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direction des études et du conseil, Juin 1992 et Tourisme d'affaires et clientèles congrès, Direction du Tourisme, juin 1993 Et une synthèse publiée dans La

Dans le document Le projet de station touristique (Page 121-126)

Gazette Officielle du Tourisme, n° 1199, 13 décembre 1993)

connexion avec ces autres motivations du déplacement que pouvaient être, sous l'Antiquité puis au Moyen-Âge le pèlerinage, la visite à un maître de sagesse. On retrouve le poids des origines culturelles du tourisme dans les premiers guides touristiques. Reste qu'on peut se demander si l'âge du tourisme pour tous n'a pas été défavorable, dans un premier temps, au tourisme culturel : en chiffres absolus, ce dernier a continué à se développer ; en termes relatifs, il a décliné devant la poussée du tourisme de masse.

Ce mouvement d'expansion quantitatif du tourisme souffre d'une double déter- mination, technologique et sociale. L'avènement des congés payés, puis la trans- formation des conditions de transport sur le plan tarifaire et technique sont cen- traux. Mais d'autres causes sont aisément perceptibles. La détermination cultu- relle demeure essentielle dans la logique politique et sociale du développement touristique des sites patrimoniaux et urbains : les médias jouent un rôle capital dans le lancement des stations touristiques depuis le XIXème siècle. Depuis quelques décennies, le champ concerné s'élargit et le public motivé s'accroît. Cet espace de curiosité n'a cessé de s'étendre ; on assiste actuellement à une "patrimonialisation" générale, voire peut-être à une "muséification" qui peut poser un jour de vrais problèmes dans les relations sociales entre population perma- nente et population touristique. Car si les hommes de la Rennaissance réhabili- taient l'antiquité classique, les romantiques le Moyen-Âge, la tendance actuelle est de réhabiliter toute l'histoire monumentale à la fois : architectures médié- vales, Rennaissance, art baroque, art nouveau, du XIXème siècle, de l'entre- deux-guerres... Et il faut ajouter à cette boulimie de consommation de l'histoire des civilisations leur extension géographique, de l'Occident à l'Orient, à l'Afrique, à l'Amérique précolombienne... Une extension sociale aussi, prenant en compte tout ce qui gravite autour des cultures savantes, des cultures populaires, des cultures scientifiques et techniques...

Le mouvement actuel est d'autant plus frappant qu'il s'accompagne d'une fré- quentation des lieux du patrimoine culturel marqué par un essor exponentiel. Ce bouleversement semble clairement lié à la crise dans laquelle sont entrés les autres types de légitimation culturelle, les idéologies, les religions traditionnelles. En tout cas, le mouvement culturaliste actuel est lié au cultuel : du festival d'Avi- gnon à celui de la Vallée de la Vézère, des Chemins du Baroque en Savoie au festival de Clairvaux, on ne compte plus les affectations nouvelles de lieux de culte. Pour bien comprendre les phénomènes du tourisme culturel, leur ampleur, leurs spécificités, leurs contradictions, il convient de ne jamais oublier qu'ils par- ticipent, même inconsciemment, du triple besoin de ressourcement, de dilatation et d'élévation de l'esprit.

A la différence du gisement naturel, l'augmentation de l'ouverture au public des richesses culturelles signifie que chacun est autorisé à en jouir. En soi, le bien culturel porte sa diffusion et sa possession collective. L'exploitation des biens culturels passe par la contemplation, qui ne suppose ni la consommation ni la possession de l'objet. La contemplation d'un monument, d'un livre, d'un tableau, d'un objet patrimonial permet de découvrir ce qu'il exprime ou de prendre plaisir à la façon dont il est fait. Les biens du secteur culturel ne se consomment pas à travers l'usage - ou du moins pas de la façon dont se consomment les biens des autres services touristiques (Eco, 1994, p. 10).

Ainsi le produit touristique patrimonial n'est pas un produit comme les autres : il implique la nécessité d'une pédagogie de la présentation, l'apprentissage de la lecture des formes, de l'architecture, la prise en compte de cet apprentissage de la mémoire. La mise en scène du patrimoine a produit ses propres limites, pré- sente des risques spécifiques liés à l'incompréhension. Elle repose donc plus sur l'invention qui permet au touriste de cheminer dans le labyrinthe de la connais- sance de mondes aujourd'hui disparus que sur les sons et lumières usuels. Les élus confient volontiers1 que désormais la culture, le patrimoine culturel, les

événements culturels représentent à leurs yeux un élément fondamental de l'image et du rayonnement de leur collectivité. La prise en compte de la culture par les élus locaux est certainement un des changements de société les plus im- portants de ces trente dernières années.

