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1-3, 3 L’aspect environnemental : ville durable ou ville paysage ?

Le développement durable a fait depuis le début des années quatre-vingt-dix une apparition controversée dans la plupart des discours sur la ville. Si la notion reste floue, elle se démarque plus nettement de l’écologie urbaine, de son approche « naturalisante » et des critiques qui ont pu lui être adressées73. La notion se veut intégratrice : il ne s’agit pas d’ériger un état naturel en norme mais d’appréhender globalement les enjeux économique, social et environnemental en prenant en compte des solidarités exprimées à l'échelle planétaire, sur le temps long. Cette prise en compte doit déterminer des actions à tous les niveaux y compris le plus local. Depuis le rapport Bruntland (publié en 1987 par la commission de l'O.N.U pour l'Environnement), il a été décrété que la ville était l'un de ces niveaux, et le développement urbain s'est vu lui aussi réévalué à l'aune de la durabilité : l'action au niveau urbain, la recherche d'un « développement urbain durable » sont donc considérées comme pertinentes, l'équilibre du tout (la planète) impliquant l'équilibre propre de chacune des parties que sont les villes. Les préoccupations du « développement durable » rejoignent celles de la pensée urbanistique, en renouvelant le cadre problématique de la gestion de la croissance urbaine.

Cependant, en termes d’aménagement, le référent reste à stabiliser. Les considérations écologiques ont pu successivement inspirer des plaidoyers pour la dédensification, puis pour la ville dense (C. EMELIANOFF, J. THEYS, 2000). L’articulation des échelles en vue d’un même objectif de durabilité, la validité des expertises sont contestées (O. GODARD, 1999). Les savoirs

73 L'approche de la ville comme écosystème procède d’un transfert de concepts scientifiques suspecté de nier la dimension artificielle de la ville et de légitimer la définition politique de normes à partir de mesures qui se donnent pour objectives, en masquant la dimension de choix. L’autorité prend ses responsabilités vis-à-vis d'un contexte dans lequel elle s'inscrit sans prétendre le changer mais au contraire le préserver. La réglementation se légitime d'elle- même parce qu'elle entérine l'état naturel et l'action politique n'accomplit à son égard qu'une sorte de maïeutique. C'est en fait un « devoir être » imposé aux populations qui rejoint dans son occultation des motifs politiques (gérer une communauté humaine avant un écosystème) larhétorique de l'urbaniste ou de l'architecte qui prétendent libérer l'individu des contraintes alors qu'ils matérialisent la dimension collective (qu'elle soit justifiable ou non) de ces contraintes.

objectifs sur les milieux (flux, équilibres, conditions de régulation…) ou sur les déterminants du bien-être humain (santé, besoins matériels de consommation…) ne suffisent pas à fonder les objectifs de développement soutenable et à ériger des normes adaptées à l’analyse d’un milieu aussi culturel et peu naturel que la ville. Cette dernière (comme l’ont montré entre autres les recherches sur la mobilité) ne peut plus être appréhendée par des ordres de grandeur qui conserveraient leur pertinence sur l'intégralité du milieu concerné, exerçant une influence sur le comportement de tout individu y évoluant (telle vitesse, telle longueur du déplacement, telle densité… ).

La difficulté de mettre en cohérence les niveaux de l’action fait de la ville durable, en attendant la définition d’outils plus précis, une problématique très globale (organisationnelle) ou très locale qui s’apparente à celle du paysage.

1-3, 3 a) Travailler ensemble différemment

Pour le moment, l’apport essentiel du développement durable est là encore un changement de paradigme, dont les modalités d’influence sur l’action restent ouvertes. La ville créatrice de richesses ne procède plus d'une représentation de la croissance comme intégralement bénéfique. Dès lors qu’on « solidarise » différentes échelles spatiales et temporelles, les effets négatifs apparaissent. Le souci des caractéristiques locales (aucun modèle d’organisation n’apparaît comme intégralement « exportable ») côtoie le souci des effets globaux d’actions localisées (la pollution générée par les activités urbaines a des répercussions planétaires). Il faut ici souligner que la durabilité des modes de déplacements est une question qui émerge en Europe d’abord sous une forme environnementale qui dépasse la ville74. Et si la ville apparaît comme un niveau d’action à la fois aux plans local et global, c’est à des objectifs localisés que répondent prioritairement les actions locales.

