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Deux approches prédominent dans les travaux prospectifs relatifs aux surfaces cultivées. Dans certains travaux, les évolutions possibles des terres arables sont une sortie de modèles d’équilibre de l’offre et de la demande alimentaire. En d’autres termes, le chiffrage des surfaces agricoles dépend à la fois du niveau de la demande alimentaire et de celui des autres paramètres qui influencent l’offre tels que le niveau de rendement, les surfaces et l’efficience de l’irrigation70, l’intensité culturale mais aussi le niveau de dégradation de la fertilité des sols, la conversion des terres agricoles en terres urbaines, etc. Cette approche est notamment utilisée, sur la base du modèle IMPACT, dans la construction des scénarios du MEA [Carpenter et al., 2005], les différentes études de l’IFPRI ([Von Braun, 2005], [Rosegrant et al., 2002], [Rosegrant et al., 2001]) et diverses autres études sur des points plus spécifiques comme le développement des surfaces plantées en agro-carburants [Hoogwijk et al., 2003]. D’autres modèles peuvent être utilisés, comme dans la construction des scénarios PRELUDE pour l’Europe de l’Agence Européenne de l’Environnement [EEA, 2007]. La seconde approche consiste à formuler des hypothèses d’évolution des surfaces arables en fonction d’une estimation du potentiel cultivable. C’est le cas dans les projections agricoles de la FAO ([FAO, 2002], [FAO, 2000]) et dans le scénario proposé par Michel Griffon [Griffon, 2006].

Dans les scénarios du MEA, l’extension des surfaces cultivées est une des composantes de l’équation qui vise à équilibrer la production alimentaire avec la demande. Les hypothèses de surfaces cultivées futures varient donc selon que le niveau de population est bas et le niveau d’intensification agricole haut (Global Orchestration) ou que la demande en produits carnés est réduite (Adapting Mosaic et TechnoGarden) ou que la pression démographique est élevée et les rendements bas (Order from Strength) (plus les rendements sont élevés, moins les surfaces cultivées sont grandes). Ainsi, tous les scénarios du MEA voient leurs surfaces augmenter mais dans des proportions différentes et pour des raisons différentes (cf. figure 27).

L’évolution des surfaces dans le scénario Agrimonde GO est la même que dans le scénario Global

Orchestration du MEA. Cependant, les experts du MEA n’ont pas fondé leurs hypothèses de

surfaces sur les mêmes données statistiques passées qu’Agribiom. Par conséquent, nous avons adapté les hypothèses quantitatives faites pour Global Orchestration dans le cadre du MEA de façon à les rendre comparables avec les hypothèses de surface faites dans Agrimonde 1(cf. annexe 14 et tableau 12 pour davantage de précisions).

Dans le scénario Agrimonde 1, la formulation des hypothèses quantitatives relatives aux surfaces cultivées en 2050 s’est inscrite dans une logique différente de celle qui a prévalu pour les scénarios du MEA. Ce sont les facteurs physiques de disponibilité et de qualité des sols confrontés à des critères de durabilité qui ont guidé la construction des hypothèses, tels que la préservation d’espaces forestiers, pourvoyeurs de nombreux services écologiques.

Concrètement, le groupe de travail a d’abord cherché à identifier les réserves de terres cultivables dans chaque région. Puis, il a procédé au chiffrage des différents types de surfaces agricoles du scénario Agrimonde 1, région par région, en commençant par déterminer la répartition des surfaces entre les espaces cultivés, prairiaux et forestiers, puis en précisant quelle part des surfaces cultivées sera irriguée, et enfin, quelle part sera dédiée aux agro-carburants. Ainsi, pour construire les hypothèses relatives aux surfaces, le groupe de travail a procédé en trois étapes : 1) l’identification des réserves de terres potentiellement cultivables de chaque région, 2) le chiffrage des surfaces nouvellement cultivées et des nouveaux périmètres irrigués en 2050, et par conséquent, des surfaces en forêt et en pâture restantes, 3) le chiffrage spécifique des surfaces dédiées à la production d’agro-carburants.

