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La conduite de la politique monétaire : discré- discré-tion ou règle explicite ?

Politique de ciblage d’inflation : règle de conduite

2.2 La conduite de la politique monétaire : discré- discré-tion ou règle explicite ?

Le concept de la politique monétaire a toujours été le centre d’intérêt de nom-breuses recherches. La conduite de cette politique monétaire est un débat important

qui émerge au 20ème. La question qui domine est "‘comment doit-on gérer les dé-cisions des autorités monétaires ?"’ La plupart des travaux sur ce sujet ont essayé, dans un premier temps, d’apporter des éléments de réponse à la controverse suivante : Est-il plus optimal de mener la politique monétaire d’une manière discrétionnaire ou faut-il suivre une règle explicite ?

Avant les années soixante-dix et malgré les travaux de Simons2 (1936) et Fried-man3(1960), le consensus était en faveur de la conduite discrétionnaire de la politique monétaire. À cette époque, la plupart des économistes étaient en faveur de ce type de conduite en raison de l’ajustement instantané face aux différentes conjonctures et chocs économiques. Cependant, la présence d’une conjoncture économique très défavorable au cours des années soixante-dix, marquée par une inflation trop éle-vée et trop volatile, conduit les économistes à reposer la question de l’efficacité des politiques monétaires discrétionnaires. En effet, à partir du dernier quart du 20ème siècle, des recherches se sont relancées pour traiter cette question. Sur la base de ces travaux, un consensus a émergé en faveur de la conduite de la politique monétaire par des règles explicites.

Les travaux de Kydland et Prescott (1977) sont considérés parmi les travaux fon-dateurs conduisant à ce changement. Leurs études se basaient sur la notion d’incohé-rence temporelle et des décisions publiques. D’après l’Académie Royale des sciences de Suède, "Leurs travaux n’ont pas seulement transformé la recherche économique, mais ils ont également influencé profondément les politiques en matière de politique

2. Simons (1936) a proposé une règle de politique monétaire qui consiste à maintenir l’agrégat des niveaux des prix à un niveau constant. Autrement dit le ciblage de niveau des prix.

3. Friedman (1960) a proposé la règle de ciblage de taux de croissance d’un des agrégats moné-taires à un tauxK%. Cette règle est connue sous le nom de la règle de K%. Pour plus de détails voir Orphanides (2007) p. 4-5.

économique en général, plus particulièrement en matière de politique monétaire [. . .]

dans de nombreux pays durant les dix dernières années ". Ils ont montré que les politiques établies sur des bases discrétionnaires étaient susceptibles de générer de mauvais résultats sauf si les décideurs politiques s’engagent à suivre des règles. Leurs conclusions exprimaient le phénomène d’incohérence temporelle au sein de la poli-tique monétaire.

Pour analyser ce mécanisme au sens de Kydland et Prescott (1977), nous allons supposer que les anticipations des agents privés sont rationnelles. Etant donné le rôle clé des anticipations, il est dans leur intérêt de s’engager dans une politique afin de maîtriser ces anticipations. À titre d’exemple, dans le cas d’une politique monétaire, les décideurs politiques peuvent annoncer leur intention de maintenir une inflation faible pour un horizon de temps défini. Autrement dit, les décideurs politiques dé-finissent des objectifs à atteindre pour un horizon prédéfini. Lorsque l’horizon de l’action politique, fixé auparavant, est atteint, il est possible aux décideurs politiques de revenir sur leurs actions et de prendre des nouvelles mesures. À titre d’exemple, ils peuvent créer de l’inflation surprise afin de stimuler l’activité économique. Cette inflation surprise peut être créée en réduisant le taux d’intérêt, ce qui va déplacer l’emploi au-dessus de son taux naturel d’équilibre. Cependant, ce déplacement est temporaire jusqu’au moment où les salariés se rendent compte que la hausse de leurs salaires est uniquement nominale et non pas réelle. Ainsi, les anticipations d’inflation vont augmenter, et par conséquent, nous aurons une hausse de l’inflation future. Les agents interpréteront la politique monétaire comme étant non crédible. La hausse des anticipations d’inflation qui en résulte conduira les salariés à demander une ré-évaluation de leurs salaires afin de compenser la hausse de l’inflation anticipée. Les entreprises à leur tour vont augmenter leurs prix pour maintenir leur marge intacte.

