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Les aménagements pédagogiques mis en place pour les élèves présentant une dyslexie : points de vue des enseignant-e-s et des élèves

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Les aménagements pédagogiques mis en place pour les élèves présentant une dyslexie : points de vue des enseignant-e-s et des

élèves

FELBER, Sandra, MICHEL, Julie

Abstract

Notre recherche s'intéresse à la mise en place effective des aménagements pédagogiques pour prendre en charge la dyslexie à l'école. Nous avons interrogé une logopédiste pour en savoir plus sur les aménagements importants à mettre en place, puis nous avons soumis un questionnaire à 50 enseignants dans le but de connaître mieux leurs pratiques. Enfin, nous avons mené des entretiens avec quatre élèves présentant une dyslexie afin d'avoir leur avis sur les aménagements. Les résultats montrent que certains aménagements sont connus et mis en place par les enseignants alors que d'autres ne le sont pas. La réalité effective des aménagements pédagogiques préconisés pour que les élèves présentant une dyslexie évitent la situation de handicap ne semble pas encore parfaite. Les élèves et les parents doivent parfois continuer à se battre pour obtenir des aménagements, certains enseignants auraient encore des réticences et des directives claires ne sont pas présentes partout.

FELBER, Sandra, MICHEL, Julie. Les aménagements pédagogiques mis en place pour les élèves présentant une dyslexie : points de vue des enseignant-e-s et des élèves. Master : Univ. Genève, 2012

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:24838

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1 MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION – ÉDUCATION SPÉCIALE

PAR Sandra FELBER

Julie MICHEL

DIRECTEUR DU MEMOIRE Catherine MARTINET

JURY

Greta PELGRIMS

Jean-François CHAVAILLAZ

GENÈVE, SEPTEMBRE 2012

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION SCIENCES DE L'EDUCATION

Les aménagements pédagogiques mis en place pour les élèves présentant une dyslexie :

Points de vue des enseignant-e-s et des élèves.

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2 Résumé :

Notre recherche s’intéresse à la mise en place effective des aménagements pédagogiques pour prendre en charge la dyslexie à l’école.

Nous avons interrogé une logopédiste pour en savoir plus sur les aménagements importants à mettre en place, puis nous avons soumis un questionnaire à 50 enseignants dans le but de connaître mieux leurs pratiques. Enfin, nous avons mené des entretiens avec quatre élèves présentant une dyslexie afin d’avoir leur avis sur les aménagements.

Les résultats montrent que certains aménagements sont connus et mis en place par les enseignants alors que d’autres ne le sont pas. La réalité effective des aménagements pédagogiques préconisés pour que les élèves présentant une dyslexie évitent la situation de handicap ne semble pas encore parfaite. Les élèves et les parents doivent parfois continuer à se battre pour obtenir des aménagements, certains enseignants auraient encore des réticences et des directives claires ne sont pas présentes partout.

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3 Remerciements :

Nous souhaitons tout d’abord remercier la logopédiste qui a accepté de nous recevoir pour un entretien. Son avis sur les aménagements pédagogiques à mettre en place nous a aidé dans la formulation de notre questionnaire.

Ensuite, nous tenons à remercier les 50 enseignant-e-s1 qui ont accepté de remplir notre questionnaire, la recherche de ces derniers n’ayant pas été facile. Un remerciement aux directeurs et directrices qui ont accepté que les enseignants de leur établissement participent à notre recherche.

Puis, nous tenons à remercier les logopédistes et associations qui ont passé le message aux parents afin que nous puissions trouver notre échantillon d’élèves. Nous adressons dans le même temps nos remerciements aux parents qui nous ont donné l’autorisation d’interroger leur enfant présentant une dyslexie, ainsi que ces enfants qui nous ont accordé de leur temps pour répondre à nos questions.

Enfin, nous remercions notre directrice de Mémoire pour ses précieux conseils, son suivi continu et sa motivation tout au long de la rédaction de notre travail. Nous la remercions pour sa disponibilité, le temps qu’elle nous a accordé et les nombreux contacts qu’elle nous a donnés.

Un dernier remerciement au jury pour participer à l’aboutissement final de notre Mémoire.

1 Par souci de lisibilité, l’emploi du masculin comprend les femmes et les hommes dans l’ensemble de ce mémoire.

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Table des matières

Introduction……….. 7

I. PARTIE THEORIQUE ... 8

Chapitre 1 : La dyslexie, un trouble varié et controversé ... 9

1) Définitions et remarques autour de la dyslexie ... 9

1-1) Dyslexie / Difficultés en lecture ... 9

1-2) Définitions ... 10

1-3) Dyslexie / Dysorthographie ... 13

1-4) Découverte de la dyslexie ... 13

2) Comment apprend-on à lire ? ...14

3) Les différentes formes de dyslexie développementale ... 18

4) Les hypothèses sur les origines de la dyslexie ... 21

4-1) Théorie de l’hémisphère gauche du cerveau ... 21

4-2) Théorie phonologique ... 23

 Troubles des capacités métaphonologiques... 23

 Troubles de la perception catégorielle ... 25

 Troubles de la mémoire ... 26

4-3) Théorie des troubles visuo-attentionnels ... 29

5) Les troubles pouvant être associés ... 31

5-1) Dysphasie ... 32

5-2) Dyscalculie... 32

5-3) Dyspraxie ... 33

5-4) Dysgraphie ... 33

6) Les répercussions en chaîne de la dyslexie ... 34

6-1) La lecture ... 34

6-2) L’école ... 35

6-3) Le monde professionnel ... 36

6-4) Les affects ... 36

Chapitre 2 : Repérage et diagnostic, un enjeu important ... 40

1) Repérage par l’enseignant ... 40

1-1) Le R.O.C. (outil de Repérage Orthographique Collectif) (Allal et al., 2006) ... 43

1-2) REPERDYS : REPERage des DYSlexies (Jacquier-Roux et al., 2006) ... 43

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2) Tests de dépistage ... 44

3) Consultation chez le logopédiste en vue du diagnostic ... 45

Chapitre 3 : Les mesures pédagogiques préconisées à l’école ... 47

1) La compréhension et l’acceptation de la différence : un travail de parole ... 47

2) La collaboration ... 48

3) Les adaptations pédagogiques à mettre en place au sein de la classe ... 49

3-1) L’organisation de la classe ... 49

3-2) Les leçons en classe ... 50

3-3) Les consignes des exercices ... 51

3-4) Le support d’apprentissage ... 51

3-5) Activités avec support écrit à lire ... 53

3-6) La copie ... 54

3-7) L’évaluation ... 54

3-8) La correction... 56

3-9) Le travail à domicile ... 56

4) Les aménagements pédagogiques par disciplines ... 57

4-1) En français ... 57

4-2) En création artistique ... 58

4-3) L’apprentissage d’une seconde langue ... 58

4-4) En histoire-géographie ... 59

4-5) En mathématiques ... 59

Chapitre 4 : Les différentes directives de quelques cantons ... 63

1) Valais ... 63

2) Vaud ... 64

3) Genève ... 64

II. PROBLÉMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE ... 66

III. RECHERCHE ... 67

1) Le point de vue de la logopédiste : des aménagements indispensables………68

1-1) Méthodologie ... 68

 Participants ... 68

 Matériel ... 68

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6

 Démarches d’analyse ... 68

1-2) Présentation et analyse des résultats ... 69

1-3) Conclusion de l’étude ... 71

2) Le point de vue des enseignants : des aménagements controversés ... 73

2-1) Méthodologie ... 73

 Participants ... 73

 Matériel ... 73

 Démarches d’analyse ... 73

2-2) Présentation et analyse des résultats ... 74

 Les formations initiales et continues ... 74

 Les connaissances sur la dyslexie ... 75

 Les aménagements pédagogiques ... 78

 Les autres aménagements proposés par les enseignants ... 88

 Qualifications des années passées avec des élèves présentant une dyslexie 89 2-3) Conclusion de l’étude ... 91

3) Le point de vue des élèves : des aménagements parfois difficiles à obtenir ... 92

3-1) Méthodologie ... 92

 Participants ... 92

 Matériel ... 92

 Démarches d’analyse ... 92

3-2) Présentation et analyse des résultats ... 93

 Élève 1 : Etienne ... 93

 Élève 2 : Lola ... 94

 Élève 3 : Carine ... 96

 Élève 4 : Manon ... 97

3-3) Conclusion de l’étude ... 98

IV. DISCUSSION / CONCLUSION ... 100

Références bibliographiques ... 105

ANNEXES ... 110

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7 Introduction :

De nos jours, nous entendons de plus en plus parler des élèves présentant une dyslexie, comme si la prise en compte de ce trouble commençait seulement à se mettre en place. En effet, des directives arrivent sur le terrain, des formations se mettent de plus en plus en place pour les directeurs d’établissement ainsi que pour les enseignants, et les recherches sur la dyslexie se sont multipliées ces dernières années. Celles-ci cherchent notamment à mettre en évidence les différentes difficultés possibles des élèves présentant une dyslexie ; à comprendre l’origine de ce trouble ; et à prouver l’efficacité de la prise en charge pédagogique en classe par l’enseignant, en plus de la prise en charge logopédique.

