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Chapitre 3 : Etude des phénomènes d’oxydation

1. Etude sur fibres de carbone

1.2. Caractérisation des cinétiques apparentes d’oxydation

Les essais d’oxydation sous atmosphère contrôlée ont été réalisés au moyen du four et de l’ATG précédemment décrits au chapitre 2. L’utilisation d’un four tubulaire se justifie par la possibilité de traiter des échantillons de dimensions supérieures, destinés à être sollicités en traction afin de relier l’influence des conditions d’oxydation aux évolutions de propriétés à rupture des fibres. Compte tenu de la faible réactivité des fibres pour des températures inférieures à 400°C, les vieillissements ont été réalisés entre 400 et 600°C afin de limiter la durée des essais à plusieurs centaines d’heures pour les essais les plus longs.

La première partie de cette étude a consisté à vérifier l’indépendance des vitesses d’oxydation des fibres en fonction des moyens expérimentaux utilisés. Les variations massiques au cours de vieillissements sous air sec entre 450 et 600°C sont reportées Figure 4. L’évolution de la perte de masse rapportée à la surface géométrique des fibres est linéaire en fonction du temps dans le domaine de perte de masse considéré (jusqu’à 15%). Les résultats obtenus en four et en ATG sont similaires. La cinétique d’oxydation des fibres est ainsi bien indépendante du moyen d’essai, de la disposition des échantillons et des vitesses de gaz imposées (5 cm.s-1 pour le four et 0,2 cm.s-1 pour l’ATG).

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Figure 4 : Perte de masse par unité de surface géométrique des fibres HTA sous air sec (O2/N2 = 20/80). Les

points et lignes font respectivement référence aux essais réalisés en four et en ATG.

L’influence de la température sur la vitesse d’oxydation des fibres est ensuite évaluée pour deux conditions d’air sec (O2/N2 = 20/80 et 10/90) et trois conditions d’air humide (O2/H2O/N2 = 20/05/75 ;

20/10/70 et 10/10/80). Les résultats issus de ces essais sont présentés sous la forme de diagrammes d’Arrhénius (Figure 5). L’effet des pressions partielles PO2 et PH2O est considéré respectivement dans

les domaines 5-40 kPa et 5-20 kPa à 550°C (Figure 6).

Figure 5 : Diagramme d'Arrhenius associé aux vitesses d'oxydation des fibres HTA (influence de la température)

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Figure 6 : Dépendance de la vitesse d'oxydation des fibres HTA à T = 550°C en fonction des pressions partielles

en espèces oxydantes. (a) dépendance en fonction de PO2. (b) dépendance en fonction de PH2O.

L’absence de rupture de pente sur les diagrammes d’Arrhenius suggère le maintien d’un unique régime cinétique avec l’élévation de température. La réaction chimique de surface reste l’étape limitante jusqu’à 600°C, dans les conditions d’essais fixées. Sous air sec, l’énergie d’activation apparente est de 142 ± 13 kJ.mol-1. Cette valeur ne semble pas affectée par la pression partielle en oxygène (10 ou 20 kPa). La même tendance est observée sous air humide, l’énergie d’activation apparente est néanmoins légèrement plus faible que sous air sec avec une valeur moyenne estimée à 132 ± 10 kJ.mol-1. Compte tenu des incertitudes, il est difficile de conclure quant à une réelle influence de la présence d’humidité dans la phase oxydante sur la valeur d’énergie. Il est à noter que la réactivité globale des fibres est néanmoins légèrement plus élevée sous air humide que sous air sec lorsque la pression partielle en oxygène est maintenue constante. Cette tendance ne peut toutefois pas être directement imputable à l’oxydation du carbone par la vapeur d’eau en plus d’O2.

Des essais complémentaires sous humidité seule (H2O/N2 = 10/90) ont en effet révélé que la perte de

masse des fibres ne devenait mesurable qu’au-delà de 600°C.

L’ordre partiel associé à O2 demeure inchangé sous air sec et sous air humide avec des valeurs

de 0,69 ± 0,07 et 0,67 ± 0,05. L’ordre partiel associé à H2O est en revanche plus faible avec une valeur

de 0,23 ± 0,03. Ainsi, O2 reste l’espèce oxydante majoritaire sous air humide.

A partir de ces essais, les lois cinétiques d’oxydation macroscopique des fibres peuvent s’écrire de la façon suivante (Relations (1) et (2)) :

- Sous air sec

(

)

( ) (1)

- Sous air humide

(

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Les valeurs de ces paramètres cinétiques peuvent être comparées aux données disponibles dans la littérature pour différentes fibres ex-PAN. Dans le cas d’une fibre T300, F. Lamouroux et al. [Lamouroux 1993+ obtiennent une valeur d’énergie d’activation apparente de 80 kJ.mol-1 entre 500 et 700°C sous une pression d’oxygène de 100 kPa. Au-delà de 700°C, le diagramme d’Arrhénius présente une rupture de pente liée à un changement de régime cinétique où la diffusion des espèces oxydantes devient l’étape limitante dans le mécanisme d’oxydation. Cette valeur d’énergie se recoupe par ailleurs relativement bien avec les valeurs de 64,1 kJ.mol-1 (entre 500 et 600°C) et de 94,2 kJ.mol-1 (entre 600 et 950°C) établies sous air respectivement par M.C. Halbig [Halbig 2001] et I.M.K. Ismail [Ismail 1991] pour la même fibre T300.

Ces faibles valeurs d’énergie d’activation apparente (pour un régime chimique) s’expliquent en réalité par l’augmentation rapide de la porosité dès le début des phénomènes d’oxydation, créant ainsi une structure où la diffusion interne des espèces oxydantes est toujours limitée par la taille des pores. F. Lamouroux et al. précisent par ailleurs que l’énergie d’activation apparente passe de 80 à 150 kJ.mol-1 après traitement thermique de la fibre à 1600°C. Cette augmentation est à relier à l’augmentation de la taille des pores ainsi qu’à l’abaissement de la réactivité du carbone grâce à une meilleure organisation structurale. Pour une autre fibre ex-PAN, P. Ehrburger et al. [Ehrburger 1989] rapportent des valeurs de 120 et 205 kJ.mol-1 sous air sec entre 500 et 700°C après traitement thermique respectivement à 1100 et 2000°C. Dans ce dernier cas, l’augmentation de l’énergie d’activation apparente est principalement attribuée à l’élimination des impuretés par traitement thermique, ce qui permet, en l’absence de microporosité, d’atteindre des valeurs proches de celles des composés très bien organisés.

Peu d’informations sont disponibles concernant l’énergie d’activation apparente sous air humide, C. Vix-Guterl et al. [Vix-Guterl 2003] obtiendraient néanmoins une valeur de 200 kJ.mol-1 alors que celle-ci était de 180 kJ.mol-1 sous air sec. Dans cette étude, les fibres de carbone n’ont pas subi au préalable de traitement thermique à haute température.

Enfin, concernant l’influence de la pression partielle en oxygène sur la cinétique d’oxydation, E.J. Opila et al. [Opila 2011+ utilisent une loi de puissance et identifient des valeurs d’ordre réactionnel comprises entre 0,79 et 0,93 entre 816 et 1538°C (bien que le régime cinétique soit limité par la diffusion) pour la fibre T300.

Ainsi, les paramètres cinétiques déterminés ici sont en bon accord avec les données disponibles dans la littérature sur l’oxydation des fibres de carbone.