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didactique sur les conceptions des végétau

Figure 23 : schéma proposé par l’étudiant 179 en réponse à la question

4.1.6. Les obstacles mobilisés (QR1d)

En plus des trois obstacles étudiés précédemment que nous allons de suite brièvement rappeler, discutons ici de quatre autres modes de raisonnement qui font appel soit à une supposée hiérarchie des êtres vivants, soit au primat de la perception, soit à un cloisonnement disciplinaire entre biologie animale et biologie végétale ou, soit, enfin, à une pensée essentialiste.

• Pensée prototypique, macrocentrisme et pensée catégorielle

La présentation des cinq conceptions définies par l’analyse a priori puis la discussion des résultats a permis d’analyser, tour à tour, le recours à la pensée prototypique dans le cadre de la conception fonctionnelle et cellulaire (cf. p. 97 et 121), au macrocentrisme dans le cadre de la conception fonctionnelle macrocentrée (cf. p. 98 et 122) et ensuite à la pensée catégorielle dans le cadre de la conception par opposition (cf. p. 97 et 124). Nous ne jugeons pas utile ici de reprendre l’analyse de ces modes de raisonnement réalisée lors de la discussion des trois conceptions concernées. Néanmoins, il nous semble essentiel de souligner leur importance dans cette section consacrée aux obstacles.

• Hiérarchie du vivant

Douze étudiants explicitent l’idée d’une hiérarchie des êtres vivants ou d’un degré d’évolution dans leur définition des végétaux ou, aussi, dans l’argumentation développée en question 2. Les trois citations suivantes illustrent clairement ce type de raisonnement.

• Étudiant 39 : « Les végétaux regroupent différentes "familles" telles que : - la lignée verte (="les plantes supérieures")

- les algues (rouges, brunes et vertes). (…) »

• Étudiant 48 : « Les végétaux sont un groupe d'êtres vivants dont la caractéristique commune est d'effectuer la photosynthèse. On y regroupe les plantes dites "supérieures" (Angiospermes…) et "inférieures" (mousses…) mais aussi les algues et d'autres unicellulaires (Chlamydomonas...). (…) »

4.1. Résultats concernant les conceptions des végétaux dans une situation ouverte de classification (QR1)

• Étudiant 333 : « (…) Leur composition cellulaire varie de celle des animaux par la présence de plaste et de vacuole et de cellule délimitée par une paroi pecto-cellulosique (pour les végétaux les plus évolués). », c’est nous qui soulignons.

Il semble d’ailleurs frappant de constater que pour certains étudiants les plantes supérieures seraient des Angiospermes alors que pour d’autres ce serait la lignée verte. Étonnamment, il y aurait donc supérieur et supérieur !

Cette idée d’une hiérarchie du vivant reste un héritage de l’échelle des êtres. Nous aurons l’occasion d’en discuter l’importance dans le chapitre 3 consacré à l’histoire des sciences, à travers sa mise en jeu dans les classifications gradistes. Bien que visible dans notre corpus au niveau master 2, cet obstacle qui fait appel à un jugement de valeur non scientifique, reste tout de même peu présent avec seulement 4 % des réponses environ.

• Primat de la perception : importance accordée à la couleur verte de l’organisme

Nous avons codé le recours à une argumentation fondée sur la couleur verte de l’organisme, attribuant à cette seule couleur la présence de chlorophylle (codé M5). Six étudiants ont recours à ce mode de raisonnement. Les deux citations qui suivent explicitent ce raisonnement dans lequel la couleur de l’organisme n’est attribuée qu’à la présence unique d’un pigment et non par une association pigmentaire, dont la couleur résultante masque la présence de chlorophylles, pourtant présentes.

• Étudiant 31 : Fucus non végétal car « Le fucus ne possède pas de chlorophylle qui est un critère pour être un végétal »

• Étudiant 122 : Q1 : « Les végétaux sont un groupe d'organismes vivants comprenant des êtres unicellulaires et pluricellulaires. Les caractéristiques principales de ce groupe dont :

- présence de noyaux dans les cellules (Eucaryotes) - immobilité

- présence de pigments particuliers.

On généralise principalement les végétaux aux végétaux verts contenant de la chlorophylle mais certains végétaux en sont dépourvus (algues brunes par exemple) », c’est nous qui soulignons.

Lors de notre enquête exploratoire (2014), des entretiens individuels ont montré une problématisation scientifiquement erronée dans laquelle des étudiants de M2 s’appuyaient sur ces contraintes : absence de couleur verte interprétée comme l’absence de chlorophylle, pour construire la nécessité d’une nutrition hétérotrophe des algues rouges et brunes. Elle traduit la prédominance du niveau macroscopique, constituant un élément du registre empirique

sensoriel, face au registre théorique. Astolfi & Peterfalvi (1993, p. 109) parlent de l’obstacle transversal « primat de la perception sur la conceptualisation ». Cet obstacle est peut être renforcé de façon didactique par certains enseignements de physiologie végétale à l’université dont les modèles sont bien souvent uniquement des « organismes verts ».

