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Les paramètres influençant la carbonatation

CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

1.3 La carbonatation

1.3.2 Les paramètres influençant la carbonatation

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De plus, d’autres composés hydratés (ettringite et sulfoaluminates de calcium) peuvent aussi être sensibles au CO2. Par exemple, l’ettringite se décompose par carbonatation en formant carbonate de calcium, gypse et gel d’alumine :

3𝐶𝑎𝑂. 𝐴𝑙H𝑂s. 3𝐶𝑎𝐶𝑂. 32𝐻H𝑂 + 3𝐶𝑂H

→ 3𝐶𝑎𝐶𝑂s+ 3(𝐶𝑎𝑆𝑂. 2𝐻H𝑂) + 𝐴𝑙H𝑂s. 𝜈𝐻H𝑂 + (26 − 𝜈)𝐻H𝑂 1 - 46 Cependant, l’ensemble de ces réactions de carbonatation représentent une part négligeable vis-à-vis de la carbonatation de la Portlandite et des CSH et ces réactions seront négligées dans le cadre de ce travail.

1.3.2 Les paramètres influençant la carbonatation

1.3.2.1 Les paramètres liés à la microstructure

La progression de la carbonatation fait suite à celle du CO2. Il y a donc une relation évidente entre la microstructure et les cinétiques de carbonatation. La littérature permet de distinguer quatre paramètres pour qualifier la microstructure des matériaux cimentaires à savoir sa porosité, sa distribution porale, sa perméabilité et sa diffusivité. Ces paramètres sont intimement liés et ils sont souvent cités comme des indicateurs de l’aptitude des matériaux cimentaires à se protéger face aux agressions extérieures gazeuses ou liquides.

• La porosité

Pour un même liant, plus la porosité est élevée plus le CO2 va pénétrer dans le réseau poral et plus la surface d’échange entre le CO2 dissous et les matériaux carbonatables sera grande. Il est donc bien évident qu’un matériau cimentaire poreux se carbonatera plus rapidement qu’un matériau cimentaire peu poreux.

• La distribution porale

En fonction de la taille de l’échelle de porosité, la progression de la carbonatation ne sera pas liée aux mêmes phénomènes. Comme nous l’avons vu précédemment en §1.2, dans le domaine de la microporosité (diamètre des pores inférieurs à 10nm) nous aurons une diffusion de type de Knudsen [DAïAN , 1986]. Dans cette gamme de pores, le diamètre des pores est largement inférieur au libre parcours moyen des molécules de vapeur d’eau ou de CO2. Cela a pour conséquence d’augmenter les chocs sur les parois des pores et à proximité de la surface interne des pores, les molécules de gaz carbonique et d’eau peuvent créer un écran quasi statique qui freine leur progression dans la texture [PHILIP, 1958].

Dans un domaine de pores de taille de l’ordre de 10nm à 1µm, la progression du couple gaz carbonique/eau est plus aisée [DAïAN, 1986]. On se place alors dans le domaine de l’effusion où l’écoulement est de type visqueux [MOYNE, 1987]. Dans ce cas, c’est la texture du béton, qui conduit à une forte tortuosité, qui va contraindre l’écoulement visqueux. La progression de la carbonatation est alors liée à la surface interne des pores plutôt qu’à leur diamètre [GRANDET, 1975].

• Les propriétés de transfert : perméabilité et diffusivité

La perméabilité est un indicateur de l’aptitude des matériaux cimentaires à se protéger face aux agressions extérieures gazeuses ou liquides. La cinétique de l’avancée du front de carbonatation dépend de la vitesse de propagation du CO2 dans le matériau et [SCHÖLINK et HILSDORF, 1989] montre que la profondeur de carbonatation va baisser lorsque la perméabilité baisse. Cependant, ces résultats sont à nuancer en fonction de la nature du liant.

• L’état de fissuration de la microstructure

Dans les paramètres microstructurels, il convient de rajouter l’état de fissuration du matériau. En effet, même si les microfissures diffuses (d’origine thermique, mécanique ou hydrique) peuvent être prises en compte indirectement à travers les propriétés du matériau (porosité,

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coefficient de diffusion, etc.), la présence de macrofissures va largement contribuer à accélérer la diffusion du CO2. Les travaux de [ISGOR et RAZAQPUR, 2004] sur des structures fissurées montrent l’impact notable de la présence de macrofissures sur la pénétration de la carbonatation dont la profondeur peut être localement triplée.

