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Les personnes âgées évoluent, les foyers-logements aussi

1.1 Les personnes âgées, la perte d’autonomie et les foyers-logements

1.1.3 Les personnes âgées évoluent, les foyers-logements aussi

Avec l’évolution des caractéristiques de la population des retraités, qui bénéficie désormais dans l’ensemble de meilleures conditions de vie, d’une meilleure santé, d’un allongement de la durée de la vie et de la retraite, la question de la dépendance des personnes âgées est devenue un des enjeux principaux des politiques gérontologiques. Sous l’effet de ces modifications qui affectent aussi les modes de vie, les personnes restent en domicile ordinaire en grande majorité, et emménagent en foyer-logement plus tardivement. La population hébergée par les foyers- logements se modifie également : elle vieillit, et devient davantage concernée par les questions liées au grand âge, notamment celle de la dépendance aux âges avancés. Les foyers-logements s’adaptent, puis sont modifiés par la législation pour faire face à cet enjeu. A partir des années

2000, ils deviennent statutairement des espaces de vie pour personnes autonomes, et en 2015 avec la loi ASV (adaptation de la société au vieillissement), leur dénomination change pour entériner leur nouvelle mission de prévention de la perte d’autonomie.

Les foyers-logements, destinés à des personnes autonomes, voient des changements dans les populations qu’ils hébergent, changements liés à l’allongement de l’espérance de vie en bonne santé et à la promotion du maintien à domicile. Sous l’effet conjoint de différents facteurs sociétaux, les personnes qui emménagent en foyer-logement le font à des âges de plus en plus avancés : en 2011, la moyenne d’âge à l’entrée est juste en dessous de 80 ans (Weber, 2011).

Avec l’augmentation de l’âge moyen à l’emménagement, la question de l’autonomie des résidents devient un enjeu plus saillant dans les foyers-logements. Les foyers-logements s’adaptent, puis sont modifiés par la législation pour faire face à cet enjeu, par la réforme dite « de la tarification » de 1999. Cette réforme statutaire des Ehpa a procédé à une partition des populations hébergées. Désormais les personnes catégorisées dépendantes et celles catégorisées autonomes ne résident plus ensemble. Les établissements hébergeant des personnes catégorisées GiR 1 à 4 sont hébergées en Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Les habitants des foyers-logements doivent obligatoirement être catégorisés Gir5 ou 6. La réforme de la tarification de 1999 attribue aux Ehpa des missions différentes selon leur statut.

Le premier effet de la réforme est la baisse du nombre de foyers-logements. Depuis le début des années 2000, leur nombre s’est stabilisé sous l’effet de deux phénomènes conjoints. D’une part, lors de la réforme de la tarification, certains ont été transformés en Ehpad, lorsque l’infrastructure le permettait et que la population hébergée présentait un taux de dépendance supérieur à la moyenne, c'est-à-dire lorsque la population était majoritairement composée de personnes catégorisées GiR 1 à 4. D’autre part, « le nombre de créations tend fortement à diminuer, surtout au niveau national (2 % seulement ont été́ construits depuis 2000) » (Bacconnier-Baylet, Chaudet et Madoré, 2018), ce qui s’explique notamment par le très grand nombre de retraités bénéficiant de l’APA, ce qui leur permet de rester chez eux malgré des pertes d’autonomie, dans un contexte de promotion du maintien au domicile.

De plus, il ne faut pas oublier le contexte général de réduction des dépenses publiques, qui participe probablement de cette désaffection. En 2013, au début de cette recherche, les foyers- logements sont environ au nombre de 2200, ce qui représente environ 110 000 places (DREES,

2013). Il est à noter qu’ils sont cependant répartis dans tous les départements du territoire métropolitain.

A partir de cette réforme, les foyers-logements évoluent vers une mission de prévention de la dépendance, rendant pertinent le renforcement des services et des activités, et le développement d’activités conçues comme des activités de prévention des risques du vieillissement, tels que l’isolement, les chutes, les pertes de mémoire, la malnutrition. Comme l’indique le numéro 25 de la revue cadr@ge de la CNAV, « (…) les établissements ont développé leur offre de services afin de retarder l’apparition de handicaps (...). Plus de 90 % des structures proposent ainsi des animations et des activités collectives visant à développer la vie sociale. Les responsables mentionnent des activités nouvelles ciblant l’accompagnement du vieillissement et favorisant le bien vieillir : partenariat avec un Ehpad, ateliers santé ou prévention (mémoire, chute), activités physiques, animations intergénérationnelles. Cette évolution des services s’accompagne de l’intervention de nouveaux professionnels : animateurs, assistantes sociales, psychologues, aides médico-psychologiques, aides médicales et paramédicales. » (Aouici et Gallou, 2013). La prévention de la dépendance dans les foyers- logements s’appuie sur un dispositif proposant des activités de loisirs et de prévention, et en mettant à disposition des services concernant la vie quotidienne, dont les plus importants sont un déjeuner servi dans une salle restaurant sur place, et une aide à l’approvisionnement.

