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La dyslexie peut se manifester de différentes manières et également avoir un ou plusieurs troubles associés. Même si ce trouble est très hétérogène, il a toujours des répercussions notables sur la lecture. Cela va poser des difficultés à l’école tout d’abord, puis plus tard dans la vie professionnelle et également dans la vie affective. En effet, la dyslexie, comme n’importe quel handicap, est parfois difficile à vivre pour la personne au niveau psychologique et émotionnel.

6-1) La lecture

Tout d’abord, un trouble de l’identification des mots a une conséquence directe sur l’acte de lire et donc sur la compréhension de ce qu’on lit. En effet, nous l’avons vu, la lecture consiste à identifier les mots écrits et à comprendre. Un trouble dans l’identification des mots va gêner

35 la compréhension car ce trouble va être très coûteux en attention et ne va pas laisser beaucoup de place dans la mémoire de travail pour faire les liens entre les mots et entre les phrases afin de comprendre le sens de ce qu’on lit. La lecture en général sera donc touchée (Écalle &

Magnan, 2006 ; Martinet & Rieben, 2010).

6-2) L’école

Ensuite, les conséquences d’une maîtrise difficile de la lecture sont multiples. En 1985, l’introduction des programmes élémentaires spécifiait déjà que « la maîtrise de la langue française commande le succès à l’école élémentaire » (ONL, 2005, p.6). Cela ne concerne pas que la lecture mais on peut voir que des difficultés en français, dont les difficultés en lecture, vont avoir des impacts dans tous les apprentissages scolaires puisque les capacités en français, telles que la maitrise de la lecture, sont des capacités transversales utiles et indispensables dans toutes les matières scolaires. La dyslexie va donc poser des difficultés à l’école de manière générale.

Au sujet de ces difficultés scolaires, Destrempes-Marquez et Lafleur (1999) avancent le fait que parfois, les attitudes développées par l’environnement familial ou scolaire envers l’enfant sont inadaptées. Ils constatent que cela entraîne chez l’enfant un dégoût pour l’écrit et un désintérêt pour les matières qui demandent un effort de lecture, c'est-à-dire quasiment toutes les matières à l’école. Ces auteurs ont également observé que dans de mauvaises conditions de prise en charge, le langage de ces enfants va rester pauvre, leur travail se fera lentement, ils seront plus fatigués et auront des difficultés à transcrire le contenu de leur pensée et à intégrer le discours d’autrui. Il faudrait que ce trouble soit pris en charge le plus tôt possible par des logopédistes afin de minimiser l’impact de la dyslexie à l’école en proposant rapidement des remédiations adaptées aux difficultés (Martinet, 2010). Il faudrait également développer des attitudes adéquates envers ces élèves et mettre en place des aménagements pédagogiques adaptés en classe pour ainsi éviter le schéma du dégoût pour l’écrit et de l’échec scolaire (Bosse, 2004).

Cependant, la recherche de Jacquier, Naudin, Roisin, Hoen et Meunier (2009) montre que l’on pense toujours à la prise en charge de la dyslexie à l’école et beaucoup moins à celle de la dyslexie à l’âge adulte. Les auteurs nous livrent un témoignage d’une adulte présentant une dyslexie qui résume très bien cela : « Les gens ne comprennent pas que la dyslexie peut exister et être handicapante hors d’un cadre scolaire. Pour eux la dyslexie ne concerne que les enfants, elle n’atteint pas les adultes ». Pourtant, la dyslexie peut être un véritable handicap dans la vie quotidienne de l’adulte et surtout dans son travail.

36 6-3) Le monde professionnel

Le rapport de l’ONL (2005) spécifie que « l'insertion professionnelle est fortement corrélée avec le diplôme de sortie de l'école et le risque de sortie du système éducatif sans qualification est étroitement lié à la manière dont les élèves ont effectué leur scolarité primaire » (p.7). Cela veut dire que le risque d’échec scolaire et donc de difficultés d’insertion professionnelle est plus élevé chez les élèves qui éprouvent des difficultés à maîtriser la lecture, ce qui inclus les élèves présentant une dyslexie. La dyslexie peut donc se manifester plus tard que la période scolaire par l’échec professionnel et même social. Cet échec peut avoir des répercussions non négligeables sur les affects et les émotions de la personne présentant une dyslexie qui se retrouve dans une situation difficile à vivre à cause de son handicap.

