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Essais de succion en milieu non saturé

Chapitre II. Caractérisation du milieu déchet

2. Les dispositifs expérimentaux

3.2. Essais de succion en milieu non saturé

3.2.1. Essais de succion sur des échantillons frais et dégradés

Introduction et présentation du matériel et de la méthode

Les essais de succion sur déchets frais et dégradés, réalisés dans les cellules Extractors (§ II-2.2.2.), ont pour objectif de caractériser les propriétés de rétention discutées au § II-1.1. La durée des essais, qui peut dépasser un an, ne permet pas de multiplier ces derniers. Plusieurs essais sont en cours, mais n’ont pas pu être inclus dans cette étude, car ils ne sont pas terminés.

On s’est attaché ici à caractériser un même déchet, le déchet A, dans son état initial avant lancement d’un essai dans la cellule large échelle de compression CICLADE (§ IV), et du même déchet dans son état dégradé en fin d’essai. Ces essais permettront de dégager des informations sur le comportement aux écoulements dans les déchets non saturés, et de comparer ce comportement en fonction de l’état vis-à-vis de la biodégradation.

Comme indiqué précédemment (§ II-2.2.2.), on détermine plusieurs points de la courbe de rétention en incrémentant par palier la pression de gaz. Ici, typiquement, les incréments suivants de pression ont été considérés :

- 10, 25, 40, 60, 80, 110, 150, 200, 300 et 450 kPa pour le déchet A « frais » ; - 10, 25, 40, 80, 150, 300 et 450 kPa pour le déchet A « dégradé ».

Le déchet frais a été pris directement de fûts dans lesquels les déchets étaient conditionnés, alors que le déchet dégradé a été prélevé sur le volume final excavé à partir d’un essai CICLADE (C2.1). Ce déchet n’a pas subi de remaniement, afin de conserver les propriétés de transferts que le déchet avait au cours de l’essai fortement comprimé. Pour le déchet frais, relativement peu dense, la mise en place dans le cylindre d’essai fut directe, alors que pour le déchet dégradé, une découpe a dû être réalisée dans l’échantillon préalablement congelé afin de maintenir la structure consolidée après l’essai dans la cellule CICLADE (Figure II-37).

La congélation de l’échantillon de déchet dégradé a permis de réaliser une découpe dans de bonnes conditions. Le volume de l’échantillon a ensuite été mesuré dans un bac d’eau, alors que l’échantillon était toujours congelé. Nous avons ensuite laissé lentement le déchet remonter à la température ambiante une fois mis en place dans le cylindre (Figure II-22).

La découpe de l’échantillon, bien que minutieuse, a fait apparaître certaines zones non aplanies et des hétérogénéités à la fois sur le pourtour du cylindre, mais aussi à sa base. Afin de garantir un bon contact de la base du cylindre avec la plaque céramique, et donc un essai dans de bonnes conditions, de la poudre de kaolin a été rajoutée dans les vides laissés par le déchet.

Les deux déchets, frais et dégradé, une fois en place dans le cylindre, ont été déposés sur la céramique poreuse. Ils ont été enfin saturés par de l’eau jusqu’à ce que l’absorption par la matrice solide ne soit plus possible. Les quantités d’eau ajoutée ont été intégrées au calcul du bilan hydrique, qui a été réalisé en fin d’essai (mise à l’étuve finale de l’échantillon). Il y a une incertitude sur la teneur en eau initiale (correspondant à Pc = 0 kPa), en raison de la présence possible d’eau sur ou sous la plaque céramique, qui pourrait être attribuée par erreur à de l’eau dans l’échantillon, et la mesure correspondant à Pc = 0 kPa ne sera donc pas présentée sur les graphiques.

Résultats des essais sur déchet frais et dégradé

La Figure II-38 présente les résultats sur déchet frais (ρd = 0.38 kg/L) et dégradé (ρd = 0.58 kg/L), avec également les résultats de Stoltz et al. (2010) sur le même déchet :

- les allures des deux courbes sont très proches, et semblent très légèrement « translatées » ; - la teneur en eau résiduelle (θr, valeur asymptotique à forte Pc) semble assez forte (θr > 0.15

m3/m3) et la porosité non accessible à la succion est nettement plus importante dans les déchets que dans les sols ;

- de plus, θr semble assez proche dans les deux cas, indiquant que cette dernière n’est pas affectée de façon importante par la dégradation. En d’autres termes, les pores de petite taille seraient plutôt localisés dans les matériaux se dégradant pas ou peu (bois, inertes, éventuellement papiers).

Les conditions d’essai ici varient en fonction de deux paramètres majeurs : la masse volumique ρd

d’une part, la biodégradation d’autre part. Malheureusement, des contraintes techniques n’ont pas pu permettre, expérimentalement, de dissocier ces effets. La comparaison avec les essais de Stoltz et al. (2010) permet toutefois de voir que, sur un même déchet A (frais), avec ρd = 0.58 kg/L, on a correspondance des valeurs à Pc = 10 kPa (θ(10 kPa) ≈ 0.41 m3

/m3 dans les deux cas).

