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3. Les aspects méthodologiques

3.3. Les risques de biais

Nous avons vu que pour assurer une certaine objectivité du chercheur, celui-ci doit tenter de prévoir les risques de biais pour pouvoir les éviter. Les risques de biais décrits ici proviennent de l’ouvrage de Van der Maren (1995, pp. 244-250), mais ne sont pas spécifiques aux recherches menées par des enseignants, mais bien aux recherches en éducation en général. Nous pointons au passage les biais qui peuvent être accentués par notre double rôle et ceux qui peuvent être atténués. Nous voyons que le chercheur doit prendre conscience qu’il peut y avoir des biais à toutes les étapes de la recherche, particulièrement lors de la collecte de données et que les biais peuvent venir des élèves, du personnel de l’école ou encore, du chercheur lui-même.

Les biais lors de la collecte des données

Selon Van der Maren (1995), quatre types de biais peuvent survenir à l’étape de la collecte des données. Il décrit d’abord l’effet de stéréotypie, quand l’observateur classe le sujet dans une catégorie (à partir d’informations préalables), ce qui l’amène à ne percevoir que les traits attachés à cette catégorie. L’auteur donne en exemple les examinateurs qui « oublient » de compter des erreurs chez un bon élève. L’effet de halo est proche du précédent; il se manifeste lorsque la première impression laissée par un sujet fait faire des liens non objectifs à l’examinateur. Nous croyons que l’enregistrement vidéo devrait nous permettre de contrer ces biais. Van der Maren (1995) détaille aussi l’hyper ou l’hypoperception, cette propension de l’observateur à noter ses informations en fonction de ses hypothèses (pour les favoriser ou pour les défavoriser). Notre recherche est plutôt construite à partir d’un objectif spécifique, on ne présume donc de rien. L’analyse a priori

(la conduite attendue des élèves au chapitre 4) tente de prévoir ce que feront les élèves, mais l’intérêt de l’analyse a posteriori sera justement de confronter ce qui s’est réellement passé avec ce que l’on avait prévu. L’auteur aborde également le phénomène de la

perception sélective, proche de l’effet précédent. Il se trouve chez certains chercheurs qui

pourraient avoir tendance à protéger leurs hypothèses en laissant tomber des catégories d’éléments ou de faits, en ne considérant pas les effets secondaires.

Bref, la connaissance de l’existence possible de ces biais nous met en garde. Nous croyons que la bonne connaissance que nous avons de nos élèves et l’enregistrement vidéo peuvent aider à éviter ces biais.

Les biais dus aux élèves

Les élèves se sentent concernés par une expérimentation sur eux. En effet, à peu près toutes les expérimentations impliquent une modification plus ou moins grande de leur environnement. Les élèves peuvent manifester une exaltation à l’idée qu’on expérimente sur eux, qu’on leur accorde une certaine importance. Ces réactions peuvent aller dans le sens des hypothèses ou non ou n’avoir rien à voir avec celles-ci, mais peuvent brouiller les cartes. Le contraire serait une forme d’apathie, si les élèves sont trop souvent sollicités pour participer à des recherches. Toujours selon Van der Maren (1995), la perception qu’ont les élèves de certains indices peut prendre la valeur de consigne implicite liée à leur statut dans la recherche. Par exemple, s’ils découvrent qu’ils font partie d’un groupe expérimental, ils peuvent être plus motivés ou intéressés ou tenter de mieux performer. À l’inverse, si les élèves découvrent qu’ils font partie d’un groupe témoin, cela peut les décevoir et affecter leur intérêt ou leur performance. En outre, les élèves peuvent se faire une idée des hypothèses de la recherche et selon leur lien affectif avec les expérimentateurs, peuvent être tentés de faire plaisir pour confirmer les hypothèses qu’ils croient connaître ou au contraire, vouloir faire rater l’expérimentation.

Ici encore, nous croyons qu’une bonne connaissance préalable des élèves, le fait qu’il y ait très peu de modifications dans leur environnement et que les situations soient habituelles et authentiques peut contribuer à diminuer ces effets. En effet, les élèves qui suivent le programme international ont l’habitude de faire six modules de recherche par année et ce projet en est un. On n’a donc pas ajouté une nouveauté ou modifié le fonctionnement habituel de la classe. De plus, comme il n’y a pas de groupe expérimental

et de groupe témoin, cela contribue à éviter le principe de consigne implicite. Par contre, comme le lien effectif est fort entre la chercheure et ses élèves, elle devra être particulièrement vigilante pour que les élèves n’agissent ou ne répondent pas ce qu’elle veut voir ou entendre, pour lui faire plaisir. Elle mettra donc ses élèves en garde de ne pas répondre « pour lui faire plaisir », mais de la façon la plus naturelle et authentique possible. Les mêmes biais dus aux élèves peuvent se retrouver chez le personnel impliqué dans une telle recherche, mais nous ne nous étendons pas sur le sujet puisque dans notre cas, il n’y a pas de personnel intermédiaire entre la chercheure et les sujets. Il s’agit donc d’un avantage.

Les biais dus au chercheur

Van der Maren (1995) parle de l’effet Rosenthal ou de l’effet Pygmalion qui impliquerait que le simple fait de vouloir vérifier une hypothèse contamine d’emblée les résultats. En effet, l’auteur explique que les attentes du chercheur « influencent la performance des sujets, qui dès lors comblent ses espoirs. […] il apparaît que ces attentes vont être communiquées aux sujets par des canaux variables » (1995, p. 250). Il existerait une dynamique de la communication entre l’expérimentateur et le sujet qui serait semblable à celle qu’on retrouve entre le maître et l’élève, quand chacun tente de s’ajuster aux messages et aux signaux de l’autre.

Ici encore, nous devrons être particulièrement vigilante à l’effet Pygmalion et le recours à une instrumentation rigoureuse peut améliorer la situation.