1.3.2.2 Les paramètres liés à la composition du matériau cimentaire

La composition des matériaux cimentaires a un rôle important sur leur carbonatation. Beaucoup de travaux ont montré l’impact de différents paramètres de formulation sur la carbonatation, comme le dosage en liant, le rapport Eau/Liant, la nature du liant et les granulats (Tableau 1 - 12).

Analysons plus particulièrement l’impact des laitiers de haut fourneau sur la carbonatation des matériaux cimentaires. La littérature montre que l’incorporation de laitier en substitution partielle du ciment Portland, ou du clinker, accentue les cinétiques de carbonatation. Par exemple, [LITVAN et MAYER, 1986] trouvent qu’après dix-huit ans de carbonatation naturelle, la résistance à la carbonatation de bétons au laitier (type CEM III) chute d’environ 70% par rapport à celle de bétons au ciment Portland. D’autres auteurs ([OSBORNE, 1986], [BOUIKNI et al., 2009]) montrent aussi une chute de résistance à la carbonatation naturelle dans le cas de bétons dont le ciment Portand a été substituée à plus de 65% par un laitier. [GRUYAERT et al., 2013] trouvent aussi une baisse de résistance à la carbonatation accélérée de bétons avec un liant contenant plus de 50% de laitier.

Cette chute se produit aussi bien en conditions naturelles qu’en conditions accélérées [SISOMPHON et FRANKE, 2007]. [YOUNSI, 2011] montre cependant que si la cure des bétons avec un fort dosage en laitiers est prolongée, alors leur résistance à la carbonatation devient proche de celles des bétons au ciment Portland dans la même gamme de résistance à la compression. L’accélération de la cinétique de carbonatation de bétons au laitier de haut-fourneau est souvent expliquée par le fait que ces bétons ont une faible teneur en clinker, donc une faible quantité de Portlandite qui joue un rôle de tampon lors de la carbonatation ([YOUNSI, 2011], [YOUNSI et al., 2013]).

Tableau 1 - 12 : Paramètres liés à la composition influençant la carbonatation

Paramètres Principe Références

Dosage en liant

La profondeur de carbonatation est d’autant plus faible que le dosage en liant est élevé. Lorsque le dosage en ciment augmente, la quantité d’éléments

carbonatables par unité de volume de matériau augmente aussi. [VENUAT et ALEXANDRE, 1968], [PARROTT, 1987], [DUVAL, 1992] Le rapport Eau/Liant

Pour un liant donné, la résistance à la carbonatation diminue lorsque le rapport E/L augmente. En effet, la pénétration du CO2 dépend de la porosité ouverte qui

est fonction directement du rapport E/L.

[SKJOLSVOLD, 1986], PAPADAKIS, et al., 1992], [SONG, et al., 2006], [NAMOULNIARA, 2015] La nature du liant

La substitution d’une partie du clinker par des additions minérales avec des propriétés pouzzolaniques et hydrauliques latentes (laitiers de haut fourneau, fumée de silice ou cendres volantes) va fixer une partie de la Portlandite et les alcalins. Cela entrainera une chute de l’alcalinité et favorisera

les réactions de neutralisation entre CO2 dissous et hydrates.

[MORANDEAU, 2013] [NAMOULNIARA, 2015]

Les granulats

Les granulats sont souvent sans effet sur les réactions chimiques de carbonatation. Leur principal

effet est une modification de la structure poreuse (tortuosité, ITZ) et donc du coefficient de diffusion du

CO2. [HOUST, et al., 1992], [YSSORCHE, 1995], [HAMADA, 1968], [PAPADAKIS et al., 1992], [WONG et al., 2009]

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1.3.2.3 Les paramètres liés au process de fabrication

• La mise en œuvre

La vibration du béton lors de sa mise en œuvre entraîne un desserrement local de l'empilement granulaire proche d'une paroi, appelé aussi "effet de paroi". Cela conditionne en partie la microstructure du béton de peau. À la surface, il y a une plus grande quantité de particules fines. [SADOUKI, 1987] a montré par exemple une augmentation de la porosité de 21% en surface.

Par ailleurs, les travaux de [MIRAGLIOTTA, 2000] ont montré que les effets de paroi sont à l’origine de cinétiques de carbonatation plus rapide pour des faces de bétons arasées et des faces de bétons moulées.

• La durée et le type de cure

La cure d’un matériau cimentaire est le fait de maintenir au jeune âge des conditions de température et d’humidité propices à une bonne hydratation du ciment, qui permet d’obtenir un béton bien compact donc moins perméable en peau à la pénétration du CO2. Plus la durée de cure est importante, plus le volume de macroporosité diminue [SICKERT, 1997].

