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Les pratiques touristiques des déconsommateurs

Bien que les déconsommateurs prônent un mode de vie plus simple, loin du stress que la société de consommation impose, ils ne renoncent pas à leurs vacances. En effet, ils partent en moyenne 2,3 fois par an en vacances. C’est un peu moins que la moyenne des Canadiens qui est de 2,8 (toutes générations confondues) . Cependant, ils partent plus longtemps (10,5 jours 30

en moyenne pour les déconsommateurs contre 8,7 jours pour les Canadiens). Ceci peut

Expedia Media Solution (2018). Travel Habits and Behaviors of Generation Z, Millennials, Generation X, and 30

Baby Boomers. Récupéré de <https://info.advertising.expedia.com/travel-and-tourism-trends-research-for- marketers>, consulté le 27 septembre 2018.

s’expliquer par l’intérêt pour le « slow travel », qui prône une façon de voyager plus authentique où l’on prend le temps de découvrir les lieux, mais aussi leurs habitants et leur culture. Il semblerait donc que les déconsommateurs prennent moins souvent de vacances, mais partent plus longtemps.

Il n’y a pas de grandes différences entre les Canadiens et les déconsommateurs sur le fait de choisir une destination à l’étranger ou de rester au Québec/Canada. Dans les deux cas, ils sont environ six sur dix à être partis à l’étranger lors de leurs dernières vacances. Bien que certains répondants aient spécifié ne plus vouloir prendre l’avion pour des raisons environnementales, cette tendance ne semble pas être ancrée comme une pratique générale chez les déconsommateurs. En effet, un déconsommateur sur deux a déclaré avoir utilisé l’avion pour se rendre sur le lieu de ses dernières vacances. Cependant, les déconsommateurs sont plus nombreux a se rendre sur leur lieu de vacances en voiture. La moitié des déconsommateurs a déclaré avoir utilisé une voiture contre seulement trois Canadiens sur dix. Ces résultats rejoignent les travaux de Durif et al. (2017) sur les pratiques durables des consommateurs en situation touristique et les différents profils de touristes. Les pratiques des déconsommateurs en vacances rejoignent celles des « touristes durables complets » et des « touristes durables lointains » évoqués par les auteurs. Cependant, les auteurs dressent un portrait du « touriste durable lointain » comme étant un consommateur conscient des enjeux environnementaux, mais qui se sent moins concerné pour agir et les rapprochent des « touristes durables d’aventure ». Or nos résultats montrent que bien qu’étant désireux de découvrir des pays lointains, les déconsommateurs se rapprochent plus des « touristes durables complets » dans leur comportement que des « touristes durables d’aventure » ou « lointain ».

De plus, le fait d’avoir des enfants ou de voyager en famille n’arrête pas les déconsommateurs à choisir des destinations lointaines. En effet, sur le total des personnes voyageant en couple avec enfant(s), ils sont autant à être restés au Québec lors de leurs dernières vacances, qu’à avoir fait le choix de partir à l’étranger.

Sur place, la majorité des déconsommateurs a privilégié la marche à pied et la moitié d’entre eux ont utilisé une voiture pour se déplacer. Les autres ont utilisé les transports en

commun, le train, les taxis, le vélo, etc. Concernant l’hébergement, de grandes différences sont observées entre les pratiques des Canadiens et celles des déconsommateurs. Si les Canadiens privilégient l’hôtel pour plus de la moitié d’entre eux, les déconsommateurs sont seulement 15% a avoir séjourné dans une chaîne hôtelière et 23% dans un hôtel particulier lors de leurs dernières vacances. Les modes d’hébergement privilégiés par les déconsommateurs sont les hébergements dits « alternatifs » c’est-à-dire le camping et les logements chez l’habitant (Airbnb), suivi de près par les auberges de jeunesse. Lors de leurs dernières vacances, les déconsommateurs étaient 30% à avoir choisi ces modes d’hébergements alternatifs pour seulement 7% de Canadiens. Ils sont également 30% à être restés chez de la famille ou des amis pour 17% de Canadiens. Enfin, ils n’étaient que 8% à avoir séjourné dans un club de vacances tout inclus pour 17% des Canadiens. Ces résultats sont cohérents avec le profil du touriste durable qui cherchera des expériences authentiques, proches des locaux en évitent les grandes chaînes hôtelières en se rapprochant des petits hôtels particuliers, des hébergements chez l’habitant ou des hébergements en camping (Weeden, 2011).

