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2. Cadre conceptuel

2.3. Le constructivisme

Notre but étant de développer une séquence d’enseignement basée sur l’histoire des mathématiques et de la valider, nous devons d’abord nous positionner sur notre conception de l’apprentissage. En effet, tout concepteur a une épistémologie sous-jacente qui vient éclairer ses choix. Tout comme les deux programmes que nous sommes tenus de suivre (PP et Programme de formation de l’école québécoise), notre recherche repose sur le constructivisme et son dérivé : le socioconstructivisme. Nous voyons ici ses grandes lignes puisque nous nous en inspirerons au moment d’élaborer notre séquence.

Autant le Programme primaire international (Organisation du Baccalauréat International, 2007) que le programme de formation de l’école québécoise (MÉLS Ministère de l'Éducation du Loisir et du Sport, 2001) s’appuient sur une épistémologie constructiviste comme théorie de l’apprentissage. En effet, dès son introduction, le PP avance que : « Le modèle du PP dépend de notre engagement envers une conviction particulière concernant la façon dont les enfants apprennent et qui est clairement représentée par l’approche constructiviste » (OBI, 2007, p. 6). Les concepteurs du PP poursuivent sur l’importance des expériences et des connaissances préalables des apprenants qui sont constamment revus et révisés à la lumière des nouveaux apprentissages.

« Dans le PP, ce défi est relevé en donnant aux élèves des possibilités de construire du sens et d’améliorer leur compréhension, principalement à travers la recherche structurée. Étant donné que l’apprentissage des élèves et leurs tentatives pour comprendre le monde qui les entoure sont essentiellement des actes sociaux de communication et de collaboration, cette recherche peut prendre plusieurs formes et parfois requérir des élèves qu’ils travaillent seuls, par deux ou dans des groupes plus importants » (OBI, 2007, p. 7).

On rejoint ici le socioconstructivisme, une variante du constructivisme qui accorde une grande importance au rôle des pairs.

D’autre part, dans la présentation du Programme de formation de l’école québécoise, on reconnaît l’apprentissage comme un processus actif. En effet, on y précise que :

« […] beaucoup d’éléments du Programme de formation, en particulier ceux qui concernent le développement de compétences et la maîtrise de savoirs complexes, font appel à des pratiques basées sur une conception de l’apprentissage d’inspiration constructiviste. Dans cette perspective, l’apprentissage est considéré comme un processus dont l’élève est le premier artisan. Il est favorisé de façon toute particulière par des situations qui représentent un réel défi pour l’élève, c’est-à-dire des situations qui entraînent une remise en question de ses connaissances et de ses représentations personnelles » (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2001, p.5).

Et maintenant, que dit la littérature sur ces théories de l’apprentissage?

Les auteurs consultés s’entendent pour dire que le constructivisme est une théorie très importante de l'apprentissage que l’on attribue aux travaux de Piaget. Elle est fondée sur l’idée que la connaissance se construit par l'apprenant à partir d'une activité mentale. Les apprenants sont donc considérés comme des êtres actifs qui cherchent du sens (Astolfi, 1997; EdutechWiki, 2009a; Morissette, 2002; Piaget, 1969; Poirier, 2001). En effet, selon Piaget, « […] les connaissances dérivent de l’action […]. Connaître un objet, c’est agir sur lui et le transformer […] » (Piaget, 1969, p. 48). Il poursuit sur l’importance de l’action par l’enfant. « La démonstration par l’adulte […] montre une fois de plus qu’en faisant des expériences devant l’enfant au lieu de les lui faire faire lui-même, on perd toute la valeur formatrice que présente l’action propre comme telle » (Piaget, 1969, p. 59). Il donne un exemple probant : on ne peut apprendre à nager en regardant des nageurs. Il précise que « Les méthodes actives ne conduisent nullement à un individualisme anarchique, mais, et notamment s’il y a combinaison du travail individuel et du travail par équipe, à une éducation de l’autodiscipline et de l’effort volontaire » (Piaget, 1969, p. 102). Il explique que ces méthodes dites actives (centrées sur l’action de l’enfant) sont beaucoup plus difficiles qu’un enseignement plus traditionnel et qu’elles supposent une formation des maîtres beaucoup plus poussée (notamment en psychologie de l’enfant) afin de bien comprendre les démarches spontanées de l’élève.

