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Les phénomènes et les phases de la biodégradation

Chapitre II. Caractérisation du milieu déchet

1. La caractérisation bio-hydro-mécanique du milieu déchet Propriétés physiques Propriétés physiques

1.3. L’évolution des propriétés avec la biodégradation

1.3.1. Les phénomènes et les phases de la biodégradation

12 14 16 18 20

Benzène Toluène Ethylbenzène Xylène

[X ] g /L ) C1.1 22/04/2009 C1.1 24/04/2009 C1.1 06/05/2009 C2.1 22/04/2009 C2.1 24/04/2009 C2.1 06/05/2009

Figure II-9 : teneurs en quelques COV du biogaz d’essais au LTHE (Manoukian, 2009).

Indicateurs physico-chimiques

L’analyse du biogaz se limite souvent aux composés majeurs que sont le CH4, le CO2, O2 et N2. Ces éléments majeurs apparaissent généralement suffisants pour donner une idée de l’état de dégradation des déchets et améliorer le pilotage de l’installation. La sécurité des installations requiert un suivi particulier de l’hydrogène sulfuré, qui est nocif à forte dose, et du méthane, qui est un gaz explosif avec une limite d’explosivité de 15% en volume (Ritzkowski et Stegmann, 2007). L’étude des COV paraît toutefois également pertinente (El-Fadel et al., 1997 ; Manoukian, 2008). La plupart de ces analyses sont faites par chromatographie gazeuse.

1.3. L’évolution des propriétés avec la biodégradation

1.3.1. Les phénomènes et les phases de la biodégradation

Mécanismes principaux de la biodégradation

Le terme « biodégradation » désigne la transformation par des micro-organismes de la matière organique présente dans les déchets en composés minéraux et gazeux. Les réactions de biodégradation dans les déchets sont complexes, avec deux principales voies de biodégradation : les mécanismes aérobies en présence d’oxygène, et les mécanismes anaérobies en son absence.

La plupart des réactions biochimiques de dégradation du déchet ont lieu au niveau de biofilms bactériens. Les biofilms désignent une accumulation de bactéries adsorbées sur un substrat solide, non uniforme dans le temps et dans l’espace, ils se composent d’eau, de matériaux cellulaires et extra-cellulaires d’origine microbienne (Chenu, 2007). L’assimilation des substrats organiques n’est possible que si ceux-ci peuvent pénétrer à l’intérieur des cellules (RECORD, 2002). Ainsi, l’hydrolyse, ou la solubilisation d’un substrat solide en phase aqueuse, précède les principales phases de biodégradation (Aguilar-Juarez, 2000 ; voir Figure II-10).

Figure II-10 : mécanismes principaux de la biodégradation (Aguilar-Juarez, 2000).

On distingue généralement quatre (Reinhart et Townsend, 1997 ; Yuen, 1999 ; RECORD, 2002 ; Themelis et al., 2007) ou cinq étapes dans la biodégradation des déchets (Augenstein et Pacey, 1991 ; Tchobanoglous et al., 1993 ; Aguilar-Juarez, 2000 ; Aran, 2001 ; Gachet, 2005 ; Olivier et Gourc, 2007 ; Rouez, 2008). Nous retiendrons ici les cinq phases suivantes :

- la phase aérobie (I) : initialement, une certaine quantité d’air est présente au sein du déchet

qui vient d’être mis en place. L’oxygène présent est consommé par les micro-organismes aérobies stricts ou facultatifs qui oxydent la matière organique la plus facilement biodégradable en générant principalement du CO2 (Rouez, 2008). Ces réactions donnent lieu à un dégagement important de chaleur (Figure II-10). Cette phase est parfois aussi appelée « hydrolyse aérobie » ;

- la phase d’acidogénèse (II) : cette phase marque le passage d’un environnement aérobie à un

environnement anaérobie (Reinhart et Townsend, 1997). Certains auteurs la nomment ainsi également « phase de transition ». Cette phase voit le développement d’une flore bactérienne anaérobie facultative qui entraîne une production importante d’hydrogène, d’ammoniaque, d’eau, de dioxyde de carbone et d’acides gras volatils (AGV) (Gachet, 2005) ;

- la phase d’acétogénèse (III) : lors de cette phase, l’activité microbienne démarrée en phase II

est à son maximum (Rouez, 2008). Selon les auteurs, cette phase est parfois appelée « phase acide » (Tchobanoglous et al., 1993 ; Reinhart et Townsend, 1997), même si cette phase s’accompagne d’une remontée significative du pH (Olivier et Gourc, 2007). Cette remontée s’explique par le développement de bactéries anaérobies strictes qui rééquilibrent les concentrations en AGV et CO2 (Rouez, 2008) ;