0.1 1 10 100 1000 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% θ (m3.m-3) Pc ( k P a ) A, frais, 0.38 kg/L A, dégradé, 0.58 kg/L A, frais, 0.53 kg/L* A, frais, 0.58 kg/L*

L’écart entre les deux courbes paraît justifiable par la simple variation de ρd, sans prendre en compte la biodégradation. L’influence de la masse volumique croissante sur les courbes de rétention semble bien être une translation de la courbe vers des teneurs en eau plus fortes, comme observé pour de nombreux déchets de la littérature. En revanche, à masse volumique sèche plus forte, la porosité totale diminue, et ainsi θ(0 kPa) = θsat également, ce qui induit un croisement des courbes pour des ρd différents. La biodégradation va, en principe, avoir tendance à diminuer la taille des pores (Stoltz, 2009), mais surtout avoir un effet sur la macroporosité. La microporosité, assimilable ici à la quantité d’eau retenue à très forte valeur de Pc, est peu affectée, comme le montre le faible écart entre les deux courbes. Cela tendrait donc à dire que, parmi les deux effets, la biodégradation serait moins déterminante que la masse volumique sèche.

Les deux courbes déterminées ici sont présentées également en Figure II-39 en comparaison avec d’autres courbes de rétention, déjà montrées au § II-1.1.7. Les courbes déterminées ici donnent des résultats assez comparables aux autres essais, et sont logiquement assez proches des résultats de Stoltz et al. (2010), réalisés pour partie sur le même déchet (voir Tableau II-18). Il semblerait, comme nous l’indiquions déjà plus haut, qu’il y ait bien un effet du type de déchets, les courbes obtenues sur des déchets prétraités (PTMB) étant nettement distinguées des autres courbes obtenues sur déchets ménagers (OM). En revanche, l’influence de la masse volumique, bien qu’importante, ne semble pas expliquer totalement les différences entre les courbes, ce qui présuppose un rôle du type de déchet ou de sa mise en œuvre pour l’essai.

Ajustement des essais de succion par la loi de Van Genuchten (1980)

Les courbes de rétention sont ajustées avec le modèle de van Genuchten (1980), utilisé dans les sols21 :

( ) ( ( ) )

n r n c r sat

θ α

P

θ

θ

θ

= − ⋅ + ⋅ 11 + 1 [II-27]

où θr est la teneur en eau résiduelle (m3/m3), α est un paramètre d’ajustement lié à la pression d’entrée d’air (1/kPa), et n est un paramètre d’ajustement (-).

L’ajustement est réalisé en utilisant des mesures de θsat, lorsqu’elles sont disponibles, et en faisant des hypothèses sur θr. Les autres paramètres sont ajustés par une méthode des moindres carrés. Les résultats des ajustements sont donnés dans le Tableau II-18. Un autre déchet est également donné pour comparaison. Les valeurs de θsat sont issues d’ajustements, et ne présupposent pas d’une valeur de porosité du déchet (cette dernière étant déterminée par d’autres essais ou par calcul).

Tableau II-18 : paramètres d’ajustement de la loi de Van Genuchten pour quelques courbes de rétention.

Auteurs Stoltz et al. (2010) Cette étude

Déchet Autre OM broyée fraîche A frais (OM broyée) A frais/dégr. (OM broyée)

ρd 0 (kg/L) 0.540 0.770 0.530 0.580 0.375 0.582 θsat (m3/m3) 0.620 0.453 0.547 0.520 0.770 0.680 θr (m3/m3) 0.200 0.200 0.150 0.150 0.150 0.150 α (1/kPa) 2.9 0.57 3.0 2.0 3.5 0.9 n (-) 1.56 1.33 1.19 1.12 1.37 1.34

0 1 10 100 1000 10000 100000 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% θ (m3.m-3) Pc ( k P a ) Argile Korfiatis et al., 1984 - 0.61 kg/L Benson et Wang, 1998 - 0.62 kg/L Münnich et al., 2003 - 0.30 kg/L Münnich et al., 2003 - 0.60 kg/L Münnich et al., 2003 - 0.80 kg/L Kazimoglu et al., 2005 - 0.56 kg/L Stoltz et al., 2010 - 0.58 kg/L Stoltz et al., 2010 - 0.53 kg/L Staub, 2010, frais - 0.38 kg/L Staub, 2010, dégradé - 0.58 kg/L Sable grossier

Figure II-39 : résultats des essais de succion en comparaison avec d’autres essais de la littérature.

3.2.2. Conclusions sur les essais de succion

Les essais de succion sur déchets, encore relativement rares dans la littérature, apportent des informations intéressantes sur les propriétés de transfert dans les déchets, complémentaires des essais de porosité-perméabilité à saturation présentés plus haut. Les résultats obtenus ici en cellules d’extraction d’humidité sont très proches de ceux obtenus pour un même déchet par Stoltz et al. (2010).

Les déchets ont des porosités et des propriétés mécaniques (voir § V) sans doute assez proches des tourbes, en revanche, leur comportement hydrologique se rapprocherait davantage de celui d’un sable. Il s’agit donc réellement d’un milieu à part entière. Les deux essais réalisés, comparés aux autres essais du LTHE, permettent de penser que l’influence de la biodégradation n’est pas prépondérante, mais que la masse volumique sèche du matériau influe davantage sur ses propriétés de transfert.