Le développement durable affirme que la ville est un choix qui doit être débattu collectivement (C. EMELIANOFF, J. THEYS, 2000) ; l’enjeu est ici politique et organisationnel, et le développement durable est désormais lié à la problématique de la

74 Pour Philippe Roqueplo (1988), le problème de la pollution automobile est d’abord posé comme une question médicale et urbaine aux Etats-Unis, tandis qu’en Europe, le pot catalytique est imposé quelques années plus tard pour préserver les forêts du dépérissement. François Ascher (1999) distingue également les problématisations américaine et européenne du débat sur les transports : dans le premier cas, la question est plus politique qu’environnementale et repose sur une inquiétude relative aux injustices sociales, aux retombées négatives sur le plan économique, à la fragmentation communautaire et politique de la ville. La dimension des nuisances environnementales prime en revanche en Europe. Cependant, avec l’ « urbanisation » de la question de la durabilité, les mêmes problématiques de solidarité entre territoires sont mises en avant.

gouvernance, à l’invention de nouvelles formes de démocratie locale (N. SOUGAREVA, N. HOLEC, 2002).

Pour le moment, ces nouvelles formes sont surtout celles du dynamisme de certaines collectivités locales qui revendiquent leur capacité d'action sur le thème environnemental. Pour souscrire aux critères de durabilité, la planification locale a des objectifs modestes75 : à Rennes, le dispositif consiste à évaluer l'impact des politiques urbaines en termes énergétiques et en termes d’environnement urbain par le biais de deux indicateurs, le premier portant sur les consommations de la municipalité, le second ne faisant pas l’objet de précision. De fait, la notion d’environnement urbain est problématique, qui peut conduire à valoriser la densité ou à la stigmatiser.

Mais le modèle de ville durable, avec ses contradictions à la fois anciennes et réactualisées, s’affirme tout de même suffisamment pour renouveler le référentiel de l’aménagement

1-3, 3 b) Un modèle d’organisation spatiale avec ses contradictions

S’érigeant contre le modèle de la ville éclatée, cherchant à éviter que la ville agglomérée ne fasse fuir au profit du périurbain, le modèle de la ville durable valorise le patrimoine collectif du « vivre ensemble » tel qu’il se présente dans la ville dense. « Cette ville existe et a son modèle, d’origine rhénane : compacité sans étouffement, valorisation du patrimoine hérité et de la nature au sein de la ville, économie d’espace et distances réduites, limitations apportées au libre usage de la voiture en centre-ville, large utilisation des modes de transport alternatifs à la voiture (…) grâce à des aménagements appropriés. » (F. BEAUCIRE, J. LE BRETON, 2000).

Le modèle rhénan présenté par Alain Bieber, Marie-Hélène Massot et Jean-Pierre Orfeuil (1993) se caractérise par l’absence du zonage monofonctionnel, la mixité des fonctions stabilisant l’accroissement des distances à parcourir.

La configuration de l'urbanisation rennaise est par certains aspects assimilable à ce modèle. André Sauvage, Agnès Lemoine et Stéphane Chevrier (2002) parlent même de modèle « rennais- rhénan ». Ses caractéristiques spatiales (« satellites » périphériques importants au milieu d’une ceinture verte bien préservée) et organisationnelles (forte intercommunalité, politiques volontaristes) permettent d’envisager une structuration vers la ville polynucléaire (re)constituée autour d’un réseau de pôles recréant des espaces de « proximité ». Les évolutions vont partiellement dans ce sens : densification de la couronne périurbaine, mais également du pôle

75 Cf. Villes et développement durable. Des expériences à partager, deuxième recueil, cedidelp / FPH / Dph / 4D, Ministère de l'écologie et du développement durable, février 1999.

urbain ; amélioration de la desserte en direction du périurbain par T.E.R et cars, desserte conséquente bien qu'en étoile exclusivement) ; résistance relative des campagnes…

Pourtant, les évolutions de la mobilité semblent suivre et rattraper la tendance nationale (notamment dans l’usage massif du véhicule particulier), dessinant un modèle de mobilité urbaine et périurbaine qui s’imposerait aux conditions locales d’aménagement. Le développement des transports en commun est fortement concentré sur la partie agglomérée, dessinant quant à lui un modèle de politique locale déterminée par d’autres logiques que celle du développement durable. Avant même la mise en service du VAL, qui renforce cette concentration, 85% des voyages en transport collectif concernaient la partie agglomérée (Rennes et les quatre communes environnantes) (J-L. DOUCET, 2002).