En parlant du développement intellectuel de l’enfant, Piaget parle d’opérativité qui serait irréductible et spontanée. Il précise d’ailleurs :

« elle est le produit de constructions successives et le facteur principal de ce constructivisme est une équilibration par autorégulations permettant de remédier aux incohérences momentanées, de résoudre les problèmes et de surmonter les crises ou les déséquilibres par une constante élaboration de

structures nouvelles que l’école peut ignorer ou favoriser selon les méthodes employées » (Piaget, 1969, p. 66).

Selon le site Internet EdutechWiki de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation de l’Université de Genève (EdutechWiki, 2009a) et Astolfi (1997), cette théorie repose sur l’idée que lorsqu’un individu est confronté à une situation donnée, il va tenter de mobiliser un certain nombre de structures cognitives, que Piaget nomme schèmes opératoires. Les auteurs du site poursuivent en précisant que « l’assimilation crée une perturbation au sein des structures cognitives que Piaget nomme conflit cognitif qui est elle- même régulée afin d’arriver à une nouvelle forme d’équilibre » (EdutechWiki, 2009a). À la source, Piaget explique que :

« Toute intelligence est une adaptation; toute adaptation comporte une assimilation des choses de l’esprit, de même que le processus complémentaire d’accommodation. Donc tout travail d’intelligence repose sur un intérêt. L’intérêt n’est autre chose, en effet, que l’aspect dynamique de l’assimilation » (Piaget, 1969, p. 232).

Toujours sur le site d’Edutech, on y mentionne que :

« L'enseignement constructiviste est fondé sur la croyance que les étudiants apprennent mieux quand ils s'approprient la connaissance par l'exploration et l'apprentissage actif. Les mises en pratique remplacent les manuels et les étudiants sont encouragés à penser et à expliquer leur raisonnement au lieu d'apprendre par cœur et d'exposer des faits » (EdutechWiki, 2009a).

Dans son livre sur la construction des savoirs, Morissette (2002) différencie la transmission des savoirs (reliée à un enseignement plus traditionnel) de la construction des connaissances. Elle y explique, elle aussi, l’importance de s’appuyer sur les connaissances antérieures des élèves et de leurs représentations, particulièrement lorsqu’elles sont erronées. Tout comme Piaget (1969) et Poirier (2001), elle préconise le conflit cognitif et l’interaction entre les élèves. Nous verrons plus loin comment nous mettrons en place ces principes.

Astolfi (2008), quand à lui, distingue trois types de constructivisme : le constructivisme épistémologique, le constructivisme psychologique et le constructivisme pédagogique. Selon lui, le constructivisme épistémologique insiste sur le caractère construit des savoirs disciplinaires et notre conception des liens entre les observations empiriques et les constructions théoriques. Ainsi, il s’oppose à une conception empiriste et positiviste de

la connaissance. Il se fonde plutôt « sur le fait que les savoirs sont construits au sein des disciplines. Ce sont des réponses actuelles à des problèmes qui ont longtemps fait controverse » (Astolfi, 2008, p. 127). L’auteur présente également le constructivisme psychologique qui met en lumière le fait que c’est l’apprenant qui construit lui-même son savoir et qu’on ne peut le lui imposer de l’extérieur. Il ne s’agit ni d’accumulation, ni d’imitation. Ce type de constructivisme vient en opposition au behaviorisme qui mettait plutôt l’accent sur les stimuli et les réponses à ces stimuli. Chaque sujet doit donc reconstruire activement les savoirs « bien qu’ils soient déjà culturellement présents, en transformant à mesure ses structures intellectuelles » (Astolfi, 2008, p. 128). Enfin, le constructivisme pédagogique, qui s’oppose à un enseignement par transmission dogmatique, est celui qui s’approche le plus de notre conception de l’apprentissage en tant que praticienne. Il met l’accent sur le caractère construit des pratiques d’enseignement. Selon Astolfi, ce type de constructivisme

« vise l’élaboration de modalités d’enseignement autres que les pratiques frontales. Dans un travail d’équipe, par exemple, l’enseignant délègue aux groupes des points à débattre et des choses à produire, mais il intervient à différents stades et sous différentes formes » (Astolfi, 2008, p. 129).

Ainsi, pour chaque objet d’enseignement, l’auteur précise qu’il faut construire et tester des dispositifs que l’on peut évaluer selon deux critères : leur acceptabilité et leur adéquation. L’acceptabilité est la réception qu’en font les apprenants, la mobilisation qu’il provoque et détermine l’investissement qu’ils auront dans la tâche. Ce critère, bien qu’important, n’est pas suffisant pour s’assurer les apprentissages visés. Il faut donc observer l’adéquation, c’est-à-dire la correspondance entre l’objectif visé et le résultat.

