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Quels facteurs d’évolution pour l’agriculture et l’alimentation en Asie dans Agrimonde 1 ?

(cf. graphique 20). Celle-ci tient à deux raisons principales : d’une part, la prise en compte des impacts du changement climatique, comme l’augmentation de la fréquence d’évènements violents tels que les cyclones, mais aussi d’autres problèmes environnementaux comme la salinisation des deltas de riziculture irriguée, et d’autre part, les limites de la révolution verte dans cette région qui connait en 2000 les rendements les plus élevés du monde (même si certaines zones en agriculture pluviale peuvent encore voir leurs rendements croître).

La couverture des besoins par l’approvisionnement régional n’est pas assurée que ce soit dans Agrimonde 1 (environ – 3 000 Gkcal/jour) ou dans Agrimonde GO (environ - 900 Gkcal/jour). L’Asie doit importer dans les deux scénarios pour satisfaire ses besoins en produits animaux. Toutefois, les importations sont plus de trois fois plus importantes dans le scénario Agrimonde 1 malgré un régime alimentaire beaucoup moins calorique.

Les scénarios Agrimonde sont-ils cohérents en Asie ?

Qu’en est-il de la cohérence du scénario Agrimonde 1 et qu’apprend-on de la confrontation des deux scénarios ? Le scénario Agrimonde 1 est-il durable en Asie ? Entre 2000 et 2050, la superficie cultivée n’augmentant que très peu, alors que la surface agricole par actif était déjà très faible au début du XXIème siècle, et les rendements stagnants, les conditions semblent propices à un exode rural extrêmement massif, étant donnée l’augmentation attendue de la population asiatique. Ceci interroge la cohérence de notre scénario à au moins deux égards :

• Si l’agriculture n’absorbe pas une partie de l’augmentation de population en Asie, et que celle-ci ne trouve pas d’occupations dans les zones rurales, un afflux aussi massif de population dans les zones urbaines est-il compatible avec un développement durable ? • Les tendances à l’urbanisation, dont on attend qu’elles se renforcent ne serait-ce que du fait

de l’augmentation de la population totale, sont encore renforcées dans le scénario Agrimonde 1 du fait du principe de non migration de ce scénario. On peut alors se demander si notre hypothèse d’augmentation des surfaces cultivées est bien réaliste puisque les terres artificialisées seront prises en grande partie sur des terres cultivables. Ces questions liées à l’exode rural et à l’urbanisation se posent également pour le scénario Agrimonde GO et sont considérées par les experts du MEA comme un des risques majeurs associés à ce scénario.

Quels facteurs d’évolution pour l’agriculture et l’alimentation en Asie dans

Agrimonde 1 ?

Trois principaux défis caractérisent le scénario Agrimonde 1 en Asie :

1. la diffusion de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement en maintenant le niveau des rendements,

2. l’aménagement du territoire pour contenir l’urbanisation et l’artificialisation des terres,

3. la maitrise de la transition nutritionnelle de sorte qu’elle ne se traduise pas par une épidémie d’obésité.

L’hypothèse de rendement de Michel Griffon pour l’Asie est assez optimiste puisqu’il retient une hypothèse d’augmentation de 0,79% par an de l’ordre de la fourchette haute d’Agrimonde 1. Il considère en effet possible d’augmenter les rendements dans les zones tropicales humides au travers des formes d’agro-foresterie traditionnelle et des aménagements écologiques contre le ruissellement de l’eau dans les pentes et sur les fronts pionniers déforestés. Dans les zones d’agriculture pluviale, il compte sur la capture, la conservation et la réaccumulation de l’eau dans les écosystèmes ainsi que sur des micro-barrages utilisés pour l’irrigation. Pour les régions tropicales de la révolution verte, il cite l’exemple des nouvelles techniques développées par le CIMMYT

reposant sur le semis direct et la restitution des pailles pour la culture suivante116. Le groupe de travail Agrimonde n’a pas été aussi optimiste sur le potentiel des technologies d’intensification écologique, considérant qu’il sera même très difficile de maintenir les rendements au niveau moyen de 2000 en ayant des exigences élevées en matière de préservation des écosystèmes. En effet, non seulement la révolution verte a vraisemblablement atteint ses limites dans cette région, mais de plus le changement climatique va aggraver la salinisation, le manque d’eau déjà prégnant dans le Nord-Est de la région et les risques associés aux événements climatiques extrêmes (sécheresse, typhons…), dont les effets sont dès à présent accentués par le déboisement en cours, notamment en Asie du Sud-Est.

