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Les préférences asymétriques des autorités monétaires

Politique de ciblage d’inflation : règle de conduite

2.4 Règles de conduite asymétriques

2.4.1 Les préférences asymétriques des autorités monétaires

Différents facteurs peuvent conduire à des préférences asymétriques au sein des comportements des autorités monétaires. Parmi eux, il y a les sources qui engendrent un biais inflationniste au sein de l’environnement de la politique monétaire. En effet, quand un pays suit une politique de ciblage d’inflation flexible et non pas stricte,9 ce biais apparaîtra. La poursuite de second objectif conduit la banque centrale à créer de l’inflation surprise afin de pouvoir augmenter le niveau d’emploi au-dessus de son niveau naturel. Cependant, les agents rationnels prennent en compte ce com-portement et corrigent par la suite leurs anticipations d’inflation. Par conséquent, le taux d’inflation sera élevé et le niveau d’emploi reste à son niveau initial, étant donné que l’effet de l’inflation surprise a été neutralisé par les agents. Dans un second temps, le biais inflationniste apparaît au moment où la banque centrale possède des informations parfaites mais privées sur les chocs de l’économie (Jordan, 2001). Ceci s’explique par le fait que les anticipations inflationnistes conduisent à des réactions de politique économique forte face à la récession, ce qui rend les anticipations en moyenne positives.

D’autres sources de préférences asymétriques ont été identifiées par la littérature.

Plusieurs économistes suggèrent que la fonction de perte n’est pas nécessairement quadratique. Ils considèrent que cette hypothèse est irréaliste du fait de la pression de la politique économique. Par exemple, selon Blinder (1998) : "Les pressions

poli-9. Ces différents types de la politique de ciblage d’inflation sont définis au sein du premier chapitre.

tiques exercées sur la FED pour ne pas augmenter le taux d’intérêt quand le chômage est faible, sont relativement plus vigoureuses que quand le chômage est élevé". Dans ce cas, on aura des préférences asymétriques au sein de la règle de décision de la po-litique monétaire dues à l’incertitude sur l’état futur de l’économie. La réponse de la banque centrale à un choc économique de même amplitude n’est pas le même quand l’économie est en récession ou en expansion. Ce type d’asymétrie est nommé selon Cukierman et Muscatelli (2008) "recession avoidance preferences". Ils l’ont appelé dans leur papier de 2003 "precautionary demand for expansion ". Ceci implique que les autorités monétaires sont plus agressives dans leurs réactions sur le taux d’inté-rêt de court terme quand il s’agit d’un output gap négatif : suite à des variations des écarts d’output ou d’inflation, le taux d’intérêt, en cas de récession, réagit plus agressivement par rapport aux mêmes déviations lorsque l’économie est en expan-sion. Mathématiquement, ce comportement se traduit par une réponse concave du taux d’intérêt face aux anticipations d’inflation et d’output. Ce genre de comporte-ment implique que les décideurs politiques considèrent que les coûts des déviations au moment d’une récession sont plus élevés que pendant une expansion. Ce type d’asymétrie a été testé par plusieurs chercheurs tels que : Dalodo etal.(2000), Ruge-Murcia (2001, 2002), Cukierman et Muscatelli (2003), Sourcio (2004), Cukierman et Muscatelli (2008).

Cependant, certaines études ont évoqué un comportement asymétrique qui res-semble à celui décrit ci-dessus mais qui résulte de l’état de l’inflation et non pas de l’état de l’économie. En effet, dans le cadre d’une politique qui accorde par exemple une préoccupation majeure à la stabilité des prix, les décideurs politiques accordent une désutilité plus élevée pour un taux d’inflation au-dessus de la cible que pour celui qui est en-dessous. Ce type d’asymétrie est nommé selon Cukierman et Muscatelli (2008) "inflation avoidance preferences", ils l’ont nommé dans leur papier de 2003

"precautionary demand for price stability". Goodhart (1999) justifie l’existence de ce type d’asymétrie au sein des pays qui sont en phase de construction de la crédibi-lité de leurs actions monétaires. Mathématiquement, ceci se traduit par une réponse convexe du taux d’intérêt face aux anticipations d’inflation et d’output. Ruge-Murcia (2000) montre que ce type de comportement peut faire apparaître un biais d’infla-tion. Orphanides et Wieland (2000) ont introduit les préférences asymétriques des décideurs politiques en considérant une zone d’indifférence du taux d’inflation à la-quelle la réponse du taux d’intérêt de court terme est identique. D’autres chercheurs se sont intéressés à tester ce type d’asymétrie tels que : Ruge-Murcia (2000, 2001), Dalado, Maria-Dolores et Ruge Murcia (2002), Surcio (2002, 2003a), Nobay et Peel (2003), Karagedikli et Lees (2004).