Fait intéressant, les déconsommateurs ne sont pas friands de voyages organisés (seulement 1,7% d’entre eux étaient partis dans le cadre d’un voyage organisé). Afin d’organiser leurs vacances, les trois quarts d’entre eux se sont aidés d’Internet et de guides touristiques (les Canadiens étaient 50% à avoir utilisé Internet pour planifier leurs vacances, mais cela peut s’expliquer par le fait que 50% d’entre eux étaient partis visiter de la famille durant leurs vacances). Les déconsommateurs, comme les autres consommateurs, sont connectés et utilisent tout autant les réseaux sociaux ou blogues de voyages pour s’inspirer ou planifier leurs vacances. Environ 40% d’entre eux ont déclaré avoir eu recours aux réseaux sociaux pour planifier leurs dernières vacances. Au Canada, 45% des voyageurs déclarent avoir été influencé par Facebook lors de leur processus décisionnel et 27% ont été influencés par Instagram (phénomène surtout observé chez la génération Z pour qui ce pourcentage atteint 54%). Concernant les sites visités afin d’organiser leurs vacances, on observe quelques différences entre les pratiques des Canadiens et celles des déconsommateurs. En moyenne, les déconsommateurs sont moins nombreux à utiliser les sites de réservation en ligne comme Booking ou Expedia (51% des Canadiens versus 43% des déconsommateurs), les sites de

comparateur comme TripAdvisor (35% versus 22%) et les sites des hôtels (23% versus 16%). Ils sont cependant plus nombreux à utiliser les sites d’hébergements alternatifs comme Airbnb (36% des déconsommateurs versus 12% des Canadiens) et à visiter les sites officiels des destinations (22% versus 10%). Enfin, les Canadiens et les déconsommateurs consultent de façon équivalente les sites des compagnies aériennes (30%) et des loueurs de voitures (10%). De plus, concernant la planification de leurs vacances, presque la moitié des déconsommateurs déclarent avoir improvisé une fois sur place.

Le choix de la destination est étroitement lié au type de voyage que le consommateur recherche, à ses motivations (Tran et Ralston, 2006). Selon le rapport d’Expedia Media Solution (2018), les trois principales motivations des Canadiens à partir en vacances étaient de rendre visite à de la famille, de se relaxer et de faire du tourisme. Dans les trois principales motivations des déconsommateurs à partir en vacances, nous retrouvons également en deuxième et troisième position : se relaxer et faire du tourisme. Cependant, nous observons une nette différence concernant la motivation à rendre visite à de la famille, qui pour nos déconsommateurs, se situe plutôt en dernière position qu’en première. La première motivation pour les déconsommateurs à partir en vacances est de pouvoir profiter de la nature. En effet, les déconsommateurs attendent de leurs vacances de se déconnecter du quotidien et recherchent donc le calme de la nature. Or, selon Fiorello et Bo (2015), les principales motivations qui poussent les touristes durables à voyager sont : le développement personnel, l’indépendance, la recherche d’expérience, l’acquisition de connaissances culturelles et la détente. Nous retrouvons également ces motivations chez les déconsommateurs. La détente, par exemple, qui est la deuxième motivation des déconsommateurs à partir. L’acquisition de connaissances culturelles et le développement personnel font également partie des motivations des déconsommateurs à partir et se retrouvent en quatrième et cinquième position sur les dix motivations citées. La recherche d’expérience n’arrive qu’en septième position, contrairement aux touristes durables, elle ne peut pas être considérée comme une motivation principale. Ceci est cohérent avec les différentes attentes des déconsommateurs en vacances où la recherche d’authenticité et le besoin de vivre une aventure se retrouvent après le besoin de se déconnecter au calme et en pleine nature. Les motivations principales des

déconsommateurs à partir sont donc semblables à celles des Canadiens, auxquelles s’ajoutent, en second plan, des intérêts semblables à ceux des touristes durables.