1- L’identification des réserves de terres potentiellement cultivables de chaque région, qui pourraient permettre à l’avenir l’augmentation de la production régionale. Pour cela, le groupe de travail s’est appuyé sur les estimations des surfaces aptes à l’agriculture dans chaque région du monde, données par la FAO (2002) ainsi que par le rapport GAEZ [Fischer et al. 2000, 2001, 2002]. Ce dernier distingue cinq niveaux de potentiels cultivables en fonction du potentiel de rendement des sols :

70 «L’efficience de l’irrigation sur un périmètre est le rapport entre le volume d’eau prélevé ou pompé en tête de réseau, et la quantité effectivement utilisée (évapotranspirée) par les cultures, à laquelle on ajoute les besoins liés au maintien d’une lame d’eau dans le cas du riz » [CIRAD-GRET-MAE, 2002].

1. Superficie de terres dont le potentiel de rendement est supérieur à 80% du rendement maximal en agriculture pluviale ou pluviale et irriguée (VS),

2. Superficie dont le potentiel de rendement est supérieur à 60% du rendement maximal (VS+S),

3. Superficie dont le potentiel de rendement est supérieur à 40% (VS+S+MS), 4. Superficie dont le potentiel de rendement est supérieur à 20% (VS+S+MS+mS), 5. Superficie dont le potentiel de rendement est inférieur à 20% (VS+S+MS+mS+NS).

Le rapport GAEZ propose en outre un calcul du gain apporté par l’irrigation en fonction des données physiques locales (topographie, texture du sol, drainage du sol, …) permettant ou non d’équiper les surfaces cultivées en irrigation, mais indépendamment de la ressource en eau disponible (cf. section I.2.1.5).

2- Le chiffrage des surfaces nouvellement cultivées et des nouveaux périmètres irrigués en 2050, et par conséquent, des surfaces en forêt et en pâture restantes.

Il s’est fondé sur l’analyse, dans chaque région :

- du potentiel cultivable en agriculture pluviale et irriguée, tel qu’il est proposé dans les études de la FAO et de GAEZ ;

- des dynamiques passées d’occupation des sols des différents types de surfaces envisagés dans le scénario Agrimonde 171 ;

- des hypothèses réalisées dans d’autres exercices de prospective agricole au niveau mondial : scénarios du MEA, de M. Griffon, de l’IFPRI-IWMI…,

- des facteurs susceptibles de favoriser une extension des surfaces agricoles ou au contraire leur recul, comme l’impact du changement climatique sur l’évolution du potentiel cultivable, les pressions sociales diverses qui pourraient s’exercer en faveur de la conservation de la biodiversité, etc.

La conversion des terres porte à la fois sur les espaces forestiers et sur les herbages. Le groupe de travail a cherché, dans chaque région, à établir une règle de répartition entre proportion des terres prises sur les forêts et proportion prise sur les pâtures qui limite les impacts environnementaux de la progression des terres agricoles. En particulier, il s’est attaché à limiter la déforestation, même lorsque cela supposait de fortes ruptures de tendance.

3- Le chiffrage spécifique des surfaces dédiées à la production d’agro-carburants.

Une analyse particulière a été menée sur les différentes formes de productions énergétiques à partir de la biomasse envisageables en 2050, sur des surfaces dédiées. Le groupe de travail a fait l’hypothèse qu’une nouvelle génération d’agro-carburants, produits à partir de ligno-cellulose ou de sous-produits alimentaires (huile de friture ou autres déchets ménagers par exemple) voir à partir de micro-algues à haut rendement lipidique, aura émergé d’ici à 2050. Elle présenterait l’intérêt de faire porter l’effort de production énergétique sur des espaces non substitués aux surfaces agricoles, particulièrement sur les forêts en tirant profit de leur capacité de régénération. Ainsi, l’ordre de grandeur des surfaces agricoles occupées par des cultures ou plantations énergétiques est inférieur à 10% de la surface cultivée dans la plupart des régions du monde dans le scénario Agrimonde 1. Après analyse des tendances à l’œuvre, ce seuil a toutefois été dépassé pour les régions Amérique latine et OCDE-1990 où les surfaces énergétiques pourront atteindre jusqu’à 20% de la surface cultivée.

71 Dans le scénario Agrimonde 1, six types de surfaces sont distinguées : (i) les surfaces en cultures et plantations incluant (ii) les surfaces irriguées et (iii) les surfaces dédiées à la production de biomasse non alimentaire, (iv) les surfaces en pâture, (v) les surfaces en forêt et (iv) les surfaces immergées et autres (incluant surfaces habitées, infrastructures, montagne). Pour plus de précisions, se référer au chapitre I.2.