Dans une cité, c'est le tissu conjonctif de la ville elle-même qui se fait espace de tourisme et de culture. De même que dans le monde rural, tourisme et culture ne se réduit pas à une simple fréquentation de chapelles médiévales, le tourisme urbain est un ensemble dans lequel des œuvres architecturales, patrimoniales, cultuelles... prennent toute leur signification. La ville n'est pas seulement un en- semble de lieux de haute qualité artistique : c'est aussi le lieu de l'expérience personnelle : "on aime les villes jusque dans leurs souillures" (J.D. Urbain).

C'est l'ensemble de tous ces thèmes qu'il convient de traiter lorsqu'on s'avance sur le terrain mouvant du tourisme culturel, patrimonial et urbain et dans les rap- ports qu'il entretient entre la richesse économique et la production de l'aména- gement.

1. Tendances socioculturelles de la consommation du tourisme patrimonial1

On assiste à une progression générale de la fréquentation touristique des sites patrimoniaux et urbains et le tourisme lié à la culture tend à devenir à son tour un nouveau tourisme de masse : le nombre de visiteurs dans les musées nationaux est passé de 9,5 millions en 1980 à 15,8 millions en 1990, soit une progression de 66 % sur les dix dernières années.

Les monuments et musées constituent le quatrième motif de destination touris- tique des Européens. L'art de vivre et la culture font d'ailleurs partie des axes prioritaires de promotion retenus par Maison de la France pour son action à l'étranger. Depuis quelques années, on assiste à une prolifération de projets, d'initiatives et de réalisations visant à exploiter "des gisements culturels" à des fins touristiques. On ne compte plus les collectivités territoriales qui rénovent leur patrimoine, enrichissent leurs collections ou dynamisent leur festival. Elles mi- sent sur la culture pour améliorer leur image, accueillir de nouvelles clientèles, séduire des entreprises et de cadres... Les grandes expositions culturelles re- présentent des budgets de plus en plus importants : 9,6 millions de francs pour

1

: dans le cadre du colloque Tourisme et Culture, 1993, op. cit., p. 37

1

: d'après BIPE Conseil.

l'Exposition Universelle de Séville, 430 millions de francs pour le Bicentenaire de la révolution française, 23 millions de francs pour le festival de Cannes...

Mais le tourisme culturel est aussi confronté à de nouveaux enjeux et défis : mu- tations profondes des comportements et des attentes des clientèles, surfréquen- tation de certains équipements et sites, introduction de nouveaux modes de ma- nagement, amélioration de la qualité et professionnalisation des prestataires, in- novations technologiques et médiatiques. Les produits recouvrent une grande diversité de marchés d'importance inégale allant des visites de villes ou de mu- sées, en passant par des festivals et les routes culturelles.

Face à ces bouleversements, les acteurs du tourisme et les acteurs de la culture continuent souvent de s'ignorer superbement. Pourtant trois facteurs condition- nent fortement l'évolution du secteur des tourismes culturels :

- la prise en compte des pratiques et exigences des clientèles touris- tiques, à tous les niveaux, y compris au niveau de l'environnement de la culture ;

- la nécessité d'élaborer des stratégies globales de "mise en tourisme" des sites culturels qui concilient des intérêts parfois contradictoires. Ce qui passe à l'évidence par la définition de nouvelles règles du jeu, de nouveaux partenariats entre les acteurs du tourisme et de la culture. - enfin, l'impact des nouvelles technologies sur les équipements et les services offerts.

α.

La prise en compte des pratiques et exigences des clientèles touristiques

Il existe un réel engouement pour le patrimoine. Sa fréquentation augmente ré- gulièrement : 32 % de Français visitaient des monuments et des sites en 1980, ils sont 40 % aujourd'hui. En l'an 2000, 19 millions de touristes arpenteront Notre-Dame, soit 52 000 chaque jour d'été, si les tendances de fréquentation se poursuivent. Mais si l'on compare la hiérarchie des préférences exprimées par les visiteurs en 19711 et en 1988, on constate que le patrimoine religieux qui ve-

nait largement en tête en 1971 (cathédrales, églises) est aujourd'hui supplanté par les monuments civils (châteaux, villages anciens) et les sites préhistoriques. Nouveaux venus, les jardins historiques occupent un rang très honorable.

