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La non-linéarité de la courbe de Phillips

Politique de ciblage d’inflation : règle de conduite

2.4 Règles de conduite asymétriques

2.4.2 La non-linéarité de la courbe de Phillips

Le deuxième facteur conduisant à la non-linéarité des règles de conduite de la politique monétaire en général et de la politique de ciblage d’inflation en particulier, est la non-linéarité de la structure de l’économie. Autrement dit, la non-linéarité de la courbe de Phillips.

L’évolution de la nature des mécanismes de transmission de la politique moné-taire est l’un des facteurs principaux du développement de la littérature sur les règles de conduite. Cependant, si on retient une courbe de Phillips sous une version non-linéaire, le mécanisme de transmission de la politique monétaire serait différent de celui dans le cas d’une courbe de Phillips linéaire. En effet, la courbe de Phillips li-néaire sous sa versionForward-Looking (Backward-Looking) implique que l’inflation varie linéairement par rapport à sa valeur anticipée (ses valeurs passées) en réponse aux variations de l’activité économique. Le fait de relâcher l’hypothèse de symétrie implique que la réponse de l’inflation à l’output n’est plus linéaire. La courbe de Phil-lips, dans ce cas, devient convexe. Cette convexité implique que la différence entre l’inflation réalisée et celle anticipée (passée) est une fonction convexe de l’output gap.

Différents motifs conduisent les recherches récentes sur les règles de conduite de la politique monétaire optimale à retenir une courbe de Phillips non-linéaire.

Premièrement, depuis un certain temps, les économistes pensaient que la courbe de Phillips pouvait avoir un comportement asymétrique. Phillips lui-même envisa-geait une telle hypothèse. Il expliquait ceci par le fait que l’effet d’une demande excessive induit une augmentation d’inflation plus forte que la baisse de celle-ci suite à une offre excessive.12 D’autres études, à la fois théoriques et empiriques, ont été menées afin d’expliquer et de prouver la non-linéarité de la courbe (Coe, 1985 ; Coe,

12. Pour plus de détails voir Phillips (1958), p. 283.

1988 et Grubb, 1986). Les recherches sont devenues de plus en plus pointues vis-à-vis de la question de non-linéarité de la courbe de Phillips au début des années quatre-vingt-dix. Laxton et al. (1995) estiment une courbe de Phillips selon une fonction non-linéaire caractérisée par un output gap exprimé à la fois par une forme quadra-tique et une forme cubique considérées comme des variables proxy de non-linéarité.13 Ils montrent empiriquement que l’hypothèse d’une courbe de Phillips non-linéaire est retenue dans les sept grande nations. Clark et al. (1997) étudient l’asymétrie de la courbe de Phillips avec une équation linéaire. Ils construisent une variable de la croissance moyenne de l’output par la méthode de la moyenne mobile ordinaire et estiment la différence entre l’output moyen et son niveau potentiel. Puis, ils ajoutent à la courbe de Phillips un terme additionnel relatif à l’output gap quand il est posi-tif. Les résultats sont en faveur de la non-linéarité de la courbe de Phillips pour les données des États-Unis.

L’idée sous-jacente qui a conduit ces différentes études à opter pour l’hypothèse de non-linéarité remonte à l’hypothèse keynésienne traditionnelle selon laquelle les salaires nominaux sont flexibles à la hausse et rigides à la baisse. Cette hypothèse sur la forme de rigidité implique que l’inflation est une fonction décroissante et convexe du taux de chômage. En effet, plusieurs arguments ont été envisagés pour expliquer le faible ajustement d’inflation et l’absence de désinflation gratuite. D’une part, la persistance de l’inflation peut apparaître suite à la non-synchronisation des contrats des salaires et de prix au sein de l’économie. Les salaires et les prix s’ajustent à des taux différents les uns des autres. D’autre part, les anticipations d’inflation des agents peuvent s’ajuster lentement dans le temps en raison du mécanisme adaptatif.

De même, dans le cas où la crédibilité des actions des autorités monétaires serait faible, une action qui vise à réduire le taux d’inflation n’est pas prise au sérieux

13. Ces estimations sont appliquées aux sept grandes nations (G7)

par les agents et cette action ne va pas agir par la suite sur leurs anticipations. Par conséquent, l’inflation devient persistante. Akerlof et al. (1996) ont développé cet argument en faisant valoir qu’une pente négative de la courbe de Phillips pourrait être maintenue sur le long terme à un taux d’inflation très faible en raison d’illu-sion monétaire de la part des travailleurs en cas de stabilité des prix. Le papier d’Orphanides et Wieland (2000) est le premier à considérer la non-linéarité dans la dérivation des fonctions des réactions optimales. En effet, ils considèrent une zone linéaire de la courbe de Phillips quand l’inflation est stable pour un intervalle d’out-put gap et qui change en dehors de ce dernier. D’un point de vue économétrique, certaines études ont prouvé la convexité de la courbe de Phillips soit pour certains pays européens ou pour les États-Unis (Laxton etal.(1995, 1999) et Gerlach (2000)).