Ce mémoire est né d’un questionnement personnel à la suite de cours suivis à l’Université sur la dyslexie, en mettant ces cours théoriques en lien avec la pratique, ce que nous pouvions observer sur le terrain quant à la prise en charge de la dyslexie (l’une de nous étant enseignante). En effet, dans la théorie, nous trouvons de multiples aménagements pouvant être mis en place par les enseignants en classe pour que l’élève évite le plus possible la situation de handicap. Il nous semblait intéressant d’étudier ce qu’il se passait sur le terrain, et quelle était la réelle prise en compte de la dyslexie par les enseignants. Tous les aménagements présents dans la théorie sont-ils connus ? Sont-ils réellement mis en place ? Quels sont les obstacles pour les enseignants ? Comment vivent-ils leurs années avec un élève présentant une dyslexie dans leur classe ? Qu’en pensent les élèves ?

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8 I. PARTIE THEORIQUE

Dans cette revue de littérature, nous allons dans un premier temps aborder la définition générale de la dyslexie. Cette partie nous permettra de connaître ses différentes formes, ainsi que les mécanismes mis en place lors de l’apprentissage de la lecture pour mieux comprendre les difficultés présentées par ces élèves. De plus, seront abordés également les différentes hypothèses sur l’origine de la dyslexie, les troubles qui lui sont associés et leurs conséquences.

Puis, dans un deuxième temps, nous regarderons comment repérer et diagnostiquer la dyslexie, quels sont les indices, quels outils utiliser et qui sont les acteurs concernés.

Dans un troisième temps, nous parlerons des aménagements pédagogiques que l’on peut mettre en place à l’école afin d’aider l’élève présentant une dyslexie à contourner son handicap.

Enfin, dans un dernier temps, nous aborderons les différentes directives sur la dyslexie mises en place par les cantons de Genève, Vaud, et Valais afin de comprendre où nous en sommes aujourd’hui en Suisse et ce qui est mis en place pour les élèves présentant une dyslexie.

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9 Chapitre 1 : La dyslexie, un trouble varié et controversé

1) Définitions et remarques autour de la dyslexie 1-1) Dyslexie / Difficultés en lecture

Beaucoup d’enfants peuvent éprouver des difficultés à lire et à écrire mais cela n’est pas nécessairement lié à une dyslexie qui est un déficit très spécifique. Les troubles en lecture peuvent très bien avoir d’autres causes. En effet, selon les journées de l’Observatoire Nationale de la Lecture (ONL) en France en 2005, seulement 1/5 des enfants mauvais lecteurs présenteraient une dyslexie.

Pour ce qui est des autres causes des difficultés en lecture, cela peut être par exemple la langue maternelle de l’enfant. S’il ne parle jamais le français à la maison et qu’aucun de ses parents ne peut l’aider pour ses devoirs, que personne ne peut le faire lire pour s’entrainer, l’apprentissage de la lecture pourra être difficile pour l’enfant.

Les difficultés en lecture peuvent aussi être dues à un environnement peu stimulant, à une scolarisation non assidue et irrégulière, à un trouble psychologique grave, à des problèmes de vision et d’audition, à un déficit de l’attention, à une déficience intellectuelle, etc. (Réseau canadien de recherche sur le langage et l’alphabétisation, 2009).

Schaywitz et Schaywitz (2005, cités par Écalle & Magnan, 2006) suggèrent que l’on s’oriente vers « deux types de troubles en lecture : un trouble d’origine génétique avec des individus au QI supérieur à 100 et un trouble marqué par les influences environnementales avec un QI inférieur à 100. » (p 16). Le trouble d’origine génétique serait donc propre aux élèves présentant une dyslexie alors que le trouble ayant des causes environnementales serait propre aux faibles lecteurs selon ces auteurs.

C’est donc seulement après avoir éliminé toutes les autres causes pouvant expliquer les difficultés en lecture que l’on peut commencer à parler de dyslexie.

En plus de ces causes à éliminer, il faut que l’enfant ait un minimum de 18 mois de retard sur le niveau attendu en lecture. Il existe des tests pour mesurer cela, le diagnostic doit être posé par une logopédiste après un bilan (Martinet, 2010). Nous reviendrons plus précisément sur le repérage et le diagnostic dans le chapitre 2.

Il est ensuite important de préciser que nous parlons ici de dyslexie dite

« développementale », c'est-à-dire que comme son nom l’indique, elle se développe au cours

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10 du temps, c’est un trouble des apprentissages et plus précisément un trouble spécifique de l’acquisition du langage écrit (Gombert, 2003).

La dyslexie dite « acquise », quant à elle, se développe après une lésion cérébrale (un accident par exemple). Une personne ayant une dyslexie acquise peu très bien avoir appris à lire normalement et sans difficulté avant la lésion cérébrale alors qu’une personne présentant une dyslexie développementale aura des difficultés tout au long de sa vie pour ce qui est de la lecture et de l’écriture (Gombert, 2003).

1-2) Définitions

Etymologiquement, en grec, « dys » signifie difficulté et « lexis » signifie le lexique, les mots. La dyslexie serait donc fondamentalement une difficulté avec les mots, un trouble du langage.

Selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) (1994), la dyslexie est un trouble spécifique dans l’apprentissage de la lecture-écriture. Rutter (1978, cité par l’INSERM, 2007), s’appuie sur les propositions de la World Federation of Neurology (1968) pour être un peu plus précis en postulant que « la dyslexie est un trouble manifesté par une difficulté à apprendre à lire, malgré un enseignement conventionnel, une intelligence adéquate et un bon environnement socioculturel » (p.162). Il exclut donc les personnes présentant une déficience intellectuelle, les facteurs éducatifs, environnementaux et sociaux mais cela ne veut pas dire que ces facteurs ne jouent aucun rôle. En effet, Écalle et Magnan (2006) précisent que

« l’exposition à l’écrit, la quantité et la qualité des interactions sociales autour de l’écrit constituent dès lors un ensemble de conditions nécessaires à l’acquisition d’une base de connaissances impliquées dans les processus d’identification de mots écrits » (p.5).

L’environnement social et éducatif jouerait donc quand même un rôle. Frith (1999, cité par Écalle & Magnan, 2006) suggère, en se basant sur la même idée, l’importance d’une définition qui prenne en compte l’explication génétique, cognitive, comportementale ainsi que l’impact des facteurs culturels pouvant aggraver ou réduire ce déficit.

Pour ce qui est du facteur génétique, certaines études ont quantifié sa valeur dans l’explication de la dyslexie. Selon l’INSERM (2007), si un parent présente une dyslexie, son enfant a environ 50 % de risque de la présenter également. L’étude de Scaborough (1990, cité par l’INSERM, 2007) confirme également la valeur du facteur génétique en comparant 32 enfants âgés de 2 ans, issus de familles avec des troubles de la lecture, avec 32 enfants du même âge, issus de familles sans aucune difficulté mais de même niveau socioculturel. Il trouve comme résultat principal qu’à 8 ans, 65 % du groupe « à risque » (c'est-à-dire le groupe d’enfants

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11 dont les parents ont des troubles de la lecture) présentent une dyslexie alors qu’ils avaient le même niveau de vocabulaire que le groupe témoin.