- la phase de méthanogénèse (IV) : cette phase, plus stable et plus longue que les précédentes,

est surtout caractérisée par une forte production de méthane. Le biogaz est alors majoritairement composé de méthane et de dioxyde de carbone dans les proportions 60%-40% (Arigala et al., 1995 ; Reinhart et Townsend, 1997). Le pH du lixiviat est légèrement supérieur à la neutralité (Kjeldsen et al., 2002). Cette phase est de loin la plus productrice de biogaz ; - la phase de stabilisation ou de maturation (V) : cette phase, relativement peu documentée par

des expériences ou des observations sur site (Rouez, 2008), marque la fin des processus de méthanogénèse, avec la diminution de la production de biogaz et la formation de molécules stables (Gachet, 2005). Les molécules récalcitrantes à la biodégradation subissent une biotransformation en acides fulviques et humiques, ou humification (Reinhart et Townsend, 1997). Ces molécules sont très résistantes à la biodégradation (Tchobanoglous et al., 1993).

Produits d’hydrolyse (monomères/polymères)

CO2+H2O CO2+CH4

Matière organique solide

Hydrolyse

Dégradation anaérobie Dégradation aérobie

Dégagement modéré de chaleur Fort dégagement de chaleur

Ces cinq phases de la biodégradation (I-II-III-IV-V) sont à bien distinguer des étapes de la vie d’une alvéole d’ISDND (1-2-3a-3b-4) discutées au § I-2.1.2. On peut toutefois proposer les correspondances suivantes, en se plaçant à l’échelle d’une alvéole :

- phase exploitation au sens propre (1) correspondant à la phase aérobie (I), qui dure quelques jours par couche de déchets déposée ;

- phase de post-exploitation primaire (2) englobant l’acidogénèse et l’acétogénèse (II et III) ; - phases de post-exploitation secondaire (3a et 3b) correspondant à la méthanogénèse (IV) ; - phase de veille (4) correspondant à la phase de maturation – stabilisation (V) : une ISDND

arrivée en phase V satisferait aux critères d’éco-compatibilité, qui restent largement à discuter. Le Tableau II-10 propose des durées pour les différentes phases de la biodégradation sur des sites réels en s’appuyant sur ces correspondances. Il est à noter que la durée de ces phases est bien plus courte pour des pilotes de laboratoire (Olivier et Gourc, 2007).

Tableau II-10 : durées proposées par deux publications pour la durée des phases de biodégradation sur des alvéoles d’ISDND conventionnelles.

Phase Augenstein et Pacey, 1991 Staub et al., 2009

I < 7 jours 7 jours

II 1-6 mois ~3 mois

III 3-36 mois ~2 ans

IV 8-40 ans ~10-30 ans

V 1-40 ans ?

Indicateurs biochimiques de la biodégradation : composition du biogaz et des lixiviats

Les compositions du biogaz et des lixiviats pendant la biodégradation sont, comme nous l’avons déjà abordé, variables au cours des différentes phases de la biodégradation. Elles constituent un premier indicateur très net de la biodégradation. La Figure II-11 reprend l’évolution de quelques éléments majeurs durant la biodégradation.

Durant la phase aérobie (I), on constate la présence d’oxygène de l’air. La composition du biogaz reste assez proche de celle de l’air en raison d’une dilution par celui-ci, mais les processus engendrent déjà une légère acidification des lixiviats et une augmentation de la DCO (Rouez, 2008).

L’acidification des lixiviats se poursuit en phase acidogène (II) en raison notamment de la formation d’AGV (Rouez, 2008). Le pH peut descendre jusqu’à 4 (Reinhart et Townsend, 1997 ; Kjeldsen et al., 2002). Cette phase occasionne aussi une production d’hydrogène H2 (Figure II-11). Le biogaz est composé par jusqu’à 90% de CO2 (Olivier et Gourc, 2007).

Durant l’acétogénèse (III), la proportion de CH4 dans le biogaz commence à augmenter pour dépasser la proportion de CO2 en toute fin de phase. On note durant cette phase de fortes concentrations en métaux solubilisés dans les lixiviats (Tchobanoglous et al., 1993), mais le pH redevient voisin de la neutralité en fin de phase.

La méthanogénèse (IV) est une phase stable avec une qualité du biogaz qui demeure à environ 60% de CH4 et 40% de CO2. Le pH des lixiviats se stabilise à un niveau légèrement supérieur à la neutralité et la DCO continue de diminuer et descend jusqu’à 500 mg/L O2 (Reinhart et Townsend, 1997). Les AGV disparaissent progressivement.

