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Pour se conformer au nouveau programme de formation, les maisons d’édition de manuels scolaires ont renouvelé leurs collections. Nous avons donc consulté les trois seules collections de manuels de mathématiques du troisième cycle du primaire actuellement approuvées par le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MÉLS)2 pour voir la place qu’y occupent les repères culturels et plus particulièrement, l’histoire des mathématiques. Nous avons donc examiné les collections Clicmaths, Presto et Défi mathématiques, ainsi que de nombreux cahiers d’exercices. Voyons ce qu’offrent ces nouvelles collections de manuels scolaires en mathématiques.

La collection Clicmaths, 3

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La collection Clicmaths de la maison d’éditions Grand Duc –HRW– (Guay, 2003) a été la première à être approuvée par le MÉLS en mai 2004. Elle contient quatre manuels au troisième cycle pour un total de 560 pages. Chaque manuel contient 20 situations d’apprentissage qui abordent chacune une notion, nouvelle ou non. L’histoire des mathématiques est abordée dans les situations particulières intitulées Le savais-tu ? qui se retrouvent à la fin de chaque manuel sur quatre pages. Le premier manuel traite des fractions unitaires égyptiennes, de l’écriture des nombres babyloniens et du nombre pi. Le deuxième manuel traite des fractions vues par Theano au 6e siècle av. J.-C., de la contribution d’Euclide à la géométrie et des multiplications de Brahmagupta. Le troisième manuel nous présente Fibonacci et sa fameuse suite, Pierre de Fermat et sa théorie moderne des nombres et Florence Nightingale et ses diagrammes. Le dernier manuel traite des graphes d’Euler, des nombres premiers examinés par Sophie Germain et deux problèmes de Gauss : la somme des entiers de 1 à 100 et le problème des huit reines sur un échiquier.

Notons également que lorsque le manuel aborde les multiplications à deux chiffres (nouveau en cinquième année), il le fait avec une situation-problème sur un abaque romain, propose, entre autres, la méthode par jalousie et conclut avec la multiplication égyptienne. Les activités proposées ne permettent toutefois pas nécessairement de faire des liens avec l’algorithme conventionnel.

2 Site Internet du MÉLS consulté le 5 juillet 2010 à l’adresse :

En somme, on nous présente soit des peuples et leur façon de représenter les nombres (dans le premier manuel seulement), soit des mathématiciens (plus ou moins connus) et leur contribution aux mathématiques. Par contre, ces capsules restent très anecdotiques et les tâches demandées, à notre avis, ne sont pas très stimulantes, comme le lecteur peut le constater dans l’extrait d’un manuel à la figure 1. En effet, les explications sont données et on demande à l’élève de simplement appliquer un processus, plutôt que de le placer en situation où il aurait à le découvrir par lui-même. De plus, puisque ces capsules sont placées en fin de manuel, nous parions qu’elles sont rarement vues par les élèves et les enseignants, comme l’a révélé un petit sondage informel à l’école de la chercheure.

La collection Presto mathématique, 3

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La deuxième collection approuvée par le MÉLS (en février 2005) est la collection Presto (Lacasse, 2005) de la maison des Éditions CEC. Cette collection contient huit manuels pour le troisième cycle (quatre par année) pour un total de 844 pages. Dans ces pages, on retrouve une quinzaine de rubriques culture et deux « projets » à caractère historique.

Les rubriques culture, identifiées par un petit symbole de planète, se retrouvent habituellement en bas des pages et occupent un quart à une demi-page. Ce sont de petites capsules informatives sur des sujets variés (calculi mésopotamiens, système chinois de baguettes, fractions égyptiennes, apparition des nombres décimaux, apparition des symboles mathématiques (+, -, x, ÷, =, < et >), numération babylonienne en base 60, symboles romains, anciennes unités de mesure, etc.). Certaines rubriques comportent des questions de discussion ou de petits exercices d’application.

