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Les droits d’appropriation collective, les droits de culture et d’usage

LES FORMES DE CONTROLE DE L’ESPACE ET D’APPROPRIATION DE LA TERRE

B. Les droits d’appropriation collective, les droits de culture et d’usage

Traditionnellement, dans la zone des vallées, le droit de culture est lié à l’appartenance à un groupe de parenté organisé en lignage et réparti dans un ou plusieurs quartiers, chaque quartier étant propriétaire de la terre qu’il exploite. Tout membre du lignage bénéficie d’un droit inaliénable de culture sur le domaine lignager, et c’est l’aîné du groupe qui est propriétaire de terrain, c’est-à-dire garant de l’espace collectivement approprié.

Mais comme les droits fonciers sont héritables de père en fils, ce sont les familles qui détiennent en réalité un droit d’usage permanent et inaliénable qui leur assure de fait la propriété de leur terre et donne la possibilité au chef d’exploitation (yir-soba ou zak- soba) d’accorder un droit d’usage temporaire (ou prêt de terre) aux nouveaux occupants dans la mesure où ceux-ci sont prêts à respecter les coutumes et traditions locales. Ce droit d’utilisation temporaire est régulièrement reconduit et est héritable; mais il peut

38 Dans la province du Boulgou, deux autres fonctions traditionnelles existent dans l’ordre des relations qui

s’établissent entre les villageois et la terre : le maître de la pêche (“bazaa” ou “zozere zaa” : maître des poissons en Bissa; “baong naaba” : chef des mares en moré), et le maître de la chasse (“gaan zaa” en bissa et “weog naaba” en moré”). Ceux qui assument ces fonctions relèvent directement de l’autorité du chef de village et du prêtre de la terre en pays mossi, alors que chez les bissa, ils ont une certaine autonomie, puisqu’il leur suffit d’informer les autorités coutumières des dates qu’ils ont retenues pour leurs activités annuelles: plusieurs journées de chasse (Boussouma et Lenga: 2 jours/an; Niagho et Bagré: 3 jours), une journée de pêche.

faire l’objet de révocation, le propriétaire étant en mesure de réclamer au demandeur ou à son fils, la restitution de la parcelle empruntée. Cette étape passée, le petit-fils de l’emprunteur et ses descendants deviennent les véritables possesseurs, le donateur restant propriétaire du terrain dont il jouit de la totalité ou d’une partie des arbres fruitiers par usufruit.

Quant aux dispositions juridiques de transmission des droits d’usage permanent, elles sont soumises au régime de succession patrilinéaire qui ne concerne que les hommes. Plusieurs cas de figure peuvent alors se présenter à la suite du décès d’un chef d’exploitation. Lorsque le fils aîné est encore mineur, c’est le plus âgé des frères mariés du défunt qui est héritier de l’exploitation commune. Quand le défunt est polygame, ses héritiers peuvent manifester un désir d’autonomie, autonomie qui se traduit par un partage des terres et par l’attribution de lopins à leurs dépendants pour la subsistance. Cette distribution entraîne non seulement un morcellement du domaine foncier, mais aussi des conflits entre bénéficiaires lorsque surtout, certains se sentent lésés.

En règle générale, les femmes et les jeunes hommes célibataires sont exclus du droit d’héritage bien qu’ils constituent une force de travail indispensable. Et pour devenir chef d’exploitation, le jeune homme marié se fait accorder des champs par son père ou emprunte à d’autres personnes de la famille le cas échéant. En ce qui concerne les femmes, elles n’ont généralement accès à la terre qu’au travers de leurs époux ou au moyen d’emprunt quand celui-ci n’en dispose pas suffisamment. Dans tous les cas, elles n’ont que des droits d’usage précaire, car le retrait de la parcelle peut intervenir à tout moment. Ces conditions d’accès à la terre s’applique également aux jeunes filles qui sont appelées à quitter la concession familiale après leur mariage.

Somme toute, l’étude du régime foncier coutumier dans la zone des vallées révèle deux éléments essentiels. D’abord l’importance du quartier qui représente la plus petite unité de tous les ensembles sociaux détenteurs de droit d’appropriation collective et le lieu où règnent une solidarité et une coopération effective entre parents utilisant la terre héritée de l’ancêtre commun fondateur. C’est à ce niveau que la notion de terrain a un sens et qu’il est plus facile de mobiliser les habitants lorsqu’on décide d’entreprendre des actions de développement. Mais quelle sera l’attitude des autres quartiers quand on demandera à leurs membres de contribuer à des réalisations dont ils ne sont pas sûr de pouvoir en profiter pleinement? C’est justement ce genre de problèmes qui minent les relations entre plusieurs quartiers ou villages.

Ensuite la superposition de rapports juridiques avec l’espace (droit sur la terre sacrée, droit collectif ancestral, propriété familiale du terrain et propriété du champ, droit du conquérant) est porteuse d’ambiguïté, car toutes les formes de propriété tendent à se légitimer. Ceci est favorisé par le contexte actuel où l’enjeu économique du potentiel productif guide les stratégies paysannes d’occupation de l’espace et d’affirmation des droits individuels et collectifs sur la terre.

En réalité, cette situation traduit les difficultés d’adaptation d’un ancien mode de tenure foncière face à un accroissement démographique et à une dégradation continue du milieu agro-écologique. La pression foncière qui en résulte est à la base des changements profonds dans les pratiques obligeant un grand nombre d’agriculteurs à se livrer à l’emprunt d’une ou plusieurs parcelles de culture. Cette précarité engendre également des tensions préoccupantes au sein même du groupe ou entre autochtones des villages limitrophes des vallées et colons officiellement installés sur les terres dites “vacantes” constituant le “domaine privé de l’État”.

II. LE RÉGIME RÉGLEMENTAIRE