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Commençons par comprendre le cas linéairex0=AxavecA∈Md(R).

V.1.a Le cas plan

Pour l’étude qui suivra il est important de bien comprendre la géométrie des solutions dans le casd = 2. Trois cas peuvent se produire (voir par exemple [5, page 290] pour une description plus détaillée) :

— Premier cas :Aest diagonalisable dansR.

Si λ1 etλ2 sont les deux valeurs propres ete1,e2 les vecteurs propres associés, les solutions de l’équation sont données par

y(t) =α1eλ1te12eλ2te2.

Selon le signe des valeurs propres on peut donc tracer les trajectoires, voir FigureI.8.

On voit que l’origine est stable (resp. asymptotiquement stable) si et seulement si les deux valeurs propres sont négatives (resp. strictement négatives).

— Deuxième cas :Aa ses valeurs propres réelles mais n’est pas diagonalisable.

Dans ce cas, la valeur propre est nécessairement unique et non semi-simple. D’après le théorème de Jordan (ou la décomposition de Dunford, voir ci-dessous la propositionI.55), la matriceAs’écrit

P−1AP = λ 1

0 λ

, et dans ce cas, on peut voir que l’exponentielle s’écrit

P−1etAP =

eλt teλt 0 eλt

.

Si on notee1ete2les deux colonnes deP(i.e. un vecteur propre deAet un vecteur propre généralisé), on trouve y(t) = (α12t)eλte12eλte2.

La stabilité (et la stabilité asymptotique) du point d’équilibre est alors équivalente à la stricte négativité de la valeur propre.

e1

e2

(a) Casλ1>0> λ2: point-selle

e1

e2

(b) Cas0> λ2> λ1: noeud stable

e1

e2

(c) Cas0> λ2=λ1non diagonalisable : noeud dégénéré stable

FIGUREI.8 – Trois portraits de phase typiques dans le cas de deux valeurs propres réelles

— Troisième cas :Aa deux valeurs propres complexes conjuguées disctinctesλ±=a±bi, avecb6= 0.

Dans ce cas, on peut vérifier que l’exponentielle detAest donnée par une formule du genre

P−1etAP =eta

cos(bt) sin(bt)

−sin(bt) cos(bt)

.

La stabilité du point d’équilibre est alors donnée par la valeur dea: sia= 0les trajectoires sont périodiques, si a > 0le point d’équilibre est instable et sia < 0le point est stable. Qualitativement, les trajectoires s’enroulent autour de l’origine. Le sens de rotation est donné par l’analyse des vecteurs propres deA, voir FigureI.9.

e1

e2

(a) Casλ±=α±iβ, avecα >0: foyer instable

e1

e2

(b) Casλ±=α±iβ, avecα <0: foyer stable

e1

e2

(c) Casλ±=±iβ: centre

FIGURE I.9 – Portraits de phase typiques dans le cas de deux valeurs propres complexes conjuguées (le sens de rotation dépend du signe deβet de la position relative des vecteurs propres associés àλ+etλ

V.1.b Stabilité de l’origine pour les systèmes d’EDO linéaires autonomes

On peut maintenant énoncer le théorème général. Avant cela on rappelle une définition d’algèbre linéaire et une propriété utile.

Définition I.54

SoitA∈Mn(C)une matrice quelconque etλ∈Sp(A). On dit queλest semi-simple si c’est une racine simple du polynôme minimal deA, ou encore (de manière équivalente) si Ker(A−λI) =Ker(A−λI)2.

Proposition I.55 (Décomposition de Dunford)

Toute matriceA∈Mn(C)s’écrit de manière unique sous la forme A=D+N, avecDdiagonalisable dansC,Nnilpotente etDN=N D.

De plus,AetDont les mêmes valeurs propres et on a la caractérisation suivante : λest une v.p. semi-simple deA⇐⇒Ker(D−λ)⊂KerN,

c’est-à-dire queNest nulle sur les sous-espaces propres deDpour la valeur propre en question.

Preuve :

Pour l’existence et l’unicité de la décomposition, on renvoie à un cours standard d’algèbre linéaire7. On montre juste la caractérisation des valeurs propres semi-simples.

— Soitλune valeur propre non semi-simple. Il existe alors unv∈Cn, tel que(A−λ)2v= 0et(A−λ)v 6= 0. Par la formule de Newton (valable carDetNcommutent) nous avons

(D−λ)n+1=

n+1X

k=0

Cn+1k (−N)k(A−λ)n+1−k=

n−1X

k=0

Cn+1k (−N)k(A−λ)n+1−k,

où on a utilisé le caractère nilpotent deNpour éliminer les termes d’indicesk≥ndans la somme. On voit que la puissance sur(A−λ)dans formule est au moins égale à2et donc en appliquant cette égalité au vecteurvon trouve

(D−λ)n+1v= 0.

CommeDest diagonalisable, cela implique quevest un vecteur propre deDpour la valeur propreλ. En écrivant que(A−λ) = (D−λ) +Net en appliquantvnous obtenons que

N v= (A−λ)v6= 0, par hypothèse.

On a donc trouvé un élément de Ker(D−λ)qui n’est pas dans KerN.

