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LA VALLÉE DU NAKAMBÉ: UNE ZONE D’AMÉNAGEMENT EN PLEINE EXPANSION

LE PÉRIMÈTRE AMÉNAGÉ DU GANZOURGOU

B. Les techniques de production

2. Le calendrier des travau

Le calendrier agricole du paysan est découpé en plusieurs périodes correspondant à des travaux spécifiques: préparation des sols, labour, semailles, sarclage, épandage d’engrais et traitements phytosanitaires.

a. La préparation des sols

La première opération culturale à laquelle se consacre le migrant après la construction de son habitation, concerne les défrichements et le dessouchage. Ces travaux commencent dès janvier. A l’aide de son coupe-coupe et de divers autres outils, le cultivateur coupe les arbres et extirpe leurs racines. Il rassemble ensuite le tout aux abords de son champ pour renforcer les bandes d’arrêts. Ces opérations manuelles (le dessouchage en particulier) exigent de la part du paysan un engagement physique considérable. La quasi-totalité des paysans interrogés lors de nos enquêtes à ce sujet, sont unanimes à reconnaître cette opération comme étant la plus difficile. Elle serait, selon certains, la cause de quelques désertions.

64 En 1989-1990, le taux de crédit non recouvré était estimé à 70 % à Bomboré, 58,5% à Rapadama et 48%

à Mogtédo. Cette faible capacité de remboursement des exploitants dû au recul de la culture cotonnière, avait entraîné la suspension du crédit entre 1990 et 1996.

Ces réactions ne sont guère surprenantes, lorsqu’on sait que la méthode de culture traditionnelle demande beaucoup moins d’entretien et d’effort. Toutefois, les paysans supportent ce travail, dans l’espoir que l’effort fourni sera recompensé à sa juste valeur. Cette préparation laborieuse des terres prend fin en avril, avant l’arrivée des premières pluies annonçant la période des labours.

b. Le labour et les semailles

En début de saison pluvieuse, lorsque la terre est suffisamment mouillée, le paysan retourne profondément le sol à l’aide de sa daba et de sa charrue, et écrase par la même occasion les mottes de terre. Cette opération qui a pour but l’ameublissement du sol, doit permettre l’enfouissement de la matière organique, ainsi que la pénétration et la mise en réserve des eaux de pluie, pour favoriser la germination et le développement des plants. Elle est aussi un moyen de contrôle des plantes adventices qui laisseront alors le sol propre et favorable au semis ou au développement normal des plants cultivés. Le labour est donc une période d’activité délicate.

Étant donné que chaque opération culturale doit être exécutée à un moment précis de l’année, les paysans doivent tout faire pour être présents au grand rendez-vous des semailles, s’ils ne veulent pas compromettre leur campagne. Et ceux qui ne sont pas équipés pour les labours, recourent à un système d’emprunt / location multiforme: louage de charrue et de bœufs de trait pour l’exécution des travaux au prix de 10 000 à 12 000 FCFA l’hectare; emprunt de bovins de trait dont le gardiennage, l’entretien et le suivi sanitaire sont entièrement à la charge du bénéficiaire (ce cas implique des rapports étroits entre les deux parties); emprunt de bovins de trait sans contrepartie, mais en guise de reconnaissance, le bénéficiaire accorde au propriétaire, quelques journées de travail sur ses parcelles de culture, et des dons en nature après la récolte (100 kg de sorgho); échange de bœufs contre une charrue (ou vice versa) pour ceux qui ont un équipement incomplet.

Les semis s’effectuent en fonction des zones et de la quantité d’eau totale tombée. La période recommandée s’étale entre le 1er juin et le 15 juillet. Le travail est réalisé de la façon suivante: chaque cultivateur tient de la main gauche une petite calebasse pleine de grains et de la main droite la houe à semer. Avec la houe, un geste bref et précis lui permet d’ouvrir légèrement la terre et un mouvement du pouce laisse ensuite tomber deux ou trois grains au fond de chaque trou qu’il referme à l’aide de son outil. Le travail s’effectue en ligne droite, grâce à une corde tendue sur deux piquets de part et d’autre de la largeur de la parcelle. L’exploitant sème le long de la corde. Cette méthode apparaît aux yeux des paysans assez lente. Aussi, certains ont-ils réussi à fabriquer une sorte de râteau qui permet de laisser des repères sur le sol, le long des lignes, et d’aller plus vite. Le tableau ci-dessous donne les méthodes de semailles suivant les espaces végétales.

