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PRODUITS DE TERROIR EN MAGASIN

SECTION 1.- LA GRANDE DISTRIBUTION

1. Les principales formes de vente en magasin

Cette section porte d’abord sur la définition et le positionnement des différents types de magasins à dominance alimentaire qui sont les supermarchés, les formules de « discount » (« hard » et « soft »), les hypermarchés, les « superstores » et les magasins de commodité ou (« convenience store »). Dans l’annexe n°4, nous avons mentionné les définitions les plus répandus des différents canaux de distribution dans la littérature. Nous abordons seulement les ventes en magasin physiques étant donné que notre recherche doctorale porte sur les grandes et moyennes surfaces.

Colla (2001) a défini les différents types de distribution en Europe de produits de grande consommation (PGC) sur la base des principaux paramètres de taille et de gestion (cf. Tableau n° 10). Par ailleurs, il a considéré deux variables de segmentation de l’offre : la largeur de l’assortiment et le niveau de prix (cf. Figure n°14).

En Europe, le supermarché domine le secteur de la grande distribution. Généralement, le terme de supermarché caractérise des magasins en libre-service dont la surface de vente moyenne est d’environ 1000 m² (de 400 à 2500 m²) et dont l’offre de produits de grande consommation (PGC) représente à peu près 90% de tout l’assortiment (Colla, 2001). Cette forme de vente au détail s’est toutefois beaucoup différenciée avec le temps. À côté du supermarché traditionnel (au centre de la Figure n°14) sont nés et se sont développés d’autres types de points de vente. Certains pratiquent une stratégie de domination par les coûts et ont conçu une formule souvent appelée « supermarché discount » ; l’offre est analogue à celle des supermarchés traditionnels mais le niveau de service et le prix moyen sont inférieurs. Aussi, les « discounts » ont une surface de vente plus modeste avec un assortiment très limité (Colla, 2001).

D’autres ont préféré jouer la carte de la différenciation de l’offre et ont créé des formats que les professionnels de la grande distribution définissent comme des supermarchés « qualitatifs » ; l’assortiment est plus profond et le service auprès des consommateurs est plus important. Dans ce cas, les prix et la marge brute sont plus élevés. Les hypermarchés (Figure n°14, partie gauche), quant à eux, ils sont caractérisés par des assortiments très larges et peu profonde avec des prix plus faibles notamment dans le non-alimentaire, et pratiquent une politique caractérisée par des marges réduites.

La figure n°14 montre que les « superstores » se positionnent par des assortiments larges et des prix élevés. En effet, la formule propose aux consommateurs une offre alimentaire très variée et beaucoup de services accessoires ; les coûts et les marges sont donc élevés.

Enfin, les magasins modernes de proximité (magasins de commodité ou « convenience stores ») présentent un assortiment quantitativement réduit tout en étant relativement varié en termes de produits proposés. Les niveaux de marges sont dans ce cas plutôt élevés grâce à la largeur de l’offre, à la qualité du service à la vente et aux horaires étendus d’ouverture du magasin.

Source : Colla (2001) et Filser, de Garets, Paché (2012) Hard discount Soft discount Super traditionnel Super discount Super qualitatif Convenience store Super-store Hypermarché Surface de vente 600 600 1000 1500 2000 220 3500 10000 Nombre de références 600 1500 4000 7000 10000 4000 23000 30000 Nombre de références alimentaires 590 1300 3500 6000 7000 3500 10000 7000 Taux de marge (en % du Chiffre d’affaire (CA)) 13 15 19 17 22 25 24 20 Pourcentage de produits non alimentaires 5 5 5 5 15 30 20 40 Coût du travail (en % du CA) 5 7 8 7 10 12 10 9 Principales enseignes Aldi, Lidl, Norma Champion, Match, Casino, Intermarché Eleven, 8 à Huit Carrefour Express), U Express Carrefour, Auchan, Géant, Cora, Leclerc Origine et dates d’apparition Allemagne 1950 Etats-Unis, 1930 France, 1955 Etats-Unis, 1960 France, 1963 Tableau 10: Les paramètres de gestion des principaux formats à dominante alimentaire en Europe

Figure 14- Le positionnement des formats de vente alimentaires (Nombre de référence en PGC) Source : Colla (2001)

