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RESPONSABILITE CIVILE

SECTION 2. Les obstacles à la qualification de sanction

272. Problématique. L'étude des qualifications possibles des manifestations préventives montre

qu'aucune ne parviennent à les qualifier toutes. En revanche, un constat s’est fait jour : toutes les qualifications possibles conduisent à concevoir les manifestations préventives comme des sanctions juridiques. La qualification de sanctions serait-elle la qualification fondamentale qui se cache derrière les qualifications alternatives qui, prises isolément, échouent là où la qualification de sanction pourrait réussir ?

273. Hypothèse. Rien n'est moins sûr ! Si cette voie découle de la précédente section, elle se

heurte néanmoins au bon sens. En effet, on retient habituellement de la sanction une définition suffisamment stricte pour reléguer l'expression sanction préventive à l'état d'oxymore. La sanction juridique demeure synonyme de peine. De même, la prévention semble incompatible avec la notion de responsabilité civile entièrement dominée par la réparation. Derrière ce constat intuitif, nous émettons l’hypothèse que ce constat révèle l’existence d’une conception usuelle de la sanction et de la place résiduelle de la prévention. Ces obstacles sont de nature à rendre impossible la qualification de sanction des manifestations préventives de la responsabilité civile.

274. Pour surmonter ces obstacles, nous procèderons en premier lieu à une analyse généalogique

de la notion de sanction (§1) et en second lieu à une analyse similaire de la place de la prévention en responsabilité civile (§2).

§1. Généalogie de la notion de sanction en responsabilité civile

275. La notion de sanction est conçue d'une manière binaire dans la doctrine civiliste. On l’oppose à la notion de réparation en la définissant d'une manière proche de celle de la peine (A). Parallèlement, on constate que la notion de sanction est également utilisée d'une manière plus large pour qualifier les conséquences de la violation d'une norme de responsabilité (B). La conception de la sanction en responsabilité civile apparaît ainsi ambivalente775.

A. La conception "rétributive" de la sanction en responsabilité civile

276. En quoi consiste cette conception "rétributive" de la sanction (1) et quelles sont ses conséquences sur la qualification des manifestations préventives (2) sont les deux questions qui guideront nos développements.

775 En ce sens, A.BENABENT, "Sanctions et réparation", in Justice et cassation, dossier "Les sanctions", Dalloz,

2005, 91-92, p. 91, « … la notion de « sanction » – précisément celle-là même autour de laquelle s’ordonne cette série d’études – recèle une ambivalence bien connue, sanction-conséquence ou sanction-punition, qui fait obstacle à un lien homogène avec la réparation ».

1. La teneur de la conception "rétributive" de la sanction en responsabilité civile

277. La conception « rétributive » de la sanction tient en deux axiomes reliés : la sanction est assimilée à une peine (a) et se distingue nettement de la réparation (b).

a. L’assimilation de la sanction à la peine

278. Origine. La sanction n’est pas une qualification courante en responsabilité civile. Les

manuels et traités en la matière ne recourent pas à cette notion. Pour autant, le vocable est quelquefois utilisé. Lorsque tel est le cas, on constate qu’il est employé comme un synonyme du terme « peine »776. En effet, « (…) le terme sanction évoque d’emblée l’idée de punition à l’égard d’un individu coupable »777. Intuitivement, sanctionner, c’est punir. Sous d’autres plumes, sanctionner assure la même fonction mais le terme de contrainte est préféré à celui de peine778. Sous cette différence terminologique, une même idée est décrite. Les auteurs concevant alors que la notion de sanction est propre au droit pénal et qu’elle est inadéquate en droit civil ne sont pas rares779. Les indices de cette assimilation entre sanction et peine, ou contrainte, ne sont pourtant pas formellement apparents. On les trouve toutefois au détour de certaines phrases et dans l’agencement des index. La sanction dans les manuels de responsabilité civile est souvent absente de ces derniers780 ou un renvoi est opéré à la notion de peine privée781.

