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2-2, 2 Les partenaires de l’action publique locale

Pour rentrer dans le jeu de la compétition, les villes doivent dégager une capacité d’action, qui n’est pas pur discours mais utilise le discours pour s’exercer et se manifester. La construction des jeux de développement implique de maîtriser des règles, en s’affranchissant éventuellement de celles imposées de l'extérieur par l'État central, et de rechercher des partenaires « riches de ressources -quitte à sélectionner des joueurs n'étant pas des protagonistes habituels de l'action publique comme par exemple des agents économiques. » (J. PADIOLEAU, R. DEMESTEERE, 1991).

S’il faut « dire le faire », il faut donc aussi dire avant de faire pour rassembler les acteurs, car l’action publique locale implique le partenariat pour plusieurs raisons. D’une part, pour se légitimer dans un contexte où la notion d’intérêt général supérieur n’y suffit plus. D’autre part, pour répondre aux nouveaux enjeux : ceux du développement économique mais aussi d’une demande sociale s’exprimant sous la forme transversale de problèmes « vécus » (tels que l’emploi, la qualité de vie, la sécurité…) qui mobilisent des responsabilités et des domaines pluriels ; et enfin ceux de la gestion urbaine, devenue problématique centrale de l’aménagement après la phase d’urbanisation. Cette gestion des productions antérieures peut s’avérer aussi coûteuse que leur réalisation subventionnée par l’Etat, dans le contexte d’une expression des besoins qui appelle des réponses moins normalisées et plus réversibles que les équipements en question, et où les probabilités de contentieux sont importantes.

Ces approches nouvelles nécessitent le recours à des compétences externes, car ils conduisent à l’usage d’instruments dont les entreprises privées sont plus familières, parmi lesquels l’exercice prospectif86. Avec leurs ressources financières et techniques limitées, les collectivités locales

86 Pour Michel GODET (2001), cet exercice indispensable à la mobilisation des acteurs dans le cadre du développement local est directement importé de l’entreprise : les ateliers de prospective participative et stratégique, auxquels collaborent « les forces vives », permettent d’identifier et de hiérarchiser en commun les principaux enjeux du futur pour le territoire comme pour une entreprise.

doivent donc avoir recours au partenariat, qu’il s’agisse du secteur privé ou des autres échelons publics, et développer une pratique de « management » envers ces différents acteurs.

2-2, 2 a) La construction collective de l’intérêt général et ses conséquences sur l’action publique

-Le discrédit de la logique de répartition d’équipements normés

La notion fédératrice d'intérêt général a largement évolué. La conception « substantialiste » sur laquelle s’appuyait l’aménagement a laissé place à celle, plus pragmatique, qui l'assimile à l'intérêt collectif, dépassant les intérêts particuliers sans les transcender. Autrefois du seul ressort de l’Etat, qui négociait et tranchait entre les optimums sectoriels, son énonciation doit être partagée. La négociation n’intervient donc plus en bout de course, elle est constitutive de la construction « empirique » de cet intérêt qui résulte de la confrontation des positions. La remise en cause de la prééminence d’un intérêt général détenu par l’échelon supérieur de la puissance publique engendre une certaine dilution de la légitimité, et chaque acteur peut revendiquer une participation à la définition des objectifs d’intérêt commun. La multiplication des recours en justice dans le domaine de l’urbanisme est le corollaire de ce transfert de l’arbitrage vers les circuits juridiques dans cette confrontation des droits de chacun (F. BARAIZE, 1996).

Au brouillage du statut des acteurs, tous susceptibles de représenter à leur niveau une dimension de l’intérêt commun, s’ajoute le brouillage de la conduite technique d’un projet : il devient difficile de se référer à une démarche préétablie et optimisée, quitte à ajouter des critères supplémentaires pour enrichir la démarche lorsqu’un dysfonctionnement pousse à intégrer un nouveau paramètre et à redéfinir la conciliation optimale de l’ensemble. « C’est par exemple selon cette démarche que les préoccupations de l’environnement ont été initialement introduites dans l’aménagement, par la forme concrète des études d’impact et des mesures compensatoires. Les nouvelles conditions de la négociation et la disparition de l’intérêt général comme référence consensuelle mettent en cause le principe même de la démarche d’optimisation, car elles rendent impossible la prédétermination et la hiérarchisation des critères. » (Ibid.).

