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3. Les aspects méthodologiques

3.4. Les exigences de la rigueur scientifique

Nous allons maintenant voir les cinq exigences auxquelles toute recherche ayant une prétention scientifique est confrontée. En effet, qu’une recherche soit quantitative ou qualitative, elle doit rencontrer des exigences scientifiques de rigueur pour être considérée comme une recherche « scientifique ». Van der Maren (1999) les explique clairement dès le début de son ouvrage destiné aux praticiens chercheurs. Comme dans toutes les recherches, on mentionne : la fidélité, la validité ou la pertinence, la validité interne ou la consistance, la validité externe ou la transférabilité et l’objectivité. Pour chaque exigence dite « scientifique », nous viendrons nuancer et voir comment on peut les interpréter ou les adapter pour répondre aux particularités d’une recherche conduite par un enseignant.

La fidélité ou la vraisemblance

Selon Van der Maren (1999), la fidélité des données exige que les traces de l’activité des sujets de l’étude doivent être le reflet de la réalité. Aussi appelé vraisemblance, ce critère exige une instrumentation qui permet d’éviter les déformations du contenu et de la forme. Nous avons déjà décrit l’instrumentation privilégiée pour notre recherche, soit le journal de bord, la captation vidéo et les tests pour assurer la fidélité des données.

La validité ou la pertinence

Pour Van der Maren (1999), la validité des données ou leur pertinence demande au chercheur de dénommer, classer, catégoriser de la même manière les traces. Si sa façon de faire n’est pas consensuelle parmi les chercheurs du domaine, l’interprétation de cette trace n’est pas valide. Concernant la fidélité et la validité dans les recherches pédagogiques, Van der Maren met cependant un bémol. Il précise que :

« […] en recherche appliquée, si on doit poser la question de la fidélité et de la validité des traces, on n’en fera pas une obsession. On ne va pas s’énerver avec ces questions comme on le fait dans la recherche scientifique. Pourquoi ? Parce que dans la pratique, le praticien ne va pas poser des questions métaphysiques, épistémologiques, académiques sur la valeur des observations qu’il recueille : il n’a pas le temps de se construire une instrumentation sophistiquée » (1999, p. 43).

L’auteur ajoute que la situation du praticien est plus complexe que celle du psychologue. En effet, il n’a pas un sujet, mais bien vingt à trente à observer. On ne peut donc pas demander une validité et une fidélité aussi robustes que l’on trouverait en laboratoire. Par contre, même s’il ne peut pas construire des instruments de mesure pour toutes ses observations, le praticien devra néanmoins le faire a posteriori et se demander quelle valeur a telle ou telle observation et le préciser dans son interprétation. Ainsi,

« La prise en compte des caractéristiques de la pratique n’élimine pas les exigences méthodologiques de rigueur ; elle renverse simplement les priorités. Bien qu’analogique et floue, la trace pratique devra cependant être toute la trace, rien que la trace et la bonne trace » (1999, p. 45).

La validité interne, la consistance ou la crédibilité

En ce qui concerne la validité interne du plan de recherche, Van der Maren (1999) fait référence à la consistance et à l’argumentation développée dans le programme de recherche. Y a-t-il cohérence entre les questions, les objectifs, la méthodologie préconisée

et les conclusions ? Gattuso (1993) rapporte les propos de Goetz et Le Compte (en 1984) et de Van der Maren (en 1985) pour qui une longue présence sur le terrain, une bonne connaissance de celui-ci et une participation aux événements permet d’assurer une certaine crédibilité à la recherche. Elle se réfère aussi aux écrits de House, Mathison et McTaggart (parus en 1989) qui élargissent le concept de validité et considèrent que les enseignants peuvent se fier à leur expérience personnelle puisqu’une grande partie de ce qu’ils font a du sens et qu’une répétition d’événements qui seraient semblables ou une certaine régularité permettrait de faire de bonnes déductions, donc d’avoir une certaine crédibilité. Notre double rôle favorise donc la validité interne.

La validité externe ou la transférabilité

Quant à elle, la validité externe du plan de recherche se rapporte à une connaissance suffisante des sujets, du terrain, des situations pour pouvoir transposer les conclusions de la recherche à d’autres échantillons. Si ce n’est pas le cas, la portée scientifique de l’étude est moindre (Van Der Maren, 1999). Pour décrire la validité externe, Lankshear et Knobel (2004) parlent plutôt de fiabilité, de consistance, de stabilité ou de « replication ».

