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Quels facteurs d’évolution pour l’agriculture et l’alimentation en Afrique du Nord - Moyen Orient dans Agrimonde 1 ?

Trois principaux défis caractérisent le scénario Agrimonde 1 dans cette région : la gestion de l’eau, le développement de l’emploi rural et la réduction des inégalités d’accès à l’alimentation.

107 D’après le rapport Mediterra, la population urbaine au Sud de la Méditerranée est passée de 108 millions d’habitants en 1990 à 140 millions d’habitants en 2000. Elle est estimée à 214 millions d’habitants pour 2020 [CIHEAM, 2008].

108 A titre indicatif, dans le Maghreb, l’espacement moyen des agglomérations est passé de 66 km à 21km entre 1950 et 1995 dans la zone littorale et de 66 km à 32 km dans la zone intérieure [CIHEAM, 2008].

109 A ce titre, Méditerra propose pour « sécuriser le paysage foncier » : (i) un suivi dynamique des évolutions foncières (surface et qualité des terres agricoles et arables), (ii) de renforcer le caractère opérationnel des appareils juridiques capables de démarquer clairement les terres agricoles du foncier constructible, (iii) de promouvoir la contractualisation des baux ruraux [CIHEAM, 2008].

Dans le scénario Agrimonde 1, entre 2000 et 2050, le secteur agricole a été confronté au défi d’améliorer à la fois la valeur ajoutée et le rendement des cultures - de 20% au minimum par rapport à 2000 - en condition de stress hydrique accentué par les effets du changement climatique. La question de l’eau et des modèles de production agricole en condition de stress hydrique a donc été, dans ce scénario, un axe prioritaire de la recherche. Cela s’est traduit par des percées scientifiques et techniques dans les domaines des techniques d’irrigation, de la sélection génétique, des pratiques agricoles qui, dans cette région comme dans beaucoup d’autres, se sont beaucoup axées sur une meilleure infiltration de l’eau et des assolements moins exigeants en eau. Parallèlement, dans ce scénario, les politiques de gestion de la ressource en eau ont dû être renforcées de façon déterminante ; elles ont permis de rationaliser l’allocation de la ressource entre ses différents usages, ainsi qu’une meilleure valorisation de cette ressource.

Dans le scénario de M. Griffon, le gain de rendement des cultures escompté est réalisable par les techniques de l’intensification écologique (+0,59% par an) et se situe entre la fourchette basse d’Agrimonde 1 et Agrimonde GO. L’auteur retient surtout comme essentiel d’améliorer l’efficacité de l’eau d’irrigation, de privilégier les techniques de conservation de l’eau dans le sol et la couverture du sol par des plantes légumineuses notamment, ainsi que l’association céréaliculture-élevage (ley farming110 en particulier). Il estime inévitable que les périmètres irrigués soient de plus en plus consacrés aux cultures maraîchères et éventuellement à la production de ressources fourragères pour des élevages intensifs. Pour cette région, l’exercice de prospective Méditerra [CIHEAM, 2008] propose des pistes complémentaires pour optimiser la gestion des ressources hydriques (cf. encadré 12). La possibilité de commerce d’eau virtuelle qui y est mentionné souligne que l’optimisation de la gestion de l’eau passe également par une réflexion sur les échanges de produits alimentaires et sur les choix de politiques agricoles.

Entre 2000 et 2050, dans le scénario Agrimonde 1, la population rurale a largement augmenté et elle a dû, en grande partie, réussir à s’employer dans les territoires ruraux. L’exode rural a en conséquence été contenu. Ceci suppose que la région aura su rééquilibrer les dynamiques de développement entre zone littorale et arrière-pays qui opposaient au début XXIème siècle un littoral urbain concentrant les richesses et branché sur le marché international et un arrière-pays agricole pauvre et peu compétitif. Pour faire face aux problèmes sociaux, économiques et environnementaux associés à une urbanisation difficile à maîtriser, les politiques d’aménagement du territoire dans beaucoup de pays de cette région ont cherché à maintenir ou à susciter un dynamisme économique des campagnes en soutenant les activités agricoles et agro-alimentaires mais aussi d’autres

110 ley farming : technologie développé en Australie, basée sur un travail superficiel du sol et une rotation céréale/luzerne et qui permet une meilleure intégration céréales-élevage [Lahmar, 2006].

Encadré 12 : Propositions techniques pour optimiser la gestion des ressources hydriques du rapport Mediterra [CIHEAM, 2008]

Du côté des politiques de gestion de l’offre, des opportunités de développement résident dans :

- le dessalement de l’eau de mer pour les pays dont les ressources financières le

permettent,

- les progrès en matière de réutilisation des eaux usées urbaines pour l’irrigation agricole.