279. Faute. Cette conception "rétributive" de la sanction dérive ainsi d’une lecture pénale de la

responsabilité civile. L’étude des sanctions dans cette matière n’envisage que les cas où le responsable est coupable. La notion de faute semble être consubstantielle de celle de sanction. Certains conçoivent que les sanctions en responsabilité civile ne se fondent que sur les cas de faute subjective782 tandis que d’autres, plus majoritaires en nombre, retiennent la faute objective783. Pour tous, la notion de sanction ne peut rencontrer les régimes objectifs de responsabilité sans faute.

776 En ce sens, M. C

REMIEUX, "Réflexions sur la peine privée moderne", art., préc., n° 9.

777 F. TERRE, Introduction générale au droit, op. cit., n° 574.

778 B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, Les obligations, t.1, Responsabilité délictuelle, op. cit., n° 72 ; Pour une

approche modérée, G.CORNU, Droit civil. Introduction, Les personnes, Les biens, Montchrestien, 12e éd., 2005, n°

19 et s., pour une critique de cette confusion, M.VIRALLY, "Sur la prétendue "primitivité" du droit international", in

Le droit international en devenir, PUF, 1991, p. 91, spéc., p. 93.

779 Par exemple, Ph.M

ALINVAUD, Introduction à l'étude du droit, Litec, 10e éd., 2005, n° 48.

780 Tous les manuels et traités à l’exception de : G. V

INEY, Traité de droit civil, Introduction à la responsabilité, op.

cit.

781 G. VINEY et P. JOURDAIN, Traité de droit civil, Les effets de la responsabilité civile, op. cit., V. l’index. 782 C

H.DESNOYER, L'Evolution de la sanction en droit de la famille, Université de Lille II, 2000, p. 12 ; P. NEGREL,

Contribution à la réflexion sur la notion juridique de sanction, th. préc., p. 9.

783 M. GREVY, La sanction civile en droit du travail, th. préc., n° 9 ; C. OUERDANE AUBERT DE VINCELLES,

Altération du consentement et efficacité des sanctions contractuelles, Dalloz, coll. "Nouvelle bibliothèque de

Concrètement, la sanction en responsabilité civile n’est employée que pour le domaine des dommages et intérêts punitifs, de la clause pénale, des astreintes et lorsque la responsabilité est engagée sur le fondement d’une faute, quoique déjà l’on se contente de l’expression « dommages et intérêts ».

b. La distinction entre la sanction et la réparation

280. Origine. Cette acception rétributive de la sanction permet alors de bien distinguer la

réparation propre à la responsabilité civile des autres types de réparation. La responsabilité civile répare un préjudice ; elle ne punit pas un coupable. Il est alors donner à voir toute l’évolution historique de la matière qui s’est dégagée de la responsabilité pénale. L’histoire est connue784.

Alors assimilée encore à Rome, la responsabilité civile s’est dégagée progressivement de l’idée de répression de l’auteur du préjudice en se focalisant sur l’indemnisation de la victime. La distinction s’est opérée en plusieurs phases. Les délits civils (delicta) et publics (crimina) ont d’abord été distingués sous l’ancien droit romain785. Cependant, la réparation des délits civils pouvait encore être effectuées par la vengeance privée786. Il faut attendre la Loi Salique pour

indemniser pécuniairement le préjudice sous forme de capitale ou de dilatura787. La peine demeure cependant pour les actes fautifs788. De même, il faut encore attendre pour que la réparation du préjudice ne se fonde pas sur la gravité de la faute789. Ce n’est véritablement qu’avec le Code Napoléon, que l’idée de peine est totalement exclue des effets de la responsabilité civile.

281. Limite. A priori, confondre sanction et réparation serait faire fi de toute l’histoire du droit

qui montre au travers de l’éloignement de la responsabilité civile de la responsabilité pénale la distinction entre sanction et réparation790. Toutefois, il existe des manifestations de la responsabilité tant pénale (peine indemnitaire791) que civile (dommages et intérêts punitifs) que

la doctrine qualifie elle-même de sanction-réparation. La distinction entre sanction et réparation n’est jamais totale792.

784 V. notamment, J.-Ph. L

EVY et A. CASTALDO, Histoire du droit civil, op. cit., n° 607 et s ; J.-L. GAZZANIGA,

Introduction historique au droit des obligations, op. cit., n° 187 et s.