Cette production de consensus n’est jamais acquise puisqu’elle n’est plus déterminée par la notion d’intérêt général : sa construction est itérative et les différentes valeurs des intervenants modifient la hiérarchie des critères au fur et à mesure de l’élaboration du projet. Le processus décisionnel apparaît désordonné. La rationalité du calcul économique permettant d’évaluer l’intérêt de la réalisation d’une infrastructure apparaît insuffisante.

L’extension du champ d’intervention des pouvoirs publics et l’analyse des politiques conduisent à une fragmentation des publics visés, des besoins et des intérêts. Leur ajustement est délicat

voire impossible, en tous cas il ne peut être relié avec « l’affirmation d’une justification légitime susceptible de s’imposer à tous » (P.DURAN, 1999). Intérêts et besoins ne sont pas « universalisables ». Leur expression correspond par ailleurs de moins en moins aux scènes publiques institutionnelles, même décentralisées.

-Les formes de la négociation

La production de consensus ou de compromis est donc une des nécessités fortes du gouvernement des territoires, dans un contexte où le statut des acteurs -publics ou privés- n’apparaît plus comme suffisant à distinguer leurs pratiques. En cela, le développement du « partenariat public-privé », qui se fait depuis les années quatre-vingts sous des formes plus élaborées et plus systématiques que les systèmes originels des S.E.M ou des Z.A.C, se caractérise bien par « le principe d’association et de partage : pour la définition des objectifs, pour les "bénéfices" et pour les risques. » (F. ASCHER, 1994). Il ne s’agit pas de la commande publique d’une prestation à un acteur privé. La réalisation de la plupart des autoroutes françaises relève de ce schéma, qui associe l’Etat à des sociétés privées intervenant pour une part déterminante dans le financement, la réalisation et la gestion. Avec l’A 14 en Ile-de-France, c’est le territoire de la ville qu’investit la formule, jusqu’alors réservée à l’interurbain (ibid.). De même, les relations entre autorités organisatrices des transports et entreprises exploitantes ont évolué au profit de contrats moins prédéfinis juridiquement, d’une définition conjointe des risques et des objectifs87 (J-M. OFFNER, C. LEFEVRE, 1990).

Mais ce partenariat public-privé est essentiellement le fait des grandes villes et des grandes entreprises (F. ASCHER, 1994). L’intégration d’autres acteurs et d’autres critères dans une démarche de réévaluation permanente des objectifs et moyens reste en France limitée : l’accès aux circuits de la décision demeure hiérarchisé (P. MULLER, 1990). Les expériences de transport « semi-collectif », qui retrouvent une certaine vigueur dans ce contexte idéologique partenarial, restent de l’ordre de l’événementiel. Dans le périurbain rennais, le transport à la demande, en tant que démarche sociale, repose uniquement sur une volonté politique (coûteuse) qui conduit la puissance publique à s’interroger sur la réduction de son propre champ d’action plutôt que sur son interaction possible avec celui du privé88. Cependant, ce dispositif prend

87 Le contrat qui lie Rennes Métropole à son transporteur, la S.T.U.R, prévoit ainsi, à partir d’un accord sur la fréquentation attendue, que les fluctuations positives ou négatives autour du seuil prévu excédant 10% seront à la charge ou au bénéfice de l’A.O (Entretien M. Christophe Hazo, responsable des Etudes déplacements).

88 La question étant celle de la légitimité d’une solution publique institutionnalisée quand les solidarités informelles ou associatives « ne marchent pas si mal ». Surtout : « est-ce que la collectivité, non pas la collectivité, est-ce que les habitants sont prêts à payer plus ? » « Problèmes d’environnement » et services aux personnes auraient conduit la fiscalité locale périurbaine « aux limites du supportable » (Entretien avec M. le maire de Montauban-de-Bretagne).

davantage de valeur pour la puissance publique en tant que matérialisation de son projet territorial qu’en tant que réponse sociale, comme nous le verrons.

Du côté de l’expertise, les méthodes d’évaluation peinent à s’adapter à la désormais « difficile quantification de l’intérêt général » en intégrant de multiples critères comme les coûts sociaux. (J-M. OFFNER, C. LEFEVRE, 1990).