Les politiques de gestion de la demande devront favoriser :

- les économies d’eau (notamment par des voies techniques comme l’irrigation de

précision et l’amélioration du réseau d’adduction d’eau),

- des arbitrages politiques entre les usages en fonction du rapport coûts-avantages et des externalités positives,

- des innovations tarifaires (tarification par paliers).

Enfin, la nouvelle politique hydraulique doit être accompagnée par des changements juridiques et institutionnels :

- amendement des réglementations actuelles,

- mise en place d’une unité de gestion de l’eau au niveau du bassin versant ou de

la nappe, avec le soutien des usagers de l’eau,

activités de services, notamment dans le secteur du tourisme dans certains territoires. La relocalisation des systèmes alimentaires aura présenté ici une des voies d’intégration des petites agricultures au marché local et donc de développement de la demande solvable en milieu rural. Enfin, la transformation des régimes alimentaires est une dernière inflexion majeure supposée pour la région Afrique du Nord – Moyen Orient dans Agrimonde 1. En moyenne, entre 2000 et 2050, la consommation alimentaire par habitant est passée de 3 339 kcal à 3 000 kcal dans cette région. Certes, des politiques nutritionnelles ont été mises en œuvre de façon efficace pour enrayer l’épidémie d’obésité111 (elles ont surtout visé la réduction de la consommation de graisses saturées et de sucres). Surtout, la réduction des inégalités de revenus et donc d’accès à l’alimentation a été un objectif majeur des politiques sociales et économiques ; elles ont été complémentaires des politiques d’aménagement du territoire puisqu’elles se sont centrées sur l’amélioration des conditions de vie dans les zones rurales.

II.4.2 Confrontation, cohérence, facteurs d’évolution : Afrique

subsaharienne

Dans le scénario Agrimonde 1, la région Afrique subsaharienne a vu sa population multipliée par 2,5 entre 2000 et 2050 tandis que la consommation de calories par habitant a augmenté de 20%. A cet égard, la situation dans Agrimonde GO est très proche, si ce n’est que la part des produits animaux dans le régime alimentaire de cette région est supérieure dans Agrimonde 1. La demande régionale en calories est donc pratiquement identique dans les deux scénarios (4983 Gkcal/j dans Agrimonde 1 et 4936 Gkcal/j dans Agrimonde GO).

Face à ces fortes augmentations des besoins, le scénario Agrimonde 1 table plutôt sur une augmentation importante des surfaces que sur des progrès majeurs en termes de rendements tandis qu’Agrimonde GO envisage une forte hausse des rendements et une augmentation des terres cultivées légèrement inférieure à celle d’Agrimonde 1 (environ 100 millions d’hectares supplémentaires en cultures alimentaires en 2050 par rapport à 2000 dans Agrimonde 1 contre environ 70 millions d’hectares supplémentaires dans Agrimonde GO).

La relative faiblesse d’augmentation des rendements dans Agrimonde 1 (+0,44% par an dans l’hypothèse basse) par rapport notamment à Agrimonde GO (+1,81% par an, cf. graphique 18) et aux tendances passées (+1,63% par an entre 1961 et 2000) tient, d’une part, à la prise en compte des impacts potentiels du changement climatique, notamment en Afrique de l’Ouest, qui selon certaines études pourraient conduire à une baisse des rendements à technique inchangée, et d’autre part, à la faible intensité capitalistique des systèmes de production envisagés dans ce scénario pour cette région. Dans le même esprit, Michel Griffon retient une hypothèse de gain de rendement (+0,60% par an) de l’ordre de l’hypothèse basse retenue pour Agrimonde 1, ce qui le conduit à faire l’hypothèse d’une multiplication par 5 des surfaces cultivées pour réussir à équilibrer le bilan ressources - emplois régional de calories végétales pour l’alimentation humaine directe.

Au total les ‘stratégies’ envisagées dans les scénarios Agrimonde 1 et Agrimonde GO ne sont pas équivalentes puisque le bilan ressources – emplois est beaucoup plus favorable dans Agrimonde

111 « Au Sud de la Méditerranée, les disponibilités alimentaires ont très fortement progressé au cours des quarante dernières années avec un gain moyen de 800 kcal/hab/j. » [CIHEAM, 2008].

Graphique 18 :

Gains de surfaces cultivées alimentaires et de rendements dans les scénarios Agrimonde 1 et Agrimonde GO entre 2000 et

2050 en Afrique subsaharienne 0,89 0,89 0,66 0,44 1,37 1,81 0,00 0,50 1,00 1,50 2,00 2,50 3,00

Agrimonde_1 Agrimonde_1 Agrimonde_GO hyp. basse hyp. haute

-% p a r a n Rendement Surface

GO que dans la fourchette basse de rendement d’Agrimonde 1 (il manque environ 1 300 Gkcal/j dans Agrimonde GO contre presque 4 000 dans Agrimonde 1).