• Aucun résultat trouvé

Bibliographie de la partie I

Encadré 3 : Le concept d’intensification écologique

II.2 Les hypothèses quantitatives des scénarios

Jean-Marc Chaumet, Gérard Ghersi, Jean-Louis Rastoin, Tévécia Ronzon

Le scénario Agrimonde repose sur la quantification de quatre ensembles de variables : les populations, les consommations alimentaires, les surfaces et les rendements. Les hypothèses sur la population et les consommations alimentaires, qui permettent de calculer les emplois, sont présentées en premier (II.2.1), avant que ne soient développées les hypothèses permettant de calculer les ressources (les surfaces et les rendements) (II.2.2).

II.2.1 Les hypothèses quantitatives relatives aux emplois des

productions agricoles

Afin de pouvoir calculer les emplois des productions agricoles par région, des hypothèses ont d’abord été élaborées au niveau régional pour 2050 sur les populations (II.2.1) puis sur les consommations alimentaires (II.2.2).

II.2.1.1 Quelles populations en 2050 ?

Les hypothèses de population du MEA pour 2050 s’étalent entre 8 et 9,5 milliards d’habitants selon les scénarios (cf. tableau 7) :

Global Orchestration est le scénario où la population est la plus faible, la transition

démographique étant relativement rapide grâce à de forts investissements en capital humain et un rapide développement des technologies, notamment dans le secteur de la santé. La mortalité atteint en particulier des niveaux très bas dans les pays riches, en cohérence avec des taux de croissance économique élevés et un progrès technologique important.

A l’opposé, dans le scénario Order from Strength, la transition démographique est très lente, résultant de faibles investissements en capital humain et d’une faible croissance économique. De plus, la croissance inégale parmi les pays riches et l’émergence de maladies potentiellement graves, entraîne des taux de mortalité élevés.

Dans Adapting Mosaic, la population mondiale est en 2050 pratiquement identique à celle du scénario Order from Strength car les deux scénarios suivent la même trajectoire pendant de nombreuses années avant qu’un effort ne soit entrepris dans Adapting Mosaic envers l’éducation, ce qui permet par la suite une croissance économique plus forte et un développement technologique important. Mais les conséquences démographiques de ces investissements, en termes de taux de natalité et de taux de mortalité, n’apparaissent que tardivement.

La population du scénario TechnoGarden au niveau mondial se rapproche de celle du scénario Agrimonde 1. Ce dernier scénario du MEA voit des investissements et une croissance économique modérés, ce qui induit un rythme modéré dans l’évolution de la fertilité et de la mortalité dans le monde, pour atteindre des taux qualifiés de moyens comparativement aux autres scénarios.

Les hypothèses d’Agrimonde 1 et d’Agrimonde GO61 concernant la population mondiale en 2050 reposent, quant à elles, sur la projection médiane des Nations-Unies [ONU, 2006]. Celle-ci chiffre à un peu plus de 9 milliards le nombre d’habitants sur la planète à la moitié du siècle. Rappelons que cette projection intègre un régime dit normal de migrations internationales, ce qui correspond à environ 100 millions de migrants sur 50 ans. Cette hypothèse de faibles migrations, qui va à l’encontre de certaines anticipations concernant l’afflux de réfugiés climatiques, permet aux scénarios, comme indiqué dans le chapitre précédent, de pleinement rendre compte des

61 Rappelons que construit sur la même base de quantification qu’Agrimonde 1, Agrimonde GO reprend les mêmes hypothèses de population. Ce parti pris répond à la volonté de pouvoir facilement comparer les deux scénarios, et au principe de construction des scénarios Agrimonde qui est d’« apprécier la capacité de chaque grande région du monde à satisfaire ses besoins alimentaires en 2050 ».

conséquences de la forte croissance démographique anticipée en Afrique, Asie et Amérique latine, sans les masquer par de grands mouvements de migrations internationales.

Les populations par région dans les scénarios Agrimonde ont été calculées à partir des chiffres par pays disponibles dans la projection des Nations-Unies (cf. tableau 8). Rappelons que certains pays (Irak, Afghanistan,….) ont été exclus des calculs par manque de données rétrospectives (cf. chapitre I.2). Nous ne prenons donc pas en compte ces pays dans les populations en 2000 ainsi qu’en 2050.

Selon la projection médiale des Nations-Unies, la plus forte progression de population aura lieu en Afrique subsaharienne, avec une multiplication par 2,5 de sa population, suivie de l’Afrique du Nord – Moyen Orient (multiplication par 1,8), de l’Amérique latine (x 1,5) et de l’Asie (x 1,4). L’OCDE-1990 devrait voir sa population rester stable, tandis que l’Ex-URSS devrait perdre près de 15% de ses habitants (cf. figure 22).

