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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX

1.2 Transferts dans les matériaux cimentaires

1.2.3 Cas des transferts hydriques

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1.2.3 Cas des transferts hydriques

L’eau de gâchage est à la fois consommée pour l’hydratation des grains de ciment mais aussi évacuée vers l’extérieur pendant le séchage de l’élément. Cette perte d’eau va désaturer le réseau poreux.

1.2.3.1 État de l'eau dans un matériau cimentaire

La coexistence de l’eau avec la partie solide est l’objet de nombreuses classifications (Figure 1 - 17). La méthode de classification qui consiste à diviser l’eau en deux parties, l’eau évaporable et l’eau non évaporable, suffit en général à l’étude des transferts hydriques.

Figure 1 - 17 : Les différentes formes d’eau dans un matériau cimentaire [DELMI, 2004]

L’eau non évaporable est définie comme l’eau qui reste dans le matériau après un séchage à 105°C dans une étuve. Cette eau comprend :

• L’eau adsorbée : elle correspond à l’eau fixée entre les feuillets des hydrates.

• L’eau chimiquement liée : elle correspond à l’eau qui a été consommée au cours des réactions d’hydratation du ciment et qui est donc combinée avec d’autres composants à l’intérieur des hydrates, par exemple dans la Portlandite ou l'Ettringite.

L’eau évaporable est l’eau extraite de la pâte de ciment par le séchage. Elle englobe l’eau physiquement adsorbée (la moins liée) par les forces de Van Der Waals et l’eau capillaire [BARON et OLLIVIER, 1992] :

• L’eau physiquement adsorbée : c'est l'eau liée par liaison d'hydrogène aux hydroxydes des hydrates situés sur les phases internes et externes du feuillet. Cette quantité d'eau augmente avec l'humidité relative [PEDERSEN, 1990].

• L’eau capillaire : c'est l'eau libre qui se trouve dans les pores capillaires, non liée aux hydrates. Cette eau est séparée de la phase gazeuse par des ménisques et obéit aux lois de capillarité (lois de Jurin et Kelvin) [CHATTERJI, 2004].

1.2.3.2 Mécanismes de transferts hydriques

Dans la microstructure des matériaux cimentaires, l’eau est présente sous différentes formes. Liquide, elle est librement dispersée dans la porosité où elle coexiste avec sa forme gazeuse, formant des ménisques responsables des tensions capillaires. Lorsqu’un échantillon est soumis à la dessiccation, l’eau, sous toutes ses formes, « diffuse » à travers le matériau, afin d’assurer un équilibre hydrique avec le milieu extérieur où règne généralement une humidité relative plus faible. Ces transferts s’opèrent différemment selon la forme sous laquelle se trouve l’eau. Par conséquent, ils sont fortement dépendants de l’humidité relative.

L’écoulement de l’eau s’effectue sous formes liquide et/ou gazeuse (Figure 1 - 18). Le transfert de l’eau liquide résulte d’un gradient de pression, qui est classiquement représenté par la loi de Darcy (équation 1 - 14). Sous forme vapeur, le transfert dépend d’un gradient de concentration qui est pris en compte dans la loi de Fick (équation 1 - 17).

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Figure 1 - 18 : Différentes formes de transfert d’humidité

La Figure 1 - 18 indique différents modes d’adsorption, car les matériaux cimentaires sont des matériaux hygroscopiques qui ont donc la capacité d’adsorber, de retenir et désorber de l'eau. En fonction de l'humidité relative dans les pores, ces mécanismes peuvent se produire soit par adsorption moléculaire surfacique ou par condensation capillaire [QUENARD et SALLEE, 1991]. L'adsorption surfacique (monomoléculaire ou plurimoléculaire) est le résultat d'interactions entre le gaz (vapeur d'eau) et la surface solide en contact avec lui (parois des pores) [HAGYMASSY et al., 1969]. L'adsorption se poursuit jusqu'à ce que la couche de molécules d'eau soit en équilibre thermodynamique avec la phase gazeuse (molécules de vapeur d'eau).

Du fait de leurs caractéristiques microstructurales (faible porosité), les matériaux cimentaires sont considérés comme fortement hygroscopiques sur tout le domaine des valeurs de l'humidité relative. Dans des conditions isothermes, le nombre de couches de molécules adsorbées sur les parois des pores est fonction de l'humidité relative. [HAGYMASSY et al., 1969] et [BADMANN et al., 1981] ont respectivement proposé des formules empiriques pour estimer l'épaisseur moyenne de la couche adsorbée en fonction de la taille des pores et de l’humidité relative.