Les conflits qui éclatent à propos de la réalisation d’infrastructures ont connu ainsi une vigueur nouvelle dans les années quatre-vingt-dix (V. CATHERIN-GAMON, 2002) : les pratiques de l’administration de l’Equipement sont en cause, qui prennent insuffisamment en compte les aspirations sociales nouvelles, ainsi que l’inertie d’une conception de l’action publique comme apportant à un problème de transport une solution concrète -l’infrastructure- qui matérialise l’intérêt général. Mais c’est aussi la difficulté à encadrer juridiquement la participation du public qui se pose, malgré les avancées dans ce domaine. La controverse sort des canaux institutionnalisés. Et cette difficulté ne concerne pas que l’Etat. Si les élus locaux sont parfois du côté de la contestation, s’organisant eux-mêmes en associations, les conflits d’aménagement peuvent remettre en cause leurs propres projets, ou des projets qu’ils soutiennent activement. Dans le contexte de notre terrain d’études, l’activisme associatif des maires vise à favoriser la réalisation d’infrastructures, tandis que ces perspectives suscitent l’émergence de plusieurs courants organisés de contestation. S’ouvre alors un cycle de discussions informelles avec leurs représentants, d’actions de blocage des opérations (comme la plantation de haies bocagères sur un tracé envisagé). Dans ce cycle de négociation, l’élu local joue un rôle premier.

En effet, devenu aménageur avec la décentralisation, il constitue, avant l’éventuel recours juridique, un interlocuteur direct et privilégié. La décentralisation a changé le contexte de l’action associative. Lors d’expériences concrètes et localisées d’aménagement, des règles nouvelles de prise de décision et de négociation peuvent être mises en place (D. FLEURY, 1998), tandis que les procédures officielles de concertation se développent. Mais elles demeurent formelles ; la négociation est une pratique qui s’effectue en marge de ces circuits, et son poids est difficile à institutionnaliser. C’est indirectement que les oppositions de la société civile pèsent, par le biais du contentieux, sur le contenu des programmes opérationnels, des documents d’urbanisme, et même du choix de procédures plus « douces » (D. BEHAR, 1997). L’atonie des mouvements sociaux par rapport à la période emblématique des années soixante-dix pourrait-elle dès lors être relayée par une nouvelle forme « d’expression du social » par le contentieux (ibid.) ? Cette influence est toutefois ponctuelle, et le débat public plus large a peu de moyens concrets. La culture de la concertation reste à produire : face à ce que Véronique Catherin-Gamon (2002) nomme les « dysfonctionnements de l’action publique », la controverse réelle, celle qui porte sur les questions de fond en remettant en question les argumentations

techniques, la justification, la représentativité des porte-parole d’un projet public, reste informelle. Elle se déploie notamment autour des grands projets d’infrastructures, les « controverses publiques » mettant en avant la dimension politique du choix d’aménagement et le décalage de cette politique avec les aspirations sociales, soulignant la définition toujours sectorielle des choix sans vision d’ensemble, quand le développement durable appelle la multimodalité (ibid.). Mais le décalage est important entre « la place prise dans les grands débats publics par les investissements nationaux -qu’il s’agisse du T.G.V ou des autoroutes- et la réalité de la répartition des efforts financiers puisque 41% de l’effort total d’investissement de la nation dans le domaine des transports sont consacrés par les collectivités territoriales aux réseaux locaux de voirie. » (B. FAIVRE D’ARCIER, 1994).

La crise du « référentiel » de la politique nationale des transports est néanmoins tangible. La méthode fait défaut pour substituer aux études d’impact ponctuelles des études de suivi enrichissant le processus de décision, tandis que l’intégration de la société civile à la décision politique demeure très imparfaite.

Ce qui s’impose cependant dans l’analyse du processus de décision est que sa rationalité, autrefois légitimée par l’intérêt général, est « limitée » (et parfois contestée). L’impossibilité de maîtriser toutes les variables conduit le décideur à privilégier les procédures au détriment d’objectifs difficiles à fixer définitivement, à n’envisager les solutions qu’en fonction des solutions disponibles, étant porteur d’une solution a priori qu’il va essayer de placer à l’occasion de l’émergence d’un problème (P. MULLER, 1990).