Jantzen (2004) confirme quant à elle l’exclusion de la déficience intellectuelle en disant que les enfants présentant une dyslexie ont une intelligence tout à fait normale et même supérieure à la moyenne pour certains. Le fait que des personnes célèbres telles que Einstein, Mozart, Léonard de Vinci, John Lennon et bien d’autres présentaient une dyslexie nous donne cette preuve qu’aucune déficience intellectuelle n’est liée à la dyslexie. Cependant, à notre connaissance, aucune recherche scientifique n’a été dans ce sens en prouvant la supériorité intellectuelle des personnes présentant une dyslexie, nous considèrerons donc ce constat plutôt comme une hypothèse.

Ensuite, dans le rapport de l’INSERM (2007), la citation de Lyon, Shaywitz et Shaywitz (2003) est également intéressante à prendre en compte ici pour mieux comprendre ce qu’est la dyslexie puisqu’elle parle de son origine et des difficultés qui peuvent être présentes :

« La dyslexie est un trouble spécifique de l’apprentissage dont les origines sont neurobiologiques. Elle est caractérisée par des difficultés dans la reconnaissance exacte et/ou fluente de mots ainsi que par une orthographe des mots (spelling) et des capacités de décodage limitées. Ces difficultés résultent typiquement d’un déficit dans la composante phonologique du langage qui est souvent inattendu par rapport aux autres capacités cognitives de l’enfant et à l’enseignement dispensé dans sa classe. Les conséquences secondaires peuvent inclure des problèmes dans la compréhension en lecture. Cela peut entraîner une expérience réduite dans la lecture qui pourrait empêcher la croissance du vocabulaire de l’enfant et ses connaissances générales. » (INSERM, 2007, p.163)

On voit dans cette citation que les auteurs parlent de « capacités de décodage limitées » pour qualifier les élèves présentant une dyslexie. Le mot « décodage », tel que nous l’utiliserons tout au long de ce mémoire signifie l’identification des mots écrits (Écalle & Magnan, 2006).

Il faut préciser ici que ce qui pose des difficultés en lecture aux élèves présentant une dyslexie, c’est le décodage et non la compréhension. Pour lire il faut décoder les mots mais aussi être capable de comprendre ce qu’on lit pour accéder au sens. La lecture est alors composée deux domaines différents : le décodage et la compréhension. Ce dernier n’est pas directement lié à la dyslexie mais il est souvent touché puisqu’un mauvais décodage ne va pas permettre une bonne compréhension (Écalle & Magnan, 2006). L’étude longitudinale de

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12 Catts, Hogan et Fey (2003, cités par Écalle & Magnan, 2006) montre cela en établissant quatre groupes parmi 183 faibles lecteurs. Le premier a des difficultés en compréhension mais de bonnes capacités en identification des mots écrits (hyperlexiques : 15.4% de l’échantillon) ; le deuxième a des difficultés avec l’identification des mots écrits mais de bonnes capacités de compréhension (dyslexiques : 35.5 % de l’échantillon) ; le troisième a des difficultés dans les deux composantes (35.7% de l’échantillon) ; et le dernier est un groupe de faibles lecteurs « non spécifié » (13.4% de l’échantillon). Cette étude tend à montrer que la lecture se divise en ces deux composantes distinctes et qu’une peut poser problème et l’autre pas. Chez une personne présentant une dyslexie, c’est l’identification des mots écrits qui pose problème et non la compréhension. Une compréhension déficiente chez un élève présentant une dyslexie est donc la cause de ses difficultés en identification des mots écrit (décodage).

Pour ce qui est de la prévalence de ce trouble, selon l’expertise collective de l’INSERM (2007), la dyslexie touche 3 à 5% des enfants vers l’âge de 10 ans. Cela n’est pas négligeable puisque ça représenterait environ un élève par classe. Les enquêtes estimant le pourcentage d’élèves présentant une dyslexie restent cependant assez rares, ce qui ne nous permet pas une grande précision quant à l’étendue de ce trouble dans la population, d’autant plus que certaines dyslexies ne sont pas diagnostiquées ou alors diagnostiquées que tardivement. De plus, la prévalence va dépendre de la définition utilisée pour caractériser la dyslexie. Ainsi, la prévalence de la dyslexie varie selon les études, de 2,3% à 12 % ou plus selon le rapport de l’INSERM (2007). Celui-ci cite l’exemple des États-Unis, où plusieurs recherches ont été réalisées. Badian (1999) trouve une prévalence de 2,7 %, Shaywitz (1990) de 7,5 %, Katusic,

Colligan, Barbaresi, Schaid et Jacobsen (2001) trouvent des taux d’incidence variant de 5,3 % à 11,8 % selon les critères utilisés.

Les recherches sur la prévalence des personnes adultes présentant une dyslexie sont encore moins nombreuses que celles sur la prévalence des élèves présentant ce trouble. Nous savons seulement que 9 à 12% des adultes ont des difficultés en lecture (Jantzen, 2004) mais on ne sait pas quelle part de ce pourcentage est due à la dyslexie.

Précisons avant de poursuivre que le rapport de l’INSERM (2007) cité plusieurs fois ici a constitué une base solide pour notre mémoire, c’est pour cela que nous y reviendrons souvent.

En effet, il s’appuie sur plus de 2000 articles et a été élaboré par un comité d’experts constitué de plus de dix personnages connus dans le domaine de la dyslexie. Il a été rédigé à la suite

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13 d’un plan national d’action lancé en France en 2001 pour les troubles affectant les apprentissages scolaire comme la dyslexie.

1-3) Dyslexie / Dysorthographie

Nous avons parlé de difficultés dans l’apprentissage de la lecture mais il faut savoir que celles-ci sont toujours associées à des difficultés dans l’apprentissage de l’écriture. Quand il y a une dyslexie (trouble spécifique de la lecture), il y a donc systématiquement une dysorthographie (trouble spécifique de l’écriture) (Gombert, 2003). Dans la suite de ce mémoire, quand nous parlerons de dyslexie, nous engloberons donc également la dysorthographie.

Pour préciser ce qu’est la dysorthographie, il s’agit selon l’INSERM (2007) d’un trouble spécifique de l’expression écrite, apparaissant dans les premières années du développement de l’enfant et généralement associé à une dyslexie.

1-4) Découverte de la dyslexie

D’après Sprenger-Charolles (2003), le premier cas de dyslexie (appelé à l’époque cécité verbale) a été publié en 1896 et décrit par Pringle Morgan dans son livre. Depuis là, les recherches se sont multipliées et plusieurs causes ont été envisagées : trouble de la personnalité, mauvais enseignement, facteurs socio-éducatifs, trouble du système auditif, dysfonctionnement des voies magnocellulaires du système visuel (déficit de sensibilité visuelle aux contrastes), problèmes d’équilibre et de coordinations motrices, etc. (Sprenger- Charolles, 2003)

Broca en France (1865) et de Wernicke en Allemagne (1874), cités par Sprenger-Charolles (2003), ont été les premiers à établir que le fonctionnement du langage dépendait de zones spécifiques de l’hémisphère gauche du cerveau et donc que la dyslexie pourrait être due à un mauvais fonctionnement de la partie gauche du cerveau. Cette hypothèse, considérant la dyslexie comme un trouble neurologique, fut une des premières à être convaincante. Nous verrons par la suite qu’il y a aujourd’hui de nombreuses hypothèses sur les origines de la dyslexie et que les recherches depuis 1970 ont encore beaucoup évolué grâce à la naissance de disciplines telles que la psychologie cognitive et les neurosciences.

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14 2) Comment apprend-on à lire ?