Tableau 8 : Populations (en millions d’individus) en 2000, en 2050 dans les scénarios Agrimonde et dans les scénarios du Millennium Ecosystem Assessment

2000 2050 scénarios Agrimonde Global Orchestration (GO) Order from Strength (OS) Adapting Mosaic (AM) TechnoGarden (TG) Afrique du Nord - Moyen Orient 352 631 603 774 765 692 Afrique subsaharienne 659 1 661 1 109 1 570 1 492 1 329 Amérique latine 515 773 742 944 933 831 Asie 3 204 4 442 4 104 5 023 4 992 4 535 Ex-URSS 281 239 282 257 273 281 OCDE-1990 961 1 066 1 255 998 1 068 1 154 MONDE 5 973 8 812 8 567 9 567 9 522 8 821

Sources : ONU (2006), Carpenter et al. (2005), Dorin (cf. I.2 Agribiom)

Figure 22 : Evolution de la population entre 1961 et 2003 et entre 2003 et 2050 dans les scénarios Agrimonde

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500 1950 1970 1990 2010 2030 2050 M il li o n s h a b it a n ts Afrique N - MO Afrique subs. Am. latine Asie Ex-URSS OCDE-1990

Figure 23 : Les hypothèses de consommation alimentaire dans les scénarios du Millennium Ecosystem Assessment

Global Orchestration TechnoGarden

La disponibilité alimentaire moyenne mondiale en 2050 est de 3600 kcal/hab./j. Ce scénario se situe donc dans la prolongation des tendances actuelles, avec une extension de l’épidémie d’obésité dans les zones de fort développement économique, une augmentation importante de la demande de viande, avec pour corollaire une part croissante des céréales destinées à l’alimentation animale. Les modèles traditionnels sont peu à peu abandonnés pour des habitudes alimentaires plus standardisées. Les disponibilités caloriques pour l’alimentation sont les plus importantes des quatre scénarios. Cette prolongation des tendances permet une avancée importante en termes de sécurité alimentaire : la diminution en valeur absolue du nombre d’enfants souffrant de malnutrition.

Ce scénario se démarque fortement des autres par une attitude proactive des consommateurs envers la gestion de l’environnement. Celle-ci se traduit par la demande de produits issus d’une agriculture « écologique » et par une hausse modérée de la consommation de viande. L’accroissement de la quantité de produits animaux consommés par les habitants des pays en développement est similaire à celui des scénarios centrés sur la régionalisation. Par contre, dans les pays riches, l’accroissement de la consommation de produits animaux est deux à trois fois plus faible que dans les autres scénarios. Cette évolution des régimes alimentaires est liée à la prise en compte de leurs effets environnementaux et sanitaires. Au final, la consommation mondiale journalière par habitant approche les 3300 kcal en 2050. A noter que le nombre d’enfants souffrant de malnutrition est relativement faible dans ce scénario, mais tout de même supérieur à celui enregistré dans Global Orchestration.

Réactivité Proactivité

Order from Strength Adapting Mosaic

Le modèle alimentaire n’évolue pas dans les pays développés mais ne se répand pas dans les pays en développement, la faible croissance économique limitant l’augmentation des revenus nécessaires à son extension et les barrières aux échanges contrariant la généralisation du régime alimentaire occidental. La croissance économique limitée touche également les pays riches qui voient leur consommation augmenter faiblement. Il en résulte une disponibilité moyenne mondiale proche de 3000 kcal en 2050 correspondant à un état stationnaire dans chacun des pays du monde. La relative stagnation économique conjuguée au manque de coopération internationale a pour conséquence une augmentation du nombre d’enfants souffrant de malnutrition.

La problématique au cours des premières années de ce scénario est proche de celle d’Order from Strength, la croissance économique étant également faible. Les produits à forte valeur ajoutée ne sont pas abordables pour une bonne partie des consommateurs qui se focalisent sur les denrées produites localement à partir de techniques de production adaptées à l’environnement local. A partir de 2020, la situation économique s’améliore et la demande de produits alimentaires sains et de bonne qualité se fait plus pressante, au point que plusieurs pays inscrivent dans leur constitution le « droit à une alimentation saine ». Cette tendance prend d’abord corps dans les pays développés avant de se répandre dans les pays en développement. La disponibilité moyenne mondiale en 2050 est légèrement supérieure à 3000 kcal/hab./j.

Mondialisation

Régionalisation

II.2.1.2 Quelles consommations alimentaires en 2050 ?

Dans les scénarios Agrimonde, comme dans les scénarios du MEA, les « disponibilités alimentaires » servent d’approximation de la consommation alimentaire. Ces disponibilités reflètent la quantité de calories à disposition des consommateurs, au niveau des ménages et de la restauration hors-foyer. Elles incluent donc les calories qui seront perdues entre l’achat des produits et leur ingestion. Elles ne doivent pas être confondues avec la quantité de calories effectivement ingérées qui est, elle, difficile à estimer.

Dans le MEA, la croissance économique explique largement les niveaux de disponibilité, sauf dans

TechnoGarden où l’attitude proactive vis-à-vis de l’environnement limite la hausse des disponibilités

animales (cf. figure 23). Ainsi, le scénario Agrimonde GO, qui reprend les hypothèses du scénario

Global Orchestration du MEA (cf. annexe 13), est-il un scénario que l’on peut qualifier de tendanciel

en termes d’évolution du niveau de consommation de calories alimentaires. La croissance économique y tire la consommation dans toutes les régions du monde pour atteindre une disponibilité moyenne mondiale de 3590 kcal/hab./jour et la sous-alimentation en est considérablement réduite. En revanche, le niveau de consommation calorique devient tel dans les pays à fort développement économique, qu’il s’accompagne d’une forte augmentation de la prévalence de l’obésité.

Le scénario Agrimonde 1 se distingue très nettement de cette évolution tendancielle. Il partage certaines caractéristiques de TechnoGarden puisque la relation qui lie le revenu et la consommation alimentaire ne reste pas la plus déterminante, en raison des préoccupations liées à la santé et à l’environnement. L’hypothèse de disponibilité alimentaire retenue par le groupe de travail est de 3000 kcal par jour et par habitant dans toutes les régions du monde, tout en maintenant certaines spécificités régionales perceptibles dans la décomposition des calories animales par source (monogastriques, ruminants et produits halieutiques).