 1/4/91) 427 stations classées en France dont 158 de tourisme, 98 climatiques, 49 hydrominérales, 24 de sports d'hiver et d'alpinisme (alors que l'on peut skier dans plus de 400 stations), et 31 balnéaires. De plus, les conditions qui déterminent les critères de classement ne permettent pas de donner une in- formation claire aux touristes sur les caractéristiques de la station classée. Un rapport, établi par le Conseil National du Tourisme et présenté en assemblée plénière le 15 décembre 1992, a constaté que les avantages administratifs résul-

tant du classement n'équivalent parfois pas d'autres avantages offerts à d'autres communes, notamment celles bénéficiant de la dotation supplémentaire aux communes touristiques et thermales dont l'attribution est totalement indépendante du classement (130 stations classées ne reçoivent pas cette dotation). Enfin, depuis la loi du 23 décembre 1992 portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme, tous les offices de tourisme (qu'ils soient ou non associatifs) peuvent commercialiser les produits touristiques lo- caux (sous réserve du régime de l'autorisation). Le recours aux Offices du Tourisme sous statut d'EPIC - recours exclusivement réservé aux stations clas- sées - qui, auparavant, étaient les seules structures para communales permet- tant de commercialiser devient limité, d'autant que ces EPIC présentent des caractéristiques de gestion très strictes (chapitre 3). Les conditions et avantages du classement vieillissent donc et une réforme de la loi est envisagée depuis quelques années déjà.

Par ailleurs, des concours particuliers pouvaient être apportés aux communes ou à certains de leurs groupements (chapitre 1). A cet effet, une liste des com- munes touristiques ou thermales est arrêtée, chaque année, après avis du co- mité des finances locales, en tenant compte de leur capacité d'accueil existante (articles L. 234-13.I du Code des communes). Le montant des crédits affectés à la dotation supplémentaire aux communes touristiques ou thermales ( articles R. 234-19 du Code des communes) est fixé dans le cadre des lois de finances an- nuelles de l'Etat. La part des ressources affectées aux concours particuliers a été fortement remise en question par la réforme de la DOTATION GLOBALE DE

FONCTIONNEMENT (D.G.F.) mise en œuvre en 1994.

De manière identique, le bénéfice du titre de commune à forte fréquentation tou- ristique journalière peut être attribué aux communes de moins de 7500 habi- tants qui connaissent une forte fréquentation touristique journalière non hébergée et qui ne perçoivent pas la dotation supplémentaire aux communes touristiques ou thermales (articles L. 234-13.II du Code des communes et décret n° 87-228 du 27 mars 1987 modifié). Ce titre s'accompagne d'une "dotation particulière", toujours dans le cadre de l'évolution de la législation en matière d'octroi de la D.G.F., à condition d'offrir un nombre suffisant d'emplacements de stationne- ment public aménagés et entretenus pour l'accueil de la population touristique et de la présence sur le territoire communal de monuments historiques ouverts au public et classés conformément à la loi du 13 décembre 1913 sur les monuments historiques (*). En raison de ces conditions d'attribution, les communes à forte

fréquentation touristique journalière peuvent être considérées comme des "vil- lages pittoresques".

2. La station comme organisation politique et technique des communes touris- tiques

Sans anticiper sur le propos qui occupe l'ensemble du chapitres 3 de cet ouvrage, on notera ici que le législateur ne s'est vraiment préoccupé de l'enca- drement juridique des outils politiques et techniques de développement des sta- tions que fort récemment. Sauf en ce qui concerne les rares Offices du Tourisme (EPIC, appelés aussi Offices Municipaux du Tourisme : O.M.T.) réservés aux seules stations classées, il a fallu attendre la loi du 23 décembre 1992 pour que l'Etat institue la reconnaissance législative des Offices de Tourisme. C'est ce texte qui donne pour la première fois à l'ensemble des communes qui se consi- dèrent elles-mêmes comme touristiques la possibilité de considérer comme mis- sions de service public l'accueil, l'information touristique, la promotion touristique. Cette loi donne à l'Office de Tourisme la compétence de coordination des divers partenaires du développement touristique local. Elle lui confère le rôle d'outil technique communal consulté sur les projets d'équipements collectifs touris- tiques. Elle lui donne le droit de demander une autorisation auprès du Préfet à commercialiser les prestations de services touristiques dans les conditions pré- vues par la loi du 13 juillet 1992 (entrée en application au cours de l'été 1994). Elle lui donne la légitimité technique auprès du conseil municipal qui peut lui confier l'élaboration et la mise en œuvre de la politique touristique locale.

Par ce régime d'autorisation simple à commercialiser, l'Office de Tourisme se voit reconnaître une priorité par rapport aux autres structures qui relèvent de l'entreprise privée : les associations de tourisme sont soumises au régime de l'agrément, les producteurs commerciaux n'exerçant pas à titre principal la com- mercialisation des voyages sont soumis au régime de l'habilitation, les agents de voyages au régime de la licence. L'Etat a souhaité marquer ainsi l'importance qu'il accorde désormais aux collectivités locales dans l'encadrement de terrain des producteurs. Sans accueil de qualité, la commercialisation et la promotion perdent leur sens. Sans fidélisation de la clientèle, la production touristique elle- même n'a guère de perspectives.

Cette action est symbolique à plus d'un titre : elle tire un trait définitif sur trente ans d'interventionnisme étatique dans l'aménagement touristique (de 1963 à 1993) en reconnaissant par un texte de loi une large autonomie à l'échelon communal, l'Etat achève la répartition des compétences commencée en 1982 par les lois Deferre tout autant qu'il marque sa compétence propre: celle d'ar- bitre, la définition des compétences par la voie législative, la compétence des compétences.

Ces trente ans d'intervention soutenue ont façonné l'aménagement touristique, le paysage de la production, de l'offre. L'optique produits ne peut pas ne pas en tenir compte.

Dans le document Le projet de station touristique (Page 162-166)