Autre effet de la réforme dite de la tarification : les personnes doivent être Gir5 et 6 à l’entrée et au fil du séjour. Pour emménager en foyer-logement, les candidats doivent se soumettre à l’évaluation. A ce titre, les personnes doivent fournir la preuve médicale de leur capacité à vivre seules. Le médecin évalue leur degré d’autonomie, et les classe grâce à la grille AGGIR. Ce sont des personnes qui sont considérées comme « autonomes et valides ». Il y a quelques personnes un peu moins valides, mais en faible proportion, et cela dépend des possibilités locales pour mettre en place un dispositif d’accompagnement adapté aux besoins des personnes.

Le statut des établissements prévoit que les résidents doivent être en mesure d’exercer leur autonomie fonctionnelle et décisionnelle. Ils doivent ne pas avoir besoin d’aide au quotidien pour réaliser les gestes de la vie courante, et ils doivent être autonomes aussi sur le plan décisionnel, et notamment être volontaires pour emménager dans les foyers-logements. Selon les statuts des foyers-logements, ils ne peuvent pas emménager si ces deux conditions ne sont pas réunies. Et, pour y demeurer, les personnes doivent également rester autonomes. Elles sont soumises régulièrement à une évaluation par leur médecin traitant via la grille AGGIR. Si leur

état se détériore, les résidents sont dirigés vers un EPHAD, ainsi que l’indique le contrat de séjour qu’ils signent à l’entrée. Ainsi, les foyers-logements évoluent sous l’effet de la réforme de la tarification vers un habitat social pour personnes âgées autonomes (Bacconnier-Baylet, Chaudet et Madoré, 2018).

A partir de la réforme de la tarification les foyers-logements évoluent vers une mission de prévention de la dépendance auprès des populations qu’ils hébergent. Cette mission est formalisée en 2015 par le changement de dénomination en Résidence Autonomie, accompagné d’une évolution de leurs modes de financement et d’organisation pour répondre à cette mission centrale. Ainsi que l’expriment Bacconnier-Baylet : "La loi d’Adaptation de la société au vieillissement (ASV) de 2015 accompagne le processus de transformation de cette offre résidentielle en direction des personnes âgées autonomes, d’où l’harmonisation de la terminologie autour du concept de « résidence autonomie ». Les foyers logements sont ainsi renommés en résidences autonomie (…)." (Bacconnier-Baylet, Chaudet et Madoré, 2018). La loi a donc entériné ce que les foyers-logements étaient devenus au fil des décennies. Parmi les services devant concourir à la prévention de la dépendance chez les résidents de foyers- logements, ceux concernant l’alimentation sont considérés comme des services socles des résidences autonomie, inscrits dans leur statut. Cela signifie que chaque foyer-logement de France doit proposer ces services, et qu’une subvention lui est allouée pour cet objectif. Cette nouvelle réforme donne donc une place centrale à l’aide à la restauration et aux services d’animation dans les dispositifs de prévention de la perte d’autonomie.

Pour la sociologie de l’habitat des personnes âgées, les foyers-logements et assimilés sont difficiles à catégoriser. Argoud, ou encore Nowik et Thalineau proposent de les qualifier d’habitats « intermédiaires », parce qu’ils sont à la croisée du domicile ordinaire et des maisons de retraite médicalisées publiques ou privées (Nowik et Thalineau, 2013) en proposant un lieu de vie privatif, et des espaces communs dédiés à des activités en collectivité. Ils ont des caractéristiques communes avec d’autres types d’habitats pour personnes âgées, telles les MARPA (Maisons d’accueil rurales pour personnes âgées) ou les résidences services, car tous ces types d’habitat sont conçus pour des personnes âgées sans perte majeure d’autonomie. Ils expliquent que si « les personnes peuvent être fragilisées (…). A l’inverse, nul besoin d’être nécessairement fragilisé en termes de santé pour accéder à un habitat intermédiaire. » (Nowik et Thalineau, 2013). De plus, ils indiquent que : « Les habitats intermédiaires doivent être compris comme des formules qui concernent le logement de la personne en tant que tel (la partie privative), mais aussi ce qui entoure et intègre ce logement dans un ensemble immobilier plus

