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Comme le théorise si bien René Maunier, « on peut parler de colonisation quand il y a, et par là même qu’il y a, occupation avec domination ; quand il y a, et par là même qu’il y a, émigration avec législation. Il n’est pas suffisant qu’on soit là ; que des Français soient établis au loin, qu’ils restent seuls, et sans appui, et sans pouvoir, et s’ils n’ont pas le droit de hisser sur leur case le drapeau français. Mais dès qu’ils ont ce droit, ou dès que l’a pour eux un gouverneur, dès qu’ils sont donc symbole de la Métropole, et quand est proclamée la volonté de gouverner et de rester, il y a par là même colonisation »32: la colonisation n’est rien d’autre qu’une emprise juridique.

C’est donc à cet effet que l’organisation judiciaire tiendra un rôle central dans le processus de colonisation des deux grands ensembles territoriaux de l’empire colonial français que sont l’Afrique Occidentale Française (A.O.F.) et l’Afrique Equatoriale Française (A.E.F.). Soucieuse de gouverner les indigènes suivant leurs propres « coutumes » comme le mentionnaient les traités de colonisation ; et de s’assurer que les ressortissants français demeurent sous la souveraineté française, l’administration coloniale va faire, notamment en A.O.F., du respect des coutumes autochtones, le pilier central de sa politique (§1) ; ce, en vue de préserver au mieux ses intérêts coloniaux (§2).

§1. Principe du maintien des coutumes

Confrontée à toute une pléiade de sociétés indigènes ayant chacune une organisation différente et appliquant toutes des règles coutumières divergentes les unes des autres ; ce, quand bien même qu’il s’agissait parfois d’une seule et même entité ethnique scindée en deux communautés villageoises voisines. L’administration coloniale va très vite s’apercevoir qu’il lui est impossible de concilier la législation française avec ces droits coutumiers africains épars et opposés qui de surcroît sont tous oraux, inégaux, avec une forte imbrication mystique

et religieuse ; en somme des droits totalement inaccordables avec la conception européenne du phénomène juridique.

Cela va conduire la France à ériger dans ses colonies d’A.O.F., le principe dit du respect des coutumes locales, lequel necessitera la rédaction officielle des « grands coutumiers » en vue non seulement de les fixer et de permettre ainsi leur maîtrise par l’administration coloniale (A) ; mais aussi et surtout d’assurer leur regression progressive en y apportant des éléments nouveaux tendant à les faire décliner au profit du droit français (B).

A. Un maintien contrôlé

L’histoire juridique africaine, du moins dans son acception moderne, débute avec l’avènement de la justice coloniale, dont l’organisation se fera en deux phases, correspondant chacune à une étape de la construction du discours colonial. A ses débuts, l’expansion coloniale française trouve ses fondements dans une doctrine dite « scientifique », qui fait écho à la thèse évolutionniste prônée en 1859 par le naturaliste Anglais Charles Darwin dans son ouvrage L’origine des espèces33. Il y établit une hiérarchie des races dans laquelle les « nègres » sont au plus bas de l’échelle ; condition attribuant nécessairement aux Blancs, race supérieure au plus haut degré de l’évolution, une mission civilisatrice salutaire.

Cette première approche du fait colonial fortement empreinte de la croyance en l’inégalité des races conduira au maintien en place des usages et coutumes locales. Les africains jugés trop peu évolués pour se voir appliquer le droit du colonisateur, devront continuer à être régis par leurs pratiques archaïques.

Celles-ci constitueront donc ce « droit coutumier africain », qui n’est en réalité que l’interprétation que l’administration coloniale a fait des propos recueillis auprès des populations locales, concernant les règles présidant au règlement des conflits au sein de leur communauté.

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DARWIN Charles, L’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la lutte pour l'existence

C’est un droit dénaturé dès son origine car incertain de par ses sources exclusivement orales, et influencé dans son écriture par le modèle occidental. Cette première étape dans la systématisation des règles coutumières africaines prendra la forme de recueils dénués de toute abstraction et de leur sacralité caractéristique, en vue de les concilier au mieux avec les objectifs de civilisation.

