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6. Les acteurs

6.3. Les organismes communautaires

L’esprit communautaire est un des éléments identitaires du quartier. Les acteurs communautaires sont bien présents et usent de moyens pour se faire entendre et établir le dialogue entre les pouvoirs publics et les minorités qu’ils représentent. Le principe de revendiquer n’est pas nouveau et les mouvements sociaux urbains ont émergé durant les années 1960 et 1970 afin de défendre « les intérêts des habitants des quartiers populaires et préserver leurs caractéristiques résidentielles et patrimoniales » (Cloutier et Sacco, 2012 : 58). En tant qu’espace transactionnel (Sénécal, Cloutier et Herjean, 2008 : 192), le quartier est un lieu d’échange (Grafmeyer, 2007) et d’interactions sociales, un espace politisé :

« depuis plus de trente ans, Pointe-Saint-Charles est reconnu pour son milieu communautaire dynamique et son identité de résistance. Une tradition d’entraide et de solidarité dont les origines remontent aux nombreuses luttes ouvrières qui ont façonné le quartier au XIXe siècle, mais qui a véritablement pris son essor au cours des années 1960. » (Action-Gardien, 2017)

À Pointe-Saint-Charles, certains organismes communautaires occupent une place très présente. Historiquement, plusieurs innovations sociales ont été élaborées. Ces acteurs font partie d’un ensemble de ressources qui participe à innover et maintenir les « dynamiques sociocommunautaires et culturelles du Sud-Ouest qui se sont déployées depuis le XIXe siècle » (Poitras, 2017 : 122). Les évènements de 1967 ont poussé des « groupes populaires, organisés autour d’intervenants communautaires » (Drouin, 2005) à promouvoir un nouvel ordre social dans les quartiers, frappés par des problèmes de pauvreté, de chômage et de logements.

Les problèmes sociaux tels que la pauvreté, le décrochage scolaire, la précarité d’emploi… qui ont marqué les années 70 ont contribué à la mise en place de ressources pour aider les gens dans le besoin. En 1970, la clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles voit le jour grâce à des étudiants en médecine, en soins infirmiers et en sociologie de l’Université McGill. Elle est la première clinique communautaire établie dans un quartier populaire au Québec et elle offre des services médicaux gratuitement. C’est aussi à Pointe-Saint-Charles que va être créée la toute première coopérative d’habitation autogérée (Loge-peuple) au Québec en 1971 ou encore l’aide juridique qui s’installe à Pointe-Saint-Charles en 1972 à la suite d’une initiative d’étudiants en droit

et de citoyens du quartier Pointe-Saint-Charles. La clinique d’aide juridique a fait office de modèle pour la création du régime québécois de l’aide juridique (Ville de Montréal, 2015).

Dans les années 1980 et 1990, la Ville de Montréal appuie les initiatives de coordination des groupes communautaires à l’échelle des quartiers et elle finance les tables de concertation (Cloutier et Sacco, 2012 : 62). Gilles Sénécal (2016) souligne qu’en 2011 à Montréal, l’animation de la concertation locale se faisait encore beaucoup par les organismes communautaires. L’exemple de la Table locale de concertation Action-Gardien fondée en 1981 est parlant. Représentant une vingtaine d’organisations communautaires du quartier Pointe-Saint-Charles, elle se prononce, encore de nos jours, sur les sujets qui affectent les citoyens du secteur.

Action-Gardien est un outil collectif de prise de décision et de planification axé sur un modèle collectif composé de 26 organismes lesquels se réunissent pour s’informer, partager leur expérience et agir sur les dossiers qui influencent les conditions de vie des citoyens. En organisant des activités publiques et d’éducation populaire, l’objectif est d’améliorer les conditions de vie des résidents de Pointe-Saint-Charles tout en luttant activement contre les inégalités sociales. Action-Gardien cherche à mobiliser les gens autour des enjeux sociaux, politiques, économiques et urbains afin d’améliorer le quartier. L’organisme considère que les citoyens doivent être au cœur de la prise de décisions puisqu’ils seront les premiers touchés par les changements.

Le développement d’un esprit communautaire passe aussi par l’éducation des citoyens et c’est l’objectif que se donne le Carrefour d’éducation populaire. L’organisme est reconnu pour son désir d’être un lieu d’apprentissage, d’information, de réflexion, de discussion et d’échange pour les gens du quartier. En offrant des ateliers et en organisant des activités, l’organisme cherche à conscientiser les utilisateurs aux besoins et aux vécus des gens tout en s’orientant vers le changement. Cette conscientisation est essentiellement fondée sur la justice sociale et la solidarité. C’est par les activités organisées que l’organisme cherche à conscientiser les gens qui fréquentent ses locaux, mais aussi l’ensemble des résidents de Pointe-Saint-Charles. Né des changements apportés par la Révolution tranquille, le Carrefour d’éducation populaire se fonde sur des principes

démocratiques et se veut « un acteur important en matière d’éducation populaire et de défense des droits sociaux, par son implication dans le quartier et dans diverses coalitions. »34

