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Les questions mathématiques que l’on veut résoudre

Dans la suite, on va essayer de répondre aux questions suivantes :

1. Le problème (III.1) admet-il une solution ? En particulier, est-ce que l’infimum deEsurXest fini ? 2. Si une telle solution existe, est-elle unique ?

3. Si une telle solution existe, est-ce qu’on peut la caractériser au moyen d’une équation “simple” que l’on pourra éventuellement résoudre ?

I.2.a Réécriture dans le cas de la dimension 1

A partir de maintenant, et ce jusqu’à la sectionIV, on va se placer dans le cas plus simple de la dimension1. Le modèle correspond alors à une corde élastique (et non plus une membrane). Pour simplifier encore, on considèreΩ =]0,1[de sorte que le problème s’écrit de la façon suivante : trouveru: [0,1]7→Rdérivable, nulle enx= 0etx= 1et telle que

E(u) = inf

v∈XE(v), (III.2)

avec

X ={v: [0,1]7→R,dérivable et tqv(0) =v(1) = 0}, et l’énergie s’écrit maintenant

E(v) =k 2

Z 1

0 |v0(x)|2dx− Z 1

0

f(x)v(x)dx.

On supposera également quef est, au minimum, une fonction intégrable.

I.2.b Unicité

On va commencer par traiter le problème de l’unicité, qui est finalement le problème le plus simple. Cette propriété découle naturellement de lastricte convexitéde la fonctionnelleE(et de la convexité de l’ensembleX qui, ici, est un espace vectoriel).

Supposons données deux fonctionsu1, u2 ∈ X solutions du problème (III.2). On suppose donc, en particulier, que l’infimum deEest fini. On notera sa valeur

IE= inf

v∈XE(v), et on a donc, par hypothèseE(u1) =E(u2) =IE.

On pose alorsu= u1+u2 2, qui est bien dansX car cet ensemble est convexe, et on calcule l’énergie deu, en utilisant

Or, par hypothèse,u1etu2sont solutions du problème (III.2) et donc, on a finalement E(u) =IE−k

Par ailleurs, par définition de l’infimum, on aE(u) ≥IE (c’est ici qu’on utilise queu∈ X). Comme la constante de raideurkest strictement positive, on déduit que l’on a nécessairement

k

La fonction sous l’intégrale étant positive, on obtient immédiatement que

∀x∈[0,1], u01(x) =u02(x).

Ceci implique queu1−u2est une fonction constante, mais commeu1(0) =u2(0) = 0(par définition des conditions au bord dansX), on a finalement montré

∀x∈[0,1], u1(x) =u2(x), ce qui montre bien l’unicité d’uneéventuellesolution de (III.2).

I.2.c Caractérisation de la solution

On continue à supposer dans ce paragraphe que la solution u∈ X du problème (III.2) existe. On va montrer que, sous de bonnes hypothèses, on peut la caractériser par une équation aux dérivées partielles (ici en 1D donc avec une seule variable).

La méthode ci-dessous est standard en optimisation et calcul des variations. Il s’agit d’établir les équations d’Euler-Lagrangeassociées au problème de minimisation (III.2).

La preuve de ce résultat n’est finalement rien d’autre que la traduction en dimension infinie (dimX=∞) du résultat élémentaire mais fondamental suivant :

Il ne semble pas inutile de rappeler la démonstration de ce lemme pour comprendre comment intervient l’hypothèse.

Preuve :

On passe maintenant à la limite quandh→0+dans cette inégalité, ce qui donne par définition du nombre dérivé ϕ0(t)≥0.

Si maintenant on reprend ce calcul avech <0, on a toujours

ϕ(t+h)≥ϕ(t),

Revenons à notre problème de corde élastique. Supposons donc qu’une solutionude (III.2) existe. On se donne unv quelconque dansX, de sorte que, pour toutt∈R, on au+tv∈X(carXest un espace vectoriel !). Ainsi, par définition de l’infimum, on a

∀t∈R, E(u+tv)≥E(u),

ce qui montre que la fonctionϕv : R7→Rdéfinie parϕv(t) =E(u+tv)admet un minimum ent = 0. Par ailleurs, cette fonction est dérivable (on va même voir ci-dessous que c’est un polynôme de degré2dans la variablet). D’après le lemme précédent, on en déduit que nécessairementϕ0v(0) = 0.