Après avoir identifié les fondements théoriques de l’existence de ces types d’asy-métrie, des études ont été réalisées afin de voir si ces comportements asymétriques existent effectivement et en cas de réponse affirmative, quel type domine l’autre ? Cependant, l’évidence de la non-linéarité de la fonction de réaction peut être en fin de compte peu informative sur l’asymétrie de la fonction de perte des décideurs po-litiques. Ceci est dans la mesure où, les coefficients de la fonction de réaction de la banque centrale ne révèlent pas les préférences des autorités monétaires puisqu’ils sont convolés dans des fonctions qui dépendent de plusieurs paramètres structurels.

Ainsi, la solution consiste à présenter l’économie avec des modèles structurels pour faire apparaître les paramètres traduisant les préférences des décideurs politiques dans la fonction de perte. Dans ce contexte, Ruge-Murcia (2001), Dalado, Maria-Dolores et Ruge Murcia (2002) et Nobay et Peel (2003), ont introduit la notion d’asymétrie en modélisant la fonction de perte par une fonction de la forme Linex et une structure macroéconomique de type Rudebuch et Svensson (2003). Ils montrent qu’une telle modélisation permet d’avoir une fonction de réaction optimale qui

in-clut la variance conditionnelle de l’inflation en plus des régresseurs de la fonction de réaction standard. La modélisation de la fonction de perte par une fonction Linex a été adoptée dans plusieurs travaux tels que : Ruge-Murcia (2001), Dalado, Maria-Dolores et Ruge Murcia (2002), Surcio (2002, 2003b) et Nobay et Peel (2003). Leur fonction de perte admet la forme suivante :

L[.] = eϕπtϕ πt−1

ϕ2 +λ. eγytγ yt−1

γ2 (2.10)

Le comportement non linéaire dans la fonction de perte (2.10) se manifeste dans la partie exponentielle. En effet, lors d’une déviation positive de l’une des deux va-riables, il est clair que la partie exponentielle de la fonction (2.10) domine la partie linéaire. Par conséquent, la perte qui découle de cette déviation augmente exponen-tiellement et vice versa. Ainsi, le signe de déviation de l’inflation ou de l’output de leurs cibles conduit à des pertes différentes.

D’autres travaux fournissent des modélisations distinctes de celle présentée ci-dessus. Cukierman et Mucatelli (2002), pour modéliser la demande précautionnaire d’inflation ou celle relative à la récession,10 ont défini la fonction de perte suivante :

L[.] =A. f(yt) +htπ) +C (itit−1)2 (2.11) f(.), h(.) sont deux fonctions avec des caractéristiques spécifiques. L’introduction des préférences asymétriques des décideurs politiques est basée sur des hypothèses concernant la dérivée troisième de ces deux fonctions. En effet, une valeur négative def000 implique que la perte marginale suite à une déviation de l’output au-dessus de son niveau potentiel est plus large qu’une déviation ayant la même amplitude mais

10. Demande précautionnaire d’inflation ou de récession : on les a défini ci-dessus par "inflation avoidance preferences" ou "recession avoidance preferences".

en dessous de son niveau potentiel. f000 est supposée être positive, ce qui implique qu’une déviation positive d’inflation génère une perte marginale beaucoup plus éle-vée qu’une déviation négative.

La dernière méthode employée dans la littérature pour tester les préférences asy-métriques des décideurs de politiques économiques consiste à effectuer des tests di-rectement sur des fonctions de réaction non-linéaires. Ces travaux utilisent dans la plupart des cas des modèles de changement de régime tels que les modèles TAR, ETAR, STAR, HTAR, HSTAR. . .et ceci dans le but de distinguer entre deux ré-gimes : celui où la déviation11 est au-dessus de sa cible, celui où elle est en-dessous.

À titre d’exemple, nous allons présenter une fonction testée par Bec etal. (2002).

L(πt, Xt) = 1

2[(π−π)2+WeXt2] 1Xt−d>0+ 1

2[(πtπ)2+WrXt2] 1Xt−d≤0 (2.12) Au sein de cette première partie, nous avons présenté les principaux facteurs qui peuvent conduire à des comportements asymétriques des décideurs de la politique monétaire. Nous avons distingué principalement deux types de comportement d’asy-métrie outre le biais inflationniste résultant de la poursuite de deux objectifs. Une asymétrie qui peut avoir lieu suite à une aversion des autorités monétaires vis-à-vis de l’état de l’économie, par exemple une aversion à la récession. Une seconde source résultante d’une asymétrie qui résulte d’une aversion d’un niveau d’inflation supé-rieur à la cible. Cependant, la non-linéarité de la règle de conduite monétaire peut être la conséquence d’une structure économique non-linéaire. Dans la partie qui suit, nous allons présenter ce deuxième facteur conduisant à la non-linéarité des règles de conduite.

11. On fait référence soit à la déviation de l’output par rapport à sa valeur d’équilibre, soit à la déviation de l’inflation par rapport à sa cible.