Aussi, le premier manuel (manuel A, volume 1, p. 8 à 14) s’ouvre sur un « projet » qui s’appelle La pyramide Ankh et qui traite de l’Égypte ancienne. On y explique le système de numération égyptien et ses hiéroglyphes, mais la tâche demandée n’est pas pertinente. On aborde aussi les fractions égyptiennes, mais elles ne sont pas expliquées et on ne précise pas que les Égyptiens utilisaient surtout des fractions unitaires. En fait, ce « projet » n’est qu’un prétexte pour résoudre des « énigmes » qui ne sont en réalité que de simples exercices d’application qui n’ont rien à voir avec la numération égyptienne ou leur façon de faire les opérations, comme vous pouvez le constater à la figure 2. Le manuel B (volume 1, p. 8 à 14) s’ouvre aussi sur un projet appelé La cité quetzal et traite du système de numération maya. On y explique les différents symboles et leur valeur et la base 20 de ce système. On demande à l’élève de résoudre quatre « énigmes », à savoir déchiffrer les symboles mayas qui représentent les nombres 13, 32, 20 et 21. Les pages suivantes sont aussi un prétexte pour faire de simples exercices d’application qui n’ont pas de lien avec la numération maya.

Bref, selon nous, l’histoire des mathématiques est abordée de façon superficielle dans cette collection. La façon dont les rubriques sont dispersées fait en sorte qu’elles ne sont nullement en lien avec les contenus enseignés et nous présumons que de nombreux enseignants doivent les ignorer ou les négliger.

La collection Défi mathématique, 3

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La dernière collection approuvée par le MÉLS, Défi mathématique (Lyons & Lyons, 2005), nous vient de la maison d’édition La Chenelière. Cette collection contient deux manuels pour le troisième cycle pour un total de 431 pages. Bien que les manuels de cette collection soient ceux qui contiennent le moins de pages, c’est avec eux qu’on va le plus en profondeur dans l’histoire des mathématiques. En effet, la collection Défi mathématique, même dans sa version précédant la réforme, abordait l’histoire des mathématiques pour l’intérêt qu’elle suscite et les contenus mathématiques qu’on peut y greffer. Les manuels de Défi mathématique sont divisés en cinq parties : logique, numération, fraction, jeux de nombres et géométrie. C’est surtout dans les parties

numération et jeux de nombres que l’on traite de l’histoire des mathématiques.

Dans la section numération du manuel de cinquième année, dès le début de l’année, on fait un survol historique sur trois pages consécutives (voir l’annexe 3). On y voit une façon primitive de compter sur son corps, les bulles d’argile des Sumériens, les tables à calcul du XVIe siècle, l’abaque de Gerbert d’Aurillac, la numération additive égyptienne et la numération hybride chinoise. À la suite de chaque information, l’élève est invité à expliquer les différents systèmes ou à « traduire » certains symboles en nombres indo- arabes et vice-versa. Plus loin, lorsqu’on aborde la division avec un diviseur à deux chiffres, on évoque le calcul à la plume italien datant du XVIe siècle et le calcul scolaire italien de la fin du XXe siècle. Dans la section jeux de nombres, lorsqu’on aborde les multiplications à deux chiffres, on nous présente, entre autres, « le procédé arabe » que d’autres nomment « par jalousie » ou « per gelosia ».

Pour ce qui est du manuel de sixième année, la section numération présente une

Petite histoire des chiffres et du calcul et dans la section jeux de nombres, trois pages sont

consacrées aux instruments de calcul, notamment le fonctionnement de l’abaque romain, du boulier chinois et des calculi sumériens. L’élève est invité à expliquer leur fonctionnement et à expérimenter quelques manipulations (vous pouvez consulter ces pages à l’annexe 4).