2-2, 2 b) Le contrat : la procédure avant le contenu

L’action publique apparaît néanmoins coproduite aux différents échelons de la puissance publique. La procédure de contractualisation ne date pas de la décentralisation puisque c’est dans la décennie précédente que son usage a correspondu aux prémices de la redéfinition par l’Etat de son engagement et de son rôle dans la planification spatiale. Elle est devenue en revanche un pilier de l’action publique décentralisée, les compétences étant plus partagées que réparties (S. BIAREZ, 1993). Nécessaire, elle est aussi perçue comme un ferment de rénovation, en développant l’application localisée, territorialisée des objectifs : les procédures contractuelles offrent des cadres souples qui fournissent des occasions de différenciation aux villes « stratèges ».

Les contrats de villes moyennes, politique officialisée en 1974 à partir d’expériences « pilotes », illustrent ces inflexions décrites par J-P. Gaudin (1997) : « empirique et peu solennel », le processus prime sur les principes et sur la définition du contenu comme du contenant, qui reste très ouverte. Il s’agit d’améliorer « à court terme les conditions de vie dans ces villes », dont la fourchette démographique n’est pas précisée. En pratique, les actions ont porté très majoritairement sur les centres-villes : piétonnisation de rues commerçantes, réalisation de parkings, équipements polyfonctionnels… L’ « esprit nouveau » réside corrélativement dans l’abandon des grilles classiques pour un projet d’aménagement inséré dans l’existant, et dans le report sur le tissu central, riche justement d’opportunités de valorisation du bâti initial.

La formule contractuelle, dont la souplesse doit permettre une articulation ad hoc entre usages et aménagements, entre contenant et contenu, s’impose par la suite dans de nombreux secteurs d’intervention publique. Objectifs et moyens de réalisation sont conjoints. La contractualisation des politiques d’Etat conduit donc à une coproduction avec le niveau local, à une articulation avec ce qui existe sur le terrain, dans sa dimension physique mais également sociale (« Habitat et Vie sociale », Développement social des Quartiers, Opérations programmées d’Amélioration de l’Habitat… ). Cette articulation passe aussi par la négociation avec des organismes variés et des acteurs de droit privé, qui sont constitués en interlocuteurs représentant ce milieu local préexistant à l’action.

De ponctuelle et expérimentale, la contractualisation devient après la décentralisation une procédure incontournable : la répartition des compétences et des ressources correspondantes incite au développement de complémentarités. La contractualisation est le corollaire du principe d’autonomie fonctionnelle des niveaux de l’action publique. Dans le système politique français, décrit sous la forme de l’emboîtement des niveaux décisionnels et de la superposition des aires de compétences, la multiplication des centres de décision et l’existence d’une réelle décentralisation en France ont en effet suscité de plus en plus le besoin d’accords entre « niveaux de pouvoir » (M. BASLE, 2000). Et si l’Etat reste « le poids lourd politiquement, administrativement et financièrement », « (…) chacun observe qu’on trouve aujourd’hui en Europe des actions qui ont quelque chose de singulier dans le paysage des politiques publiques : il s’agit de ces actions publiques qui sont complexes parce que contractualisées, polycentriques, polyarchiques, partenariales, associatives ou coopératives. » (Ibid.).

Dominique Lorrain (1993) qualifie en conséquence le nouveau modèle d’action locale de « urbain, contractuel et décentralisé. » Avec la procédure de contrat, les partenaires impliqués ne

s’inscrivent plus dans une relation hiérarchique administrative définie a priori : ils s’engagent selon des modalités qu’ils définissent librement. « (…) les politiques sont le produit de deux parties libres et indépendantes, au sens du droit commercial, de sorte que les partenaires comme le contenu du contrat peuvent évoluer selon les situations. » Les partenaires sont multiples, comme les configurations qui les rassemblent. L’acteur pivot varie : la grande ville, la région, le département… L’aménagement (ou le développement…) du territoire cesse d’être le domaine réservé de l’Etat ; les régions collaborent avec l’échelon central ; les communes peuvent de leur côté élaborer des chartes intercommunales de développement et d’aménagement, en définissant les modalités de la concertation avec l’Etat, le département et région, les organismes professionnels…