785 A.-E.GIFFARD et R.VILLERS, Droit romain et ancien droit français (obligations), Dalloz, 1977, n° 315. 786 C. L

E GALLOU, La notion d'indemnité en droit privé, th. préc., n° 5.

787 Loi Salique, X, 1 et 2.

788 J.BRISSAUD, Manuel d'histoire du droit français, Sources, Droit public, Droit privé, A. Fontemoing, Paris, 1904,

n° 8 ; J.BART, Histoire du droit privé, De la chute de l'empire romain au XIXe siècle, Montchrestien, 1998, p. 417.

789 Jusqu’aux rédacteurs du Code civil, la doctrine plaidait pour que l’indemnisation se fasse en partie en fonction de

la gravité de la faute. En ce sens, SAINT THOMASD’AQUIN, Sommes théologiques, II-II, Q. 61, art.4 ; GROTIUS,

Traité du droit de la Guerre et de la Paix, Prolégomènes, §8, t.II, Amsterdam, 1724, p. 522 ; DOMAT, Les lois

civiles, Livre 3, titre 5 « Des intérêts, dommages et intérêts et restitution des fruits », section 1, pp. 228 et s.

790 En ce sens, C. LE GALLOU, La notion d'indemnité en droit privé, th. préc., n° 5. 791 G. VINEY, Traité de droit civil, Introduction à la responsabilité, op. cit., n° 74-2. 792 A contrario, mais d’un point de vue conceptuel et non historique, A. B

ENABENT, "Sanctions et réparation", art.

2. Les conséquences de la conception "rétributive" de la sanction en responsabilité civile

282. La conception "rétributive" de la sanction emporte des conséquences apparemment insurmontables. En effet, la sanction conçue comme une peine prononcée à l’encontre d’un fautif ne rend pas compte de la responsabilité civile, hormis les cas de peine privée. Au contraire, qualifier les effets de la responsabilité civile de sanctions engendrerait une confusion entre les deux ordres de responsabilité civile et pénale. Or, l’histoire montre qu’il s’est opéré un éloignement entre ces derniers.

Cette conclusion n’est pas sans contredire nos constats. Nous avons vu que les qualifications alternatives recouraient au terme sanction. C’est que la conception "rétributive" côtoie non sans paradoxe une autre conception de la sanction.

B. La conception "conséquencialiste" de la sanction en responsabilité civile

283. D’une manière analogue, l’exposé de la teneur de la conception (1) précédera celui de ses conséquences sur notre sujet (2).

1. La teneur de la conception "conséquencialiste" de la sanction

284. La sanction n’est pas exclusivement définie comme l’équivalent d’une peine. Les dictionnaires renvoient également une autre acception plus large. La sanction serait la conséquence de la violation d’une norme793. La définition emporte deux remarques. D’une part, la sanction apparaît plus neutre. Elle n’est pas revêtue de la couleur "rétributive" de la définition plus stricte. D’autre part, la sanction n’est plus identifiée en soi. Elle n’a pas d’identité propre. Ce n’est pas une peine, une mesure, ou un moyen. C’est une conséquence. Autrement dit, la sanction n’existe qu’à travers le reflet d’une autre notion – celle de la norme. Ces deux caractères de la sanction ainsi définie semblent extérieur pour le premier (a) et étranger pour le second (b) à l’esprit du droit de la responsabilité civile. Pourtant, cette acception du terme est employée par les auteurs de la doctrine civiliste.

a. Une conception extérieure à la responsabilité civile

285. Origine. Cette conception de la sanction qui la définit comme la conséquence de la

violation d'une norme n’est pas propre à la responsabilité civile. Elle provient du langage juridique courant qui recourt à ce vocable dès lors qu’une décision a été prise sur le fondement d’une norme violée. Alors que la responsabilité civile s’intéresse à la nature de la violation (est- elle fautive ou non ?), cette définition de la sanction se situe au-delà. Cette acception du terme

793 D. A

vise le lien qui existe entre une norme et le fait de la violer. Elle découle d’une conception normativiste du droit qui sera étudiée dans le chapitre suivant. Ce qui importe ici, c’est de remarquer quel lien cette conception établit entre la sanction et la norme. Il s’agit d’un lien de cause à effet. La sanction est une conséquence. Dès lors, le terme devient un qualificatif générique pour tous les effets engendrés par une action en responsabilité civile et se retrouve sous la plume de nombre d’auteurs794.