Ainsi, [FATTUHI, 1988] montre que la profondeur de carbonatation à une échéance donnée diminue lorsque la durée de cure augmente. [TURCRY et al., 2012] ont étudié la carbonatation naturelle d’échantillons de béton conservés selon deux modes de cure : un décoffrage à 24 heures suivi d’une conservation à l’air libre ou une conservation dans l’eau pendant 27 jours. La Figure 1 – 24 montre la moindre résistance à la carbonatation étudiée sur environ 4 ans des bétons soumis à une cure « sèche » par comparaison aux bétons conservés dans l’eau.

Figure 1 - 23 : Profondeur de carbonatation naturelle de bétons conservés à environ 20°C et 50% RH dès le décoffrage à 24h (à gauche) ou après une cure sous eau de 27 jours (à droite) : Ref.I et

Ref.III bétons de E/C=0,6 au CEMI et CEMIII/C respectivement, L30 et L75 bétons de E/L « optimisés » formulés avec un liant contenant 30 et 75% (en masse) de laitier respectivement

[TURCRY et al, 2012]

De plus, lors d’un séchage trop rapide au jeune âge, le retrait provoque un fort risque de fissuration précoce. Les fissures engendrées formeront un chemin préférentiel pour la pénétration du CO2 [BIER, 1987] ce qui réduira la résistance à la carbonatation.

1.3.2.4 Les paramètres liés au milieu environnant

• La température

Selon [VAN BALEN et VAN GEMERT, 1994], la température active les réactions chimiques de carbonatation et donc augmente les cinétiques de carbonatation. Cette affirmation est en opposition avec les expériences de [DHEILLY et al., 2002], qui montrent que la carbonatation est d’autant plus rapide que la température diminue et cela quel que soit l’humidité relative ambiante et la concentration en CO2. Les travaux de [CHAUSSADENT, 1997] vont dans ce sens et montrent que la solubilité du CO2 diminue lorsque la température augmente.

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Dans les climats chauds, la température risque d’évaporer l’eau contenue dans les pores donc la solubilité du CO2 va diminuer et la quantité de CO2 dissous va aussi baisser.

[DROUET, 2010] montre l’existence d’une température optimale, intrinsèque au matériau, favorable à une carbontation maximale.

• L’humidité relative de l’air ambiant

La vitesse de carbonatation est très sensible à l’hygrométrie de l’air, d’autant que cette hygrométrie est soumise à des cycles de durée variable.

L’inertie des processus d’humidification / dessiccation est telle qu’à 2 ou 3 cm de profondeur, le béton n’est pas sensible à la carbonatation sur quelques jours [BAKKER, 1988]. Les cycles induisent des variations de vitesse de carbonatation.

Il est important de noter qu’aux faibles hygrométries, la fixation du CO2 est ralentie par le fait que le CO2 gazeux a besoin d’eau pour se dissoudre et que les réactions de carbonatation se font en solution. Aux fortes hygrométries, l’eau condensée dans les pores d’entrée empêche la pénétration du CO2.

Les travaux de Wierig montrent que dans un béton intérieur, la vitesse de carbonatation est beaucoup plus importante que pour un béton exposé à la pluie [WIERIG, 1984].

[NAMOULNIARA, 2015] a déterminé un taux de carbonatation d’échantillons de pâte de ciment mis à l’équilibre à différentes humidités relatives puis carbonatés à 50% de CO2 dans la même ambiance (Figure 1 - 24). Nous observons un optimum de carbonatation pour une ambiance entrez 50 et 60% de HR et une absence de carbonatation pour des humidités relartives inférieures à 12% et supérieures à 90%.

Figure 1 - 24 : Influence de l’humidité relative sur le taux de carbonatation relatif pour des pâtes au CEM I (C3 et C4) et au laitier (L3) après 40 jours de carbonatation accélérée [NAMOULNIARA, 2015]

• La concentration en CO2

La littérature mentionne généralement l'étroite corrélation entre la concentration en dioxyde de carbone de l'atmosphère environnant du matériau et la carbonatation de celui-ci [NISCHER, 1984]. Les épaisseurs carbonatées mesurées sont plus élevées dans les ambiances les plus riches en CO2, avec cependant une forte dispersion. Ce comportement est d’autant plus marqué que les résistances mécaniques des bétons sont faibles (inférieures à 30 MPa).

1.3.3 Conséquences de la carbonatation sur les matériaux cimentaires