Après avoir défini la dyslexie et mis en avant le fait que le problème se situe au niveau de l’apprentissage de la lecture, il nous semble important de parler maintenant de comment se fait l’apprentissage de la lecture chez un enfant « ordinaire », c'est-à-dire sans dyslexie, pour ensuite pouvoir mieux comprendre ce qui est déficient chez l’enfant présentant ce trouble.

Étudions tout d’abord les travaux du National Early Litteracy Panel (NELP) (2008) qui ont pour objectif principal d'identifier les interventions, les activités parentales et les pratiques pédagogiques qui favorisent le développement des compétences des enfants en alphabétisation précoce. Ces travaux nous permettent de voir quelles sont les variables importantes pour un apprentissage optimum de la lecture. En effet, selon les auteurs, plusieurs variables prédisent l’acquisition de la littératie (aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante selon le rapport du NELP, 2008) :

 la connaissance de l’alphabet (connaissance des noms et des sons de chaque lettre imprimée),

 la conscience phonologique (capacité à manipuler les différents sons),

 la dénomination rapide de lettres ou de chiffres,

 la dénomination rapide de photos, d’objets ou de couleurs,

 la capacité à écrire des lettres sur demande et à écrire son nom,

 la mémoire à court terme (mémoriser des informations pendant une courte période),

 la connaissance des conventions d’écriture (de gauche à droite),

 le langage oral (produire et comprendre),

 le traitement visuel (capacité à discriminer les lettres par exemple),

 …

Les chercheurs du NELP (2008) regroupent ensuite les différentes recherches qui ont été effectuées pour déterminer des stratégies d’enseignement à mettre en place pour développer ces capacités chez l’enfant, qui sont importantes pour la suite. On y trouve notamment des activités autour de l’alphabet, des activités de lecture partagée de livres avec l’enfant, des programmes destinés aux parents, des programmes préscolaires, des activités pour développer le langage… On remarque donc que plusieurs capacités sont simultanément requises pour lire et qu’un apprentissage doit être fait sur chacune, grâce à diverses stratégies, pour un apprentissage optimal de la lecture.

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15 Ensuite, il faut préciser que lire est la capacité d’identifier les mots écrits et également la capacité de comprendre ce qu’on lit. Comme nous l’avons déjà vu, la dyslexie est directement liée à la difficulté d’identifier les mots écrits mais est également indirectement liée à la capacité à comprendre un texte puisque comme l’identification des mots ne se fait pas bien, elle demande beaucoup de ressources attentionnelles, ce qui va gêner la compréhension de ce qui est lu (Martinet & Rieben, 2010). En effet,

« le lecteur possède une capacité limitée de traitement qui restreint le nombre d’informations qui peuvent être traités simultanément (…). Plus les opérations sont automatisées et moins elles sont coûteuses en terme de ressources attentionnelles (…). Ainsi si le décodage est automatisé, un maximum de ressources attentionnelles pourra être dévolu aux processus de plus haut niveau requis par la compréhension des phrases et du texte. » (Martinet &

Rieben, 2010, p.7)

Pour permettre une bonne compréhension, il faut donc décharger la mémoire de travail en utilisant moins de ressources attentionnelles pour l’identification des mots écrits. Cela peut se faire en automatisant petit à petit le décodage. Or, l’automatisation du décodage ne se fait pas tout de suite. Au début de l’apprentissage de la lecture, chez le lecteur débutant, tout se fait par transformation des graphèmes en phonèmes, ce n’est pas encore automatisé. Les graphèmes sont les lettres écrites (prises individuellement ou par groupe de lettres) et les phonèmes sont les plus petites unités sonores du mot. Il faut assembler chaque phonème d’un mot pour accéder au mot entier et à son sens. Prenons un exemple inventé par nous même en nous basant sur les apports de Martinet & Rieben (2010) pour mieux comprendre : imaginons que le mot à lire est « maison », pour un lecteur débutant. Il faudrait d’abord que l’élève traite visuellement le mot en le segmentant en graphèmes (m-ai-s-on). Puis, le décodage non automatisé reviendrait à lire d’abord / m / puis / ɛ / puis / z / puis / / 2. Ces quatre phonèmes seraient ensuite retenus en mémoire à court terme puis assemblés, ce qui donnerait / m ɛ z /.

L’accès au sens du mot pourrait alors se faire s’il est connu par l’élève.

Nous remarquons bien cette façon de lire chez les élèves qui débutent avec la lecture. Elle est appelé de manière différente selon les auteurs dans la littérature : procédure analytique ou voie indirecte (Gombert, 2003), procédure alphabétique ou voie d’assemblage (Martinet &

2 Ces symboles correspondent à l’Alphabet Phonétique International (API) utilisé pour la transcription phonétique des sons du langage parlé.

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16 Rieben, 2010). Nous avons choisi d’utiliser le terme « voie d’assemblage » dans notre mémoire.

Puis, le décodage s’automatise petit à petit, notre cerveau a retenu l’orthographe des mots courants dans la mémoire à long terme et il suffit de les voir pour réussir à les lire sans avoir besoin de convertir les graphèmes en phonèmes. En effet, il y a activation des connaissances mémorisées sur la forme orthographique des mots appris précédemment. Après le traitement visuel, la représentation orthographique du mot est activée dans le lexique en mémoire et donne accès à la forme sonore correspondant à ce mot et à son sens. Cette procédure est dite lexicale par Valdois et De Partz (2000). Martinet et Rieben (2010) parlent quant à elles de procédure orthographique et Gombert (2003) nomme cela la voie d’adressage ou la voie directe. On trouve donc dans la littérature plusieurs termes ayant une seule et même définition. Nous avons choisi d’utiliser le terme « voie d’adressage » dans notre mémoire.

L’expérience de Stroop en 1935 permet d’illustrer l’existence de la voie d’adressage, utilisé parfois de manière automatique par notre cerveau. En effet, les sujets devaient identifier la couleur d’un mot sans lire le mot lui-même (le mot était un nom de couleur). Prenons un exemple : « ROUGE ». Ce mot est le mot « rouge » mais il est écrit en vert. Quand il nous est demandé de dire de quelle couleur est écrit ce mot, le lecteur expert a toujours tendance à dire

« rouge » alors que la bonne réponse est « vert ». Le décodage du mot « rouge » se fait automatiquement et il nous est difficile de l’ignorer et de regarder seulement la couleur dans laquelle est écrit le mot. Cela illustre bien l’automatisme du décodage par la voie d’adressage chez le lecteur expert et notamment les problèmes que l’on peut avoir à inhiber ce traitement si automatisé.

Pour résumer, on peut donc dire qu’il y a deux voies pour identifier les mots écrits :

- la voie d’assemblage qui passe par la conversion de chaque graphème en phonème, c'est-à-dire la conversion de chaque lettre écrite ou groupe de lettres (graphème) au son qui lui correspond (phonème).

- la voie d’adressage qui identifie automatiquement le mot à partir des mots déjà vus auparavant et retenus en mémoire sous un format orthographique (Valdois & De Partz, 2000).

Selon Gombert (2003),

« Ces deux procédures sont largement complémentaires et doivent être toutes deux opérationnelles et efficientes. L’adressage permet une lecture plus aisée, plus rapide, alors

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17 que l’assemblage supplée la première procédure en cas de besoin, c’est-à-dire dès que nos yeux rencontrent un mot nouveau. » (p.6).

Faisons un schéma (cf., figure 1) pour symboliser au mieux cela : Mot écrit

Analyse visuelle

Voie d’assemblage : Voie d’adressage :

- Traitement phonologique -Traitement orthographique

- Conversion graphème/phonème - Accès au lexique en mémoire

Figure 1 : Schématisation du modèle de la lecture à deux voies, inspiré de Goigoux et Cèbe (2006) Le problème chez les personnes présentant une dyslexie se situe au niveau du décodage (l’identification des mots écrits), il est très couteux et est déficient, il ne s’automatise pas.

Comme le processus de décodage est inefficace, il leur prend beaucoup de ressources attentionnelles, c’est pour cela qu’il y a aussi des difficultés en compréhension de texte. En effet, toute l’attention est utilisée pour décoder et il ne reste rien pour mémoriser et comprendre (Martinet & Rieben, 2010).