Enfin, durant la phase de maturation – stabilisation finale (V), on retrouve en théorie progressivement la composition de l’air ambiant, et les polluants des lixiviats finissent par descendre au-dessous des seuils de pollution.

Figure II-11 : phases de la biodégradation et composition du biogaz (a) et des lixiviats (b) (Yuen, 1999). « COD » désigne ici la DCO et « TVA » les AGV.

Indicateurs thermiques de la biodégradation

Les réactions de biodégradation au sein du massif de déchets sont généralement exothermiques. Les réactions aérobies produisent une grande quantité d'énergie thermique (460 kJ par mole d’oxygène consommé) alors que les réactions anaérobies en produisent nettement moins (40 kJ à 250 kJ par mole de méthane formé) (Bellenfant, 2001).

Figure II-12 : température et composition du gaz pour une ISDND aux Etats-Unis suivie pendant 4 ans à

a)

La température du massif de déchets peut s’élever considérablement dès la mise en place du déchet, même si les températures extérieures sont faibles (Zhao et al., 2008). En fin de remplissage, la température d’un casier peut monter jusqu’à 40 à 70°C (Aguilar-Juarez, 2000). A long terme, la température des déchets serait comprise entre 20 et 60°C dans les ISDND conventionnelles (Zornberg et al., 1999 ; Yeşiller et al., 2005). La Figure II-12 montre le suivi réalisé aux Etats-Unis d’un casier durant 4 ans en terme de température et de composition majeure du biogaz.

La distribution de la température à l’intérieur de l’ISDND n’est pas homogène puisque les déchets sont eux-mêmes très hétérogènes, donc leurs propriétés thermiques le sont également, mais la distribution de l’eau, de l’oxygène (dans les premiers décimètres à mètres de sol au maximum) et l’état de biodégradation des déchets jouent fortement (Aguilar-Juarez, 2000).

Autres indicateurs de la biodégradation

La biodégradation peut être suivie par d’autres indicateurs, notamment biochimiques et mécaniques : - l’étude de la biodégradabilité et de son évolution au cours de la biodégradation peut être

réalisée en utilisant différents tests normalisés pour évaluer la biodégradation potentielle. Le plus utilisé est sans doute le test de potentiel biométhane (BMP), qui permet de déterminer la production maximale d’un substrat dans des conditions biochimiques favorables (RECORD, 2002). L’évaluation de ce potentiel de production sera discutée au § II-1.3.2. ;

- d’autres bons indicateurs biochimiques sont la perte en MO du déchet et sa teneur en lignine, cellulose et hémi-cellulose (RECORD, 2002 ; Berthe, 2006 ; François et al., 2006). En particulier, il a été montré que le rapport lignine sur cellulose et hémi-cellulose permettait de suivre l’état de biodégradation (François et al., 2006 ; Hossain et Gabr, 2009). D’une manière générale, la caractérisation composant par composant permet aussi de quantifier la biodégradation en apportant une information sur la part restante de putrescibles, papiers, cartons, même si cette caractérisation n’est pas évidente (Berthe, 2006) ;

- plusieurs indicateurs mécaniques sont aussi pertinents pour le suivi de la biodégradation : d’une part la granulométrie, qui diminue au cours de la dégradation (Olivier, 2003), et d’autre part les tassements du massif de déchets qui sont en partie causés par la biodégradation et la perte de masse qui en résulte (Bjarngard et Edgers, 1990 ; Dixon et Jones, 2005 ; Machado et al., 2008 ; Hettiarachchi et al., 2009). L’étude des tassements permet ainsi de qualifier la stabilité bio-mécanique de l’ensemble (Gourc et al., 2010).

Les indicateurs sur la qualité et la quantité du biogaz, des lixiviats ou sur le suivi des tassements, peuvent être qualifiés d’indicateurs « externes » car ils ne nécessitent pas de chercher une information au cœur du déchet par l’enfouissement de capteurs ou campagne de forages. Les indicateurs biochimiques ou mécaniques directement sur la matrice déchets sont en ce sens plus coûteux puisqu’il s’agit d’indicateurs « internes » et « destructifs ». C’est toutefois une bonne combinaison de ces indicateurs entre eux et avec d’autres indicateurs ou techniques indirectes qui permet au mieux de caractériser le milieu. Ceci est notamment justifié par l’interdépendance des différents facteurs.

La présente étude reviendra notamment sur les tassements comme indicateurs de la biodégradation au § V-1., mais nous allons aborder en premier lieu la modélisation de la production de biogaz, qui est l’une des méthodes les plus utilisées par les opérateurs pour suivre l’état de dégradation des ISDND, avec les analyses ponctuelles ou continue des autres paramètres.