Si les politiques locales ont intégré le thème environnemental, c’est principalement sous une forme réifiée.

1-3, 3 c) Le paysage urbain

Le « paysage urbain » est une formule dont l'usage s’est développé de façon plus ou moins concomitante à celui de « développement durable ». De fait, les deux termes participent d'une certaine forme d'approche environnementale. La référence à ce terme dans le champ des réflexions urbanistiques est donc susceptible de témoigner d'une évolution plus générale et doit être étudiée dans ce sens. Pour beaucoup de spécialistes, il fonde une nouvelle approche de l’aménagement, en réhabilitant le lieu par rapport au flux, en dépassant la fonctionnalité (de l'espace et des réseaux) pour garantir l'identité urbaine. L’approche paysagère unifie la ville, renvoyant aux nouvelles ambitions de la composition urbaine de renouer avec le site en tenant compte de la dimension de la perception. Mais cette évolution peut prendre, dans le contexte d’un urbanisme aux moyens et ambitions modestes, la signification opposée à celle d’une rupture permettant de refonder l’action.

Le paysage défini comme l’ « étendue de pays que l'on embrasse d'un seul coup d'œil », est l'expression immédiatement visible du milieu, l'apparence sous laquelle il se donne à voir d'emblée, quand le territoire est construction. La notion de « paysage urbain » n'a pas le même statut que celle de « cadre urbain ». Elle a quelque chose d'importé par rapport au champ de travail qui est celui de l'urbaniste et n’est pas tout à fait du même ordre que la « composition », « l'embellissement » ou « l'esthétique ». Un cadre se construit (ex nihilo éventuellement, ou à partir du remodelage de l'existant) ; il accueille ou matérialise le mode de fonctionnement d'une société. Le paysage, s'il n'est pas totalement dissociable de ces données, possède une autonomie et offre une lecture plus immédiate. Les interventions dont il fait l'objet ne visent pas à le

transformer mais à renforcer son caractère premier, indépendant de son façonnement et beaucoup plus atemporel. Les façades de la ville renvoient à des usages, le paysage à un regard.

Le mouvement de périurbanisation a réintroduit le paysage dans son aspect statique au cœur de la réflexion sur la qualité de vie. La notion de paysage présente les mêmes ambiguïtés que celle de la qualité de vie urbaine en présupposant l’existence à révéler de ce qui est construction, en « substantifiant » la ville. Elle est aussi en relation avec l'émergence du marketing urbain, qui cherche à utiliser l'image.

L’attention au paysage ne débouche pas forcément sur une naturalisation de l’urbain neutralisant l’intervention, et que l’urbaniste travaille avec le paysagiste est très positif. Il peut enrichir sa connaissance des processus de dépréciation ou de valorisation des espaces, sa connaissance de la demande sociale -sans réduire son ambition à se soumettre totalement aux signes les plus perceptibles qu’elle offre, et qui banalisent la production immobilière. Paysage et modes de vie developpent des relations réciproques ; le paysage devient un acteur et non un résultat. Il influe sur la valeur d'usage. Dans cette perspective, l’architecture du transitoire évoquée par les recherches sur « la ville émergente », architecture qui trouve grâce aux yeux des usagers qui la fréquentent, séduits par le spectacle coloré et changeant des enseignes qui est le signe de la valeur économique du site, peut aussi être considérée comme paysage et faire l’objet d’une autre approche.