PGC : produit de Grande Consommation

Tous ces formes de vente au détail se sont beaucoup développées en Europe au détriment de la distribution traditionnelle, notamment la distribution non spécialisée. Toutefois, il convient de préciser que cette dynamique du commerce de détail diffère selon les pays et le rythme de

5% 10% 15% 20% 25% 30%

Assortiment réduit

Prix bas Prix élevés

3000 2000 1000 4000 11000 10000 9000 8000 7000 6000 5000 -30% -25% -20% -15% -10% -5% Hypermarché Superstore et Supermarché de qualité Supermarché traditionnel Supermarché discount Magasin de commodité (« convenience store ») Assortiment large

l’évolution des formes de vente telles que la théorie de la roue de la distribution, la théorie de l’accordéon du commerce de détail et plus récemment la théorie du « Big Middle ».

· Théorie de la roue de la distribution

La théorie de la roue de la distribution est la plus ancienne des théories mécanistes (Filser et al., 2012). Elle a été proposée par McNair en 1957 et bénéficie d’une grande popularité en raison de son caractère simple (Filser, Des Garets et Paché, 2012). Le modèle de McNair a été largement utilisé pour rendre compte de l’évolution de différents formats de magasins : les grands magasins (Goldman, 1975, Hirschman, 1978, 1979), les supermarchés (Appel, 1972) ou encore le hard discount. Au-delà, il peut être appliqué dans le cas d’activités voisines comme la restauration rapide (Teeple, 1979).

Cette théorie retint la dynamique des formats de vente au détail comme moteur de l’évolution commerciale (Filser, 2018). Elle postule que les formes de distribution ou les formats de magasins se déroulent à la manière des phases du cycle de vie d’un produit. Les formats de magasins existants sont remplacés graduellement par des formats émergeants innovants et pratiquant un taux de marge faible. McNair (1957) a distingué trois phases par lesquelles passe une formule de vente : une phase d’introduction ou d’entrée, une phase de montée en puissance (ou de montée en gamme) et une phase de vulnérabilité.

Lors de la première phase, toutes les nouvelles formules de distribution apparaissent avec un positionnement discount, un prix décroché par rapport à celui du marché et ceci dans le but d’attirer les consommateurs et développer le chiffre d’affaires. Ces nouveaux formats bénéficient d’un avantage en termes de coût-prix par rapport aux formats déjà existants sur le marché, et cela en réduisant les assortiments et les services qu’ils proposent, et en rationalisant les installations (Gallouj, 2007).

Lors de la phase de montée en gamme, les nouvelles formules de distribution bénéficiant d’un avantage en termes de coût-prix, cherchent à se différencier à travers l’élargissement de la gamme de produits, l’amélioration de l’environnement des magasins, le développement de l’offre de service, etc. Ces investissements engendrent une augmentation des charges d’exploitation, ce qui rend nécessaire une augmentation des prix et des taux de marge (Gallouj,

2007). On assiste alors à un glissement général de l’offre des distributeurs vers une gamme supérieure, appelée « le trading up » (Filser, Des Garets & Paché, 2012).

Enfin, la phase de vulnérabilité se produit dans le cas où le distributeur se trouve handicapé par une structure bureaucratique lourde et des coûts élevés ; le distributeur perd alors son image de « discounter » et se trouve à la merci de l’entrée de tout distributeur innovateur avec une forme de commerce plus « sobre » ou un format de vente adoptant à nouveau un positionnement basé sur les prix bas (Gallouj, 2007). La figure 2 propose une illustration de la roue de la distribution par la dynamique d’évolution des formes de commerce en France.

Figure 15- L’évolution du commerce de détail en France suivant la théorie de la roue de la distribution

GM : grand magasin ; H : hypermarché ; HD : hard discount ; MP : magasin populaire ; PCT : petit commerce traditionnel ; S : supermarché

Source : Gallouj, (2007)

En résumé, cette théorie explique la dynamique des formes de vente au détail par la capacité

Prix et image élevés ; beaucoup de services Prix et image faibles ; peu de services

distribution ne pourrait-elle se développer qu’en proposant un taux de service minimum accompagné de prix et de marges faibles. Si la formule a du succès, elle attirera de nouveaux concurrents. Les initiateurs devront alors se différencier en introduisant de nouveaux services, ce qui aura pour conséquence d’accroître leurs coûts et donc d’augmenter les prix. Par conséquent, de nouvelles formes de distribution (faible taux de service, prix bas) peuvent émerger.