Si les effets du changement climatique sur l’agriculture concernent toutes les régions du monde, c’est sans doute en Asie que cette question sera la plus déterminante puisque ce phénomène menace la sécurité alimentaire déjà fragile. Au-delà de la lutte contre le changement climatique et de l’adaptation des systèmes de culture, on peut imaginer que dans le scénario Agrimonde 1, cette région aura dû mettre en place des systèmes de régulations des stocks et des échanges au niveau régional et d’autres dispositifs de sécurisation de ses approvisionnements extérieurs. La mise en place de tels dispositifs nécessitera la conception de nouveaux mécanismes de régulation. Ainsi, par exemple, se sont développés au début du XXIème siècle des investissements dans des grands domaines agricoles par des pays contraints en termes d’espaces cultivables vers les régions dont le potentiel n’est pas encore complètement exploité. Des mécanismes spécifiques de régulation et de gouvernance seront à imaginer pour garantir la durabilité tant sociale qu’environnementale de tels investissements et faire en sorte qu’ils constituent de réelles opportunités de développement pour les pays d’accueil.

Agrimonde 1 décrit un équilibre très fragile en Asie puisque l’agriculture n’absorbera pas l’augmentation de la population rurale et l’extension envisagée des terres cultivées, même si elle est modeste, risque de ne pas être réalisable du fait de l’artificialisation des terres. Ce scénario repose donc en grande partie sur des politiques d’aménagement du territoire qui devront avoir comme objectifs : 1) le développement de l’emploi rural pour contenir l’exode rural, 2) la maitrise de l’urbanisation, que ce soit en termes de concurrence foncière avec l’agriculture, de gestion des ressources en eau, de problèmes de congestion ou encore de tensions sociales. Ceci interroge la durabilité des formes urbaines et périurbaines d’agriculture, des modèles d’urbanisation (densification verticale de mégalopoles, développement de villes moyennes réparties sur le territoire…) et plus généralement des différentes configurations de relations villes-campagnes susceptibles d’émerger.

Le troisième défi que souligne le scénario Agrimonde 1 et sa confrontation à Agrimonde GO concerne la transition nutritionnelle. Dans Agrimonde 1, en 2050 toutes les régions du monde voient leur demande moyenne en calories par habitant et par jour tendre vers 3000 kcal. Agrimonde GO envisage au contraire des évolutions tendancielles des consommations alimentaires. Ainsi, alors que la demande calorique par habitant augmente de 8% en Asie dans Agrimonde 1, elle progresse de 30% dans Agrimonde GO, poussée par l’augmentation des revenus et la généralisation de comportements alimentaires urbains et de façon liée par le poids croissant des calories d’origine animale dans les régimes alimentaires. La question est alors celle des facteurs qui pourraient freiner l’augmentation de la consommation alimentaire ; elle se pose pour toutes les régions en développement mais est d’autant plus prégnante en Asie que sa population représente plus de la moitié de la population mondiale et va augmenter de plus de 30% entre 2000 et 2050. Le différentiel de consommation calorique entre les deux scénarios est donc le plus marqué dans cette région (respectivement 13 300 et 16 400 Gkcal par jour). La possibilité de contenir l’augmentation de la consommation alimentaire moyenne en Asie est déterminante à deux égards dans le scénario Agrimonde 1 : 1) son équilibre ressources – emplois alimentaires au niveau mondial en dépend beaucoup ; 2) sa durabilité sur le plan de la santé également, si l’on considère que les épidémies d’obésité qui accompagnent au début du XXIème siècle la transition nutritionnelle dans les pays en développement risquent de se généraliser : le taux d’adultes devenant obèses chaque année en Chine entre 1992 et 2007 était, par exemple, supérieur à celui des pays développés et en développement, sauf le Mexique [Popkins, 2008].