Le Regroupement économique et social du Sud-Ouest (RESO), une corporation de développement économique et communautaire (CDEC) favorisant l’économie sociale et le milieu communautaire fut fondé en 1989. Selon Claire Poitras (2017), RESO a joué un rôle clé dans la relance du milieu par la création et le maintien d’emploi dans le secteur. Il est un acteur majeur dans le quartier Pointe-Saint-Charles et dans l’ensemble du Sud-Ouest :

« La mission actuelle du RESO est de regrouper la communauté du Sud-Ouest autour de stratégies et de projets de développement pour qu’elle participe activement à bâtir son avenir économique, social et culturel dans une perspective durable et équitable en misant sur l’engagement et la concertation de la population et des acteurs sociaux et économiques. » (Mercier et Bourque, 2012 : 11)

Sur la question spécifique du logement, nous retrouvons dans Pointe-Saint-Charles le Regroupement Information Logement (RIL). Contrôlé et administré par des citoyens et des citoyennes de la Pointe-Saint-Charles, l’organisme sans but lucratif œuvre à l’amélioration des conditions de logement de la population en favorisant la prise en charge par les gens du quartier de leurs conditions de vie et de logement.35

Retenons que « l’activisme du milieu semble reconnu par l’ensemble des acteurs, et légitimé dans son ensemble par les répondants » (Gravel, 2012 : 134). Par rapport aux acteurs clé qui influencent les actions et mesures prises par les citoyens il faut mentionner le Collectif La Pointe libertaire. Dans la Déclaration de la Pointe libertaire36 ce groupe de gauche se définit comme « un groupe d’affinité du quartier Pointe-Saint-Charles à Montréal qui rassemble des personnes qui agissent dans le champ politique en fonction de créer une dynamique vers l’autogestion du quartier par ses citoyennes et ses citoyens. » En réalisant des actions orientées vers des alternatives politiques, sociales, économiques et culturelles, le collectif cherche à se détacher des logiques d’actions

34 Carrefour d'éducation populaire de Pointe-Saint-Charles. « Qui sommes-nous. » Carrefour d'éducation populaire de Pointe-Saint-Charles. Changer la vie. Consulté le 5 février 2016. http://carrefourpop.org/qui-sommes-nous/ 35 Regroupement information logement et la Société d’amélioration de Pointe-St-Charles. 2009. « Qu'est-ce que le R.I.L. ? ». Regroupement information logement et la Société d’amélioration de Pointe-St-Charles. Consulté le 8 mars 2016. http://www.rilsocam.org/Qui%20nous%20sommes/RIL/qui_nous_sommes.html

conventionnelles afin de se libérer de toutes formes de domination. Ces derniers refusent toutes formes de systèmes (économique, politique, social et culturel) qu’ils qualifient de systèmes organisés sur l’exploitation humaine et de la nature (ibidem). En rejetant les institutions, le groupe situe ses valeurs de justice humaine orientées vers le féminisme et l’écologisme. Leurs interventions dans le champ politique visent l’éducation politique tout en affirmant leurs opinions libertaires axées sur la décentralisation du fonctionnement de la société. En agissant au niveau local, le groupe cherche à redéfinir les « rapports entre le local, le national et l’international [afin de permette] aux citoyens et aux citoyennes, en s’appropriant la gestion du local, de pouvoir ensuite autogérer la cité, la région, le pays et le monde » (ibidem). En agissant au niveau du quartier et en privilégiant les rapports directs, ces organisations qui représentent les citoyens deviennent des éléments importants dans la construction de l’identité et de la mémoire. (Klein et Shearmur, 2017) Pour protéger les mémoires et l’identité des gens de la Pointe, les acteurs mentionnés ont donc tous un rôle à jouer dans la construction et la protection du patrimoine urbain. Dans Pointe-Saint- Charles le logement social est identifié comme un élément faisant partie du patrimoine collectif (RIL/SHQ, 1999 : 2). Les acteurs sont les pouvoirs publics représentés par les élus et les représentants officiels du gouvernement ou de la Ville et les associations et organismes parmi lesquels certains sont formés de citoyens. En terminant, nous pouvons dire que tous les acteurs nommés travaillent à améliorer le sort des citoyens. Toutefois un élément se démarque, les organismes communautaires et les associations citoyennes que nous retrouvons dans Pointe-Saint- Charles semblent déterminés à se battre pour conserver leurs droits. Le taux élevé de personnes vulnérables fait de ce secteur un enjeu complexe considérant que le quartier est en pleine transition. Au cours des prochaines années, il est certain que l’enjeu principal sera le logement social. En raison de la gentrification du secteur, les messages qu’envoient les pouvoirs publics peuvent sembler contradictoires. Néanmoins, ses derniers ont le devoir moral de protéger les citoyens et leurs droits, cette protection passe notamment par la réserve foncière des terrains qui, en théorie, doive servir à la construction de logements sociaux.