La seconde approche démarra en 1885, lorsque l’argumentaire de Jules Ferry34 en faveur d’une nouvelle politique coloniale finit par l’emporter auprès des parlementaires. Son fameux discours du 28 juillet 1885, qualifié de « manifeste colonial », fit de lui le « premier théoricien de la colonisation ». Ses idées constituèrent dès lors l’essentiel de la politique coloniale française et marquèrent le début d’une nouvelle ère dans la conquête coloniale française : celle de la thèse dite politique35.

Cette phase donnera une impulsion toute nouvelle à l’œuvre juridique du colon en Afrique. L’émergence d’un véritable droit colonial, intégrant tant les aspects du droit privé que ceux du droit public, avec son lot de principes directeurs que sont la spécialité législative, les stipulations ou « clauses coloniales », le régime des décrets, du statut personnel, et de l’indigénat36. L’Etat colonial prend ainsi conscience que la réalisation de ses desseins passe par le préalable d’une maîtrise du droit. Il devient dès lors le « producteur officiel » de la norme, et cette production anciennement confiée à des auteurs non professionnels, praticiens de terrains, dont les récits de voyages permettaient de consigner les coutumes, passe désormais sous la charge d’universitaires coloniaux37.

Ces derniers ne vont pas se contenter de rédiger des recueils de coutume, mais plutôt des compilations destinées à concilier deux univers juridiques diamétralement opposés ; d’une

34 FERRY Jules, Discours à la chambre des députés du 28 juillet 1885, op.cit., Journal Officiel de la

République Française, Débats parlementaires, Chambre des députés, compte rendu in-extenso, 28 juillet 1885.

GIRARDET Raoul, L'idée coloniale en France de 1871 à 1962, Hachette Littérature, Paris, 2007.

35 EIZLINI Carine, Le bulletin de l’Enseignement de l’A.O.F., une fenêtre sur le personnel

d’enseignement public, expatrié en Afrique Occidentale Française (1913-1930), Thèse de doctorat de Sciences

de l’Education, dir. ROGERS Rebecca, Université Paris Descartes, 2012.

36 GIRAULT Arthur, Principes de colonisation et de législation coloniale, Larose, 1ère édition, Paris,

1895. SOLUS Henry, Traité de la condition des indigènes en droit privé ; colonies et pays de protectorat (non

compris l’Afrique du Nord) et pays sous mandat, Sirey, Paris, 1927.

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SIBEUD Emmanuelle, « La naissance de l'ethnographie africaniste en France avant 1914 », Cahiers

part, celui africain dont l’objet consiste à assurer la cohésion du groupe et d’autre part, le droit de la métropole qui vise à punir quiconque agit à l’encontre de l’intérêt général. Il s’ensuivit donc un mouvement de précarisation du droit coutumier, « codifié » à l’aune des principes directeurs du droit français, pour mieux l’affaiblir et servir les intérêts coloniaux.

La régression du droit coutumier débute tout d’abord, avec le « toilettage » de certaines pratiques estimées incompatibles avec les projets de civilisation, à savoir toute pratique jugée barbare, atroce ou injuste; puis, par l’argumentaire de « l’ordre public », qui permet tout simplement d’écarter le droit coutumier au profit de l’application du droit métropolitain.

B. Un maintien sous réserve

Si le respect des coutumes locales a été érigé en principe, l’obligation de veiller à l’ordre public colonial en a été l’exception. En d’autres termes, les coutumes locales sont applicables « en tout ce qu’elles n’ont pas de contraire aux principes de la civilisation française »38. Mais ces principes de civilisation dont il est question à l’alinéa précité renvoient-ils réellement à la notion juridique « d’ordre public » ? S’agissant d’une notion plurielle, à laquelle de ses acceptions devons-nous nous référer ?