Ainsi, en réponse à l’incohérence temporelle des décisions de la politique économique,

Kydland et Prescott (1977) prescrivent que les pouvoirs publics doivent engager leur crédibilité en fixant des règles de conduite qu’ils respecteront inéluctablement.

La vision de Kydland et Prescott semble être appliquée progressivement en ma-tière de politique monétaire. Ceci se manifeste par exemple dans le principe de l’indé-pendance des banques centrales, qui apparaît comme une solution adéquate à l’inco-hérence temporelle. Cette solution peut empêcher les tentatives des gouvernements de provoquer de l’inflation surprise à la veille des élections pour réduire le chômage.

Le fait de confier les décisions de politique monétaire à des institutions indépendantes du gouvernement, à savoir la banque centrale, ne peut qu’accroître la crédibilité et la transparence des actions prises. Ceci s’explique par le fait que la banque centrale va annoncer des objectifs fixes et immuables qui ne peuvent pas être révisés soudai-nement. Dans ces conditions, les actions prises par cette institution peuvent réussir à ancrer les prévisions des agents. Kydland et Prescott (1977) concluent que dans le cadre d’une règle monétaire avec un engagement initial d’une inflation faible, le résultat va aboutir à un environnement caractérisé par une inflation faible. L’envi-ronnement obtenu suite à l’adoption de règles est plus efficace que celui fondé sur la base d’une politique discrétionnaire. Pour ces deux environnements, il n’y a pas de différence dans le taux de chômage, mais le premier environnement ne génère pas d’inflation surprise.

Dans le même contexte, Kydland et Prescott (1977) et Barro et Gorden (1983) ont fourni un autre exemple des distorsions monétaires qui peuvent avoir lieu suite à un programme d’optimisation discrétionnaire. Dans le cadre d’un arbitrage de court terme entre l’inflation et l’output (courbe de Phillips4) et d’une cible de l’activité plus élevée que celle associée à un taux d’inflation optimal, ces auteurs ont montré

4. En présence des anticipations d’inflation.

que l’optimisation discrétionnaire conduit en moyenne à un taux d’inflation élevé.

Ceci s’explique par le fait que les décideurs politiques ignorent que la poursuite de ce type de programme discrétionnaire génère une hausse dans les anticipations d’in-flation, ce qui engendre un changement défavorable dans la courbe de Phillips de court terme. Ce phénomène est nommé selon Kydland et Prescott (1977) et Barro et Gorden (1983), biais inflationniste. Selon ces auteurs, un engagement vers une cible d’inflation est l’une des méthodes qui permet d’éviter le comportement sous-optimal de ce phénomène. Cette vision semble être adoptée par les banques centrales qui montrent qu’elles sont capables d’éviter un niveau d’inflation supérieur au niveau souhaité sans aucun besoin d’un engagement anticipé à propos de la politique future.

Dans une étude assez récente, Woodford (2003) suggère que l’optimisation dis-crétionnaire conduit à d’autres distorsions outre le biais inflationniste et le problème d’incohérence temporelle. En effet, il suggère que ce type de conduite de politique monétaire génère des réponses non optimales face aux différents chocs économiques.

À titre d’exemple, différents types de perturbations réelles peuvent créer des fluc-tuations temporaires au sein du taux d’intérêt naturel. Ceci signifie que le niveau du taux d’intérêt nominal varie en fonction du temps pour stabiliser le taux d’inflation et le taux d’intérêt. Cependant, l’amplitude d’ajustement du taux d’intérêt de court terme peut être modérée si cet ajustement est fait d’une manière persistante. En ef-fet, en cas de hausse du taux d’intérêt, on ne peut pas anticiper un retour rapide vers son niveau initial, même si les origines des perturbations qui ont causé l’ajustement se sont dissipées. Ainsi, il est clair qu’il est plus optimal et efficace d’avoir recours à une règle en matière de conduite de la politique monétaire au lieu de la mener discrétionnairement. En effet, la règle de conduite de politique monétaire permet d’éviter les problèmes d’incohérence temporelle et les biais inflationnistes, outre le fait de garantir des réponses optimales face à différentes perturbations économiques.