Il reste à calculerϕ0v(0). Pour cela, on écritϕvsous la forme suivante et donc, la relationϕ0v(0) = 0revient à écrire que le coefficient detdans ce polynôme est nul, c’est-à-dire

k

Comme ceci est vrai pour toute fonctionv∈X, on a donc démontré que la solution, si elle existe, du problème (III.2) vérifie les équations d’Euler-Lagrange suivantes :

∀v∈X, k

En revenant à (III.4), on observe quedans cet exemple particulierla réciproque est vraie : siu∈X vérifie (III.5), alorsuest solution du problème (III.2), car le terme ent2dans (III.4) est toujours positif.

ATTENTION :ceci est faux en général car on sait bien que la réciproque du lemmeIII.2n’est pas vraie : siϕ0(t) = 0,tn’est pas nécessairement un extremum local deϕ.

Au bilan, on a donc montré le résultat suivant Proposition III.3

Une fonctionu∈Xvérifie(III.5)si et seulementuest solution du problème(III.2).

Jusqu’à présent nous n’avons eu besoin d’aucune hypothèse particulière sur la solutionude notre problème. Si on admet que celle-ci est un peu plus régulière que simplement dérivable, alors on peut aller plus loin dans l’analyse.

Théorème III.4

On suppose que le problème(III.2)admet une solutionu∈X.

Si on suppose, de plus, que cette solution vérifieu∈ C2([0,1])et quef ∈ C0([0,1]), alorsuvérifie le problème

aux limites suivant : (

−k∂x2u=f, dans]0,1[,

u(0) =u(1) = 0. (III.6)

Notons que la réciproque est également vraie : toute solution de(III.6)vérifie(III.5)et donc(III.2)

Le problème (III.6) est appeléproblème de Poisson avec condition de Dirichlet homogène.

Preuve :

Pour montrer la réciproque, il suffit de multiplier l’équation dans (III.6) par la fonction testvet d’intégrer par parties.

Les termes de bord sont bien nuls carvest nulle au bord.

Pour le sens direct, il s’agit, dans un premier temps, également d’une simple intégration par parties. Pour toutv∈X, commeuest de classeC2, on peut en effet intégrer par parties l’équation (III.5) et obtenir

Z 1 0

(k∂x2u(x) +f(x))v(x)dx−

k(∂xu)v1 0= 0.

On ne sait rien de la valeur de∂xuenx= 0etx= 1, par contre on av(0) = v(1) = 0, ce qui montre que le dernier terme de cette formule est nul.

Si on poseG(x) =k∂x2u(x) +f(x), on a donc obtenu

∀v∈X, Z 1

0

G(x)v(x)dx= 0.

CommeX contient en particulier toutes les fonctionsCà support compact, le lemme de Du Bois-Reymond (Lemme A.4) permet de conclure queG= 0. Il est important de noter que l’on ne peut pas se contenter de prendrev =Gdans l’intégrale ci-dessus carGn’est pas dansX (en particulier, il n’y a aucune raison qu’elle soit nulle au bord). On a bien montré (III.6)

Vocabulaire

• (III.6) est un problème aux limites (une EDP + des conditions aux limites). Même s’il n’y a qu’une seule variable ici, ce problèmen’est pasun problème de Cauchy !

• (III.5) est une formulation variationnelle de ce problème aux limites dontuest la solution.

• La fonctionvest appelée fonction-test. Elle vit, en général, dans le même espace que la solution urecherchée.

Tous les calculs précédents peuvent être effectués en dimensiondquelconque (i.e. dans le cas de la membrane). Le problème aux limites que l’on obtient formellement à la place de (III.6) est

(−k∆u=f, dansΩ,

u= 0, sur∂Ω, (III.7)

et la formulation variationnelle associée est

∀v∈X, k Z

∇u(x)· ∇v(x)dx= Z

f(x)v(x)dx. (III.8)

On étudiera plus précisément ce cas dans la sectionIV.

Remarque III.5

Si on reprend toute l’analyse précédente en supposante que la tensionkde la corde/membrane dépend du point xoù l’on se place, alors on aboutit aux équations suivantes

−∂x(k(x)∂xu) =f(x), dans]0,1[, en dimension1, et

−div(k(x)∇u) =f, dansΩ,

en dimensiondtoujours assorties des conditions aux limites que l’on ne récrit pas ici.

Pour l’instant nous avons démontré que si le problème de minimisation deEsurXadmet une solution, alors elle est unique et que de plus si celle-ci est régulière, alors elle est solution de l’équation de Poisson.

Inversement toute solution régulière de l’équation de Poisson est solution de la formulation variationnelle et minimise l’énergie surX.

Il nous reste à montrer l’existence d’un minimiseur, et c’est là que le choix de l’espace fonctionnelXva être crucial.