Espèces végétales

Méthode

de semis

Ecartement

entre lignes Ecartement sur lignes graines/poquet Nombre de plants/poquet Nombre de

Coton 80cm 40cm 5 à 8 2 Sorgho 60 à 90cm 15 à 60cm 6 à 8 3 Petit mil 50 à 80cm 40 à 50cm 10 à 12 3 Maïs 80cm 40cm 3 à 4 2 Niébé 40cm 40cm 5 à 6 2 c. Le sarclage

Avec l’installation régulière des pluies en juillet, les mauvaises herbes envahissent les cultures. C’est le début d’une période d’activité intense. Il faut se hâter de désherber les champs. Les difficultés surgissent à ce moment, car, toutes les cultures ont le même cycle végétatif et demandent à être sarclées au même moment. La main d’oeuvre familiale ne suffisant pas pour mener à bien et à temps les travaux, le sarclage devient alors sélectif et progresse à partir des cultures les plus exigeantes et les plus sensibles: en premier lieu le coton; viennent ensuite les autres cultures: sorgho, mil … Les retards de sarclage65 proviennent de ce goulot d’étranglement. Le développement des mauvaises herbes qui en résulte, compromet la récolte. Les paysans tentent généralement de remédier à ce problème en faisant appel à l’entraide collective: invitation de culture, association en vue de s’accorder une aide réciproque ou d’apporter une main-d’œuvre supplémentaire aux cultivateurs qui en font la demande. C’est aussi pendant cette période que s’effectue le démariage du sorgho et du coton.

d. L’épandage des engrais et les traitements phytosanitaires

L’utilisation de l’engrais est préconisée pour maintenir le potentiel minéral du sol et accroître les rendements. Mais l’exécution de cette activité dépend beaucoup du sarclage, le premier notamment. Un retard sérieux de cette opération entraîne une baisse inévitable de la dose d’engrais recommandée. L’épandage d’engrais est également fonction des cultures. Le coton et le sorgho reçoivent les quantités les plus importantes. Les autres cultures (mil, maïs…) profitent rarement de ce produit. Quant aux traitements phytosanitaires, ils sont destinés à lutter contre les parasites du cotonnier. Cette activité dont la période se situe entre le 17 août et le 24 novembre est faiblement influencée par le goulot d’étranglement de sarclage; mais son accomplissement est parfois rendu difficile par l’engorgement des terres en eau de pluie.

65 Le calendrier agricole recommande trois sarclages; mais le dernier est généralement remplacé par le

buttage, une opération qui consiste à rassembler la terre au pied des plantes pour renforcer leur enracinement et éviter la stagnation des eaux de pluie.

e. Les récoltes

Elles débutent vers la fin du mois d’août par celle du maïs et du niébé. Ces récoltes assez prématurées jouent un rôle cardinal : elles permettent d’abord, de faire face au problème de soudure qui se pose dès l’installation des travaux agricoles; ensuite, pendant cette période de l’année particulièrement précaire sur le plan vivrier, le paysan peut vendre ces produits pour se constituer un petit revenu. Ce sont aussi ces denrées (le niébé notamment) qui sont offertes comme nourriture aux voisins venus accorder leur aide lors des séances de culture collective.

Avec l’installation progressive de l’harmattan, s’annonce la grande période des récoltes. Les premiers souffles de ce vent sec venu du Sahara, font leur apparition en octobre et accélèrent la maturité du mil et du sorgho. Lorsque les grains se raffermissent, le temps est venu de faire la moisson. Hommes, femmes et enfants gagnent les champs, cueillent et amassent dans un coin les épis, qui sont ensuite transportés au village, dans des paniers ou à l’aide de charrettes à ânes. Là, ils sont étalés sur des terrasses, puis conservés dans des greniers après séchage. La récolte du coton n’intervient qu’en novembre. Sa commercialisation débute un mois plus tard et s’achève à la fin février ou à la mi-mars. Cette dernière opération à laquelle se consacre le paysan marque la fin de la campagne agricole.

Le calendrier agricole est donc bien rempli. Contrairement à celui des cultivateurs traditionnels qui ne demande que six à sept mois d’effort, ce calendrier s’échelonne tout au long de l’année. De janvier à mai, les défrichements et le dessouchage occupent les migrants ; à cet ensemble de travaux, s’ajoute le nettoyage des parcelles cultivées (arrachage des tiges de cultures). Juin, juillet, août et septembre sont consacrés au labour, au semis et aux activités d’entretien (sarclage, épandage d’engrais et traitements), octobre, novembre, décembre et parfois janvier, réservés aux récoltes des différentes cultures. Ce n’est qu’après la commercialisation, à partir de la fin février ou de la mi-mars, que tous les exploitants sont libérés de leur service. Certains en profitent alors pour se rendre au village d’origine.

Le calendrier se caractérise aussi par sa rigueur technique, car, c’est avec une méthodologie précise et rigoureuse, que doivent être menées des activités comme le dessouchage, l’entretien et les récoltes, par opposition à la pratique de culture traditionnelle qui est moins rigoureuse. Finalement, la démarche qu’entreprend le cultivateur pour passer de la pratique traditionnelle à la méthode moderne implique une augmentation de la somme de travail fourni et réclame un gros effort d’adaptation.