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Expériences prototypes et tailles pertinentes d’étude

Chapitre II. Caractérisation du milieu déchet

2. Les dispositifs expérimentaux

2.1. Expériences prototypes et tailles pertinentes d’étude

2.1.1. Inventaire et historique des expériences

Evolutions historiques et points clés des expériences

De nombreuses expériences de laboratoire ont été réalisées sur des déchets. La plupart des expériences les plus anciennes s’intéressent principalement aux propriétés mécaniques des déchets. Les premières expériences se sont ainsi d’abord inspirées des dispositifs utilisés en mécanique des sols, notamment les oedomètres (Olivier, 2003). Les oedomètres classiques sont toutefois de taille relativement limitée (quelques dizaines de litres) et ils ont été adaptés à la taille des particules de déchet, qui nécessite une échelle plus importante. Depuis les années 2000, la taille des pilotes de laboratoire a évoluée et un nombre important d’expériences de taille supérieure à 200 litres a été réalisé (Tableau II-12).

Trouvant leur origine dans une approche purement mécanique, purement biochimique, ou purement hydrologique, les expériences ont intégré peu à peu ces différents points de vue pour permette souvent un suivi en parallèle de la biodégradation (et donc du biogaz) sur le long terme, du tassement (idéalement dans des conditions sous contrainte), et de certains paramètres hydrologiques.

Les points-clés des expériences sont notamment (Tableau II-12) :

- l’expérience est-elle réalisée dans un volume représentatif ? A-t-elle été répétée…?

- l’expérience a-t-elle été réalisée en conditions de compression comme pour un déchet enfoui sur site ? (application d’une contrainte)

- le suivi biochimique du bilan en masse par la mesure du biogaz a-t-il été réalisé ?

- l’expérience a-t-elle été menée sur une durée suffisamment longue pour observer l’évolution du déchet en fonction de la biodégradation ?

Parmi les expériences de la bibliographie listées au Tableau II-12, nous allons présenter brièvement quelques-unes des expériences pour leur caractère particulier (Beaven et Powrie, 1995), pour leur intérêt dans la présente étude qui constitue une évolution des expériences menées au LTHE (Olivier, 2003), ou parce que leurs données seront interprétées ultérieurement dans ce travail, en terme d’expériences sur les tassements (Lornage et al., 2007 ; Benbelkacem et al., 2010) ou de mesure expérimentale de teneur en eau à l’échelle du réacteur (Benbelkacem et al., 2010).

Expérimentations de Beaven et Powrie (1995)

Beaven et Powrie (1995) de l’Université de Southampton ont construit une cellule large-échelle pour l’étude des déchets sous compression près de l’ISDND de Pitsea (Essex, Royaume-Uni). La cellule fait 2 m de diamètre et 3 m de hauteur, est soumise à une compression par deux pistons verticaux, et est pesée en continu (Figure II-14). Elle permet une montée en compression allant jusqu’à 600 kPa, soit la simulation d’une profondeur de 60 m de déchets environ. Une injection contrôlée de fluides est possible à l’aide de deux réservoirs de 450 L. La cellule est en outre équipée de piézomètres.

Les principaux résultats sur cette cellule concernent la mesure de la densité en fonction de la compression, la mesure de la porosité efficace, de la perméabilité à saturation et de la capacité au champ en fonction de la compression.

Tableau II-12 : quelques expériences depuis les années 1990. Les propriétés remarquables sont grisées.

Auteurs Volume (m3) Contr. (kPa) Mesure biogaz Long terme

Gandolla et al., 1992 2.35 (x 3) 57 Non Oui

Jessberger et Kockel, 1993 0.20 25-650 Non Non

Beaven et Powrie, 1995 9.42 25-600 Non Non

Wall et Zeiss, 1995 0.50 (x 6) 50-700 Non* Oui

El-Fadel et al., 1999 0.23 7 Oui Oui

Olivier, 2003 1.0 0-140 Non* Oui

Lornage et al., 2007 22 (x 4) 0 Oui Oui

Nguyen et al., 2007 0.26 (x 3) 0 Oui Non

Bareither et al., 2008 0.26 1-8 Oui Oui

Elagroudy et al., 2008 0.22 (x 6) 0 Oui Non

Ivanova et al., 2008 0.16 (x 3) 50-150 Oui Oui

Valencia et al., 2009 0.71 (x 7) 0 Oui Oui

Benbelkacem et al., 2010 1.2 (x 6) 0 Oui Oui

Expérimentations d’Olivier (2003)

Une chambre de calibration de capteurs et de compression de déchets confinés (C4DC) a été construite au Lirigm-LTHE à Grenoble (Isère) dans le cadre de la thèse de Franck Olivier (Olivier, 2003 ; Olivier et Gourc, 2007). La cellule fait environ 1 m de côté pour 1 m de hauteur et permet un suivi mécanique complet, ainsi qu’un suivi biochimique simple (Figure II-15). Le dispositif est thermostaté. Les volumes de biogaz sont également enregistrés, mais un bouclage du bilan en masse n’est pas envisageable en raison de la non-étanchéité du dispositif par rapport au biogaz.