Dans le cadre de la théorie de la conduite de la politique monétaire, la littérature antérieure a présenté certaines règles telles que celle proposée par Simons (1936) qui consiste à cibler les niveaux des prix, et celle proposée par Friedman (1960) connue sous la règle dek%. Cette dernière a été appliquée vers la fin des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt par plusieurs pays tels que le Canada et l’Angle-terre. Mais cette règle n’était pas efficace tout comme celle de Simons (1936). Elles n’ont pas pu remplir l’objectif de stabilité des prix sur le long terme. Par conséquent, elles ont été remises en cause vers la fin des années quatre-vingt. La question qui s’est imposée à cette époque était la suivante : quel type de règles faut-il adopter pour conduire efficacement la politique monétaire tout en évitant les problèmes d’in-cohérences temporelles et de biais inflationniste ?

Rogoff (1985) envisage une solution afin d’éviter les problèmes générés par une politique monétaire discrétionnaire qui consiste à supposer des règles de comporte-ment actives pour les autorités monétaires. L’avantage de ces règles réside dans leur souplesse et l’engagement des autorités sur un mode de comportement immuable. En plus, ces règles évitent les problèmes d’incohérence temporelle et de biais inflation-niste dans les actions prises par les décideurs politiques. Rogoff (1985) est le premier à avoir évoqué les règles actives, mais Taylor (1993) est le premier à avoir formulé une règle exprimée en fonction du taux d’intérêt de court terme. Cette règle est nommée

"Règle de Taylor Traditionnelle". Son objectif est de modéliser la règle de conduite de la politique monétaire menée par la FED. En effet, ce dernier régime repose sur quatre principaux piliers : l’indépendance de la banque centrale, la transparence, la crédibilité et l’annonce explicite de la cible d’inflation. Comme cela a été montré par Kydland et Prescott (1997) et Barro et Gorden (1983), ces propriétés permettent d’éviter les problèmes d’incohérences temporelles et le biais inflationniste. Cette règle

est devenue par la suite la règle de référence pour les travaux traitant la question de la règle de conduite dans le cadre de ciblage d’inflation.

Cependant, cette règle a été critiquée sur différents points vers la fin des années quatre vingt-dix. En effet, d’autres règles dont l’objectif est de combler les limites de la Règle de Taylor Traditionnelle ont été développées. Dans un premier temps, la littérature sur ce sujet s’est développée afin de combler les limites de la Règle de Tay-lor Traditionnelle tout en conservant l’hypothèse de linéarité. Puis dans un second temps, des recherches récentes ont relâché l’hypothèse de linéarité de la fonction de réaction de la banque centrale pour tenir compte d’un comportement d’asymétrie au sein des règles de conduites monétaires.

Dans cette première section, nous avons montré qu’il est plus optimal d’adopter une règle explicite en matière de conduite de la politique monétaire que d’opter pour la discrétion. Le recours aux règles explicites nous permet d’éviter les problèmes d’incohérences temporelles, de biais inflationniste et des réponses non optimales face aux chocs économiques. Dans la section qui suit, nous présenterons les principales règles de conduite de la politique monétaire qui peuvent résoudre les problèmes générés par la conduite discrétionnaire. Dans un premier temps, nous commencerons par la règle de référence (Règle de Taylor Traditionnelle). Puis nous présenterons une brève revue des règles développées sur la base de la règle de référence. Ces règles ont comme objectif de répondre aux limites de la Règle de Taylor Traditionnelle. Elles sont nommées : " Règles de Type Taylor ou bien Règles à la Taylor ".