De façon corrélée, notre regard se porte sur la compréhension des étudiants concernant l’expression « lignée verte » qui désigne un groupe monophylétique comprenant les algues rouges, les Glaucophytes et les Chlorobiontes (algues vertes et plantes terrestres).

Les exemples suivants montrent que des étudiants excluent les algues rouges de la lignée verte, puisque les algues rouges ne sont pas vertes ! La liste n’est pas exhaustive mais nous désirons montrer par la diversité des citations que ce type de réponse n’a rien de ponctuel. 15 réponses de ce type ont été répertoriées.

• Étudiant 25 (Palmaria) « C’est un peu la même situation que fucus. Si par végétal on entend présent dans la lignée verte, alors ce n’est pas un végétal, mais selon les critères que j’ai donné en définition ça en serait un… »

• Étudiant 149 : Q1 : « Les végétaux regroupent des êtres vivants appartenant à la lignée verte mais aussi les Rhodophytes et les champignons ainsi que les bactéries photosynthétiques (procaryote). »

• Étudiant 172 (Palmaria) : « Les Rhodobiontes n'appartiennent cependant pas à la lignée verte » • Étudiant 226 : Q1 : « Sens large : tout ce qui est photosynthétique eucaryote. Mais contient : - Algues rouges, Rhodophytes; Algues brunes, Chromophytes (Protozoaires); Algues vertes, Chlorophytes

- Lignée verte (algues vertes + végétaux sup) »

• Étudiant 245 : Q1 : « Ils colonisent différents milieux (aquatiques, terrestres) et sont composés de différentes lignées évolutives dont la lignée verte caractérisée par des pigments photosynthétiques (chlorophylle a, b...), la lignée rouge (Rhodophytes) et autres. »

• Étudiant 265 (Palmaria) : « Il s'agit d'une algue rouge : végétal mais qui n'appartient pas à la lignée verte »

• Étudiant 270 (Palmaria) : « Il s'agit d'une algue rouge (il n'appartient pas à la lignée verte) », c’est nous qui soulignons.

Deux interprétations nous semblent envisageables pour expliquer cette difficulté. Il s’agit de la mise en jeu de l’obstacle du primat de la perception qui associe la couleur verte au niveau macroscopique à la présence de chlorophylle. Cela pourrait provenir aussi d’une difficulté verbale, liée à l’usage du terme « vert », pour qualifier un groupe systématique. Dans le langage courant, le vert n’est, en effet, pas le rouge ou le brun !

4.1. Résultats concernant les conceptions des végétaux dans une situation ouverte de classification (QR1)

Ce résultat didactique semble de nature à interroger l’usage de l’expression « lignée verte », présente dans des ouvrages français de référence en phylogénie, tel celui de Lecointre & Le Guyader (2001), très consulté par les étudiants. En raison de la polysémie du terme Plantae, nous suggérons de préférer l’utilisation du terme Archaeplastida qui se réfère à l’acquisition du plaste à deux membranes par endosymbiose primaire d’une cyanobactérie.

• Importance accordée au cloisonnement disciplinaire distinguant biologie animale et végétale

Pour inclure une espèce parmi les végétaux, 5 étudiants utilisent comme argument le fait qu’elle ait été étudiée dans l’enseignement de biologie végétale à l’université ou dans le secondaire : programme de sixième, manuels scolaires de SVT ou modèle expérimental pour réaliser des travaux pratiques. Notons que ces arguments ne sont jamais utilisés pour des plantes terrestres et le sont, dans quatre cas sur cinq, pour les deux espèces eucaryotiques unicellulaires. Le recours à ce type d’argument non scientifique peut constituer un indice supplémentaire de la difficulté à classer ces espèces.

• Étudiant 35 : Surirella NSP : « J'hésite car c'est un peu animal avec les deux valves. Mais je l'ai étudié en biologie végétale. Donc je dirai oui. Mais c'est utilisé en géologie comme fossile. D'où le doute. Est-ce animal ou végétal. Voilà pourquoi j'ai mis je ne sais pas, même si j'aurai dit végétal car c'est en biologie que j'ai vu son cycle »

• Étudiant 110 : Fucus V : « Je l'ai étudié en cours de biologie végétale ». Polypodium : « Il est étudié en classe de 6e dans la partie "Colonisation des milieux par les végétaux" »

• Étudiant 183 : Euglena V : « Je me rappelle d'un cours et on l'a mis dans les végétaux »

• Étudiant 280: Euglena V : « Car utilisé dans de nombreuses expériences en SVT sur les végétaux dont la photosynthèse »

• Étudiant 305 : Euglena NSP : « Son utilisation dans les manuels scolaires comme étant classés dans la classification des végétaux me fait douter », c’est nous qui soulignons.