Cependant, au-delà d'un certain seuil d'humidité, l'accroissement de l'épaisseur de la couche adsorbée conduit à une condensation de l'eau dans les pores appelée condensation capillaire. D'après la loi de Kelvin-Laplace, les pores les plus fins (𝑅F< 100𝑛𝑚) sont les plus sujets à ce phénomène car leur rapport « surface/volume » est plus élevé [QUENARD et SALLEE, 1991].

1.2.3.3 Isothermes de sorption de vapeur d’eau

Si l’on place un matériau poreux sec dans une enceinte à une humidité relative contrôlée et à une température maintenue constante, on observe une augmentation de la masse du matériau, jusqu’à stabilisation traduisant un équilibre hydrique. En procédant par paliers d’humidité relative croissants, on peut obtenir l’isotherme d’adsorption.

À l’inverse, si le matériau est initialement saturé en eau, sa masse diminue lorsqu’il est soumis à une humidité relative inférieure à 100%. On obtient l’isotherme de désorption en procédant par paliers d’humidité décroissants. Les variations de masse traduisent la fixation d’une certaine quantité de vapeur d’eau par le matériau par adsorption et l’arrachement dans le cas de la désorption.

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Figure 1 - 19 : Allure des isothermes d’adsorption et de désorption pour un matériau poreux

Une isotherme de sorption présente en général trois zones. Chaque zone correspond à un mode de fixation particulier de l’eau (adsorption monomoléculaire, multimoléculaire et condensation capillaire).

L’expérience fait généralement apparaître deux courbes différentes en sorption et en désorption par effet d’hystérésis. Cette hystérésis apparaît plus dans la zone où se produit la condensation capillaire. Deux causes sont généralement utilisées pour expliquer ce phénomène d’hystérésis [NILSSON, 2004] :

• la première est la différence de mouillabilité entre les deux processus (angles de contact différents pour l’eau dans les pores).

• la seconde cause est l’interconnexion de pores de sections différentes. Cette hypothèse est connue sous le nom d’effet « bouteille - d’encre ».

1.2.3.4 Flux hydriques dans un matériau cimentaire

Selon l'état hydrique du matériau poreux, le transfert de l'humidité peut se faire :

• soit par perméation : écoulement liquide dont le flux sera noté 𝜑 et qui provient d’un gradient de pression de l’eau liquide,

• soit par diffusion :

o diffusion liquide que l’on notera 𝜓8,

o ou diffusion gazeuse dont le flux sera noté 𝜓7.

Si le matériau est saturé, l'écoulement est conditionné seulement par l'existence d'un gradient de pression hydrostatique.

En état insaturé, il y a une cohabitation d'une phase gazeuse et d'une phase liquide et les deux modes de transport d'humidité (écoulement et diffusion) peuvent se superposer ([DAïAN, 1986] [MOYNE, 1987] [THIERY, 2005]).

1.2.3.4.1 Flux d'humidité dans un matériau cimentaire saturé

Lorsque le matériau est saturé en eau, le réseau des pores connectés forme une phase « capillaire » continue. Dans ce cas, c'est la pression hydrostatique dans la phase liquide qui gouverne le transport liquide. Si nous admettons l'incompressibilité de cette phase, il n'y aura qu'un transport de type Darcéen, quantifié par le flux molaire d'eau liquide comme suit :

𝜑ST4U

''''''''''⃗ = [𝐻H0]8 𝑈'''⃗ 8 1 - 28

Avec :

• 𝜑''''''''''⃗ est le flux molaire d’eau liquide dû à la perméation, ST4U

• [𝐻H0]8 est la concentration molaire de l’eau liquide durant l’écoulement, • 𝑈'''⃗ est la vitesse de la phase liquide. 8

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Les matériaux cimentaires ont une faible porosité, donc les vitesses des fluides dans ces milieux sont faibles, ce qui permet de considérer que les écoulements sont laminaires. La loi de Darcy peut alors être appliquée.

𝑈8

'''⃗ = − 𝐾8

𝜂ST4U 𝑔𝑟𝑎𝑑''''''''''⃗ 𝑃8 1 - 29

Avec :

• 𝐾8est la perméabilité du matériau à l’eau liquide,

• 𝜂ST4U est la viscosité dynamique de la solution interstitielle, • 𝑃8 est la pression hydrostatique dans la phase liquide.