II.4.5 Confrontation, cohérence, facteurs d’évolution : Ex Union

soviétique

Entre 2000 et 2050, la population de l’Ex-URSS a baissé de 15%. Elle a maintenu son niveau de demande en calories par habitant dans le scénario Agrimonde 1, portant le total des demandes à 717 Gkcal/j. Dans le scénario Agrimonde GO, la demande en calories par habitant a augmenté de 13% par rapport à 2000, et les demandes cumulées atteignent 826 Gkcal/j au total. Les régimes alimentaires requièrent de plus davantage de calories d’origine animale que dans le scénario Agrimonde 1 (respectivement 38% et 15,5% des calories sont d’origine animale dans Agrimonde GO et Agrimonde 1). Les demandes cumulées de calories d’origine animale baissent ainsi de 25 % dans Agrimonde 1 alors qu’elles font plus que doubler dans Agrimonde GO.

Dans le scénario Agrimonde 1, l’Ex-URSS a mis fin aux tendances de réduction de l’espace cultivé et des rendements observées entre 1961 et 2000 pour opérer un véritable décollage agricole. Elle a accru sa surface cultivée de 50% et doublé ses rendements entre 2000 et 2050 (+ 1,33% par an). Ceci s’est traduit par la mise en culture d’un peu plus de 100 millions d’hectares, ce qui repose sur l’hypothèse conjointe d’un déplacement des zones pâturées vers le Nord au gré du dégel du pergélisol, ainsi que par un rattrapage du niveau de rendement jusqu’au niveau de la région OCDE-1990 en 2000.

A l’inverse, dans le scénario Agrimonde GO, l’accroissement de la production est passé uniquement par les gains de rendements (+ 0,75% par an entre 2000 et 2050), même si ceux-ci sont plus faibles que ceux envisagés dans Agrimonde 1 (cf. graphique 21). La logique de construction d’Agrimonde GO est en effet toute autre puisque la mise en culture des nouvelles terres vise à équilibrer l’offre et la demande de biomasse et non à valoriser l’énorme potentiel cultivable de la région. Les surfaces agricoles n’ont par conséquent augmenté que de 3 millions d’hectares entre 2000 et 2050. 35 millions d’hectares sont dédiés aux agro-carburants (biofuels) en 2050, réduisant les surfaces alimentaires presque d’autant (- 32 millions d’hectares).

L’extension des surfaces en pâture observée entre 1961 et 2000 prend fin dans les deux scénarios. Dans le scénario Agrimonde 1, les nouvelles surfaces herbagères prises sur les anciennes terres du pergélisol pourraient être moins productives que les anciennes prairies mises en culture. Mais la réduction des aires en pâture est associée à une réduction de 40% de la demande individuelle en calories provenant de ruminants. A l’inverse, dans Agrimonde GO, cette demande fait plus que doubler dans le même temps.

Parallèlement, la tendance actuelle à la déforestation s’interrompt dans Agrimonde 1 entre 2000 et 2050 et s’inverse dans Agrimonde GO où les forêts ont gagné 119 millions d’hectares entre 2000 et 2050. Les forêts boréales sont ainsi conservées dans les deux scénarios, or celles-ci «constituent le premier réservoir de carbone de la biosphère. Elles se distinguent des forêts tempérées et tropicales par leur stockage très important du carbone dans le sol (85% contre 30-75% pour les autres) » [D4E, 2007].

Dans les deux scénarios, les emplois de biomasse peuvent être largement couverts par les ressources régionales. Les surplus dégagés sont plus douze fois plus importants dans Agrimonde 1 que dans Agrimonde GO.

Graphique 21 : Gains de surfaces cultivées alimentaires et de rendements dans les scénarios Agrimonde 1 et Agrimonde GO entre 2000 et 2050

en Ex-URSS 0,78 0,78 -0,32 1,33 2,23 0,75 -0,50 0,00 0,50 1,00 1,50 2,00 2,50 3,00 3,50

Agrimonde_1 Agrimonde_1 Agrimonde_GO hyp. basse hyp. haute

-% p ar a n Rendement Surface