vaste, et enfin ce qui environne l’ensemble immobilier (les abords immédiats, le quartier composé d’autres habitats et de différents services et aménités) que nous pouvons appeler le territoire de vie. Pour une personne âgée, c’est le monde extérieur proche de la résidence, par exemple accessible à pied. ». Cependant, en architecture et en urbanisme, l’« habitat intermédiaire » est une forme de logements aux caractéristiques architecturales spécifiques, une forme hybride entre la maison individuelle et l’immeuble collectif développée par Fourier, Howard ou encore Le Corbusier ou Gropius (Allen, Bonetti et Werlen, 2010). Pour être tout à fait exact, il existe des habitats intermédiaires pour personnes âgées au sens architectural du terme dans le département du Nord notamment, appelés « béguinages », pour autant ils ne disposent pas de services collectifs sur le lieu de vie, sont destinés à des retraités autonomes et moins favorisés, appartiennent le plus souvent à des bailleurs sociaux et proposent des loyers beaucoup plus faibles que les autres Ehpa1. Les foyers-logements, au contraire, sont en général des immeubles collectifs, ils n’entrent pas dans cette définition architecturale. Pour cette raison, Bacconnier-Baylet et al. reprennent cette définition de ce type d’habitat, mais proposent une nouvelle dénomination : les ERPAA, pour « Ensemble résidentiel pour personnes âgées autonomes, à la fois parce que l’habitat intermédiaire renvoie à d’autres réalités, notamment morphologiques (forme hybride d’habitat situé entre l’individuel et le collectif), et aussi pour bien souligner que cet habitat est destiné aux seniors autonomes. » (Bacconnier-Baylet, Chaudet et Madoré, 2018). Il faut signaler aussi que les MARPA2 et les foyers-logements ont un statut spécifique : celui d’établissement médico-social. Cela signifie que leur organisation est prévue par la législation. Ils sont pour les deux tiers gérés par le secteur public, c'est-à-dire les communes, et pour un tiers par le secteur privé associatif (Aouici et Gallou, 2013). La formule du foyer-logement conjugue appartements privatifs en location, des espaces collectifs et des équipements, dans des immeubles collectifs. Ils proposent des services communs, tels qu’un service de gardiennage et la téléassistance (dans 80% des cas), « dans une moindre mesure, ils peuvent bénéficier de services de blanchisserie ou de ménage et, plus rarement, d’une infirmerie » mais surtout, les établissements dans leur grande majorité (90% des cas) proposent un service de restauration et d’animation (Aouici et Gallou, 2013).

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Source : https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/choisir-un-hebergement/vivre-dans-un-logement- independant-et-beneficier-de-services/les-beguinages

2

Avec la loi ASV de 2015, les MARPA conservent leur acronyme mais deviennent les « Maisons d’Accueil et Résidences pour l’autonomie des Personnes Agées ».

Les foyers-logements, depuis leur création en 1957, ont vu la population qu’ils hébergent se modifier, évoluer vers de meilleures conditions de vie, mais aussi vieillir, au point que l’âge moyen d’entrée flirte désormais avec les 80 ans, c'est-à-dire le grand âge (Lalive d’Epinay et Spini, 2007). Avec le vieillissement de la population générale, une des questions sociales majeures est devenu celle de la dépendance des personnes âgées. Pour prendre en charge ce problème social, les politiques publiques ont mis en place des procédés de gestion des populations, à travers la grille AGGIR. Parmi les critères d’évaluation, les activités liées à l’alimentation servent de marqueur du degré de dépendance ou d’autonomie, et le type d’habitat de la personne peut également améliorer ou aggraver la cotation du degré de dépendance. La modification des enjeux collectifs concernant le vieillissement a provoqué des modifications législatives et organisationnelles au sein des établissements d’hébergement des personnes âgées et par conséquent dans les foyers-logements, dans lesquels on trouve des services de restauration et des activités de prévention pour aider à maintenir l’autonomie au fil de l’avancée en âge.

La section suivante a pour ambition d’expliquer en quoi l’alimentation est devenue centrale dans la lutte contre la perte d’autonomie dans la population générale, à domicile et en foyer- logement. Elle porte sur le lien entre personnes âgées dépendantes, l’alimentation, et les nouvelles formes de l’action publique, qui dorénavant s’exerce dans les domiciles des personnes et sur leurs pratiques quotidiennes.

1.2 L’alimentation des personnes âgées, une question de