En général, une norme est dite d’ordre public lorsque celle-ci est impérative et d’application nécessaire, car se rapportant à principes fondamentaux et des exigences primordiales. On oppose l’ordre public en droit interne, à l’ordre public du droit international privé. Selon le professeur Batiffol, « une loi est dite d’ordre public quand les particuliers ne peuvent déroger par contrat à ses dispositions ; en droit international privé une loi a ce caractère quand elle s’oppose à l’application en France d’une loi étrangère ».39

En somme, l’ordre public interne déroge à l’autonomie de la volonté des parties et se rattache à l’ordre moral, économique ou politique établi dans un Etat donné, tandis que l’ordre

38 Article 75 du Décret du 10 novembre 1903 portant réorganisation du service de la justice dans les

colonies et territoire relevant du gouvernement de l’Afrique Occidentale Française, Journal Officiel de la

République Française, n°319, pp. 7094-7097.

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BATTIFOL Henri, Traité élémentaire de droit international privé, Libraire générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1949.

public international intervient dans un système de conflit de loi entre au moins deux Etats ou systèmes juridiques distincts. Il y empêche l’application de la loi normalement compétente (loi étrangère) en vertu d’un principe jugé fondamental dans l’ordonnancement juridique considéré (loi du for). Dès lors, le droit indigène s’effaçant devant le droit de la métropole en vertu des principes fondamentaux de la civilisation française (notamment le respect de la vie et la liberté de la personne humaine)40, fait incontestablement de l’ordre public colonial une notion voisine de l’ordre public international.

Toutefois, comme nous le rappellent les professeurs Lampué et Rolland41, le contenu de ces deux notions n’est pas identique. Il subsiste en effet certaines pratiques frappées d’interdiction en vertu de l’ordre public international qui échappent à l’application de l’ordre public colonial. C’est le cas par exemple de la bigamie et de la polygamie qui sont autorisées en droit colonial, à condition de faire partie du statut personnel des indigènes. La notion d’ordre public présente donc au sein des colonies certaines aspérités qui tiennent du principe suivant lequel, l’indigène doit être « surveillé spécialement », dans l’intérêt de la sécurité publique et surtout pour les besoins de l’entreprise coloniale, conduisant à l’aménagement d’une discipline sociale particulière pour les régir.

§2. Une volonté de préservation des intérêts supérieurs coloniaux

Le Pacte de la Société des Nations du 28 juin 191942 dispose en ses articles 22 et 23, qu’il existe des peuples majeurs auxquels incombent « la mission sacrée de civilisation » des peuples mineurs incapables de se diriger eux-mêmes. L’objectif de cette mission civilisatrice étant la recherche du bien-être et du développement, visant à faire sortir ces populations de cet état de minorité, notamment par leur administration et leur éducation, ce, sous le contrôle général de la Société des Nations. Cette conception de l’entreprise coloniale comme un moyen d’élévation des peuples inférieurs, qui est depuis longtemps celle de la France, trouve

40 Cour Afrique Occidentale Française, 14 février 1917, Recueil Penant, 1918, I, 34

41 LAMPUE Pierre et ROLLAND Louis, Précis de législation coloniale (Colonies, Algérie, Protectorats,

Pays sous mandat), Librairie Dalloz, Paris, 1931.

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Traité de Versailles de 1919, partie I.Disponible sur digithèque MJP, [en ligne sur] http://mjp.univ- perp.fr/traites/sdn1919.htm

dans ce texte ; d’une part sa légitimité, en s’établissant comme un mandat international institué par la Société des Nations, et érige d’autre part, pour les populations sous domination, un régime juridique spécifique et inédit. L’action de la France sera particulièrement remarquable dans cet ouvrage en ce qu’elle saura concilier les besoins de ses colonies et la volonté d’affirmation de son autorité en se servant du droit. C’est en effet le droit qui permettra à l’Etat français de soumettre sans heurts ses indigènes (A) et d’amorcer aussi la transformation des structures sociopolitiques traditionnelles, pour les référer au mieux au modèle métropolitain (B).