Le flux molaire de la phase liquide transporté par perméation s’écrit alors : 𝜑ST4U

''''''''''⃗ = −[𝐻H0]8 𝐾8

𝜂ST4U 𝑔𝑟𝑎𝑑''''''''''⃗ 𝑃8 1 - 30

1.2.3.4.2 Flux d'humidité en état d'insaturation

Dès son exposition à l'air libre, le matériau cimentaire voit sa teneur en eau décroître, à cause de l'hydratation et du séchage. Le matériau va se trouver en état d'insaturation et il y aura un transport simultané d'eau liquide et de vapeur, par perméation et par diffusion. Néanmoins, cette simultanéité ne se présente que si les pores sont partiellement condensés, formant des « îlots » liquides en contact avec la phase gazeuse [DAïAN, 1986] [MOYNE, 1987]. En fonction du degré de saturation du matériau, on peut rencontrer trois cas :

Adsorption mono moléculaire

Si la teneur en eau dans le matériau est très faible (correspondant à une humidité relative d'équilibre matériau-ambiance avoisinant les 25%), on n'assiste qu'à une diffusion gazeuse de la vapeur d'eau. Comme la pression dans la phase gazeuse est considérée constante, le transport d'humidité se résume au transfert diffusif de la vapeur d'eau, dont l'expression du flux molaire s'écrit :

𝜓ST4µ

'''''''''''⃗ = −𝐷ST4µ 𝑔𝑟𝑎𝑑''''''''''⃗ [𝐻H0]7 1 - 31

Avec :

• 𝜓'''''''''''⃗ est le flux de vapeur d’eau transportée par diffusion, ST4µ

• [𝐻H0]7 est la concentration molaire de la vapeur d’eau dans la phase gazeuse, • 𝐷ST4µ est le coefficient de diffusion effectif de la vapeur d’eau dans le matériau. Adsorption pluri moléculaire

Si la teneur en eau dans le matériau est assez élevée (correspondant à une humidité relative d'équilibre matériau-ambiance variant entre 25% et 75%), les molécules d'eau sont adsorbées en plusieurs couches sur les parois des pores, formant un film d'eau liquide. Ce film d'eau n'étant pas assez épais pour occuper toute la section du pore, il ne peut pas être soumis à un gradient de pression capillaire. Par conséquent, il ne provoque qu'un transfert par diffusion. On assiste alors à la « diffusion surfacique » de cette eau adsorbée et à la diffusion de la vapeur puisque la quantité de ces deux phases dans les pores n'est pas homogène dans le matériau. Le flux molaire de transport de la vapeur d'eau par diffusion est donné par l'équation 1 - 31, tandis que le flux de la diffusion surfacique sera exprimé comme suit :

𝜓''''''''''⃗ = −𝐷ST4U ST4U 𝑔𝑟𝑎𝑑''''''''''⃗[𝐻H0]8 1 - 32

Avec :

• 𝜓''''''''''⃗ est le flux de diffusion surfacique, ST4U

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Condensation-évaporation

Avec l'accroissement du degré de saturation des pores, l'épaisseur de la couche adsorbée augmente et la vapeur d'eau se condense de manière importante. L'eau condensée ne sera pas soumise à la pression hydrostatique, mais à la différence de pression entre les phases liquide et gazeuse. Cette différence de pression, appelée pression capillaire, va engendrer un transport de la phase liquide par perméation parce que les intensités des forces capillaires varient avec les dimensions des pores. Tant que le matériau n'est pas saturé, la diffusion surfacique liquide subsistera et la vapeur d'eau sera transportée également par diffusion dans l'espace poreux vide restant. Le flux de transport d'eau liquide par perméation s'écrit comme suit ([BAROGHEL-BOUNY, 1994], [PEL, 1995]) :

𝜑ST4U

''''''''''⃗ = −[𝐻H0]8 𝐾8

𝜂ST4U 𝑔𝑟𝑎𝑑''''''''''⃗ 𝑃> 1 - 33

Avec : 𝑃> est la pression capillaire dans le matériau.

À l'équilibre thermodynamique, pour une température donnée, la pression capillaire, 𝑃>, est définie en fonction de l'humidité relative ambiante par la loi de Kelvin :

𝑃> = 𝑃?@A− 𝑃8 = −𝑅 𝑇 [𝐻H0]8 𝑙𝑛(𝐻𝑅) 1 - 34

Avec :

• 𝑃?@A est la pression atmosphérique correspondant à la pression de la phase gazeuse, • 𝐻𝑅 est l’humidité relative d’équilibre ambiance-matériau.

La pression capillaire peut également être obtenue moyennant la loi de Laplace qui prend en considération les forces interfaciales entre les phases liquide et gazeuse (Figure 1 - 20) :

𝑃>= 𝑃?@A− 𝑃8 =2𝜎8 7

𝑟 1 - 35

Avec :

• 𝜎8 7 est la tension interfaciale de l’eau liquide,

• 𝑟 est le rayon du ménisque sphérique formé dans le pore.

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