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3. Oxydation des matériaux carbonés

3.1. Les réactions hétérogènes appliquées à l’oxydation du carbone

3.1.1. Généralités

Lorsqu’un gaz réagit avec un solide, les molécules de gaz doivent pouvoir atteindre la surface solide et des phénomènes de transport sont alors à considérer en plus des phénomènes d’adsorption-diffusion. L’écoulement du gaz au voisinage de la surface induit un gradient de vitesse et la formation d’une couche immobile au contact de la paroi qui introduit une résistance au transfert de matière. Cette couche limite dépend des conditions d’écoulement du fluide et de la texture du solide qui limitera ou non l’accès du fluide au solide. La mesure de la vitesse réactionnelle peut être fortement affectée par la température. Ce facteur joue un rôle déterminant dans les phénomènes de transfert puisque, dès lors qu’elle augmente, la vitesse d’oxydation croît, pouvant rendre la diffusion au sein de la couche limite le facteur limitant du processus d’oxydation.

De façon générale, le mécanisme macroscopique d’oxydation peut être décrit comme suit ; (i) transfert externe des réactifs gazeux par diffusion à travers la couche limite entourant le solide, (ii) transfert interne des réactifs gazeux au sein du solide poreux, (iii) adsorption des réactifs à la surface, (iv) réaction chimique conduisant à la formation de produits, et enfin (v) désorption des produits qui franchissent les mêmes étapes dans le sens inverse.

La représentation logarithmique de la vitesse d’oxydation en fonction de 1/T permet de mettre en évidence la présence de trois domaines d’évolution bien distincts (Figure 35).

- A basse température (régime I), la vitesse réactionnelle n’est contrôlée que par la réaction. Le régime est alors qualifié de réactif dans la mesure où la réaction chimique est l’étape limitante. L’énergie d’activation apparente est égale à l’énergie d’activation de la réaction se produisant à la surface du substrat.

- A haute température (régime III), la cinétique d’oxydation est limitée par le transport de matière au sein de la couche limite. Le phénomène de diffusion est ainsi limitant et l’énergie d’activation tend vers zéro.

- Pour les températures intermédiaires (régime II), le régime est dit mixte. Les deux phénomènes contrôlent la cinétique. L’énergie d’activation apparente est alors égale à la moitié de l’énergie d’activation de la réaction chimique de surface.

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Figure 35 : Mise en évidence des différents régimes réactionnels en fonction de Ea et de l'allure de la

concentration en réactif gazeux dans le pore, le long de la paroi réactive. Adapté de [Walker 1959].

3.1.2. Aspects chimiques et thermodynamiques

Les réactions primaires d’oxydation du carbone par O2 peuvent s’écrire de la façon

suivante (Réactions 1 et 2) :

C + O2 → CO2 (1)

2C + O2 → 2CO (2)

Les valeurs d’enthalpie standard de ces deux réactions (298 K) valent respectivement -393,4 et -110,5 kJ.mol-1. Ces réactions sont favorisées jusqu’à 4000 K et le rapport des produits primaires CO/CO2 augmente avec la température (Figure 36). Ce rapport est également fortement dépendant

de la nature du carbone et de la pression en O2. De plus, selon les conditions d’oxydation, des

réactions secondaires peuvent intervenir, soit dans la phase gazeuse, soit entre un produit et la surface du carbone (Réactions 3 et 4), modifiant la valeur du rapport CO/CO2 et rendant ainsi plus

difficile la compréhension des mécanismes d’oxydation.

2CO + O2 → 2CO2 (3)

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Figure 36 : Evolution du rapport CO/CO2 en fonction de la température pour différents carbones oxydés sous

différentes pressions d’oxygène *Radovic 2001].

Par ailleurs, l’apparente trivialité des Réactions 1 et 2 ne traduit en rien la réelle complexité des mécanismes réactionnels. En effet, la réaction entre le carbone et l’oxygène implique différents états intermédiaires, correspondant notamment à la formation et à la désorption de fonctions de surface. Le mécanisme général d’oxydation du carbone peut alors être décrit avec davantage d’exactitude de la façon suivante (Réactions 5 à 8) [Radovic 2001] :

2Cf + O2 → 2C(O) (5)

C(O) ↔ C-O (6)

2C(O) → CO2 (+mCf) (7)

C(O) → CO (+ nCf) (8)

Dans ce mécanisme, Cf représente un atome de carbone libre sur lequel l’oxygène est

susceptible de se chimisorber. C(O) correspond à un état intermédiaire, c’est-à-dire un groupement fonctionnel de surface temporairement stable. Enfin, C-O est un groupement de surface thermiquement stable. Les Réactions 5, 7 et 8 sont irréversibles et la chimisorption d’O2 à la surface

du carbone est considérée comme dissociative. Les Réactions 6, 7 et 8 soulignent le fait que l’ensemble des différents groupements fonctionnels crées à la surface ne participe pas nécessairement à la désorption de CO et CO2.

La nature chimique des fonctions de surface créées au cours de l’oxydation est accessible par des techniques d’analyses physico-chimiques ou spectroscopiques discutées notamment par H.P. Boehm [Boehm 2002] ou encore W. Shen et al. [Shen 2008]. La température à laquelle les différentes fonctions oxygénées seront désorbées dépend de la nature du groupement présent en surface

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[Figueiredo 1999, Brender 2012] comme le montre la Figure 37. De plus, dans leurs travaux portant sur la caractérisation par thermodésorption programmée (TPD) de disques de frein en composite C/C, J.C. Rietsch et al. [Rietsch 2009] montrent que la nature des groupements oxygénés présents en surface est directement affectée par la température finale de la séquence de freinage. Cette température finale correspond en effet à la température à partir de laquelle la désorption de CO et CO2 devient significative. En d’autres termes, une température finale plus élevée conduirait à la

formation de fonctions thermiquement plus stables. Par ailleurs, la chimie de surface du carbone ne doit pas être considérée comme un état figé mais davantage comme une entité qui évolue en fonction de paramètres extérieurs tels que la température, la nature des gaz environnants ou encore le temps.

Figure 37 : Groupements oxygénés présents à la surface d'un matériau carboné et températures de désorption associées. Les références reportées sont celles citées par J.L. Figueiredo et al. [Figueiredo 1999].