A. Le droit outil de soumission au pouvoir colonial

L’histoire de l’empire colonial Français s’étend sur trois grandes périodes ; la première dite période du premier empire colonial, débute à première moitié du XVIe siècle et prend fin en 1815. Cette période sera suivie de celle transitoire de la reconstitution de l’empire colonial entre 1815 et 1870 ; puis, à partir de 1870, du second empire colonial. Le principal enseignement qu’on peut en tirer, est très certainement que la colonisation n’est pas réalisable sans le droit.

En effet, l’échec du premier empire colonial trouve sa raison dans le défaut au départ, d’une véritable législation relative aux possessions coloniales, lacune qui sera comblée par le sénatus consulte du 03 mai 1854 qui est à l’origine du régime législatif des colonies. Cette intervention étatique va s’accentuer sous la troisième République et conduire à la création d’un nouvel empire colonial dans lequel, on passera du système dit de « pacte colonial », qui s’apparente à une forme d’exclusivité commerciale réciproque, à de véritables organismes coloniaux associés à la métropole et soumis à un régime juridique particulier ; celui du protectorat ou du mandat tenant du droit public. Ce texte qu’on peut clairement qualifier de « constitution des possessions coloniales Françaises »43, tranche habilement la problématique de la législation à appliquer dans les colonies, et de l’instance dont elle doit émaner. Il apporte une solution nouvelle qui se fonde sur l’ensemble des systèmes législatifs coloniaux

43 Sous la Constitution de 1852, les sénatus –consultes sont des décisions du Sénat sanctionnées par

l’empereur et intervenant en des matières prévues par la Constitution notamment pour la compléter ou la modifier. Le Sénat était donc investi d’une véritable compétence constituante ; soumise à la sanction impériale.

antérieurs, vis-à-vis desquels il adopte une démarche novatrice pour palier les lacunes qu’ils comportaient.

C’est ainsi qu’à la suite du décret des 8-10 mars 1790, de l’article 91 de la Constitution de l'an VIII, de l’article 73 de la Charte de 1814, de l’article 64 de la charte de 1830, de l’article 109 de la Constitution de 1848, et de l’article 27 de la Constitution de 1852, le Sénatus-consulte de 1854 maintiendra le principe de la « spécialité de la réglementation coloniale »44 en vertu duquel, les dépendances coloniales sont « régies par des lois et règlements particuliers »45. Toutefois, pour éviter de s’engouffrer dans les erreurs des textes antérieurs, telles que leur imprécision quant au partage des pouvoirs qu’ils conféraient aux différentes instances intervenant en la matière, ou quant à la véritable nature juridique ou encore la force obligatoire de la réglementation coloniale; le législateur de 1854 aura une approche différente.

Dans cette nouvelle démarche, le législateur fait du neuf avec des solutions anciennes. Il en est ainsi du départ qu’il fait, à l’instar de la loi de 1833, entre d’une part, les « grandes colonies » que sont la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion et d’autre part, les autres « dépendances coloniales ». Mais pour palier la malfaçon de la loi de 1833 qui n’opérait pas clairement de partage de compétence entre les instances législatives, réglementaires et administratives qu’elle induisait, le sénatus-consulte de 1854 aménage pour les « grandes colonies », un régime juridique reposant sur divers organes étatiques, intervenant chacun dans une matière prédéfinie. Il dispose des domaines de compétence des sénatus-consultes, des lois, des décrets du conseil d’Etat et des décrets simples.

Quant aux autres possessions coloniales, le texte prévoit en son article 18 qu’elles seront régies par décrets impériaux, « jusqu’à ce qu’il ait été statué à leur égard par un sénatus- consulte ». Le sénatus-consulte de 1854 se veut pour cela, l’aboutissement de la réponse donnée par les juristes à la poussée coloniale Française du XIXe siècle. Il confirme le rôle central qu’occupe l’Etat dans cette entreprise depuis le premier empire colonial ;

44 LAMPUE Pierre, Droit d’outre-mer et de la coopération, Dalloz, Paris, 1969.

BRARD Yves, « Autonomie interne et sources du droit en Polynésie française », Actualité Juridique, Droit Administratif, 1992, pp. 544-561.

particularisme français qui l’oppose à la quasi-totalité des nations européennes, dont l’œuvre coloniale était le fait de compagnies privées. Cette intervention étatique s’explique par une idéologie née de la révolution ; le messianisme en vertu duquel, l’Etat français s’arroge une mission civilisatrice en vue de « sauver les peuples ». La réalisation de cette mission qui s’inscrit dans une perspective assimilationniste et centralisatrice, passera elle aussi par le droit.