Figure II-15 : cellule C4DC.

Les principaux résultats concernent le comportement mécanique long terme (tassements), des résultats biochimiques qualitatifs sur l’évolution du déchet et des résultats hydrologiques (porosité, teneur en eau). L’étude de cette cellule et ses améliorations ont débouché sur l’élaboration des pilotes CICLADE (voir § V-1.1.).

Expérimentations de Lornage et al. (2007)

Dans le cadre du projet ELIA (Ademe-VERI), quatre pilotes de taille semi industrielle ont été construits près d’Auquemesnil (Seine-Maritime). Les pilotes font 2.5 m de côté et 4 m de hauteur, et permettent la simulation de pluie et l’injection de lixiviats. Ils sont isolés thermiquement par une épaisse couche de compost (Figure II-16). Plusieurs modalités de traitement de déchets sont évaluées en terme d’efficacité et d’impact environnemental.

Les principaux résultats de cette étude concernent les bilans en masse hydriques et chimiques, la comparaison des pertes de masse, et d’une manière générale la performance des pilotes en terme de stabilisation du déchet selon le mode opératoire. La taille remarquable des pilotes (22 m3) en font des objets d’étude particulièrement intéressants pour le transfert à l’échelle industrielle, même si le contrôle des paramètres d’essais est moins aisé à cette échelle.

Figure II-16 : pilotes ELIA lors de leur excavation.

Expérimentations de Benbelkacem et al. (2010)

Dans le cadre du projet ANR Bioréacteur, six pilotes bioréacteurs ont été construits à l’INSA de Lyon à Villeurbanne (Rhône) (Benbelkacem et al., 2010). Les pilotes font 1 m de diamètre et 1.4 m de hauteur. Un suivi métrologique du LTHE a permis la mesure de tassements et de la teneur en eau locale du déchet. De plus, de nombreux indicateurs biochimiques ainsi que le bilan en masse en cours d’essai sont suivis sur ces pilotes (Figure II-16).

Les principaux résultats concernent d’une part les performances de stabilisation et de biodégradation en fonction du prétraitement et de la stratégie d’injection de lixiviats, le suivi long terme de l’humidité, le suivi de nombreux paramètres biochimiques ainsi que le suivi des tassements.

Ces expériences seront étudiées au niveau du suivi de teneur en eau (§ III-2.) et des tassements (§ V-3.).

2.1.2. Représentativité des dispositifs expérimentaux

Quelle taille pertinente pour quel dispositif expérimental ?

La question de la taille pertinente pour une cellule d’essais renvoie souvent à la question de la représentativité de l’échantillon. S’il est encore relativement facile, dans les sols, de définir un volume élémentaire représentatif, l’exercice est bien plus complexe dans les déchets. De plus, il a été montré que des résultats expérimentaux très positifs à petite échelle n’étaient pas forcément transposables à une autre échelle en raison de l’homogénéisation des phénomènes dus aux transferts fluides (Durmusoglu et al., 2006 ; FNADE-Ademe, 2007).

Plusieurs éléments influent sur le choix de la taille du dispositif expérimental, et notamment sa destination. D’une manière générale, Bendz et al. (1997) considèrent que la taille du dispositif doit être suffisamment grande pour qu’il existe un volume élémentaire représentatif validant une approche macroscopique continue. Ceci conduit, pour la plupart des expériences en laboratoire ou même à échelle semi industrielle, à un broyage ou un écrêtage des déchets bruts, dont les dimensions ne permettraient pas de respecter ce critère (El-Fadel, 1999).