Cependant, la dyslexie ne se résume pas seulement à des problèmes de décodage, d’autres domaines peuvent être touchés. En effet, il existe différentes formes de dyslexie et chacune présente des domaines plus ou moins préservés et d’autres plus ou moins touchés. Il peut donc

Accès à la forme orale du mot (mot compris si stocké dans le lexique sémantique)

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18 y avoir des difficultés variées entre les personnes présentant une dyslexie en fonction de la forme caractérisant leur trouble.

3) Les différentes formes de dyslexie développementale

Dans la littérature, différents types de dyslexie développementale sont décrites en fonction des différents profils observés chez les personnes présentant une dyslexie.

Selon Valdois (2004), Gombert (2003), Gombert et al. (2000) ainsi que le rapport de l’INSERM (2007), il y a trois types de dyslexie :

 La première est la dyslexie phonologique. Elle se retrouve chez les personnes ayant des difficultés avec la lecture et l’écriture des pseudo-mots alors que la lecture et l’écriture des mots réguliers et irréguliers est assez préservée (des difficultés peuvent également être présentes mais sont moins flagrantes qu’avec les pseudo-mots).

Les pseudo-mots sont des mots qui n’existent pas dans la langue française mais qui se rapprochent de certains mots existant. Même si ces mots ne sont pas utilisés dans la vie réelle, ils sont importants dans les expériences sur la lecture et l’écriture puisqu’ils permettent de voir si l’enfant peut lire ou écrire des mots qu’il ne connait pas et qui ne peuvent pas se trouver dans son lexique en mémoire. Le but est donc de tester la voie d’assemblage de l’élève puisqu’il ne pourra pas se servir des mots stockés dans sa mémoire à long terme et devra déchiffrer sans pouvoir passer par la voie d’adressage.

Les personnes présentant une dyslexie phonologique ont tendance à produire un mot réél visuellement proche du pseudo-mot. Les erreurs résultent d’une déformation du mot par omission, addition, substitution ou déplacement de certaines lettres du pseudo-mot (INSERM, 2007). L’analyse phonologique du mot et/ou la conversion graphème-phonème (la voie d’assemblage) sont déficitaires.

Gombert (2003) prend l’exemple d’un élève qui produit des mots réels proches des pseudo-mots qui lui sont présentés, par exemple « bionde » lu « blonde ».

 La deuxième est la dyslexie de surface. Elle se caractérise, au contraire de la dyslexie phonologique, par des difficultés dans la lecture comme dans l’écriture des mots irréguliers. La lecture/écriture des mots réguliers et des pseudo-mots est quant à elle assez préservée. Les compétences phonologiques seraient assez bonnes chez ces personnes, le problème viendrait d’une incapacité à stocker en mémoire les mots sous leur format orthographique, ce qui fait que le traitement des mots irréguliers est très

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19 difficile pour eux, il n’y a pas de stabilité dans la forme orthographique attribuée à un mot (INSERM, 2007). La voie d’adressage est touchée.

Si on reprend les exemples de Gombert et al. (2000), cela se caractérise en lecture par la prononciation phonétique du mot irrégulier : « monsieur » lu /môsjoeR/, « tabac » lu /tabak/, « choral » lu /ʃoral/, etc. Dans ces cas là, l’élève applique les conversions grapho-phonémiques de la voie d’assemblage et produit donc des erreurs de régularisation. De la même manière, cela se caractérise en écriture par la non prise en compte de l’irrégularité du mot et donc une écriture en phonétique par exemple :

« pharmacie » écrit « farmassi » (INSERM, 2007).

Valdois (2004) suggère que ces problèmes seraient dus à des difficultés de traitement visuo-attentionnel mais il n’y a pas de consensus unanime entre les auteurs sur ce qui est de la présence ou non de déficits des traitements visuo-attentionnels pour ce type de dyslexie, nous ne pouvons donc pas généraliser cela. Précisons qu’un trouble visuo- attentionnel serait un défaut de focalisation attentionnelle. En effet, selon l’INSERM (2007), lire un mot long nécessite de focaliser son attention sur la première partie de la séquence orthographique puis désengager son attention afin de la réengager sur la partie suivante de la séquence et ainsi de suite jusqu’au traitement de l’ensemble des lettres. Ce traitement serait déficitaire chez les personnes présentant une dyslexie selon cette hypothèse.

 La troisième est la dyslexie mixte. Elle concerne selon Valdois (2004) et Gombert et al. (2000) environ 2/3 des personnes présentant une dyslexie. Il s’agit d’un

« regroupement » de la dyslexie phonologique et de la dyslexie de surface. En effet, les difficultés rencontrées se situent autant au niveau des pseudo-mots que des mots irréguliers (Gombert et al., 2000). Les règles de conversion graphème – phonème ne se font pas correctement et il y a un problème de mémorisation de l’orthographe (INSERM, 2007). La voie d’assemblage et la voie d’adressage sont touchées.

D’autres formes de dyslexie ont été décrites mais elles ont fait l’objet d’une attention assez limitée, peu de recherches les ont décrites et étudiées. Ainsi, dans le rapport de l’INSERM (2007), on retrouve les trois types de dyslexie décrits ci-dessus mais on en trouve également trois autres. Ces trois autres types de dyslexie avaient été décrits au départ pour des cas de dyslexie acquise, c'est-à-dire chez l’adulte qui a subi une lésion cérébrale. Les auteurs ont ensuite regardé leur existence sous la forme développementale. Or, comme nous l’avons déjà

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20 précisé, les chercheurs ne sont pas tous d’accord et certains se demandent « jusqu’à quel point des similitudes de symptômes conduisent-elles à une interprétation identique du déterminisme sous-jacent des deux pathologies (acquises versus développementales) » (INSERM, 2007, p.403). Les trois types de dyslexie suivants sont donc controversés, surtout que peu de cas ont été recensés, les recherches sont à poursuivre.

 La dyslexie visuelle (Valdois et al., 1995, cités par l’INSERM, 2007) qui se caractérise par des difficultés de lecture sans troubles associés du langage oral. Les erreurs en lecture sont presque toujours visuelles, la personne va prononcer un mot orthographiquement proche du mot écrit (exemple : « joie » lu « jolie » ou « girafe » lu « guitare » (INSERM, 2007)). L’hypothèse pour ce type de dyslexie est une mauvaise orientation initiale de l’attention, ce qui ralentit la lecture et perturbe l’encodage de l’information.

 La dyslexie par négligence (Friedmann & Nachman-Katz, 2004, cités par l’INSERM, 2007) où les erreurs se retrouvent systématiquement sur une portion du mot (par exemple sur la partie droite du mot : la fin). Le début du mot peut donc être lu et écrit correctement alors que la fin peut contenir de grosses erreurs. Quand les mots sont écrits verticalement, le trouble diminue et lorsque l’on attire l’attention de la personne sur la fin du mot avec des lettres colorées par exemple, les performances s’améliorent.

Les troubles ne sont ni phonologiques, ni visuo-attentionnels mais dus à la position des lettres et à l’orientation des mots (INSERM, 2007).

 La dyslexie profonde (Jorm, 1979 ; Johnston, 1983 ; Siegel, 1985 ; Temple, 1988 ; Stuart & Howard, 1995, cités par l’INSERM, 2007) qui se reconnait par une lecture quasi impossible des pseudo-mots. Les mots concrets (exemple : « chaise ») sont mieux lus que les mots abstraits (exemple : « amour ») et il y a une production fréquente d’erreurs sémantiques (exemple : « tigre » lu « lion ») dans les mots isolés (INSERM, 2007). Ces erreurs sémantiques assez surprenantes peuvent s’expliquer par le fait que le lexique en mémoire est déficient, l’élève sait qu’il a déjà vu ce mot, que c’est un animal de la jungle donc il dit le premier mot qui lui revient en mémoire et ce n’est parfois pas le bon.

Il existe donc une variabilité des troubles rencontrés chez les personnes présentant une dyslexie. Le dysfonctionnement n’est pas unique et les profils peuvent être très différenciés.