Deuxièmement, les recherches récentes sur les règles optimales sont de plus en plus attachées à la courbe de Phillips non-linéaire en raison de ses implications éco-nomiques. En effet, Bean (1996) précise que la nature convexe de la fonction d’offre rend la non-linéarité de la courbe de Phillips nécessaire afin d’agir rapidement face aux tensions excessives de l’économie. Par exemple, le cas d’une inflation supplémen-taire, résultante d’une hausse excessive de l’activité contemporaine, doit être corrigée par une large récession dans le futur si nous voulons que cette inflation excessive soit évincée du système. Ce phénomène peut être mesuré par le ratio de sacrifice.14 Ce dernier est plus élevé dans le cas d’une courbe de Phillips non-linéaire que dans le cas linéaire. Une autre implication économique identifiée par Clark etal.(1995) considère que la convexité dans la réponse de l’inflation à l’output dans le cadre d’une courbe de Phillips augmentée basée sur des anticipations tournées vers le passé (expectations augmented with backard-Looking expectations) implique qu’une variabilité élevée de l’output doit être associée avec un niveau moyen d’output faible. Ainsi, la valeur

14. Ceci dans le cas où le sacrifice est mesuré par la perte d’output en comparaison avec le

moyenne de l’output dans une économie stochastique avec une courbe de Phillips convexe peut se situer en-dessous de la valeur d’équilibre dans le cas où l’output ne subit pas de choc. Ceci s’explique par le fait que l’inflation supplémentaire due à la demande excessive doit être compensée afin que le niveau d’inflation revienne à son niveau initial. L’idée de base d’une courbe de Phillips convexe est que la fonc-tion de réacfonc-tion de la banque centrale sous sa versionForward-Looking conduit à une allure lissée de l’output et limite les cycles qui résultent d’un choc de demande initial.

Nous avons présenté les différents facteurs conduisant à retenir une courbe de Phillips non-linéaire dans la détermination des règles optimales de conduite des poli-tiques monétaires. Certains travaux, qui ne sont pas nombreux, ont déterminé la règle de conduite de ciblage d’inflation en employant une courbe de Phillips non-linéaire. À titre d’exemple, nous pouvons citer les travaux de Schaling (1999), Tambakis (1998), Surcio (2003b), Dalodo et al. (2004), Dalodo et al. (2005), Pyyhtia (1999) et Tay-lor et Davradakis (2006). Cependant, la non-linéarité de la courbe de Phillips a été exprimée différemment par ces travaux. Par exemple, Dalodo et al. (2005), afin de déterminer la règle optimale de conduite de la politique monétaire, définissent leurs modèles selon la valeur actualisée de la fonction de perte (2.14) sous contrainte de deux équations décrivant la structure de l’économie : avec une courbe de Phillips non-linéaire (2.15) et (2.17) et une équation d’Euler (2.18). Au sein de cette étude, la fonction de perte est définie sous une version quadratique (2.14). Ce genre de mo-délisation de la courbe de Phillips a été adopté par plusieurs études telles que celle de Dalodo etal. (2004), Schaling (1999) et Surcio (2003b).

Et

πt+1 =πt+α f( ˜yt) +µπ,t+1 (2.15) Avec,

f( ˜yt) = ˜yt+φ y˜2t, y˜t (−1

2φ) (2.16)

˜

yt+s =β yt+η Xtξ r˜t+µy,t+1(2.17) L’équation d’Euler est définie par l’équation suivante :

λ Etyt+1] +λ δ βEtyt+2] +δ α Etπt+2](1 + 2φy˜t+1) = 0 (2.18) Avec, β ∈ [0,1], µy,t+1 et µπ,t+1 des termes d’erreurs admettant une moyenne nulle et normalement distribuée.

L’équation (2.15) définit une courbe de Phillips accélérée au sein de laquelle l’output gap est défini par une fonction non-linéaire. En effet, si φ= 0 la fonction f est linéaire et elle est convexe dans le cas oùφ 0 ouφ ≤0. Les auteurs supposent que cette fonction augmente par (1 + 2φy)˜ 0 car ceci sera le cas probablement des valeurs réelles deφ et de ˜yt. La combinaison des trois équations (2.15), (2.16) et (2.17) avec l’équation d’Euler (2.18) aboutit à une règle de Taylor modifiée définie comme suit :

it =c1 Et−1πt+1] +c2 Et−1yt] +c3Et−1[Xt] +c4Et−1πt+1 y˜t) (2.19) Avec, c1 = 1 +α/(βξ), c2 = (1 +δ2)/(δβξ), c3 =η/ξ etc4 = (2φα)/(ξβ)