Les deux tiers des visiteurs déclarent rechercher dans la fréquentation des mo- numents une connaissance du passé, de l'histoire et, pour 50 % d'entre eux, il s'agit de l'histoire en général et non pas de l'histoire particulière du site. Le tiers restant souhaite trouver un plaisir plus émotionnel. 79 % des visiteurs attendent une aide didactique de qualité ; 41 % préfèrent la visite en groupe avec un conférencier spécialisé ; parmi les 38 % qui préfèrent visiter seuls, 7 % seule- ment sont favorables aux audioguides. Mais lorsque le site en est occupé (Haute-combe), le pourcentage des avis favorables s'élève à 33 %.

Au moment où le public (re)découvre le patrimoine et la culture, il semble que ces derniers soient curieusement absents du débat. Le discours écologique sur l'environnement urbain n'inclut jamais la défense du patrimoine. Quand aux pou- voirs publics, ils assurent la sauvegarde de ce patrimoine, soit, pour ne parler

que du cas français, 40 510 monuments protégés en 1991 (35 437 en Italie), dont 13 723 classés et 26 777 inscrits, 34 musées nationaux et 1 200 musées contrôlés, dont près de 4 00 en chantier !

Tous ces édifices ne sont pas ouverts au public. Sur les 900 monuments que gère la Direction du patrimoine, seuls 92 sont payants. Le public figure au nombre des causes de pollution dont souffre tout monument. Les alignements de plus d'un millier de menhirs à Carnac n'ont pas résisté au piétinement des 2 mil- lions de visiteurs annuels, les vibrations automobiles ont mis en danger le pont du Gard, le château de Versailles n'a pas été conçu pour être visité par 4,5 mil- lions de visiteurs en 1990, les 30 000 visiteurs quotidiens de Notre Dame exha- lent environ 618 litres d'eau qui fixent la poussière sur les murs, voûtes et piliers. La gratuité ne pousse certes pas au respect du monument. Mais la loi interdit à certains monuments d'être ouverts seulement au public payant (les églises et ca- thédrales).

Qui plus est, la détermination d'un prix et la logique de sa mise en marché dé- bouchent dans le cas du tourisme patrimonial sur des difficultés de taille : les métiers du tourisme culturel, à la différence de la plupart des autres métiers du tourisme, ne disposent pas d'une bonne connaissance de leurs marchés. A l'ex- ception du nombre de visiteurs des musées et des monuments, on sait peu de choses sur la segmentation des marchés, les comportement et les pratiques des clientèles, leurs activités, leurs dépenses et la part des marchés professionnels. Quelques certitudes, cependant : en 1991, globalement 57 % des partants ont visité des villes, 42 % des monuments historiques, 34 % des musées et 25 % des expositions. Cependant, ce phénomène est moins une consommation de vacances que de semaine ou de week-end : la fréquentation des musées se ré- partit à égalité entre ces trois types de périodes. Et si l'idée de "se cultiver" se place en bonne position dans les occupations de temps libre à l'année, elle l'est en moins bonne dans les occupations des vacances. Durant les vacances, la culture semble à la traîne. Le divertissement se hisse pratiquement au premier rang des motivations de vacances (42%), le repos vient ensuite (35%), le désir de retrouver des parents ou des amis enfin (20%). "Se cultiver", facteur curieu- sement aggloméré (pour des raisons d'enquête ?) aux activités physiques re- cueille des motivations assez faibles (de l'ordre de 6 à 7%).

Ces secteurs exigeraient cependant beaucoup plus que d'autres un peu de ri- gueur dans l'approche des demandes. Les investissements y sont considérables. le capital d'expérience y est faible tant ces activités sont jeunes. Et la demande ne se livre pas au fil d'un sondage express. Bref, aujourd'hui, l'irrationnel l'em- porte. Et, naturellement, il nourrit surtout les affrontements dogmatiques. On peut camper les positions extrêmes autour de trois questions : le champ de la culture, les conditions de son accès et la place du commerce.

Conception de la culture Conception de la culture patrimoniale limitée patrimoniale marchande Champ Culture "noble" (musique Tout est culture (de

sérieuse, Beaux-Arts) Rembrandt à Mickey, de l'Opéra à la fête foraine

Conditions d'accès Effort long et personnel, Accès par le quasi initiatique, public divertissement,

"cultivé" publicité, large diffusion

Place du commerce Domaine réservé ; Un bien comme un autre ; Hors commerce ; rôle important des Rôle important de l'Etat entreprises dans sa dans sa diffusion consommation

Mais, dans les faits, les pratiques culturelles ne sont ni massives, ni bien

Dans le document Le projet de station touristique (Page 121-126)