Cependant, certains auteurs critiquent l’existence de différents sous-types de dyslexies développementales à cause de l’incapacité à identifier de grands groupes stables dans le

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21 temps. Selon Valdois (2004), la classification ne peut pas se faire sur la seule base des performances en lecture et écriture des mots irréguliers et des pseudo-mots. Une classification pourrait être faite en fonction des troubles cognitifs dont souffre la personne présentant une dyslexie, c'est-à-dire pour cette auteure, soit un trouble phonologique, soit un trouble visuo- attentionnel, soit les deux en même temps, soit d’autres troubles. Cette classification serait selon elle plus efficace pour la prise en charge éducative et les rééducations spécifiques à mettre en place en fonction du trouble rencontré. Valdois (2004) insiste également sur le fait que trop peu de prises en charge prennent en compte l’entrainement des aptitudes visuo- attentionnelles alors que c’est un trouble que peuvent rencontrer les personnes atteintes d’une dyslexie au même titre que les troubles phonologiques.

Nous allons maintenant revenir plus en détails sur les troubles phonologiques ainsi que sur les troubles visuo-attentionnels qui, comme nous venons de le voir avec Valdois (2004), peuvent toucher les personnes présentant une dyslexie et constituent à l’heure actuelle les deux hypothèses principales sur l’origine de la dyslexie. Ces hypothèses n’ont cependant pas été les seules à être défendues par les chercheurs. Nous commencerons donc d’abord par présenter une hypothèse différente, la première à avoir été convaincante dans les recherches sur la dyslexie : le trouble de l’hémisphère gauche du cerveau. Il nous semble intéressant de l’aborder rapidement ici, même si celle-ci est aujourd’hui critiquée et que les deux hypothèses principales restent à l’heure actuelle les troubles phonologiques et les troubles visuo- attentionnels.

4) Les hypothèses sur les origines de la dyslexie 4-1) Théorie de l’hémisphère gauche du cerveau

Comme nous l’avons vu lorsque l’on a parlé de la découverte de la dyslexie, l’hypothèse de Broca (1865) et Wernicke (1874), cités par Sprenger-Charolles (2003) a été la première à être convaincante. Ils postulaient que le fonctionnement du langage dépendait de zones spécifiques de l’hémisphère gauche du cerveau et que la dyslexie pourrait être due à un mauvais fonctionnement de celles-ci.

Jantzen (2004), reprend cette hypothèse en précisant que la dyslexie serait due à un problème dans la partie du cerveau spécifiquement chargée de traiter le langage écrit. Les personnes présentant une dyslexie auraient un déficit dans l’hémisphère gauche du cerveau qui est attribué à la pensée verbale et qui est actif lors de la lecture. Leur pensée serait alors

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22 essentiellement non verbale, c'est-à-dire imagée, et ils utiliseraient plus l’hémisphère droit du cerveau. L’activité de l’hémisphère gauche serait donc plus faible chez les personnes présentant une dyslexie lors de la lecture.

À ce sujet, le professeur Sperry (1973), cité par Jantzen (2004) dit :

« Ce qui se dégage comme étant la découverte majeure, c’est qu’il semble bien exister deux modes de pensée - le mode verbal et le mode non-verbal – qui, largement indépendants l’un de l’autre, sont représentés respectivement par l’hémisphère gauche et l’hémisphère droit. Notre système éducatif, et la science en général, ont tendance à négliger la forme non-verbale de l’intelligence ; ce qui a pour conséquence la discrimination de l’hémisphère droit par notre société » (p.85)

Le fonctionnement neurologique des personnes présentant une dyslexie serait donc atypique, d’après les chercheurs de l’époque comme Sperry (1973), cité par Jantzen (2004). Ces personnes atypiques penseraient en images et ne comprendraient pas le mode de pensée verbale, le lien entre les lettres de l’alphabet (caractères abstraits), qui forment des mots, et la réalité. Selon cette hypothèse, les programmes scolaires utiliseraient une pensée verbale (pensée abstraite et non imagée), qui est celle de la plupart de la population. L’élève présentant une dyslexie se sentirait donc comme maltraité d’apprendre à lire et à écrire car cela irait contre son fonctionnement, il y aurait une « désorientation », c'est-à-dire un choc entre les perceptions non-verbales de l’enfant présentant une dyslexie et les perceptions verbales que nous devons avoir à l’école pour pouvoir apprendre à lire et à écrire (Jantzen, 2004).

Cependant, cette hypothèse ne fait pas l’unanimité au sein des chercheurs. En effet, elle a été décrite au départ pour les cas de dyslexie acquise puisque les chercheurs ont montré que dans le cas d’une dyslexie due à une lésion cérébrale, la zone touchée dans le cerveau était l’hémisphère gauche (INSERM, 2007). Mais « la communauté de résultats relevés tant au niveau comportemental que neurologique ne conduit pas nécessairement, bien entendu, à conclure à l’identité entre dyslexie acquise et dyslexie développementale, pas plus qu’à l’identité de leurs déterminismes sous-jacents » (INSERM, 2007, p.403). Les chercheurs ne sont pas tous d’accord sur cette hypothèse, certains pensent que la dyslexie acquise et développementale ne sont pas identiques. C’est donc UNE conception de la dyslexie, elle est ancienne et d’autres conceptions s’en sont bien éloignées aujourd’hui, dont l’hypothèse phonologique et l’hypothèse visuo-attentionnelle.

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23 4-2) Théorie phonologique

La théorie phonologique est largement défendue aujourd’hui. En effet, les personnes présentant une dyslexie auraient un déficit cognitif de conscience et de traitement phonologique qui entrainerait des difficultés d'acquisition et de maîtrise du langage oral (Gombert, 2003). Plusieurs troubles se retrouveraient chez les personnes présentant une dyslexie selon cette théorie : des troubles des capacités métaphonologiques, des troubles de la perception catégorielle, des troubles de la mémoire et de la dénomination rapide (Serniclaes, 2005). Nous allons revenir sur chacun plus en détails.

Troubles des capacités métaphonologiques

Tout d’abord, précisons que les capacités métaphonologiques correspondent à la conscience phonologique, il s’agit de la capacité à comprendre et à manipuler les différentes unités du langage oral (Martinet & Rieben, 2010). Nous trouvons comme exemples de tâches spécifiques de l’entrainement métaphononogique des exercices tels que :

- trouver le nombre et donner les syllabes d’un mot (exemple : /lapɛ /  2 syllabes  /la/ et /pɛ /. Martinet & Rieben, 2010)

- trouver le nombre et donner les phonèmes d’un mot (exemple : /lapɛ /  quatre phonèmes  /l/, /a/, /p/ et /ɛ /)

- supprimer le premier ou le dernier phonème d’un mot (exemple de suppression du premier phonème : /lapɛ /  /apɛ /)

- inverser des phonèmes ou des syllabes à l’intérieur d’un mot (exemple d’inversion de syllabes: /lapɛ /  /pɛ la/)

- trouver les mots qui riment entre eux (exemple : /lapɛ / et /sapɛ /)

Pour chaque exemple de tâche, nous avons pris l’exemple du mot « lapin » pour mieux comprendre et illustrer ces exercices. Nous remarquons que les manipulations concernent soit les syllabes, soit les phonèmes. En effet, selon Ziegler et Goswani (2005, cités par Martinet et Rieben, 2010), il y a plusieurs consciences phonologiques. D’après leur recherche, la conscience syllabique (manipulation des syllabes) se développe avant la conscience phonémique (manipulation des phonèmes). Les phonèmes étant les plus petites unités du langage oral, elles sont plus difficiles à percevoir que les syllabes qui sont des unités plus larges. En effet, les syllabes (unités articulatoires) du mot /lapɛ / sont /la/ et /pɛ / alors que les phonèmes de ce mot sont /l/, /a/, /p/ et /ɛ /.