Enfin, soulignons que la collection Défi mathématique est celle qui aborde le plus en profondeur l’histoire des mathématiques, mais elle se contente d’enrichir la culture générale des élèves (ce qui est déjà bien) plutôt que d’améliorer la compréhension de concepts arithmétiques comme la numération et les opérations (addition, soustraction, multiplication et division). En effet, il s’agit de petites activités regroupées sur quelques pages, que l’on voit habituellement en une leçon. Bien que ces activités suscitent la discussion et permettent de survoler des notations et des méthodes anciennes, elles ne s’inscrivent pas dans une séquence didactique visant à améliorer la compréhension de notre système de numération ou de nos algorithmes.

Les différents cahiers d’exercices du 3

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De tous les cahiers d’exercices consultés à la didacthèque de l’Université de Montréal3, aucun n’aborde de près ou de loin l’histoire des mathématiques ou autres repères culturels. Seuls les cahiers d’exercices de Défi mathématique les abordent, mais ces cahiers d’exercices remplacent les manuels dans certaines écoles, plutôt que de les compléter comme à l’habitude.

L’analyse de ces divers manuels nous amène à constater que les différentes maisons d’édition scolaire ont respecté les exigences minimales du programme de formation, qui relativement aux repères culturels, demande de réaliser un projet ou une activité par cycle. Seule la collection Défi mathématique utilise l’histoire des mathématiques pour expliquer aux élèves notre système de numération actuel et notre façon d’effectuer les opérations. Par contre, ces activités restent des survols et aucun système ou procédé n’est étudié en profondeur.

Conclusion

La chercheure se trouve devant un problème pratique d’enseignement/ apprentissage : elle souhaite en effet stimuler ses élèves doués pour éviter leur sous- performance et pense que les repères culturels en mathématiques représentent une voie intéressante. Ainsi, nous avons cru bon de souligner sa pertinence pour les élèves et pour les enseignants et également, de présenter les difficultés inhérentes à son intégration. De

3Croque-Math, Résolu Math, Missions mathématiques, Je m’entraîne en mathématique, Connexions en mathématiques,

plus, le Programme primaire international propose un module de recherche sur l’histoire et la géographie et demande entre autres de porter « sur les découvertes […] des êtres humains; sur les relations entre les individus et les civilisations […] » (Organisation du Baccalauréat International, 2007, p. 14). Rappelons que Daniel (2000) affirme que l’histoire des mathématiques est particulièrement appropriée pour les enfants doués puisqu’elle leur offre des défis stimulants. Nous avons aussi vu l’importance que le programme du MÉLS accorde à la compétence résoudre une situation-problème

mathématique. Toutefois, du côté des manuels, tous les exemples abordant l’histoire des

mathématiques restent en surface et ne proposent pas de réelles résolutions de problèmes. De plus, comme l’histoire des mathématiques a récemment fait son entrée au programme, il s’agit d’une nouveauté pour les enseignants qui ne l’ont pas abordée lors de leur formation des maîtres (s’ils ont terminé avant 2002), ni durant leur scolarité préuniversitaire. La chercheure aura donc à se pencher sur ces notions dans le prochain chapitre. Aussi, à l’instar de Tzanakis et al. (2000), Michalowicz et al. (2000) et Heiede (1996), nous constatons qu’il existe peu de ressources pédagogiques pour les enseignants du primaire (comme nous l’avons vu dans la revue des manuels scolaires).

À la lumière de ce qui a été dit plus haut sur les exigences des deux programmes, les caractéristiques des élèves et la pertinence d’introduire l’histoire des mathématiques, le but de cette thèse est de développer et de mettre à l’essai une séquence d’enseignement/apprentissage adaptée aux élèves voulant à la fois répondre aux exigences du Programme primaire international (PP) de l’OBI et à celles du MÉLS et qui serait basée sur l’histoire des mathématiques. Cet objectif se précisera suite au deuxième chapitre où nous verrons différentes façons d’introduire l’histoire des mathématiques et sur quelles notions mathématiques nous devrions nous pencher.

2. Cadre conceptuel