Néanmoins, le modèle de la roue de la distribution présente des insuffisances. En effet, l’évolution des formes de vente au détail passe par la manipulation d’autres variables outre que le prix de vente. Des dimensions possibles de l’innovation commerciale comme l’évolution de l’assortiment, la taille de l’entreprise, la qualité, les services, le cadre générale et l’ambiance ont été exclues par ce modèle (Tordjman, 1983 ; De Maricourt, 1986). En outre, des variables contingentes comme la taille du magasin et l’évolution des assortiments ont été aussi négligées par ce modèle (Gallouj, 2007 ; Filser et al., 2012)

· Théorie de l’accordéon

Des modèles concurrents de la roue de la distribution ont été proposés, sans atteindre la visibilité de la contribution de McNair (Filser, 2018). La théorie de l’accordéon proposée par Hollander en 1966 se base sur la structure et sur la dynamique des assortiments des formules de vente (Gallouj, 2007). Selon Hollander (1966), les formes de vente se succèdent en alternant un assortiment large et profond, puis un assortiment plus étroit, avant qu’une nouvelle forme de vente à assortiment large apparaisse (Filser, Des Garets & Paché, 2012). La théorie de l’accordéon repose sur une alternance de formats dont les assortiments sont plus ou moins spécialisés, larges ou profonds. Autrement dit, les assortiments des formules de vente se caractérisent alternativement par leur profondeur et leur largeur.

Cette opposition entre assortiment large et assortiment profond suggère à Hollander la notion d’accordéon de la distribution : lorsque les formes de vente ont un assortiment très large, le client ne trouve plus facilement les produits spécifiques qu’il recherche, ce qui rend attrayant un format de magasin spécialisé à assortiment étroit mais profond. Le degré très élevé de spécialisation atteint aujourd’hui aussi bien par des magasins physiques que par des sites Internet valide assez largement l’intuition de Hollander (Filser, 2018).

La principale faiblesse de ce modèle consiste dans son incapacité à prendre en compte l’ensemble des évolutions et des innovations constatées dans le commerce de détail comme l’émergence d’une innovation de format dans le commerce de détail (Gallouj, 2007 ; Filser et al., 2012, Filser, 2018).

· Théorie du « Big Middle »

La théorie du « Big Middle » a été abordée par (Levy, Grewal, Peterson, & Connolly, 2005). Ces auteurs retiennent deux sources de différentiation d’un enseigne : son différentiel de prix hérité de la roue de la distribution, et la différenciation à travers l’image par la manipulation d’attributs contribuant à l’expérience du client en magasin (Filser, 2018). Mais leur analyse de l’évolution en longue période des positionnements des enseignes montre qu’une enseigne peut difficilement garder dans la durée son avantage concurrentiel, et que ses réactions aux décisions de ses concurrents la conduisent certainement vers un positionnement moyen ou se retrouvent toutes les enseignes, et qui centralise l’essentiel de l’offre : le « Big Middle ».

Selon Levy et al., (2005), la dynamique de commerce de détail se réfère selon cette théorie à plusieurs étapes. La figure 3 illustre la théorie du Big Middle sur la base de deux dimensions de la stratégie de vente : le prix relatif représenté sur l’axe horizontal, et les offres relatives mentionnées sur l’axe vertical. Ces dimensions stratégiques permettent de situer les détaillants dans l’un des quatre segments suivants « innovant », « Big Middle », « Low price » ou « en difficulté ».

Les détaillants qui occupent le segment innovant orientent leurs stratégies vers des marchés qui accordent de l’importance à la qualité et qui recherchent des offres premium. Les détaillants à bas prix font appel à des marchés soucieux des prix, alors que les détaillants Big Middle prospèrent grâce à une offre de valeur. Enfin, les détaillants en difficulté semblent incapables de proposer des niveaux élevés de valeur en comparaison avec leurs concurrents.

