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Chapitre 3 : Etude des phénomènes d’oxydation

1. Etude sur fibres de carbone

1.4. Influence de l’oxydation sur les propriétés mécaniques

Compte tenu des évolutions morphologiques précédemment décrites, il semble pertinent de s’intéresser à l’évolution des propriétés à rupture des fibres après différentes conditions de vieillissement. La première approche mise en place consiste à caractériser ces propriétés à partir d’essais de traction sur monofilament. Les caractéristiques obtenues pour les fibres non oxydées sont reportées dans le Tableau 3.

Tableau 3 : Propriétés mécaniques des fibres HTA mesurées par diffraction sur monofilament (Lj = 10mm). Nb. d’essais valides Module E (GPa) Contrainte R (0,5) (MPa) Déformation R (%) Module de Weibull m Paramètre d’échelle l (MPa) 42 280 ± 35 4560 ± 195 1,64 ± 0,40 5,6 ± 0,2 4920 ± 210

L’évolution de la contrainte à rupture des fibres oxydées est présentée à la Figure 11 en fonction de la perte de masse pour différentes conditions d’oxydation (température, atmosphère sèche ou

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humide). Les résultats mettent en évidence une diminution marquée de la contrainte à rupture dès les premiers pourcents de perte de masse. Pour une perte de masse de seulement 2,5%, la contrainte à rupture est déjà abaissée d’environ 20 à 25% par rapport à la valeur de référence. Entre 5 et 12% de perte de masse, la contrainte à rupture semble se stabiliser aux alentours de 3000 MPa, ce qui correspond à une diminution de l’ordre de 30 à 40% par rapport à la contrainte initiale. Le module de 280 GPa est conservé dans tout le domaine de perte de masse considéré. L’oxydation reste une dégradation surfacique ne conduisant pas à une modification de propriétés intrinsèques telle que la rigidité. Ces abaissements peuvent être comparés aux données de la littérature. Ainsi, T. Piquero et al. [Piquero 1995] avaient déterminé une diminution de 10 et 40% de contrainte à rupture pour la fibre T300 après des pertes de masse de respectivement 5 et 10% (oxydation sous air ambiant à 600°C). Dans une étude plus récente, Y. Tong et al. [Tong 2011] rapportent également des abaissements de 44 et 51% pour des pertes de masse voisines de 10%.

Figure 11 : Evolution de la contrainte à rupture résiduelle pour différentes conditions d'oxydation déterminée

par traction monofilamentaire (Lj = 10mm).

La Figure 11 révèle par ailleurs que les conditions d’oxydation ne modifieraient pas de façon marquée les valeurs de contraintes mesurées expérimentalement. L’évolution de la contrainte à rupture résiduelle semble davantage influencée par la perte de masse globale. Cette observation pourrait être reliée au rôle majeur d’O2 dans les mécanismes d’oxydation ainsi qu’aux évolutions

morphologiques similaires quelles que soient les conditions d’oxydation. Dans la mesure où le diamètre de chaque fibre sollicitée est déterminé au préalable par diffraction laser, il est possible d’en déduire que la rupture prématurée des fibres oxydées est véritablement liée à la création de nouveaux défauts et/ou à l’élargissement, au cours du vieillissement, de défauts pré-existants. L’observation des faciès de rupture montre que les défauts initiateurs de la rupture sont surfaciques. Leur taille semble augmenter avec la progression de l’oxydation (Figure 12).

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Figure 12 :Faciès de rupture de fibres de carbone oxydées. (a) fibre oxydée sous air sec à 600°C

(m/m0 ≈ -5%). (b) et (c) fibre oxydée sous air humide à 600°C (m/m0 ≈ -10%).

Les paramètres de Weibull m et l déduits des essais sur monofilament sont rassemblés dans le

Tableau 4 en considérant uniquement l’influence de la perte de masse. Cette approche plus globale est justifiée par le fait qu’aucun effet significatif de la température de vieillissement ou de la présence d’humidité dans la phase oxydante n’ait pu être établi (il a été vérifié que ces données sont cohérentes avec ceux des lots de fibres pris séparément en fonction des atmosphères et des températures de vieillissement). En outre, ce traitement des données permet d’extraire des paramètres portant sur une population de 100 à 150 échantillons (au lieu d’une vingtaine de données si l’effet de la température et de l’humidité avait été considéré). Dans ces conditions, les résultats mettent en évidence une diminution générale du module de Weibull et du paramètre d’échelle avec la progression de l’oxydation. Cette évolution est cohérente puisqu’elle traduit une dispersion des contraintes, simultanément à une criticité des défauts plus importante.