Cependant, en ce qui concerne le réseau et dans la logique de reconquête patrimoniale de certains territoires, le paysage se donne à voir plus qu’à utiliser. Il devient abstraction au même titre que le réseau viaire. Les « entrailles » de son fonctionnement y sont cachées. On peut même considérer que c’est à l’aune de l’effort réalisé pour les dissimuler qu’est produite sa valeur. Dans cette perspective, on comprend mieux l’énergie -surprenante au premier abord- déployée par les maires de très petites communes périurbaines pour enfouir les réseaux électriques. Le métro dans un centre historique prend aussi un autre visage, un transport de surface n’étant valable qu’au prix d’une intégration paysagère poussée, d’un geste architectural. L’erreur des villes nouvelles est peut-être aussi d’avoir érigé le transport en commun comme ossature des territoires de l’urbanité sans réussir à en faire autre chose qu’un ruban goudronné.

C’est là encore la problématique d’un dialogue difficile entre logiques professionnelles (routière et urbanistique) et entre acteurs institutionnels (Etat ou département et communes) qui compromet l’insertion dynamique de la voie dans le tissu existant et à venir. Les débats entre élus et maître d’ouvrage sont imprégnés de la distinction entre espaces d’identité valorisable (dans lesquels il faut éviter la coupure) et espaces d’emblée dépréciés (dans lesquels il n’est pas

légitime de parler de coupure) : « [cette distinction] prend racine, de manière latente, dans une hiérarchie des espaces en fonction de laquelle il devient "secondaire", pour reprendre l’expression d’un directeur de la D.D.E, de couper des espaces dépréciés, précisément parce qu’ils le sont déjà. » (F. ENEL, 1995).

En conséquence, la réappropriation par les élus locaux de ces territoires dépréciés dans le cadre d’un projet de territoire ne peut se faire qu’à l’occasion d’une rupture avec cette situation d’inertie du modèle prévalent (changement de maire, changement de majorité gouvernementale ou départementale, mobilisation des riverains) ; et qu’à minima : c’est en général sur le seul critère du bruit que le maire, contraint à se situer à un niveau inférieur d’objectif, peut remettre sur la table des discussions l’aménagement d’un projet viaire qui s’est édifié en opposant intérêt général et intérêt local (ibid.). La problématique de l’environnement urbain est réduite et contrainte par son instrumentalisation dans le jeu des acteurs.

Les changements en cours durant les années soixante-dix apparaissaient porteurs d’une rupture aussi nécessaire que prometteuse : « Au futur proche, les principaux acteurs seront les collectivités locales restructurées et leurs usagers, dans le cadre de procédures et de méthodes démocratiques et opérationnelles (…). Le terme d'aménagement retrouvera son unité de signification, au point qu'environnement, urbanisme et architecture deviendront indissociables. La notion de périmètre s'estompera au profit d'une gestion globale » (L. DE SEGONZAC et al., 1975). Les césures entre Etat et collectivités locales, pouvoirs publics et population, occupation du sol et usage-gestion de l'espace, entre urbanisme et architecture, entre construction et architecture, entre aménagement et usagers seront abolies.

Mais le futur n’était pas si proche. Globalité et transversalité des approches restent à conquérir. l’environnement urbain ou le cadre de vie renvoient à une échelle locale. Cependant, avec la prise en compte de la périurbanisation et la construction du phénomène en problématique, l’aménagement est autorisé à reposer ses questions traditionnelles liées à la répartition harmonieuse des hommes et des fonctions dans l'espace. La ville durable n’est pas la ville- environnement en ce qu’elle suppose plus que la préservation d’un équilibre, et ne se laisse pas appréhender par des indicateurs homogènes, des dimensions caractérisant sur toute sa surface un milieu. Elle propose de chercher des solutions aux antagonismes qui posent problème à l’aménagement local : comme par exemple, celui qui peut opposer l’accessibilité à l’environnement, ou la concentration et la mixité fonctionnelle au développement durable si elles conduisent les ménages à s’excentrer.