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24 Ensuite, il est intéressant de constater que les habiletés métaphonologiques sont en lien étroit avec le niveau de lecture. En effet, la recherche longitudinale de Lacert et Sprenger-Charolles (2001) a montré qu’avant l’apprentissage de la lecture, c’est-à-dire à un niveau pré-scolaire, les futurs élèves présentant une dyslexie ont des résultats très inférieurs aux normolecteurs (élèves apprenant à lire normalement, sans difficulté) dans les capacités métaphonologiques.

Ensuite, ils montrent que lorsqu’on regarde un an après le début de l’apprentissage de la lecture, seuls les élèves présentant une dyslexie et ceux ayant des difficultés en lecture ont de faibles capacités métaphonologiques comparé aux normolecteurs.

De plus, la relation entre les habiletés métaphonogiques et la lecture serait bidirectionnelle : la capacité métaphonologique est un prédicteur de l’apprentissage de la lecture et l’apprentissage de la lecture permet l’émergence de la conscience phonologique, notamment phonémique. En effet, elle est plus faible chez les enfants avec des difficultés en lecture mais ne présentant pas une dyslexie que chez les normolecteurs car elle est censé augmenter de plus en plus jusqu’à ce qu’on sache lire correctement (Lacert & Sprenger-Charolles, 2001).

Alegria et Mousty (2004) ajoutent que les activités métaphonologiques doivent faire partie des activités pré-scolaires puisque cela a, comme nous l’avons constaté, un effet sur le niveau de lecture futur. Martinet et Rieben (2010) mettent en avant les différentes composantes qui doivent être travaillées avant même l’école primaire : la compréhension du principe alphabétique (le lien entre l’écrit et l’oral), la conscience phonologique, la connaissance des lettres (l’apprentissage de l’alphabet), la discrimination visuelle, la compréhension orale, la reconnaissance des mots, etc.

L’étude de Hatche, Hulme et Ellis (1994, citée par Alegria et Mousty, 2004) montre quant à elle que l’entrainement métaphonologique est plus efficace lorsqu’il est couplé à un entrainement de la lecture-écriture. En effet, ces chercheurs ont soumis différents groupes de lecteurs faibles de 7 ans à 40 séances de 20 minutes d’entrainement pendant 20 semaines. Il y avait trois groupes suivant chacun trois types d’entrainements différents : le premier suivait un entrainement des capacités en lecture-écriture, le deuxième un entrainement des capacités métaphonologiques et le troisième suivait un entrainement des capacités en lecture-écriture couplé à un entrainement des capacités métaphonologique. Les résultats montrent qu’un entrainement métaphonologique basé sur une manipulation des phonèmes, des rimes et des syllabes couplé à un entrainement de la lecture et de l’écriture montre de meilleurs résultats des élèves en décodage à la fin des 20 semaines. Les élèves qui ont suivi soit un entrainement

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25 seulement en lecture et écriture, soit un entrainement seulement des capacités métaphonologiques ont de moins bon résultats.

Chez les personnes présentant une dyslexie, les difficultés en lecture rencontrées peuvent donc s’expliquer par de faibles capacités métaphonologiques. C’est un facteur explicatif primordial car selon Wagner et Torgesan (1987) et Lecocq (1991), cités par Casalis (2004),

« la conscience phonologique est considérée comme le facteur le plus important dans la réussite en lecture » (p.87). D’autres facteurs sont également mis en avant mais restent moindres comparés aux troubles métaphonologiques. Il est donc important d’entrainer ces habiletés métaphonologiques le plus tôt possible, chez tous les enfants, en couplant cela avec l’apprentissage de la lecture. Pour les élèves présentant une dyslexie, la prise en charge logopédique va tenter de « rééduquer » et d’entrainer ces capacités métaphonologiques indispensables pour la lecture si celles-ci posent des difficultés à l’élève. En effet, le suivi doit être adapté aux besoins, le logopédiste3 doit auparavant faire un bilan afin de percevoir où se situent les difficultés de l’élève (Martinet, 2010).

Troubles de la perception catégorielle

Serniclaes (2005) ajoute un autre trouble qui peut être présent chez les élèves présentant une dyslexie : le trouble de la perception catégorielle de la parole, qui ferait partie des troubles phonologiques. Ce trouble est à rapprocher de la conscience phonologique puisque cet auteur définit les troubles de la perception catégorielle comme « des difficultés à percevoir des distinctions phonologiques élémentaires entre syllabes » (Serniclaes, 2005, p.47). Or selon McBride-Chang (1996, cité par Casalis, 2004), une bonne perception des phonèmes affecte la conscience phonologique. Ce trouble de la perception catégorielle pourrait donc être une explication possible du trouble métaphonologique des élèves présentant une dyslexie.

Cela serait dû selon Serniclaes (2005) à un phénomène de sous-discrimination (la personne ne perçoit pas de différences entre deux sons distincts, ne discrimine pas assez) et de sur- discrimination (la personne perçoit de plusieurs manières un même son, discrimine trop). La personne présentant une dyslexie va par exemple éprouver des difficultés à distinguer le /t/ du /d/ à cause d’un phénomène de sous-discrimination mais va cependant percevoir deux sortes de /t/ car celle-ci va sur-discriminer. Il est donc possible qu’une personne perçoive à l’oral deux /t/ différents entre les syllabes /ta/ et /ti/ (sur-discrimination) alors qu’elle ne va pas percevoir de différence entre les syllabes /da/ et /ta/ (sous-discrimination). Les différences

3 Le masculin a été utilisé pour désigner les hommes et les femmes afin de permettre une lecture plus fluide.

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26 internes aux catégories sont mieux perçues que les différences entre catégories, qui sont elles essentielles. Le déficit de perception catégorielle est donc le fait que les catégories faites par les personnes présentant une dyslexie ne sont parfois pas les mêmes que les normo-lecteurs, ce qui peut les amener à confondre certains phonèmes comme le /d/ et le /t/. Ce ne sont bien sûr pas les seuls phonèmes souvent confondus par les personnes présentant une dyslexie, nous pouvons également citer le /b/ et le /d/, le /p/ et le /b/, le /m/ et le /n/, etc. Ces phonèmes ne sont pas confondus par toutes les personnes présentant une dyslexie, il ne faut pas généraliser, mais c’est un trouble qui peut se rencontrer chez ces personnes et qui est dû à la mauvaise perception catégorielle selon Serniclaes (2005).

Ce trouble de la perception catégorielle ferait donc partie des troubles phonologiques mais s’efface devant les troubles métaphonologiques qui sont considérés comme un facteur primordial (Wagner & Torgesan, 1987 ; Lecocq, 1991, cités par Casalis, 2004).

Troubles de la mémoire Mémoire à court terme phonologique

Un autre trouble phonologique rencontré par certaines personnes présentant une dyslexie est un trouble de la mémoire à court terme phonologique (Alegria & Mousty, 2004). Celle-ci est sollicitée lorsque l’on veut stocker une information que l’on va réutiliser dans un laps de temps très court. En effet, les messages sensoriels sont traités dans cette instance de la mémoire. Elle a une capacité limite appelée « empan » ; elle ne peut stocker qu’environ 7 éléments et sert à maintenir et à manipuler certaines informations captées dans l’environnement (Lieury, 1980, cité par Gaonac’h & Larigauderie, 2000). Ensuite, soit les informations sont oubliées, soit elles passent dans la mémoire à long terme.

Cette mémoire peut être déficiente chez les personnes présentant une dyslexie. En effet, pour la procédure d’assemblage dans la lecture, il faut utiliser des codes phonologiques, c'est-à-dire qu’il faut transcrire les graphèmes en phonèmes et les garder en mémoire jusqu’à pouvoir assembler et accéder au mot en entier (Lacert & Sprenger-Charolle, 2001). Or cela ne se fait pas correctement chez ces personnes, ce qui peut expliquer leurs difficultés (Alegria &

Mousty, 2004).