Bien que peu présent dans notre corpus, seulement 1,5 % des réponses, ce type d’argumentation nous semble intéressant à souligner. Il révèle que l’existence de disciplines identifiées dans l’enseignement peut constituer une aide pour les étudiants car elle leur permet de clarifier ce qui relève ou non de son champ d’étude. Mais, notons également que ce cloisonnement disciplinaire peut constituer un obstacle, au sens où il stoppe le questionnement. Si une espèce est étudiée dans un cours de botanique, c’est qu’elle est végétale. Alors, à quoi bon se questionner sur les caractéristiques fondant cette catégorie classificatoire, sur l’évolution historique de ce groupe et sa polysémie ? Étant lié à une

organisation de l’enseignement, cet obstacle peut être qualifié de didactique. Mais ce cloisonnement existant aussi d’un point de vue institutionnel - plus largement que dans le cadre de l’enseignement - cet obstacle donc, pourrait également être de nature sociologique, selon la typologie des obstacles proposée par Pierre Clément (2014, p. 141).

• Le recours à une pensée essentialiste ?

La souris arrive en tête du palmarès de l’argumentation par exclusion explicite (cf. figure 25). Elle mérite une attention particulière. Pour certains étudiants, la non-appartenance de la souris aux végétaux est tellement évidente qu’ils en viennent à répondre, étonnamment, de manière ironique et humoristique. En témoignent les quatre réponses de la figure 26.

Figure 26 : quatre réponses concernant la souris (Mus) soulignent une certaine ironie. GFP : green fluorescent protein, utilisée fréquemment en biologie moléculaire comme marqueur de l’expression

d’un transgène et donnant une couleur verte en éclairant avec des UV

Comment interpréter ces réponses et quelle est la nature du raisonnement sous-jacent ?

L’exclusion de la souris du groupe des végétaux est argumentée, dans certains cas, par l’absence des caractéristiques définissant les végétaux pour ces étudiants. C’est l’exemple fourni par l’étudiant 61. Celle-ci précise que la souris ne possède pas de cellulose et de plastes, caractères qui ont été indiqués en question 1 et qui définissent les végétaux. L’ajout des traits d’humour « Mais allez savoir !!! » et « étrange J » semble indiquer que les deux groupes animaux et végétaux s’excluent de façon évidente et qu’il n’est ni questionné, ni questionnable. C’est également le cas de l’étudiant 172 qui fournit comme seule justification :

4.2. Résultats concernant la relation entre les logiques de réponses et les situations de classification (QR2)

« Est-il réellement utile d’argumenter ? ». Or, l’étude du concept de végétal, réalisée au chapitre précédent, a montré à quel point la polysémie de ce concept est forte, un concept, utilisé dans des sens différents selon les contextes et les disciplines biologiques et qui, dans l’histoire, a fortement évolué. La photosynthèse peut apparaître, puis disparaître, au cours de l’évolution. Elle est réalisée chez des animaux à partir de partenaires symbiotiques (e.g. les coraux) ou chez des animaux qui acquièrent des plastes à partir des algues ingérées (cf. le mollusque marin Elysia, p. 37). Face à un problème aussi complexe que celui de la définition des végétaux, nous ne pouvons que nous interroger sur le sens à donner à ces réponses ironiques qui, d’ailleurs, ne concernent pas que la souris.

Il nous semble possible que certains étudiants aient eu recours à une pensée essentialiste qui les conduisent à réifier des groupes systématiques dont l’existence ne serait pas questionnée, alors même que, d’un point de vue épistémologique, les groupes sont des constructions humaines.

Nous touchons là une limite forte du recueil de données par questionnaire qui ne permet pas d’interpréter avec assurance ces quelques touches d’ironie et d’humour. Des entretiens individuels seraient nécessaires afin de mieux comprendre les fondements de telles réponses. Nous aurons l’occasion de préciser le recours à ce type de raisonnement dans le cas de la plante à fleur non chlorophyllienne : l’orobanche.

Jusqu’à présent, nous avons exploré le raisonnement mobilisé dans le cadre d’une situation ouverte de classification sans imposer de registre explicatif. Quelles sont les relations entre les réponses obtenues et la nature des questions qui correspondent à différentes situations de classification : écologique puis phylogénétique ? Comment s’articulent les raisonnements fonctionnel et phylogénétique, en particulier dans le cas d’une espèce problématique : l’Angiosperme non chlorophyllienne ?

4.2. Résultats concernant la relation entre les logiques de