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Conclusion et Perspectives :

Ces travaux étaient associés à un projet collaboratif, COMPTINN, dont l’enjeu était d’obtenir des matériaux composites répondant aux exigences technico-économiques de l’aéronautique civile, pour des pièces de structures travaillant entre 150 et 400°C. Dans ce contexte, l’objectif de cette thèse consistait à déterminer la durabilité en milieu oxydant d’une première génération de composites C/C (SepCarb A01) élaboré selon un procédé « bas coût » par Herakles.

Après avoir introduit la notion de structure multi-échelles des matériaux carbonés et les paramètres influençant leur réactivité, la démarche expérimentale mise en place proposait de caractériser, en premier lieu, les phénomènes d’oxydation sur les constituants élémentaires afin de mieux appréhender par la suite le comportement thermochimique du matériau composite.

La première approche à l’échelle des matériaux monolithiques a permis de mettre en évidence de grandes différences de vitesses d’oxydation macroscopiques pouvant aller jusqu’à 4 ordres de grandeur. Il a ainsi été montré que le carbone ex-résine phénolique était le constituant le plus sensible vis-à-vis de l’oxydation. Ce résultat est à relier au faible état d’organisation structurale de ce carbone, notamment mis en évidence par DRX et spectroscopie Raman. En effet, l’utilisation d’une résine thermodurcissable en tant que précurseur aboutit à un résidu intrinsèquement microporeux, constitués de segments de plans carbonés faiblement étendus et largement fautés. En conséquence, le nombre de sites actifs accessibles aux espèces oxydantes est très important et conduit à une rapide dégradation chimique de ce constituant dès les faibles températures de vieillissement. Des analyses chimiques ont de plus révélé la présence d’impuretés susceptibles de catalyser l’oxydation, bien que celles-ci soient présentes en faibles proportions. La réactivité de ce matériau peut finalement être fortement abaissée par traitement à haute température. Les réorganisations associées à la fin des phénomènes de carbonisation après traitement à 1600°C, ont notamment permis de diviser la surface active et la vitesse de perte de masse des échantillons d’un facteur 30 environ.

L’étude menée sur fibres de carbone a révélé que celles-ci étaient peu réactives à leur environnement. Une approche statistique originale, basée sur l’exploitation d’essais de traction sur fil, a permis de révéler que les caractéristiques à rupture des fibres étaient largement dégradées après vieillissement en milieu oxydant. Outre le pourcentage de perte de masse, la température d’oxydation aurait également une influence non négligeable sur les facteurs d’abaissement de la contrainte à rupture. Ainsi, après vieillissement à 600°C, la contrainte à rupture chute d’environ 35 à 40% pour une perte de masse de seulement 5%. A titre de comparaison, cet abaissement est compris entre 15 et 25% pour un même état d’avancement lorsque la température d’oxydation est fixée à 500°C.

Les résultats d’oxydation obtenus sur des dépôts de pyrocarbone ont montré que ce constituant possédait une réactivité intermédiaire par rapport au carbone ex-résine et aux fibres. Ils ont également permis l’évaluation d’une vitesse moyenne de recul des surfaces selon les conditions de vieillissement.

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Bien que le rôle précis de l’humidité dans les mécanismes d’oxydation n’ait pu être établi, les vieillissements réalisés sous air humide ont néanmoins mis en évidence une diminution de l’énergie d’activation apparente et une légère augmentation de la vitesse de perte de masse des échantillons. Cette augmentation de réactivité ne peut toutefois pas être imputable à une oxydation directe du carbone par la vapeur d’eau compte tenu des faibles températures de vieillissement imposées.

La démarche s’est ensuite attachée à définir les cinétiques de perte de masse à l’échelle du matériau composite, pour des températures inférieures ou égales à 400°C. L’état de fissuration du revêtement de pyrocarbone et les décohésions consécutives au procédé d’élaboration conduisent au maintien d’une diffusion des espèces oxydantes à cœur. Il s’en suit alors une oxydation préférentielle de l’élément le plus réactif. La vitesse de dégradation chimique du matériau est ainsi très rapide jusqu’à 16% de perte de masse (pourcentage correspondant à la fraction massique initiale de matrice ex-résine), puis elle diminue ensuite largement, en accord avec une réactivité beaucoup plus faible du pyrocarbone et des fibres.