Lacert et Sprenger-Charolle (2001) ajoutent à ce constat une distinction entre la mémoire à court terme visuelle et phonologique. En effet, ils font passer une épreuve de mémoire à court terme visuelle et une épreuve de mémoire à court terme phonologique à des élèves présentant une dyslexie. La tâche de mémoire visuelle consistait à reproduire une trajectoire impliquant de retenir des séquences visuelles de plus en plus longues alors que l’épreuve de mémoire à

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27 court terme phonologique consistait à répéter une suite de sons verbaux de plus en plus longue. Ces auteurs montrent que dans la tâche de mémoire visuelle, les résultats sont équivalents à ceux des normolecteurs alors qu’ils sont inférieurs dans la tâche de mémoire à court terme phonologique. Ce serait donc bien la mémoire à court terme phonologique et non la mémoire visuelle qui est déficiente chez les élèves présentant une dyslexie testés dans cette étude. Ce constat confirme les recherches du laboratoire Haskins qui ont été les premières à établir ce fait (Lacert & Sprenger-Charolle, 2001).

Mémoire à long terme et accès au lexique stocké

La mémoire à court terme phonologique ne serait pas le seul versant de la mémoire touché chez les personnes présentant une dyslexie. En effet, il pourrait également y avoir un problème avec la mémoire à long terme et l’accès automatique aux représentations phonologiques stockées (Alegria & Mousty, 2004).

Comme nous l’avons vu auparavant, un lecteur expert utilise la plupart du temps la voie d’adressage quand il lit, il reconnait les mots qu’il a déjà lus souvent, il n’a donc pas besoin de passer par la voie d’assemblage qui est très couteuse. Chez les personnes présentant une dyslexie, cette difficulté de récupération des représentations lexicales en mémoire, parfois présente, empêcherait la voie d’adressage de se mettre en place. Les personnes seraient donc obligées de passer à chaque fois par la voie d’assemblage, ce qui ne permet pas une lecture rapide et fluide et explique les difficultés en lecture (Gombert, 2003). En effet, pour passer par la voie d’adressage, l’orthographe du mot doit être stockée dans la mémoire à long terme.

Ainsi, quand le lecteur se retrouve face à ce mot, il peut accéder directement à sa forme orale en reconnaissant son orthographe.

Pour préciser les conséquences de cette difficulté de mémoire à long terme, prenons l’exemple de l’étude d’Alegria et Mousty (2004), qui montre qu’il y a 3 niveaux d’analyse des informations de la langue. Le premier niveau concerne le niveau des perceptions et de traitement de l’information. Le deuxième niveau concerne l’accès au lexique phonologique, c'est-à-dire à la prononciation orale des mots écrits. Le lexique phonologique se différencie du lexique orthographique qui est l’accès à l’orthographe des mots et non à leur prononciation.

Enfin, le troisième niveau est le niveau de production de la parole. Un trouble à un niveau va avoir forcément des conséquences sur les niveaux suivants. Selon ces auteurs, chez les personnes présentant une dyslexie, c’est surtout le deuxième niveau qui est atteint c'est-à-dire l’accès au lexique phonologique stocké en mémoire. C’est entre autres à cause de cela que la

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28 lecture par la voie d’adressage ne se fait parfois pas bien et oblige une lecture par la voie d’assemblage qui prend plus de temps et est plus couteuse. Un trouble à ce niveau va donc avoir des conséquences sur la production de la parole (la lecture).

Les troubles de la dénomination rapide que peuvent présenter les personnes présentant une dyslexie sont liés à ces problèmes de récupération de l’information dans la mémoire à long terme (difficulté d’accès au lexique phonologique) (Lacert & Sprenger-Charolles, 2001).

Dans les épreuves du BSEDS (Bilan de Santé Évaluation du Développement pour la Scolarité) (Azzano et al., 2011), on trouve des tests de dénomination rapide. Le BSEDS est une batterie de test pour les enfants de 5-6 ans qui permet de repérer les signes prédictifs des difficultés liées au langage. Dans un des tests par exemple, l’élève doit nommer le plus vite possible ce que représente les images présentées devant lui, le temps et le nombre d’erreurs étant pris en considération. Les items choisis font partie du vocabulaire de l’enfant ; ne pas réussir à nommer l’image n’est donc pas un problème de non-vocabulaire mais un problème de non-accès au lexique phonologique en mémoire. Les épreuves de fluidité verbale quant à elles consistent à produire dans un temps donné autant de mots possibles, avec des critères sémantiques (exemple : noms d’animaux) ou phonologiques (exemple : mots commençant par le son /ba/). Il faut donc pour cela accéder au lexique interne facilement et rapidement. Or, c’est ce qui peut poser problème chez les personnes présentant une dyslexie d’après Lacert et Sprenger-Charolles (2001).

Certes, les épreuves de dénomination rapide ne sont pas en lien direct avec la lecture mais la dyslexie ne se limite pas à des difficultés en lecture-écriture, elle peut toucher les capacités phonologiques et celles-ci sont utilisées dans divers domaines.

Les résultats quant à la prédiction des troubles de la dénomination rapide pour l’apprentissage de la lecture sont controversés selon les auteurs et les recherches. McBride-Chang et Manis (1996), cités par Lacert et Sprenger-Charolles (2001) montrent que c’est un bon prédicteur seulement si on prend un échantillon de lecteurs faibles. En effet, dans leur recherche, seul le groupe des lecteurs faibles a des résultats aux épreuves de dénomination rapide reliés au niveau de lecture. Pour le groupe des lecteurs moyens et bons, cela ne fonctionne pas puisqu’il n’y a pas de différence entre ces deux groupes dans les épreuves de dénomination rapide alors que leur niveau de lecture est différent.

De plus, les recherches prouvant son lien avec la conscience phonologique sont elles aussi controversées. En effet Wagner et Torgesen (1994), cités par Casalis (2004) montrent que ces

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29 deux variables sont indépendantes alors que Pennington, Cardoso-Martins, Grenn et Lefly (2001), cités par le même auteur montrent quant à eux qu’elles sont liées.

Des troubles de la mémoire peuvent alors se retrouver chez les personnes présentant une dyslexie mais c’est néanmoins un prédicteur faible du niveau en lecture comparativement aux capacités métaphonologiques (Lecocq, 1991, cité par Lacert & Sprenger-Charolles, 2001).

4-3) Théorie des troubles visuo-attentionnels

Certains auteurs ne valident pas le déficit phonologique comme étant la seule cause de la dyslexie. Pour Valdois (2004), il y a deux types de troubles qui peuvent être à l’origine de la dyslexie : d’une part les troubles phonologiques, comme ceux défendus dans la théorie phonologique, et d’autre part les troubles visuo-attentionnels. En effet, ils sont impliqués dans la lecture puisque l’attention doit se porter successivement sur chacune des lettres d’un mot pour que les procédures d’identification se mettent en place. Il faut ensuite traiter l’ensemble des lettres du mot, en ayant une distribution homogène de l’attention. Un déficit de traitements visuo-attentionnels pourrait expliquer des erreurs dans l’identification des mots selon cette hypothèse.

Les troubles phonologiques et visuo-attentionnels peuvent être distincts (la personne avec une dyslexie ne souffre que d’un seul de ces deux troubles) ou il peut s’agir d’un double déficit (la personne souffre des deux troubles). Dans sa recherche, Valdois (2004) a en effet montré que certains élèves présentant une dyslexie n’ont aucun problème de phonologie mais ont de gros problèmes visuo-attentionnels et inversement. Certains présentent également les deux troubles en même temps.

La recherche de Zorzi et al. (2012) confirme la théorie des troubles visuo-attentionnels. En effet, en testant leurs hypothèses sur 74 enfants présentant une dyslexie âgés de 8 à 14 ans, ils montrent que le simple fait d’augmenter l’espace entre les lettres dans un texte augmente leurs performances en lecture. Ce constat va dans le sens de cette théorie puisqu’ici c’est en utilisant une variable d’ordre visuelle que les performances s’améliorent.

L’étude de Marendaz, Valdois et Walch (1996), cités par Casalis (2004) met quant à elle en évidence le fait que la recherche de cibles en condition « attentionnelle » (qui nécessite une bonne attention soutenue à cause des distracteurs) est plus lente chez les élèves présentant une dyslexie. Un exemple de tâche pourrait être de trouver dans un texte toutes les lettres « O » en

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