B. Le droit outil de transformation de la société africaine

Toute organisation coloniale se confronte à la question préalable de la politique à appliquer dans le territoire en question, pour en définir le régime administratif et juridique. La France coloniale en Afrique sera tiraillée entre trois grandes thèses afférentes aux rapports entre la colonie et la métropole46.

Il s’agissait tout d’abord de la tendance à l’assujettissement suivant laquelle, la colonie est faite pour la métropole, pour lui procurer des richesses économiques et places stratégiques. Dès lors, la métropole est appelée à gérer sa colonie comme une propriété, sans en référer aux populations locales.

La seconde tendance est celle dite de l’assimilation, qui dans l’optique d’une mise en valeur matérielle et intellectuelle de la colonie, préconise de la conformer au mieux avec un modèle métropolitain, qui de surcroit a fait ses preuves. Pour ce faire, il importe d’appliquer aux colonies les mêmes règles que celles en vigueur dans la métropole.

Enfin, la thèse de l’autonomie, qui peut être totale ou restreinte ; la première considérant la colonie comme un centre d’intérêts spéciaux, veut que l’Etat colonial accomplisse sa mission de manière désintéressée, en plaçant les indigènes au cœur de la gestion de leur territoire. Cette théorie vise des colonies homogènes, auto-suffisantes sur le plan économique, financier et militaire, et ayant atteint un degré de formation civique suffisant pour réaliser une paix sociale sans laquelle l’indépendance totale serait inopérante.

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LEROY-BEAULIEU Paul, De la colonisation chez les peuples modernes, monographie imprimée, 2e éd. rev., corr. et augm., 1882.Disponible [en ligne sur] http://catalogue. bnf. fr/ark:/12148/cb30800231k.

La seconde variante de la politique de l’autonomie est celle dite « restreinte » ; il s’agit d’une large décentralisation, beaucoup plus simple à appliquer en ce qu’elle assure à la métropole un pouvoir de direction47, et n’entrevoit pas d’organisation étatique locale distincte, ni n’arroge aux indigènes de compétence législative.

Le choix de la politique coloniale dépend donc de tout un faisceau d’éléments tenant d’une part à la métropole elle-même, de son organisation, de ses besoins économiques et stratégiques. D’autre part, ce choix tient à la colonie en question, de son ancienneté, de sa force économique et de sa composition sociale ; autant d’éléments qui varient d’une possession à une autre, rendant irréalisable l’application d’un seul et même régime à toutes les colonies.

Consciente de cette réalité, l’approche coloniale de la France variera au fil des régimes politiques et suivant les possessions coloniales. Il en est ainsi en Afrique, où le départ est fait entre trois formes d’administrations coloniales, appliquant chacune une politique différente :

- D’abord, le régime spécial de l’Algérie, territoire d’outre-mer qui en fait un prolongement de la métropole.

- Ensuite le régime du protectorat établi pour la Tunisie et le Maroc

- Enfin le régime colonial au sens strict ou l’administration directe qui s’applique à l’ensemble des colonies d’Afrique noire.

A propos de ces dernières, William Ponty, gouverneur général de l’Afrique Occidentale Française en 1910, justifiait le système du « direct rule » qui leur est appliqué en ces termes :

« Nous devons détruire toute hégémonie d’une race sur une autre, d’un groupe ethnique sur un autre groupe ethnique, combattre l’influence des aristocraties locales, de manière à nous assurer la sympathie des collectivités, supprimer les grands commandements indigènes qui sont presque toujours une barrière dressée entre nous et la masse de nos

administrés … »48. La stratégie de l’administration directe est claire ; il s’agit de permettre le