Des essais de traction et de flexion trois points réalisés sur des éprouvettes vieillies ont permis de caractériser l’évolution des propriétés mécaniques résiduelles du composite. Ces essais ont abouti au choix d’un critère de durabilité associé à une perte de masse de 5%. Pour une telle perte de masse, les blocs de matrice voie liquide sont déjà largement fissurés. La contrainte à rupture en traction et le module sont respectivement abaissés de 20-25% et 16%. En flexion trois points, ces facteurs d’abaissement sont d’environ 40% pour la force maximale à rupture et 30% pour le module. Pour des pertes de masse supérieures, l’absence de cohésion dans le matériau ne permettrait plus d’assurer la compatibilité avec des applications structurales.

Dans ces conditions, les lois cinétiques ont pu être utilisées pour déterminer les températures limite de service du SepCarb A01. En fixant la durée d’utilisation à 60000h, les températures à ne pas dépasser sont de 240°C sous air sec et 220 à 230°C sous air humide. Si ces températures peuvent paraître faibles pour un composite C/C, la réactivité de la matrice voie liquide conduit néanmoins à la ruine progressive du matériau par délaminage lorsque les durées de service sont aussi importantes. Malgré ses points faibles, cette première génération de matériau présente un gain potentiel de plus de 50°C par rapport à la température limite d’utilisation des composites à matrice organique actuels. Cet écart pourrait être encore plus important en modifiant la température de carbonisation ou en effectuant un traitement thermique à une température supérieure avant l’infiltration de pyrocarbone. Bien que réalisés à l’issue des cycles de CVI, des traitements préalables à 1600 et 1800°C ont déjà permis d’estimer un gain allant de 20 à 40°C sur la température maximale d’utilisation. Une autre voie d’amélioration concernerait également l’utilisation d’une texture fibreuse 3D afin de limiter la propension au délaminage du matériau.

Dans une approche plus globale, la détermination de la durabilité se doit de prendre aussi en compte l’ensemble des sollicitations subies et les dégradations induites avec leur mode de propagation en service. Dans la mesure où les phénomènes d’oxydation constituent le principal mode de dégradation de ces matériaux, les résultats recueillis à l’issue de ces travaux apportent néanmoins les premiers éléments permettant de conclure quant à leur capacité à substituer les structures métalliques dans un domaine de température jusqu’ici non envisagé. Si les températures maximales d’utilisation présentées ici ne suggèrent qu’un potentiel limité, les voies d’amélioration

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sont encore nombreuses. Par contre, si une température limite de 300°C semble raisonnablement accessible, l’utilisation d’une matrice carbonée issue de la pyrolyse d’une résine organique semble à proscrire pour atteindre des températures de service de l’ordre de 400°C. L’une des solutions pourrait passer par l’utilisation d’une résine précéramique. Dans ce cas, la durée de fonctionnement du matériau pourrait alors devenir fonction de la cinétique d’oxydation des fibres et des facteurs d’abattement de leurs propriétés mécaniques. Dans la mesure où la réactivité des fibres ne peut plus être négligée sur des durées de fonctionnement aussi longues au-delà de 300°C, il serait donc indispensable que la matrice, ou éventuellement un revêtement, protège efficacement la surface des fibres de la diffusion des espèces oxydantes. A titre d’illustration, la perte de masse des fibres pourrait atteindre 5% à 350°C sous air sec après seulement ≈7200h si celles-ci n’étaient pas protégées.

Enfin, du point de vue de la compréhension des phénomènes d’oxydation du carbone, les perspectives concerneraient tout d’abord la mise en place d’une approche plus fine de la caractérisation des surfaces réactives et de leur évolution au cours de l’oxydation. Si ces travaux ont souligné l’intérêt des analyses structurales telles que la DRX, la spectroscopie Raman ou la MET, leur association à des mesures de surface spécifique au Krypton et à la quantification des surfaces actives permettraient une vision plus globale de l’influence de la structure multi-échelles des carbones dans leur réactivité. L’autre approche qu’il serait nécessaire d’approfondir est l’influence de l’humidité dans les mécanismes d’oxydation. Le recours à des techniques comme l’XPS ou la TPD permettraient notamment d’apporter des informations sur la chimie de surface des échantillons. Une analyse gazeuse des produits formés au cours de l’oxydation apporterait également des précisions quant au mécanisme d’oxydation en présence de vapeur d’eau (détection de CH4 par exemple). Enfin,

l’utilisation de carbones idéaux pourrait constituer une première étape avant d’utiliser des carbones désordonnés.