— Si maintenantλest une valeur propre semi-simple, on commence par constater que l’hypothèse implique par une récurrence immédiate

Ker(A−λ)k =Ker(A−λ)k+1, ∀k≥0, et donc

Ker(A−λ)k =Ker(A−λ), ∀k≥0. (I.20)

On utilise à nouveau la formule de Leibniz pour écrire (A−λ)n=

Xn k=0

CnkNk(D−λ)n−k =

n−1X

k=0

CnkNk(D−λ)n−k,

où on a à nouveau utilisé le caractère nilpotent deN. On observe que dans cette formule les puissances de(D−λ) sont toutes strictement positives et donc si on prendv∈Ker(D−λ), la formule précédente montre que

(A−λ)n+1v= 0, et donc par (I.20), on conclut que(A−λ)v= 0.

L’égalitéA−λ= (D−λ) +N permet de conclure queN v= 0et le résultat est prouvé.

7. voir aussi les feuilles de TD !

Théorème I.56

On considère le système différentiel linéaire autonomex0 =Ax.

— L’état d’équilibrex = 0est asymptotiquement stable si et seulement si toutes les valeurs propres deA sont de partie réelle strictement négative.

Dans ce cas, l’équilibre est exponentiellement stable : il existeC, γ >0tel que ketAk ≤Ce−γt, ∀t >0.

— L’état d’équilibrex= 0est stable si et seulement si toutes les valeurs propres deAsont de partie réelle négative ou nulle et que celles de partie réelle nulle sont semi-simples.

Dans ce cas, le flot est uniformément borné (en temps positif) : il existeC >0tel que ketAk ≤C, ∀t >0.

Notons que le même résultat est valable pour tout autre équilibrex(c’est-à-dire pour toutxdans le noyau deA).

Preuve :

— Supposons tout d’abord queAadmet une valeur propreλ=α+iβde partie réelle strictement positive. Montrons alors que le point d’équilibre ne peut pas être stable.

Soitv=v1+iv2un vecteur propre deApour cette valeur propre. On suppose quev16= 0(ce qu’on peut toujours faire quitte à multipliervpari).

On choisit un nombreLtel queβL∈2πZet on constate que, si on posetn=nL, alors on a etnAv=etn(α+iβ)v=etnαeinLβv=etnαv.

Comme la matriceAest réelle, on peut prendre la partie réelle de cette égalité et obtenir etnAv1=etnαv1,

ce qui prouve, vu queα >0, que(etnAv1)nn’est pas bornée et donc l’instabilité de l’origine pour ce système.

— Le même calcul montre que siAadmet une valeur propre imaginaire pureiβ, alors il existev1 6= 0et une suite (tn)ntendant vers l’infini tels que

etnAv1=v1, et donc l’équilibre ne saurait être asymptotiquement stable.

— Supposons maintenant queAadmette une valeur propreλ=iβimaginaire pure et non semi-simple. On va égale-ment montrer que le point d’équilibre n’est pas stable (mais on remarquera que l’instabilité est moins violente que dans le cas précédent).

D’après la PropositionI.55, il existe un vecteur proprevdeDpour la valeur propreλtel queN v6= 0.

Calculons la solution de l’équation pour la donnée initialev: etAv=etNetDv=eetNv=eitβ

Xn k=0

CnktkNkv.

Comme le facteureitβest de module1, on voit queetAvest borné si et seulement si le polynôme ent Xn

k=0

CnktkNkv,

est lui-même borné, ce qui n’est pas possible car son terme d’ordre1n’est pas nul vu queN v6= 0.

— Etudions maintenant les cas de stabilité. On commence par diagonaliserD(ce qui est possible par définition de la décomposition de Dunford). Il existe doncP ∈GLd(C)telle que

P−1DP = Λ, avecΛ = diag(λ1, ..., λd),

et commeN˜ =P−1N P est aussi nilpotente (et commute avecΛ) on voit que dans ces conditions, on peut simple-ment calculer

etA=P eetN˜P−1.

La matrice de passageP ne joue pas de rôle dans la stabilité (asymptotique) du système et donc on est ramenés à étudier la stabilité du flot suivant

t7→eetN˜. Sachant que

e= diag(e1, ..., ed), et que

|ei|=etReλi, on peut mener la discussion suivante :

— Si toutes les valeurs propres sont de parties réelles strictement négatives, on a kek ≤e−γt,

avec

γ:= inf{(−Reλi),1≤i≤d}, qui est une quantité strictement positive par hypothèse.

CommeN˜ est nilpotente,etN˜ est une quantité polynomiale en temps et donc nous avons ketAk ≤ kPkkP−1kketN˜ke−γt,

et donc, comme l’exponentielle l’emporte sur les termes polynomiaux, nous obtenons que, pour tout0< γ <

γ, il existeCγ >0telle que

ketAk ≤Cγe−γt, ∀t≥0, ce qui implique la stabilité asymptotique de l’équilibre.

— S’il existe des valeurs propres de partie réelle nulle, on ne peut plus raisonner comme précédemment car kek= 1et les termes polynomiaux en temps sont potentiellement désagréables.

On sépare alors l’espaceCnen deux partiesCn =E⊕E0oùEest la somme des sous-espaces propres de Λassociés aux valeurs propres de partie réelle strictement négative etE0la somme des sous-espaces associés aux valeurs propres imaginaires pures. CommeN˜ commute avecΛ, les espacesEetE0sont stables parN.˜ Par ailleurs, l’hypothèse de semi-simplicité assure queN(E˜ 0) = 0.

On peut alors conclure en étudiant séparément la situation surEetE0.