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LA VALLÉE DU NAKAMBÉ: UNE ZONE D’AMÉNAGEMENT EN PLEINE EXPANSION

LE PÉRIMÈTRE AMÉNAGÉ DU GANZOURGOU

C. L’organisation du colonat

2. Les organisations socio-professionnelles

Dès sa création, l’A.V.V avait senti la nécessité de disposer d’une structure de relais dans les villages. Il avait donc mis en place dans chaque village, un comité regroupant un petit nombre d’exploitants (9 à 10 membres). Pour le choix des délégués du comité villageois, les agents d’encadrement présentaient aux paysans un certain nombre de critères (personnes jouissant d’une certaine expérience ou faisant montre de sagesse…) définissant le profil des personnes susceptibles de conduire les affaires du village. Les délégués étaient désignés au cours d’une assemblée générale, dirigée par l’encadreur du village.

Tous les villages A.V.V étaient dotés d’un comité villageois. Les origines géographiques des migrants étant diverses, un travail de sensibilisation s’imposait pendant la première année d’installation. La mise en place des structures villageoises n’intervenait que l’année suivante. Mais quelles étaient les fonctions exactes de ces structures? Les comités villageois s’intéressaient à tout ce qui touchait à la vie du village. En liaison étroite avec ce milieu dont ils connaissaient les problèmes, ils étaient les intermédiaires entre les paysans et les autorités de l’aménagement (diffusion des informations dans les deux sens) notamment en ce qui concerne la vulgarisation, l’approvisionnement en facteurs de production, l’organisation de la commercialisation, les doléances des paysans… Par ailleurs, ils devaient conduire les travaux collectifs (implantation de marchés,

reboisement) et régler les problèmes sociaux (différends entre paysans) et économiques (en essayant de venir en aide à ceux qui connaissent des difficultés pendant les périodes de soudure grâce à une collecte de produits vivriers).

A partir de la quatrième année d’installation, les comités villageois se regroupaient pour former le comité de bloc, une unité économique de dimension plus grande, pouvant disposer de ressources humaines (1100 à plus de 3300 habitants) et économiques non négligeables. Cette unité de développement se composait de délégués choisis au sein des différents comités villageois, et était dotée d’un organe directeur: le bureau du comité, élu par l’ensemble des délégués villageois. Le rôle de cette instance était d’assurer la coordination et le contrôle des différentes actions menées à l’intérieur du bloc telles: les opérations d’achat et de commercialisation des surplus de production céréalière, les marchés autogérés de coton permettant au comité de disposer de ristournes importantes, l’ouverture de caisse d’épargne et de crédit à partir de ces ristournes, l’approvisionnement en produits de première nécessité grâce aux boutiques villageoises. A côté de ces entreprises communautaires susceptibles de fournir au bloc des ressources financières, d’autres actions pouvaient également être menées sous la supervision du comité comme la formation d’accoucheuses traditionnelles, de réparateurs de puits et d’artisans ruraux (forgerons, maçons…) pour chaque village, l’installation de moulin à mil et l’ouverture d’une pharmacie humaine et d’une pharmacie animale.

Pour aider les paysans à s’organiser et à apprendre les nouvelles méthodes d’agriculture moderne, il était évidemment indispensable de les pourvoir d’agents de terrain. Ces agents étaient constitués par des chefs de blocs, des chefs de secteurs et des encadreurs recrutés sur la base de leurs compétences, sans tenir compte de leur origine (zone de départ ou zone d’accueil), et formés au centre de formation de Mogtédo par des experts nationaux et expatriés.

Un encadreur était installé dans chaque village53. Il était chargé d’installer les paysans, de distribuer les parcelles, d’assurer la vulgarisation des thèmes techniques et d’organiser les colons (organisation des comités villageois, des marchés autogérés, des travaux collectifs: implantation de marchés, reboisement…). Les encadreurs étaient placés sous l’autorité de chefs de blocs (qui contrôlaient la production des exploitants de 4 à 8 villages) eux-mêmes coiffés par les chefs de secteurs qui supervisaient les travaux des différents blocs, contrôlaient et suivaient les activités menées par les encadreurs, et recensaient les besoins en matière de formation.

D’après la nouvelle politique de développement régional intégré de l’A.V.V, le comité de bloc (ou comité de l’unité de développement) pouvait, soit s’unir à d’autres comités ou à d’autres groupements villageois de la préfecture de tutelle pour former une fédération, soit s’ouvrir aux paysans des environs. Par exemple, les quatre comités de bloc du

53Il y avait en moyenne un encadreur pour 31 exploitations (la moyenne nationale était d’un encadreur pour

secteur de la Massili-Bomboré (Linoghin, Rapadama, Bomboré, Mogtédo) pouvaient se fédérer pour donner le comité de secteur Massili-Bomboré. La perspective d’un transfert des responsabilités aux populations concernées par l’opération et d’une prise en charge par celles-ci des installations actuellement en place et des actions de développement était également envisagée.

Mais ces propos visant à associer les populations à l’action de développement, ne cachaient-ils pas les vraies intentions de l’A.V.V? Combien de projets de ce type ont fleuri dans maintes régions d’Afrique sous le couvert de l’idéologie participative, mais qui se sont en fait dotés de structures paysannes ne répondant nullement aux aspirations des masses rurales, mais à leurs propres objectifs. Au regard des aspects contraignants du système de production, des déficiences enregistrées dans l’organisation des services (retard dans l’ouverture des soles, du matériel de culture, méconnaissance de la vie agraire …) et du caractère artificiel du milieu (les habitants n’ont d’autres liens que ceux tissés par les amitiés contractées sur place), la mise en place d’organisations paysannes responsables sur les périmètres A.V.V apparaissait comme un leurre.

La preuve en est qu’aujourd’hui, les groupements initiaux cèdent progressivement la place à de nouvelles structures tels que les Groupements de Producteurs de Coton, une forme d’organisation sociale regroupant une quinzaine de membres appartenant soit à la même famille, soit à des familles différentes, et dont la constitution se fonde sur des critères comme la confiance mutuelle et l’entente entre les adhérents. Cette nouvelle organisation désormais dictée par la culture cotonnière oblige les producteurs à régler les prêts consentis au titre du crédit agricole même lors des mauvaises campagnes, et relègue au second plan l’idée de promotion de la cohésion sociale que défendaient les groupements initiaux.