Le fait que la chercheure soit aussi l’enseignante des élèves de l’étude amène une excellente connaissance du milieu (élèves, école, parents, quartier, etc.) pour pouvoir bien décrire ces sujets et ce milieu et pouvoir circonscrire à qui s’adresseront les conclusions de la recherche. De plus, en évitant un intermédiaire (le chercheur et l’enseignant ne faisant qu’un), on évite une étape dans l’interprétation des résultats (jeu du téléphone). Nous croyons que cela peut aussi favoriser la fidélité ou la vraisemblance de la recherche. Lankshear et Knobel aussi parlent de validité interne et externe, mais ils précisent que ces exigences découlent de :

« […] an assumption that by doing research it was possible to arrive at –or at least, to get close to- a true or correct account of how things are in the world. […] This view of research quality was developed within quantitative inquiry and is usually associated with a positivistic approach to research» (2004, p. 361).

L’objectivité

Finalement, l’objectivité ou la neutralité exige d’examiner l’indépendance de la démarche à toutes les étapes pour éviter les biais techniques, théoriques ou idéologiques du chercheur. On vérifie l’objectivité par l’explication transparente des démarches et par

l’anticipation des biais (Van der Maren, 1999). En effet, si le chercheur annonce clairement les risques de biais, il a davantage l’assurance de mettre en place des dispositifs pour les éviter. C’est ce que nous avons fait dans les sections précédentes. Mialaret (2004) nous met en garde contre le problème d’objectivité des observations lorsque le chercheur est aussi l’enseignant des élèves. Puisque le chercheur est directement impliqué dans les situations, l’auteur préconise une équipe d’intervention et d’observation où le rôle de l’enseignant doit être pris en considération.

Concernant l’objectivité, Van der Maren fait ressortir des risques et des avantages à porter le double rôle de chercheur et d’enseignant. Dans sa partie intitulée De la

participation observante à la participation participante (1999, p. 148), il explique les

niveaux d’implication du chercheur et les dilemmes sous-jacents. À une extrémité, le chercheur est complètement impliqué, il est participant, comme c’est le cas ici. Selon lui, cette implication peut avoir des avantages. En effet, il avance que « l’implication maximale favorise la pertinence : on observe bien le problème observé ». Par contre, un des risques associés est le manque de recul pour observer de façon objective. Les préconceptions du chercheur participant peuvent interférer l’observation. À l’autre extrémité, le chercheur est plutôt un observateur. Bien qu’ayant plus de recul et d’objectivité et qu’il puisse observer plusieurs acteurs en même temps, les élèves peuvent être différents à cause de sa présence ou bien, il peut ne pas observer les éléments les plus pertinents en raison d’une méconnaissance du contexte de la classe. Il y a donc diminution de la pertinence des observations. Bref, si le chercheur est participant, il y a moins d’objectivité et de vraisemblance, mais plus de pertinence. Si le chercheur est plutôt observateur, il y a plus d’objectivité et un meilleur contrôle de ses biais, mais il y a moins de pertinence.

Conclusion

Ce troisième chapitre méthodologique s’est ouvert sur une mise en contexte de notre recherche en la situant dans le vaste monde de la recherche en sciences de l’éducation. Nous avons utilisé la classification des types de recherche de Van der Maren (1999) selon quatre types d’enjeux, chacun ayant un rôle différent. Nous nous sommes particulièrement attardée à la recherche appliquée ou dite pédagogique (avec enjeux pragmatiques et ontogéniques) pour finalement parvenir aux recherches menées par des praticiens. Cette partie a mis en lumière les apports spécifiques des recherches menées par des enseignants,

qui rappelons-le, permettent un rapprochement entre la recherche et la pratique, améliorent la qualité de l’enseignement et/ou de l’apprentissage, favorisent la réflexion sur la pratique de l’enseignant-chercheur et finalement, favorisent une meilleure compréhension des enjeux et une expérimentation plus naturelle vu la bonne connaissance du milieu par celui- ci.

En outre, nous avons vu les conditions particulières à mettre en place pour éviter les biais et satisfaire aux exigences de la recherche scientifique, c’est-à-dire l’utilisation d’une variété d’outils de collecte de données. En effet, nous allons constituer une trace primaire à l’aide d’enregistrements vidéo, tenir un journal de bord quotidien et passerons deux petits tests et un questionnaire fermé pour nous permettre une forme de triangulation. Ensuite, nous avons évoqué les biais qu’il est possible de rencontrer dans une recherche menée par un praticien pour mieux les éviter. Ceux-ci peuvent survenir lors de la collecte de données ou peuvent provenir des élèves, du personnel de l’école ou encore, du chercheur lui-même. Puis, nous avons rappelé les exigences de la rigueur scientifique de toute recherche digne de ce nom. On ne pouvait passer à côté de la fidélité, la validité ou la pertinence, la validité interne ou la consistance, la validité externe ou la transférabilité et l’objectivité. Comment tous ces aspects méthodologiques vont-ils se traduire dans la salle de classe? Le prochain chapitre présentera la séquence d’enseignement et le déroulement sommaire de la mise à l’essai.

4. La séquence d’enseignement/apprentissage