La théorie du « Big Middle » insiste sur la nécessité d’un ajustement constant de la proposition de valeur (Hombourger-Barès, 2014). En effet, la concurrence actuelle s’est davantage ramifiée à cause de l’émergence du commerce électronique. Les solutions de mobilité et le cross-canal affectant les concurrence intratype et intertype (Filser & Plichon, 2004). En outre, les stratégies

rapidement développé depuis son lancement par Auchan en 2006 (Hombourger-Barès, 2014). La différenciation est cruciale pour le distributeur, plus le degré de différenciation est élevé, plus la valeur est durable (Hombourger-Barès, 2014). En ce sens, Levy et al., (2005) ont identifié cinq leviers de valeur qui peuvent être utilisés par les détaillants, pour faire la transition vers le « Big Middle » ou pour maintenir leurs positions. Il s’agit des produits innovants, de la technologie, de la gestion de la chaîne d'approvisionnement, de l’optimisation des prix et de l’image associée du magasin. De plus, Filser (2010) a précisé différentes modalités de différenciation tels que l’assortiment, la politique de communication, le prix et surtout la distribution et le point de vente. L’auteur a souligné que l’offre de distributeur devrait remplir les deux fonctions symboliques et fonctionnelles afin d’assurer un potentiel de différenciation pour les acteurs du « Big Middle ».

Figure 16: Principes de la théorie du « Big Middle »

Source : Levy et al., (2005)

En 2014, Libre-Service Actualités (LSA) a publié le top 10 des enseignes de distribution en France basé sur les chiffre d’affaires 2014 toutes charges comprises (TTC) de chaque enseigne. Le tableau 2 précise ce classement et mentionne l’évolution par rapport à l’année précédente

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(2013). Il révèle l’état des enseignes, les hausses et les baisses de leurs chiffres d’affaires. E Leclerc, Intermarché et carrefour Hyper constituent le trio de tête du classement. Ils ont réalisé en 2014 un chiffre d’affaires global qui dépasse les 20000 Millions, enregistrant ainsi une hausse de 0.48% et 0.46% pour E Leclerc et Intermarché respectivement et une baisse de 0.83% dans le cas de Carrefour Hyper, par rapport à l’année 2013.

Selon le tableau n°11, l’enseigne Géant Casino occupe la dernière place du classement, avec une baisse de 3.09 % entre 2013 et 2014. Il s’agit d’une enseigne intégrée qui a réalisé un chiffre d’affaires de 5780 Millions en 2014. Concernant le développement des magasins enregistré en 2014, Lidl a implanté 50 nouveaux points de vente par rapport à 2013, ce qui revient au succès continu du Hard discount grâce à leur pratique Discount ou à leur repositionnement sur le marché (LSA, 2015). Aussi, le nombre de magasins de Carrefour Market a augmenté de 11 au vu de la réussite des formats de proximité. Super U a, en revanche, diminué le nombre de ses magasins de 11 sur la même période 2013-2014, mais en parallèle a augmenté la surface de ses points de vente de 2.06%.

Tableau 11- Classement des principales enseignes françaises de distribution (Grande distribution) en 2014, selon LSA

Rang 2014

Évolution du rang/2013

Enseigne Secteur Statut CA 2014 TTC (en M) Évolution CA 2013/2014 Nb Magasi ns 2014 Évolution Nb magasins/201 3 Surface 2014 en millier de m² Évolution surface 2014/2013

1 = E Leclerc GSA Groupe ment 42200 0.48% 640 -2 2928 -1.61% 2 = Intermarc hé GSA Groupe ment 29051 0.46% 1832 19 3463 3.99% 3 = Carrefour Hyper GSA Intégré 23346 -0.83% 237 3 2172 0.88%

4 = Super U GSA Groupe ment

17250 -1.27% 762 -11 1830 2.06%

5 = Auchan GSA Intégré 16386 -2.48% 138 -1 1400 4.95%

6 = Carrefour Market

GSA Intégré 15252 0.25% 960 11 1846 2.27%

7 = Lidl GSA Intégré 9384 10.01% 1620 50 1147 3.15%

8 = Cora GSA Intégré 6020 0.00% 59 0 587 0.17%

9 1 Leroy

Merlin

Brico/ Jardin Intégré 5800 3.94% 127 3 1333 1.99%

10 -1 Géant Casino

Source : https://www.lsa-conso.fr/top-100-lsa-des-enseignes-de-distribution-le-classement-complet-2014-tableau-interactif,217950 (Consulté 17 février, 2018)

CA : chiffre d’affaires, M : million, NB : nombre, TTC : toutes charges comprises, GSA : Grande Surface Alimentaire