Selon que l’étude soit plutôt orientée sur des aspects mécaniques, hydrologiques ou biochimiques, on pourra considérer les éléments suivants :

- pour les études mécaniques, la granulométrie est un élément déterminant dans le choix de la taille de la cellule (Hossain et al., 2009). De nombreux auteurs proposent une taille minimale de dimension de cellule en fonction du diamètre maximum des particules. Un rapport de 10 (Beaven et Powrie, 1995), de 12 (Ivanova et al., 2008), voire de 15 (Chen et Chynoweth, 1995) est préconisé, alors qu’un rapport de 6 est considéré comme suffisant en mécanique des sols (Stoltz, 2009). Par ailleurs, les effets de la friction des parois sur le déchet ont été soulignés par plusieurs auteurs (Beaven et Powrie, 1995 ; Durmusoglu et al., 2006 ; Hossain et al., 2009). Toutefois, pallier ce problème n’est pas évident car cela conduirait à devoir réaliser des cellules de très grande surface (Beaven et Powrie, 1995). Par ailleurs, la mise en œuvre par compactage est difficile à simuler en laboratoire ;

- pour des études hydrologiques, il paraît important de recréer un volume élémentaire représentatif des écoulements dans les déchets, ce qui est souvent fait de façon analogue aux sols (Bellenfant, 2001). L’hétérogénéité des écoulements a été observée même à petite échelle sur des cellules de taille métrique notamment par Capelo et de Castro (2007) et Tinet et al. (2010), avec des comportements à plusieurs niveaux de rétention d’eau et des écoulements préférentiels (micro- et macroporosités). Il est très difficile de réaliser des essais hydrologiques ou hydrogéologiques in situ en raison d’un contrôle insuffisant des paramètres non hydrologiques. Ainsi, pour l’étude des paramètres hydrologiques intrinsèques du déchet (porosité, propriétés de rétention…), il ne paraît pas encore réaliste de réaliser des essais à grande échelle, la caractérisation de ces propriétés étant complexe. Cependant, la structure du déchet lors de sa mise en place, largement anisotrope telle que décrite par Bendz et al. (1997), reste difficile à recréer à petite échelle. De plus, tout comme pour les propriétés mécaniques, si l’on peut maintenir un « rapport granulométrique » cohérent entre dimension du dispositif et granulométrie maximale, il n’est pas certain que celui-ci soit justifié, ce qui peut induire des difficultés à identifier les propriétés déterminées à une petite échelle à l’échelle de site ; - pour des études biochimiques, la taille du dispositif est moins problématique, mais renvoie à la

notion de déchet type et d’échantillonnage déjà discutée plus haut (§ II-1.1.1.). L’accent est alors mis sur la proportion de MO, la teneur en cellulose, hemicellulose et lignine par exemple (Thomas, 2000 ; RECORD, 2002). On peut ainsi concevoir de réaliser des essais sur des échantillons très petits, mais représentatifs du milieu. Les conditions des essais biochimiques, très contrôlées, sont toutefois souvent idéalisées par rapport à l’échelle de site (Berthe, 2006). Concrètement, cela a des conséquences sur le calcul du potentiel de production de gaz, supérieur dans le cas d’essais à échelle réduite par rapport à des valeurs rencontrées sur des

Vers une approche multi-échelles

Nous l’avons vu, plusieurs échelles peuvent paraître pertinentes pour l’étude des déchets. Le paragraphe précédent s’intéressait aux différentes échelles possibles au laboratoire ou dans des pilotes – de l’ordre du litre à la dizaine de mètres cubes – mais ces expérimentations à l’échelle du laboratoire doivent trouver leur application à l’échelle du site réel – de l’ordre de la centaine de milliers de mètres cubes. Ce transfert n’est pas évident, comme nous l’avons dit, mais compte tenu de la difficulté à suivre et mesurer certains paramètres à telle ou telle échelle, il paraît important d’insister sur la complémentarité des échelles.

L’analyse du milieu déchet se doit idéalement d’être « multi-échelles » (Aguilar-Juarez, 2000) : - les réactions biologiques se développent à un niveau microscopique voire nanoscopique. Les

facteurs d’influence de ces réactions sont généralement liés aux conditions locales du milieu, telles que les nutriments et substances présentes, le pH, la température ou la teneur en eau ; - ces conditions locales sont influencées par les processus de transfert de masse et de chaleur au

sein du milieu solide poreux à une échelle mésoscopique, qui sont un important facteur d’influence des phénomènes de biodégradation ;

- l’échelle macroscopique du casier influe sur les conditions de mise en place des déchets ainsi que sur les conditions limites particulières liées au sol et à l’atmosphère, qui apparaissent à cette échelle. La périphérie d’un casier est le siège d’échanges multiples de chaleur, de gaz et d’eau avec le milieu environnant.

Cette étude s’intéresse principalement aux phénomènes des échelles microscopique et mésoscopique. Les paragraphes suivants s’attachent à présenter les dispositifs expérimentaux utilisés pour caractériser ces deux échelles caractéristiques.

Figure II-18 : Analyse multi-échelle d’un casier d’une ISDND (Aguilar-Juarez, 2000).