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Les règles fiscales foncières de la production d’électricité

3.1. L’exemption fiscale généralisée et les centrales d’Hydro-

Québec

Contrairement au principe général voulant que tous les contribuables québécois paient leurs impôts fonciers selon les mêmes principes fiscaux généraux, la production d’électricité du Québec est soumise à un régime d’exception têtu. En effet, les règles générales de la fiscalité foncière du Québec ne s’appliquent pas aux immeubles (barrages, centrales, installations, terrains, aménagements) qui servent à la production, au transport ou à la distribution de l’électricité. Comparativement à tous les autres secteurs d’activité industrielle ou commerciale, la production d’électricité du Québec bénéficie d’un régime spécial et unique de fiscalité municipale et scolaire en rupture avec les règles générales de l’imposition foncière prévues à la Loi sur la fiscalité municipale (L.R.Q., c. F-2.1, ci-après LFM).

En effet, il est interdit aux autorités municipales d’inscrire au rôle d’évaluation foncière tout terrain ou toute construction servant au réseau électrique (y compris, est-il énoncé explicitement à la loi, les barrages et les centrales hydroélectriques), peu importe que le propriétaire soit Hydro-Québec, une municipalité, une coopérative ou même une entreprise privée à but lucratif, comme RTA ou PFR ou encore un producteur privé qui vend l’ensemble de sa production à Hydro-Québec. La seule exception à la règle de non inscription est extrêmement limitée et ne vaut que pour des abris recouvrant certains postes de transformation ou de distribution (article 68, alinéa 3 LFM), bénéficiant non pas aux régions productrices mais bien à la grande région montréalaise. C’est notamment le cas des bâtiments qui recouvrent le poste Berri au centre-ville de Montréal ou le poste Plouffe à Laval, tous deux propriété d’Hydro-Québec qui paie, pour ces installations, des taxes foncières, respectivement à la ville de Montréal et à la ville de Laval. Il va sans dire qu’un immeuble qui n’est pas porté au rôle, comme c’est le cas des barrages et des centrales des trois grandes régions productrices, ne peut, de facto, faire l’objet d’une taxe foncière régulière.

Découle de cette normativité exceptionnelle une conséquence majeure pour les municipalités locales et régionales sur le territoire desquelles se trouvent

ces imposantes infrastructures hydroélectriques : il leur est impossible de tirer de ces immeubles les revenus fonciers habituellement prévus par les principes généraux de la fiscalité municipale. Cette interdiction vaut autant pour la taxe foncière que pour la taxe sur la valeur locative, c’est-à-dire la taxe d’affaires, même si son usage est aujourd’hui plus ou moins tombé en désuétude. De plus, la prohibition de taxation foncière se traduit par l’impossibilité de faire participer les installations hydroélectriques à la modulation du fardeau fiscal entre catégories d’immeubles (secteur résidentiel versus non résidentiel), autrement ouverte aux municipalités par le mécanisme des taux différenciés selon les catégories d’immeubles, introduit par la loi en 200043.

En ce qui concerne les installations d’Hydro-Québec, ni la LFM, ni la Loi sur Hydro-Québec44 ne prévoient aujourd’hui d’exception à cette norme d’exemption fiscale extraordinaire, de sorte que toutes les installations de production, de transport et de distribution d’électricité d’Hydro-Québec sont bénies d’une exemption complète d’impôt foncier ou d’impôt à titre foncier versé aux municipalités ou aux commissions scolaires. Ce régime d’exemption exorbitant pénalise au premier chef les grandes régions productrices du Québec. Il n’affecte pas les immeubles à caractère administratif d’Hydro- Québec, qui demeurent, quant à eux, soumis au régime général de la taxation foncière. C’est ainsi que le bureau chef d’Hydro-Québec sis sur le boulevard René-Lévesque à Montréal, pour prendre cet exemple, verse à la ville de Montréal les impôts réguliers imposés à cette catégorie d’immeubles.

3.2. Un système sui generis pour les installations de la grande

industrie privée du Saguenay-Lac-Saint-Jean

Au moment de l’inscription dans les lois municipales de l’exemption fiscale des installations de production d’électricité, le législateur a prévu un régime particulier pour les installations privées des entreprises auto-consommatrices, c’est-à-dire l’industrie qui dispose de ses propres installations de production d’électricité pour alimenter en énergie ses installations industrielles.

43

Loi modifiant de nouveau diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, L.Q. 2000, c. 54 (voir a. 244.29 et suivants LFM).

44

L.R.Q. c. H- 5. Par l’entrée en vigueur de la LEF le 1er janvier 1972, l’article 41 de la Loi sur l’Hydro-Québec de cette époque (qui prévoyait qu’Hydro-Québec payait des taxes municipales et scolaires sur tous ses biens immeubles, à l’exclusion des barrages et des centrales) était déclaré inopérant aux fins de la Loi sur l’évaluation foncière (a. 122, L.Q 1971, c. 50).

C’est ainsi que la LFM prévoit aujourd’hui un régime d’exception à l’exonération totale de taxation foncière, s’appliquant aux installations de production et de transport de l’électricité appartenant à l’industrie de l’aluminium et à l’industrie forestière. Même si la formule sui generis est rédigée en termes généraux et s’applique en principe à l’ensemble du Québec, dans les faits, elle ne trouve aujourd’hui application que dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean où se concentrent les actifs hydroélectriques qui n’ont pas été nationalisés en 1962-1963, c’est-à-dire, à l’époque les centrales qui appartenaient à Price Brothers (PFR) et à Alcan (RTA)45.

La règle est ainsi conçue. Si une entreprise auto-consommatrice payait des taxes municipales en 1971 sur ses installations (soit au moment de l’adoption de la Loi sur l’évaluation foncière46 qui a précédé la LFM), elle devait continuer de payer un impôt « à titre de taxe foncière municipale » à compter de 1972, aujourd’hui selon la formule inscrite à l’article 223 LFM.

Cette formule prescrit le simple report d’année en année du montant payé l’année précédente, auquel s’applique le ratio de la croissance générale des taxes levées sur le territoire de la municipalité (obtenu par la division des revenus totaux d’imposition de la municipalité de l’année de perception par les revenus d’imposition de l’année précédente). L’alinéa 2 de l’article 223 LFM précise que le montant dû pour une année ne peut être inférieur au montant de l’année précédente. Cette disposition « cliquet » (ou ratchet clause, en anglais), fait en sorte que le montant versé ne peut baisser d’une année à l’autre ; il ne peut que demeurer constant ou croître au rythme de l’évolution des taxes de l’ensemble de la municipalité.