Figure 27 : Les hypothèses de surfaces cultivées dans les scenarios du Millenium Ecosystem Assessment

Global Orchestration TechnoGarden

L’essentiel des nouvelles surfaces cultivées est consacré à l’énergie (biocombustibles et agro-carburants). La faible part de terres nouvelles (5%) destinées à produire des denrées alimentaires s’explique par la forte augmentation des rendements notamment grâce au développement technologique rapide et aux investissements dans la recherche agricole. L’Amérique latine et l’Afrique subsaharienne sont les régions disposant en 2050 des plus grandes surfaces nouvellement cultivées.

Ce scénario se distingue des autres car, si les surfaces agricoles totales augmentent, les surfaces cultivées en céréales diminuent. Les raisons principales sont : (i) Une progression des

rendements qui rend inutile une expansion des surfaces vers les terres marginales ; (ii) Une amélioration de l’utilisation des sols grâc e à de nouvelles technologies appliquées aux surfaces existantes ; (iii) Une augmentation des programmes de conservation pour la biodiversité.

Les s urfaces irriguées augmentent par contre au niveau mondial de 0,18% par an et pass ent ainsi de 239 à 262 millions d’hectares. Cet acc roissement demande de très forts investissements dans les systèmes d’irrigation. L’Amérique latine est la région où se concentre la plus forte progress ion des surfaces irriguées (+0,5% par an) suivi de l’Afrique subsaharienne (+0,3% par an)

En 2050, par rapport au début du siècle, les surfaces de c éréales ont diminué de 10% en OCDE-1990, de 7% en FSU et de 6% en As ie. Mais elles ont augmenté de 37% en Afrique subsaharienne, de 9% en Amérique latine et de 7% en MENA. Les s urfaces irriguées sont de 253 millions d’hectares en 2050, soit le c hiffre le plus important après le scénario Global Orchestration.

Cette augmentation modérée des surfaces laisse la place au développement des agro-carburants dont la production est poussée par la hausse des prix énergétiques, consécutifs à l’importante croiss ance économique à l’œuvre. La région OCDE-1990 et l’Amérique latine accueillent la majorité des nouvelles terres destinées aux agro-carburants.

La progres sion de ces surfaces est forte en Amérique latine, en Afrique subs aharienne, en Afrique du Nord – Moyen Orient.

Réactivité Proactivité

Order from Strength Adapting Mosaic

Les faibles augmentations de rendements, la forte croissance démographique ainsi que le maintien de barrières commerciales, comme les droits de douanes et les quotas, rendent nécessaire l’utilisation de plus grandes surfaces destinées à la production alimentaire. Les surfaces irriguées sont stables : au niveau mondial elles passent de 239 millions d’hectares à 240 millions d’ha. Cette stabilité recouvre des évolutions différentes selon les régions : les surfaces irriguées diminuent en Asie et en ex-Union Soviétique et elles augmentent en Amérique latine et en Afrique subsaharienne. Dans de nombreux pays, les problèmes budgétaires obligent à réduire considérablement les dépenses dans les systèmes d’irrigation.

Une intense compétition s’engage entre production énergétique et production alimentaire, renchérissant le coût des agro-carburants. Dans le même temps, la lente croissance économique modère la demande en énergie. Ces deux facteurs expliquent la faible croissance des terres réservées à la production de biocombustibles et d’agro-carburants (la plus faible des 4 scénarios).

Même si la demande alimentaire n’est pas très forte, la faible évolution des rendements conduit à une augmentation significative de la surface agricole. L’Afrique subsaharienne, l’Amérique latine et Afrique du Nord – Moyen Orient ac cueillent la majorité des nouvelles terres cultivées en céréales en 2050. Les surfaces irriguées ne progressent que très lentement jusqu’en 2050 (0,06% / an) pour atteindre 246 millions d’hectares. Elles augmentent cependant fortement en Afrique subs aharienne et en Amérique latine.

Adapting Mosaic est un scénario intermédiaire : la croissance économique et la productivité agricole sont supérieures à celles constatées dans Order from Strength mais inférieures aux autres scénarios. Par conséquent, la demande d’énergie est supérieure à celle mesurée dans Order from Strength mais la compétition pour les terres est moins intense. Les surfaces cons acrées à l’énergie et aux biocombustibles en particulier sont donc supérieures à celles d’Order from Strength mais inférieures à celles de TechnoGarden.

Mondialisation

Régionalisation

Quelle occupation des sols en Afrique du Nord – Moyen Orient en 2050 dans le