C'est à la lumière de ce nouveau paradigme de la ville, aux exigences duquel la périurbanisation ne répond pas, que l'action est aujourd'hui envisagée. L’espace périurbain interroge la pensée et l’action sur la ville en compromettant la répartition rationnelle des populations, activités et fonctions. Le phénomène est désormais perçu comme désolidarisé de la dynamique de croissance : il n'est pas fondamentalement la traduction spatiale de l'expansion économique, de l'expansion démographique, celle de la production de biens ou celle de la classe moyenne (J. BRUN, 1985). La production scientifique sur la périurbanisation, si elle amende un point de vue initial réducteur, ouvre une voie à l'intervention en passant de la critique des formes produites à l'étude du fonctionnement original de ces espaces. En poussant l’analyse dans le sens d’un système de contraintes s’imposant à l’individu, l'action de la puissance publique est relégitimée dans son principe. Sur la forme qu’elle doit prendre, La difficulté d’action réside dans la perte de sens, ou plutôt la redéfinition qui affecte la notion même de puissance publique, et donc son action. Le référentiel de l’aménagement a donc changé. Cependant, le modèle de ville durable est encore davantage un modèle d'organisation de l’action que d'urbanisation. Il s'agit de retrouver un arbitrage fondamentalement politique entre intérêts individuels et collectif, dans un contexte de remise en cause de l'intérêt général substantialiste. Avant de répondre à la question « comment faire la ville ? », qui ne suffit plus à problématiser l’aménagement, c’est celle de « qui fait la ville et pour qui ? » qui se pose (A. HAYOT, 1993).

Les objectifs d’une politique de mobilité sont ainsi clairement fixés au niveau central : limiter l’usage de l’automobile dans le contexte urbain76. Mais pour comprendre les obstacles au « passage à l’acte local », il faut se pencher sur la refonte des présupposés et des moyens de la planification dans le nouveau contexte de décentralisation et de crise économique. Pourquoi l’action publique locale tend-elle à s’incarner dans la réalisation d’ « équipements-projets » (J- M. OFFNER, 2001), dans des lieux très circonscrits, sur un mode introduisant avec les procédés des années soixante-dix une rupture parfois réduite ?

Les exigences performentielles qui lui sont assignées prennent forme sur le terrain en fonction de la mobilisation des acteurs publics (et éventuellement privés) et de leurs stratégies territoriales.

Chapitre 2

Du modèle à l'action: objectifs et modalités de l'aménagement

« L'urbanisme comme l'aménagement sont interventions volontaires, donc praxis (c'est-à-dire action). Ils sont aussi une pratique, c'est-à-dire exercice d'application, d'exécution, manière de faire, usage, confrontation aux réalités, hésitation, d'où naît l'expérience plus que la connaissance. » (F. CHOAY, P. MERLIN, 1996).

Au-delà d'une théorie du système global de la ville, l'aménagement urbain est aussi une théorie des modalités et des objets de l'intervention, et une pratique qui génère dans son déroulement même des obstacles et des limites, se nourrit d’une démarche réflexive. Plus généralement, l’action est issue d’un « inévitable bricolage, d’un "art de se débrouiller" bien loin d’être la science en acte. (…). L’action publique comme toute action n’est jamais pure application de schèmes de pensée, elle reste toujours et sans surprise conditionnée par un tissu social qui lui préexiste. » (P. DURAN, 1999).

L’aménagement, en organisant l’espace, traite l’organisation sociale sans pouvoir soit la déterminer aussi intégralement qu’il a pu le souhaiter, soit définir des formes qui lui correspondent idéalement. Dans ce dialogue incessant, ses fondements ne peuvent être scientifiques et universels, ils sont contextualisés et médiatisés par des problématiques politiques. Quant aux représentations de la ville et de la mobilité, elles s’inscrivent dans « un système plus général de représentations qui va de l’espace concret à l’interprétation générale du monde » et conditionnent l’organisation d’une société sur son territoire (M. RONCAYOLO, 1990).

Sans prétendre balayer ce champ immense des rapports anthropologiques et sociaux à l’espace, il faut replacer, pour parler de politique publique, l’aménagement dans le contexte des références qui guident l’action publique sur l’espace. Dans une société moderne « auto-référentielle77 », et fondamentalement régulée, affranchie de nombreuses contraintes directes, ces références ne s’imposent pas, elles sont construites.

77 Ainsi que l’expose synthétiquement Pierre Muller (1990), sur la base d’autres travaux, les capacités d’action des