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Les particularités des soirées exclusivement masculines

CHAPITRE 3 : LA RELATION DE POUVOIR ENTRE LES DANSEURS NUS ET

2. Soirées exclusivement masculines

2.3. Les particularités des soirées exclusivement masculines

L’une des particularités des spectacles sur scène des soirées pour hommes réside dans les danses de couple. Du côté des femmes, les danseurs peuvent être à plusieurs sur scène, mais n’interagissent pas du tout entre eux, sauf sous un angle humoristique ou dans le but de bien exécuter la chorégraphie ensemble. Il n’y a

aucun contact physique entre eux et l’érotisme est dirigé vers l’audience féminine. Nos assistants de recherche ont vu une danse de couple, lors de leur séance d’observation au Stock bar à l’automne 2010. Il s’agissait de la première partie de trois, comme dans les performances individuelles. La danse débutait avec un danseur situé au poteau et l’autre, au fond de la scène, près du rideau. Il ne semblait pas y avoir de thème. Après quelques mouvements de danse, il y a eu un rapprochement entre les deux. Il y a eu des touchers au niveau des bras, mais aucune simulation d’actes sexuels, ni de baiser sur la bouche. Les simulations d’actes sexuels sont probablement survenues dans les prochaines parties qu’ils n’ont pas vues, parce que les danses sont généralement très sexuelles. En ce qui concerne les baisers entre les danseurs sur scène, il ne s’agit pas du tout d’une pratique courante sur scène, donc il n’est pas très plausible qu’ils aient de contacts buccaux durant leur performance (Levasseur et Moreau 2011).

Nous observons que ce type de pratique ne survient jamais avec les femmes à cause du stéréotype hétérosexuel. Cependant, il y a des « danses de couple » chaque fois qu’une cliente monte sur scène pour donner un pourboire ou participer à des numéros spéciaux. Nous voyons comment, dans la relation hétérosexuelle au Stock bar, la femme est constamment mise en spectacle devant l’exhibition érotique des corps masculins. Comme si ces corps, afin de demeurer « masculins » et hétérosexuels, ne pouvaient qu’être uniquement érotisés, sans présence féminine. La femme cliente devient, au même titre que les hommes danseurs, un objet regardé, ce qui n’est pas du tout le cas des clients masculins. Ces derniers n’ont pas accès aussi librement et spontanément à la scène que les femmes. Cette règle est similaire aux bars de danseuses nues où, pour la sécurité des danseuses nues, les clients n’y grimpent que sous surveillance étroite et sous certaines conditions très strictes. Ce problème de sécurité ne s’applique généralement pas pour les hommes danseurs relativement à des femmes clientes, car il est assumé qu’ils sont physiquement en position de pouvoir par rapport à elles. Il serait plausible que les hommes clients n’aient pas accès à la scène au Stock bar pour une raison similaire. Il est important de noter que sur les écrans géants qui projettent souvent des enregistrements d’autres soirées au Stock bar, nous avons vu des clients participant à des numéros spéciaux, mais ce type de mise en scène arrive très rarement, selon l’observation effectuée par nos assistants de recherche (Levasseur et Moreau 2011).

Toutefois, les membres de l’audience sont mis en spectacle d’une autre manière. Ils ne le font pas nécessairement par la scène où ils sont impliqués dans un jeu érotique, mais plutôt par d’autres jeux ou concours. Par exemple, lors de notre séance d’observation, à chaque consommation alcoolisée que nous achetions, nous avions droit à un coupon de tirage. Les tirages avaient lieu toutes les demi-heures et la personne gagnait le droit d’aller tourner la roue chanceuse, située à l’avant, à droite de la scène. Cette roue lui permettait de gagner divers prix tels que des danses ou des consommations gratuites. Nous n’avons jamais rien vu de tel lors des soirées pour dames. Nous remarquons que les hommes sont plutôt amenés à participer à la soirée en gagnant des prix, tandis que les femmes sont surtout mises en spectacle dans des positions sexuelles de soumission. Il est clair que l’homme client a un statut plus élevé que la femme cliente à l’intérieur de l’établissement.

En terminant, les interactions dans les soirées de danse nue strictement homosexuelles ressemblent plus à celles se déroulant dans des bars de danseuses nues. Selon nos observations, le danseur ne semble pas être en position de domination par rapport à l’homme client. Sans être dénué de tout pouvoir, il doit travailler émotionnellement plus fort pour obtenir son attention, qui est plus difficile à rediriger sur scène, n’ayant pas d’animateur pour effectuer et faciliter cette tâche. De plus, les hommes clients ne sont pas aussi communicatifs et expressifs que les femmes, donc les danseurs doivent être alertes aux signes qu’ils pourraient leur envoyer depuis l’audience jusqu’à la scène. Même si les danseurs sont libres d’exécuter la performance qu’ils désirent, ils doivent tout de même se conformer aux attentes et aux désirs des clients, s’ils veulent attirer leur attention et pouvoir leur vendre des danses individuelles ultérieurement. Ainsi, les danseurs peuvent décider de tout montrer leurs organes génitaux d’un coup et longuement ou d’y aller plus tranquillement et plus furtivement, mais ils doivent les montrer afin de combler les attentes. En ces termes, il y a beaucoup de ressemblances entre les danseuses nues et les danseurs nus en relation avec des hommes clients. Par contre, la relation de pouvoir est un peu plus équilibrée entre eux, car, d’emblée, le rapport de genre n’existe plus, donc le strict modèle hétérosexuel ne s’applique pas nécessairement. Il n’existe pas un idéal prédéfini de ce que doit être un « homme » et ce qu’il doit faire pour rester « homme », sans tomber dans la figure d’abjection de l’homosexualité féminisée (Butler 2009, 115). Cette

dyade hétérosexuelle n’étant pas imposée, elle laisse un espace dans lequel une diversité de genres et de rôles sexuels pourrait émerger. Voyons si cette variété se manifeste à travers les interactions entre les danseurs nus et les hommes et les femmes clientEs sur le plancher.

Les interactions sur le plancher

Afin de parachever notre réponse concernant la relation de pouvoir entre les danseurs nus et la clientèle féminine et masculine, nous étudions les interactions qu’ils entretiennent sur le plancher au Stock bar. En premier lieu, les liens entre les femmes clientes et les danseurs nus sont analysés. Dans cette section, nous examinons également les rapports de ces derniers avec les hommes clients, spécifiques aux soirées pour dames. Cet environnement hétérosexuel influence parfois la forme de leurs échanges. Ainsi, nous abordons seulement les aspects de leur relation qui sont caractéristiques des soirées pour dames afin de regrouper les éléments invariants dans la deuxième partie, concernant les soirées exclusivement masculines.

1. La soirée des dames

Dans un premier temps, nous exposons la manière dont les individus s’abordent sur le plancher pour accéder à l’isoloir ensemble. En second lieu, nous étudions la proximité des danseurs avec les femmes des clientèles types et leur plus grande distance avec celles n’en faisant pas partie. Troisièmement, nous analysons les différentes tendances quant à l’accès aux isoloirs ainsi que les règles qui y sont spécifiques. Nous terminons avec les tensions particulières au déroulement des interactions homosexuelles à l’intérieur du contexte hétérosexuel des soirées pour dames au Stock bar.