Bien que les déconsommateurs soient motivés par l’envie de se déconnecter et de se relaxer lors de leurs vacances, les activités hédonistes liées au bien-être ne sont pas plébiscitées, bien au contraire. Si les activités liées au bien-être sont une des tendances du tourisme d’aventure en 2018, les déconsommateurs semblent trouver leur bonheur dans la nature et les activités comme la randonnée ou l’observation de la faune et de la flore.

La quête d’authenticité évoquée par Cova, V. et Cova, B (2002), est plus subtile. Les résultats ne montrent pas une tendance générale à la recherche d’authenticité. La découverte de la culture culinaire locale ou encore les échanges avec les locaux ne sont pas les activités les plus favorisées par les déconsommateurs. Les visites guidées par un guide local ou la participation à un cours sont encore des activités très peu pratiquées et les déconsommateurs ne font pas office de pionniers à ce sujet. À côté de cela, ils s’adonnent à des activités plus classiques comme les visites culturelles et la marche en ville. Nous pouvons tout de même observer un certain désintérêt pour les activités classiques souvent liées tourisme de masse comme la plage et le magasinage. De plus, si les activités des déconsommateurs ne sont pas nécessairement orientées vers la rencontre avec les locaux, sept déconsommateurs sur dix ont acheté des produits locaux et un déconsommateur sur deux a acheté des produits artisanaux durant ses vacances. Presque un déconsommateur sur deux a acheté au moins un produit végétarien/vegan et quatre déconsommateurs sur dix ont déclaré avoir acheté des produits éthiques lors de leurs dernières vacances. L’origine de la déconsommation, qui sert de fonction auto-expressive aux individus qui expriment leur désaccord par la non- consommation en refusant d’acheter aux entreprises qu’ils jugent irresponsables (García-de- Frutos, 2016) se retrouvent dans les pratiques d’achats de ces derniers en vacances et l’on constate que, même en situation touristique, ils continuent d’acheter local, biologique, végétarien/vegan et éthique.

Enfin, si l’on s’intéresse aux pratiques de déconsommation que les répondants adoptent le plus en vacances nous retrouvons en première position le fait de moins jeter et de recycler. Ceci est cohérent avec les résultats obtenus par le Baromètre de la Consommation

Responsable (2019) qui déclare le recyclage comme la pratique de consommation responsable la plus répandue et la plus largement adoptée par les Canadiens. C’est également la première pratique à être adoptée par les déconsommateurs au quotidien. Les déconsommateurs semblent également vouloir diminuer la fréquence et la quantité de leurs achats et expriment un désir de revenir à leurs besoins originels même lorsqu’ils sont en vacances. Enfin, comme nous l’avons vu avec leurs pratiques d’achats (biologiques, éthiques, artisanaux…), les déconsommateurs, s’ils ont le choix, privilégieront l’achat de produits de meilleure qualité même si ces derniers coûtent plus cher.

Les déconsommateurs montrent donc deux visages. Ils auront tendance à vouloir partir se déconnecter en pleine nature et séjourner dans des campings. Lorsqu’ils sont en ville, bien qu’ils aient plus tendance que les autres touristes à se tourner vers des modes d’hébergement alternatifs, leurs activités se rapprochent de celles du tourisme de masse sans se démarquer outre mesure. Ils sont intéressés par approfondir leurs connaissances culturelles sur le lieu qu’ils visitent, mais ne cherchent pas pour autant à échanger de manière profonde avec les locaux. De même que l’expérience culinaire, bien que présente, ne fait pas partie intégrante de leur séjour comme a pu le souligner la revue de littérature.