6-4) Les affects

Leonova (2008) met en évidence de nombreuses recherches qui ont été effectuées auprès d’élèves ayant des troubles de l’apprentissage (TA), incluant les élèves présentant une dyslexie.

Les conclusions qui ressortent des différentes recherches citées sont que les élèves avec TA ont des difficultés d’intégration scolaire et sociale. En effet, ils sont plus souvent rejetés et moins compétents socialement que les enfants ordinaires puisqu’ils s’engagent moins dans les interactions sociales et qu’ils sont moins souvent à l’origine de ces interactions comparés aux enfants sans TA (Kavale & Forness, 1996, cités par Leonova, 2008). Puis, la fréquence des dépressions est plus élevée (cela peut être dû au sentiment profond de solitude) et le sentiment d’autoefficacité est plus bas chez ces élèves (Fristad, Topolosky, Weller, & Weller, 1992, cités par Leonova, 2008). Une anxiété plus grande est également mise en avant par Dollinger, Horn et Boarini (1988), cités par Leonova (2008), ce qui peut être lié au comportement plus agressif de ces enfants avec TA par rapport aux enfants ordinaires (Maag & Reid, 1994, cités par Leonova, 2008). En effet, selon les classements des professeurs et des parents, les enfants avec TA possèdent des niveaux plus élevés de comportement agressif et antisocial comparés aux enfants sans TA.

Dans sa propre recherche, Leonova (2008) va comparer 37 élèves présentant une dyslexie scolarisés en école ordinaire, 35 élèves présentant une dyslexie scolarisés en école spécialisée

37 dans les cantons francophones de la Suisse et 31 enfants sans dyslexie. Elle va montrer que le bien-être psychologique des élèves présentant une dyslexie et étant scolarisés dans une école spécialisée est meilleur que celui des élèves présentant une dyslexie et scolarisé en classe ordinaire. En effet, elle montre que pour les enfants présentant une dyslexie et étant scolarisés en classe spécialisée, « l’estime de soi scolaire » et l’image idéalisée de soi scolaire est plus élevée, le soutien social de la part des enseignants est plus grand et les risques de dépression sont plus faibles.

Ces résultats peuvent être étonnants quand on pense à toute cette politique d’intégration qui se met en place, au fait qu’on veuille de plus en plus que les élèves à besoins éducatifs particuliers soient intégrés en classe ordinaire pour favoriser leur intégration sociale et leur développement. Cependant, il faut se montrer critique envers ces résultats car nous n’avons pas trouvé d’autres études allant dans ce sens. De plus, de nombreux facteurs peuvent entrer en jeu. En effet, les effectifs sont réduits dans les écoles spécialisées, ce qui peut expliquer que le soutien social des enseignants soit plus grand (Leonova, 2008). De plus, les enseignants spécialisés sont formés, leurs exigences sont peut être mieux adaptées aux besoins et le niveau des élèves est peut être un peu plus bas. Par ailleurs, en classe ordinaire, les élèves intégrés ont peut être une estime d’eux même moins haute à cause de la comparaison sociale avec leurs pairs, qui n’ont eux aucune difficulté, cela peut être plus difficile psychologiquement que dans une école spécialisée, où tous les élèves ont des besoins particuliers et des difficultés (Leonova, 2008).

Puis, selon nous, il ne faut pas généraliser ces résultats en affirmant que la dyslexie amène forcément à la dépression et à des problèmes dans les relations sociales. Cette étude montre que le risque est plus élevé chez les élèves présentant une dyslexie que chez les enfants n’ayant aucune difficulté mais elle ne montre pas que ce cas est systématique.

Ensuite, selon nous, il faut être attentif au fait que cette recherche ne signifie pas qu’être dans une école spécialisée favorise le développement des compétences scolaires des élèves, cela montre seulement que c’est moins dur psychologiquement pour eux. Cela nous permet de faire le lien avec Martinet et Hauser (sous presse) et le fait qu’il faudrait assurer à ces élèves le meilleur encadrement scolaire et le meilleur soutien possible dans les classes ordinaires. Il faut pour cela être attentif à leurs besoins et mettre en place des aménagements qui vont permettre de contourner la situation de handicap, afin qu’ils aient de meilleurs résultats et réussissent à apprendre malgré leurs difficultés.