L’équation (2.19) représente la fonction de réaction de la banque centrale sous un régime de ciblage d’inflation. Toutes les composantes de la fonction sont linéaires à l’exception du dernier terme qui exprime l’interaction entre l’inflation anticipée et l’output gap. C’est ce dernier qui repère les comportement asymétriques en cas

d’occurrences. Si, par exemple, l’inflation anticipée est au-dessus de la cible à la pé-riode (t+ 1), le taux d’intérêt réel sera en-dessous de son niveau d’équilibre à la période (t). Cet effet engendrera, à son tour, une hausse de l’output gap à (t+ 1) et une pression inflationniste à la hausse à la période (t+ 2). Dans le cas linéaire, les preneurs de décisions politiques augmentent le taux d’intérêt par c1 Et−1 π˜t+1. Cependant, si la courbe de Phillips est convexe (φ ≥ 0), alors la pression future d’inflation due à une hausse de l’output gap est plus large que dans le cas linéaire.

Cette hausse d’inflation va être anticipée par les décideurs politiques grâce au terme d’interaction entre l’output gap et l’inflation. Ainsi, leur réaction va être plus vigou-reuse avec un (c4 ≥ 0). En revanche, dans le cas d’une courbe de Phillips concave (φ≤0), alors la pression d’inflation va être moins importante que dans le cas linéaire.

L’objectif de cette étude est de déterminer la fonction de réaction optimale dans le cadre de la politique de ciblage d’inflation, en suivant la méthodologie d’Orphanides et Wieland (2000). L’estimation de l’équation (2.19) est appliquée à plusieurs pays européens et aux États-Unis. Les résultats sont en faveur de l’hypothèse de la non-linéarité de la fonction de réaction. En effet, la non-non-linéarité de la courbe de Phillips a été identifiée dans la majorité des pays européens et non pas aux États-Unis.

D’autres études modélisent la courbe de Phillips par un autre type de fonction qui considère que la courbe de Phillips n’est pas convexe uniquement. Ces travaux envisagent la possibilité d’avoir une courbe de Phillips à la fois convexe et concave.

Filardo (1998) est le premier qui a évoqué la possibilité d’avoir une telle courbe de Phillips. La nature de concavité dépend du signe de l’output gap. Ce genre de modélisation a été adopté dans plusieurs recherches afin de trouver la règle optimale de conduite de la politique monétaire dans le cadre de ciblage d’inflation. Nous citons dans ce contexte les travaux de Nobay et Peel (1998) et Semmler et Zhang (2003).

Ces travaux définissent la courbe de Phillips selon une fonction Linex en suivant la méthodologie de Varian (1975). La courbe de Phillips selon cette spécification est présentée comme suit :

Le principe de base de cette spécification est que la courbe de Phillips est concave quand l’output gap est négatif et convexe dans le cas inverse. La fonction Linex n’est pas négative mais elle est asymétrique autour de la valeur 0. Les résultats de ces travaux retiennent aussi la possibilité d’une courbe de Phillips non linéaire.

2.4.3 Conclusion

Au sein de cette section, nous avons présenté les arguments économiques justifiant le consensus actuel vers des règles de conduite de la politique de ciblage d’inflation non-linéaires. En effet, nous avons identifié deux types de sources de non-linéarité.

Une première concerne les préférences asymétriques des preneurs de décisions po-litiques. Cette première source de non-linéarité peut se manifester à cause de deux facteurs : (i) soit selon un comportement asymétrique relatif à l’état de l’économie.15 (ii) soit selon un comportement asymétrique dû à la situation d’inflation. En effet, nous avons montré que les banques centrales sont plus averses à un taux d’inflation au-dessus de la cible qu’à un taux en-dessous de celle-ci. Nous expliquons l’occurrence de ce genre d’asymétrie dans deux cas. Le cas d’un pays en phase de construction

15. La réponse des décideurs de politiques face à un choc économique en période de récession n’est pas la même pour le même choc ayant la même amplitude en période d’expansion.

de crédibilité, et le cas d’adoption d’un comportement de punition16 dans la mise en œuvre de la politique de ciblage d’inflation. La deuxième source de non-linéarité concerne la non-linéarité de la courbe de Phillips. L’idée sous-jacente repose sur l’hy-pothèse keynésienne traditionnelle selon laquelle les salaires nominaux sont flexibles à la hausse et rigides à la baisse, ce qui implique que l’inflation est une fonction décroissante et convexe du taux de chômage. Cependant, certaines recherches ont employé ces deux facteurs afin de montrer que la règle de conduite de la politique de ciblage d’inflation est non-linéaire.

Dans la suite de ce chapitre, nous allons proposer une illustration empirique afin de valider la revue de littérature présentée ci-dessus. Cette illustration empirique est appliquée au cas du premier pays qui a adopté la politique de ciblage d’inflation, la Nouvelle-Zélande.