Tableau 4 : Estimation des paramètres de Weibull issus des essais de traction monofilamentaire (Lj = 10mm). Perte de masse m/m0

(%)

Module de Weibull m Paramètre d’échelle l

(MPa) Contrainte R(0,5) (MPa) Référence 5,6 4920 4560 2,5 4,8 3697 3427 5 5,2 3371 3140 10 4,4 3266 3006 15 3,9 2776 2524

Dans une étude concernant les fibres céramiques (SiC Nicalon), M. R’Mili et al. [R’Mili 2012] démontrent très clairement que la sélection des échantillons est responsable d’une large dispersion des paramètres statistiques. Aussi, pour renforcer ces premiers résultats et pouvoir discriminer les effets éventuels des conditions de vieillissement sur l’abaissement des propriétés à rupture, des essais de traction sur fil ont été réalisés en collaboration avec le laboratoire Matériaux : Ingénierie et Sciences (MATEIS). L’exploitation de ces essais est basée sur une approche statistique permettant de remonter aux propriétés des filaments individuels en contrôlant la rupture du fil. Sachant que les fils sont constitués de 3000 fibres environ, les données recueillies se veulent beaucoup plus représentatives des effets de la température et de l’humidité. Les résultats obtenus sont reportés dans le Tableau 5.

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Tableau 5 : Contrainte à rupture moyenne et paramètres de Weibull déterminés par essais sur fil (Lj = 60mm). Condition d’oxydation Perte de masse m/m0 (%) Contrainte à rupture 0.5 (MPa) Module de Weibull m Paramètre d’échelle l (MPa) Référence _ 3976 8.2 4187 500°C –Air Sec 2.5 4354 6.0 4628 600°C – Air Sec 2.5 2408 3.2 2688 600°C – Air Humide 2.5 2884 5.9 3108 500°C – Air Sec 5 2968 5.5 3220 500°C – Air Humide 5 3369 7.7 3533 600°C – Air Sec 5 2520 3.4 2828 600°C – Air Humide 5 2584 3.7 2853 500°C – Air Sec 10 3613 5.7 3853 500°C – Air Sec 10 3482 5.7 3713 600°C – Air Sec 10 1960 3.3 2184 600°C – Air Humide 10 2240 3.4 2520 500°C – Air Sec 15 3108 5.6 3360

L’analyse de ces données permet de mettre en évidence des tendances qui n’avaient pas pu être dégagées par l’étude sur monofilament. Tout d’abord, la rapide dégradation des propriétés à rupture et l’abaissement des paramètres de Weibull (m, l) après oxydation sont confirmés. A perte de

masse équivalente, les valeurs de contrainte à rupture sont similaires après oxydation sous air sec ou air humide. La présence d’humidité dans la phase oxydante ne modifierait donc pas l’évolution des propriétés mécaniques résiduelles. En revanche, la température d’oxydation semblerait quant à elle avoir une influence non négligeable. Les propriétés mécaniques des fils oxydés à 600°C sont en effet davantage dégradées que ceux traités à 500°C. Le module de Weibull associé aux essais sur fils oxydés à 600°C est systématiquement plus faible que celui déterminé sur fils oxydés à 500°C, lorsque la perte de masse est équivalente. Ainsi, les défauts créés au cours des cycles d’oxydation à 600°C seraient moins homogènes dans la mesure où les valeurs de contraintes à rupture sont davantage dispersées. De plus, les plus faibles valeurs de 0.5 dans le cas d’une oxydation à 600°C impliqueraient

la création d’une population de défauts de tailles plus critiques que ceux créés après oxydation à 500°C. Ces résultats pourraient être reliés à une profondeur et/ou une taille des piqûres créées à la surface des fibres légèrement plus prononcée après un cycle d’oxydation à 600°C (Figure 9).

Tous ces résultats permettent donc d’apporter de nouveaux éléments concernant la corrélation entre la dégradation chimique et l’évolution des propriétés à rupture des fibres. Elle permet de souligner la criticité des défauts liés à l’oxydation et l’influence de la température de vieillissement. Un autre commentaire peut être apporté concernant l’influence de la longueur de jauge. En effet, les essais de traction sur monofilament ont été réalisés avec une longueur de 10 mm alors que celle-ci était fixée à 60 mm pour les essais sur fils. Dans la mesure où les résultats sont assez proches, la longueur de jauge n’aurait qu’une influence limitée, particulièrement après oxydation. Il est ainsi possible d’en déduire qu’une longueur de jauge de 10 mm permet de solliciter un volume de matériau homogène représentatif.

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