La répartition des compétences est fréquemment transgressée et chaque niveau érige « son » projet de territoire. La recomposition des rôles entre institutions locales débouche sur une grande variabilité des situations. Les « rênes locales » sont tenues par des mains différentes selon le domaine de la politique exercée (D. BEHAR, P. ESTEBE, 2000). Communes et départements, échelons parfois considérés comme obsolètes, ne sont nullement évacués de ce jeu. « Seul l'examen de la situation locale, du rapport de forces politiques, des capacités d'initiative de chacune [des institutions] permet d'identifier le leadership local dans tel ou tel domaine. » (Ibid.). « Du point de vue des systèmes institutionnels, la France est entrée dans quelque chose de neuf que l’on peut appeler l’action publique flexible. » (D. LORRAIN, 1993). Que signifie cette flexibilité pour les territoires et quels sont les périmètres de sa territorialisation ?

2-2, 2 c) Territoires et mises sur l’agenda « à la carte »

Dans le long processus de gestation de la décentralisation, l’action des responsables locaux a contribué à transformer les relations entre l’Etat et l’échelon local, pour substituer à la hiérarchie des formes d’association de partenaires. Si les aspects de rupture avec la situation précédente ne doivent pas être surévalués, les conditions d’élaboration et de mise en œuvre des politiques publiques sont réellement modifiées. Les décisions des assemblées locales ne sont plus soumises a priori à la tutelle du préfet, une partie du pouvoir exécutif de celui-ci revient aux présidents des Conseils général et régional. Ce changement peut se caractériser par une forme de brouillage : les compétences sont partagées et non réparties (S. BIAREZ, 1993).

En fonction du contexte local, le leadership territorial se structure dès lors de façon relativement spécifique (R. BALME, A. FAURE, 2000). Le territoire s’impose sous la forme des « issues

areas » (P. DURAN, J-C. THOENIG, 1996) : l’émergence de tel problème sur le calendrier politique local engendre une configuration particulière des acteurs concernés et la délimitation d’un territoire spécifique de résolution. Il s’agit de territoires abstraits et construits, ainsi que l’exprime Pierre Muller (1990) : « Le territoire d’aujourd’hui, celui de la décentralisation, des technopoles et des plans d’aménagement rural est un territoire abstrait et construit par l’action d’élites locales intermédiaires mettant en œuvre des politiques publiques régionales, départementales et communales. La cohérence de cet espace constitué de multiples réseaux économiques, institutionnels, corporatifs, associatifs est problématique : elle doit être construite, médiatisée. »

Gilles Massardier (2003) évoque quant à lui des territoires « à la carte », c’est-à-dire composés et recomposés selon les logiques « actionnistes » des acteurs locaux. « L’utilisation des ressources s’opère sur un territoire dont la définition correspond à celle des projets de politiques publiques qui mobilisent les acteurs. » Ces territoires construits par l’action concertée peuvent se fragmenter ou s’agréger au gré de ces échanges entre acteurs (G. MASSARDIER, 2003).

Sur ces territoires composés, la puissance publique pour sa part développe une « légitimité d’initiative » sortant de plus en plus souvent du champ réglementaire. « L’important n’est plus de dresser des diagnostics, de réaliser des études ou de réfléchir encore à l’avenir mais d’agir, de faire, de montrer, d’innover. Ainsi, peu à peu, une nouvelle forme de légitimité est-elle en train de s’installer : la légitimité d’initiative. » (F. GOUX-BAUDIMENT, 2002).

C’est donc également la prépondérance des agendas locaux, souvent actifs, qui s’impose dans la gestion décentralisée. Le principe des « blocs de compétence », adopté lors de la décentralisation, devait éviter toute tutelle d’une collectivité sur une autre et inscrire une partition nette des rôles entre chaque niveau. Les élus locaux ont cependant poussé à l’adoption d’une clause de « compétence générale », qui permet aux collectivités de se saisir d’un problème quel qu’il soit s’il met en jeu leur intérêt (P. DURAN, 1999). Les politiques locales se définissent non en fonction de la répartition des compétences, de plus en plus transgressée, mais en fonction de l’agenda politique local.

Le traitement des problèmes publics est donc en partie conditionné par les initiatives locales. L’administration centrale, qui contrôlait leur inscription sur l’agenda politique national, n’est