38 Au sujet des affects, l’étude longitudinale de Jacquier-Roux et al. (2009) montre quant à elle qu’il n’y a pas de différences significatives concernant l’estime de soi entre les 52 élèves présentant une dyslexie suivi de la 6ème à la 3ème en France (Cycle d’orientation et première année du Collège à Genève) et leurs camarades de classe. Cependant, la majorité des élèves présentant une dyslexie s’est orientée vers une voie professionnelle après le collège, par peur, selon eux, des impacts de leur dyslexie dans les études supérieures.

Le rapport de l’INSERM (2007) confirme également ce lien fréquent entre les difficultés d’apprentissages et les troubles du comportement ou émotionnels. Il affirme qu’un élève dont la dyslexie-dysorthographie est mal prise en compte peut présenter des troubles psychologiques secondaires. « Il apparaît indispensable d’évaluer chez les enfants porteurs d’un trouble des apprentissages, les compétences attentionnelles et le degré d’hyperactivité, ainsi que les autres symptômes psychopathologiques associés afin d’assurer une prise en charge complète » (p.666).

La recherche de Jacquier et al. (2009) montre elle aussi un impact de la dyslexie sur les affects, mais pour les personnes adultes cette fois. Les résultats stipulent que 82% des adultes présentant une dyslexie interrogés disent que la dyslexie a un impact important voire très important dans leur vie. Ils disent avoir plus d’anxiété et essayent d’éviter le plus possible les situations handicapantes au travail, comme par exemple lire devant tout le monde ou taper des rapports écrits. Certaines situations sont très stressantes pour eux et leur font perdre leurs moyens. De plus, il n’y a plus de réelle prise en charge pour les adultes. Jacquier et al. (2009) ont fait passé un questionnaire à 50 adultes présentant une dyslexie afin d’en savoir plus. Il s’est avéré que 74% d’entre eux n’ont plus aucune prise en charge rééducative alors qu’ils sont 86% à avoir eu une prise en charge par un logopédiste dans leur enfance. Cela est d’autant plus surprenant par le fait que 77% d’entre eux estiment que leur dyslexie n’a été compensée qu’en partie et qu’ils ont toujours des difficultés dans la vie quotidienne et que c’est parfois difficile pour eux sur le plan émotionnel.

Nous pouvons relier ces constats sur les répercussions en chaîne de la dyslexie à Guilloux (2009), qui parle de l’effet « domino dys ». Elle parle de dominos pour évoquer l’influence des différents domaines les uns sur les autres. Le premier « domino » touché va avoir un impact sur tous les autres. En effet, le domaine cérébral va avoir un impact sur le cognitif, qui va avoir un impact sur le comportemental, qui va avoir un impact sur le monde scolaire (ou le monde professionnel dans le cas de personnes adultes). Le domaine scolaire (ou

39 professionnel) va quant à lui avoir un impact sur le domaine psychoaffectif, sur le domaine familial et sur le domaine psycho-relationnel. Pour éviter cette réaction en chaîne, il faut donc que la dyslexie soit bien prise en charge. En effet, pour les élèves présentant une dyslexie, une prise en charge éducative et scolaire à travers des aménagements en classe doit être mise en place (Martinet & Hauser, sous presse). Elle doit s’accompagner d’une prise en charge logopédique afin d’éviter cette spirale, en proposant des remédiations qui vont éviter l’impact trop lourd de la dyslexie (Martinet, 2010). Pour être déployée, cette prise en charge doit commencer par un repérage et un diagnostic.

40 Chapitre 2 : Repérage et diagnostic, un enjeu important

Tout au long de ce chapitre, nous allons explorer le schéma ci-dessous en explicitant les différentes étapes menant au diagnostic de la dyslexie et à la mise en place d’aménagements en classe pour l’élève présentant une dyslexie.

Repérage

Dépistage (médecin formé)

Diagnostic (cabinet du logopédiste)

Aménagements Pédagogiques Prise en charge logopédique +

Enseignement des compétences requises.

(l’enseignant)

Figure 2 : Le repérage de la dyslexie et les étapes qui suivent, inspiré de Martinet (2010)