Le socioconstructivisme est une théorie qui découle du constructivisme, mais qui met de l’avant le rôle des pairs dans la construction du savoir. En effet, « plutôt qu'un processus solitaire, ces nouvelles perspectives supposent que l'apprentissage efficace arrive via des interactions avec des gens ou des objets du monde. » (EdutechWiki, 2009b). En effet, pour Piaget :

« La coopération des enfants entre eux présente à cet égard une importance aussi grande que l’action de l’adulte. Du point de vue intellectuel, c’est elle qui est le plus apte à favoriser l’échange réel de la pensée et la discussion, c’est-à-dire toutes les conduites susceptibles d’éduquer l’esprit critique, l’objectivité et la réflexion discursive » (Piaget, 1969, p. 263).

Nous apprécions particulièrement la façon dont Poirier décrit le socioconstructivisme à travers cinq balises qui rejoignent évidemment les principes du constructivisme, soit : le rôle actif de l’élève, ses représentations, l’état de déséquilibre, le conflit cognitif et l’importance des interactions sociales (Poirier, 2001). Nous partons donc de ces balises pour décrire le socioconstructivisme et c’est à elles que nous référerons lorsque nous justifierons nos activités (au chapitre 4).

Piaget, en 1972 (cité dans Poirier, 2001), disait que « c’est en agissant que l’on apprend ». Cette phrase résume bien l’importance du rôle actif de l’élève qui est en opposition avec les approches plus traditionnelles de transmission des connaissances. En parlant de la construction du savoir et de la manipulation de matériel, Piaget explique :

« C’est pourquoi les méthodes actives d’éducation des petits réussissent tellement mieux que les autres dans l’enseignement des branches abstraites telles que l’arithmétique et la géométrie : lorsque l’enfant a, pour ainsi dire, manipulé des nombres ou des surfaces avant de les connaître par la pensée, la notion qu’il en acquiert ultérieurement consiste véritablement en une prise de la conscience des schèmes actifs déjà familiers, et non pas comme dans les méthodes ordinaires, en un concept verbal s’accompagnant d’exercices formels et sans intérêts, sans substructure expérimentale antérieure » (Piaget, 1969, p. 238).

Aussi, l’élève analyse une situation à partir de ses conceptions, de ses représentations, ce qui nous amène à parler de la deuxième balise du socioconstructivisme. En effet, l’élève apprend à partir de ses représentations (images mentales, techniques, processus) qui proviennent de ses apprentissages antérieurs. Faire émerger les connaissances antérieures et comprendre les erreurs des élèves permet de découvrir leurs représentations.

Lorsque les connaissances antérieures sont insuffisantes ou remises en question, l’élève se trouve en état de déséquilibre. Il doit donc réorganiser ses connaissances pour les intégrer au savoir antérieur. La mémorisation ou l’accumulation de connaissances sont donc insuffisantes pour retrouver un état d’équilibre.

La quatrième balise de l’approche socioconstructiviste préconise un moyen pour faciliter ou rendre pertinent un apprentissage : la situation-problème. On peut présenter un problème à l’élève qui le placera face à un conflit cognitif. Ce type de problème, dont on sait que les connaissances antérieures de l’élève sont insuffisantes pour le résoudre ou que

les solutions à ce problème sont contradictoires aux représentations et aux conceptions initiales de l’élève font intervenir les phénomènes d’assimilation et d’accommodation décrits plus haut. Cette réorganisation permet de passer d’un état de déséquilibre à celui d’équilibre.

Finalement, la dernière balise concerne l’importance des interactions sociales dans les apprentissages des élèves. En effet, en travaillant en équipe ou lors de retours en grand groupe, l’élève voit les différentes stratégies utilisées par ses pairs, ce qui l’amène à ajuster sa façon de procéder et à préciser sa pensée.

Lorsqu’on veut créer des situations d’apprentissage basées sur le socioconstructivisme, on doit penser à « l'enseignement dans des contextes qui pourraient être personnellement significatifs pour les apprenants, les négociations de significations partagées entre apprenants, les discussions de classe, la collaboration de petits groupes » (EdutechWiki, 2009b). Nous verrons plus concrètement ces principes dans notre séquence d’enseignement.