286. Contradiction apparente avec la prévention. Or, les manifestations préventives que nous

avons recensées ne se situent-elles pas en amont de la violation d’une norme de responsabilité ? Lorsque l’on emploie le terme préventif, c’est pour viser les cas où la norme de responsabilité n’est pas encore violée. En des termes plus généraux, l’idée de prévention semble incompatible avec celle de conséquence. Prévenir, c’est agir entre la cause et la conséquence. C’est devancer cette dernière795.

287. Pistes de cohérence. Aussi implacable que puisse apparaître cette évidence, deux

remarques principales peuvent être faites pour relativiser cette contradiction apparente entre prévention et conséquence. En premier lieu, il convient de soulever l’acception particulière du terme « conséquence » dans cette définition de la sanction. L’évidence veut que l’on assimile la conséquence à une réaction, c’est-à-dire à ce qui vient après chronologiquement. C’est oublier qu’une relation causale n’est pas systématiquement linéaire dans le temps. Il est des conséquences proactives, c'est-à-dire des conséquences qui ont lieu avant la réalisation de leur cause. Si un créancier peut prévoir sa faillite prochaine, il pourra mettre en œuvre une procédure de liquidation judiciaire avant que ne se réalise effectivement la faillite. Et pourtant, cette procédure est bien la conséquence de la faillite future car sans elle, la procédure ne peut être engagée. Le terme conséquence mériterait à être compris comme englobant les effets réactifs et

proactifs des causes. En second lieu, il convient de ne pas assimiler la conséquence en droit à la

seule conséquence judiciaire en tant que conséquence finale. « …une conséquence juridique doit

794 M. GREVY, La sanction civile en droit du travail, th. préc., n° 9, « … la sanction devant être alors envisagée

comme la réaction de l’ordre juridique à la violation d’une règle ». L’auteur précise dans la note de bas de page que « la violation de la règle est ici entendue dans un sens large, celui d’une atteinte au droit. On pourrait considérer à cet égard que l’abus de droit n’entre pas dans le champ d’investigation, contrairement à l’irrégularité ou la nullité d’un acte juridique, puisqu’il ne trouve pas sa source dans la violation d’une règle au sens précis de ces termes. L’objection doit être écartée si l’on veut restituer à la sanction civile une cohérence d’ensemble dans une problématique unique. L’acte juridique abusif méconnaît la règle selon laquelle le titulaire d’un droit ne saurait en abuser, sauf à porter une atteinte à la légalité. Surtout, à travers l’exercice abusif d’une prérogative, une atteinte est portée aux droits d’une personne, atteinte dont la nature diffère de celle portée par un acte juridique lorsque celui-ci est irrégulier ou nul. » ; Ch. DESNOYER, L'Evolution de la sanction en droit de la famille, th. préc., p. 12, « la

sanction est la conséquence que le droit attribue à la faute » ; M. FABRE-MAGNAN, Les obligations, op. cit., n° 252, p. 688, « Se reconnaître responsable implique d’accepter les conséquences qui en découlent moralement ou socialement, c’est-à-dire les sanctions » ; Ch.-A. MORAND, "La sanction", art. préc., p. 305, « La sanction est la

conséquence de la violation d’un devoir ».

795 C’est lié au préfixe pré. Sur les sens du préfixe pré, le « préfixe par excellence » ou « le préfixe des préfixes », un

détour par la poésie peut être proposé : F. PONGE, La fabrique du pré, éd. Albert Skira, coll. "Les sentiers de la

pouvoir être qualifiée de sanction avant qu’un juge puisse intervenir »796. Il est des sanctions qui sont des conséquences intermédiaires, c’est-à-dire prononcées avant la décision finale. C’est le cas des sanctions en référé, si l’on retient ici cette conception « conséquencialiste » de la sanction. Alors, il serait compréhensible de définir la sanction prononcée en référé comme une conséquence de la violation d’une norme, et ce, alors que la violation n’a pas encore eu lieu (le dommage est futur). Pré-venir serait alors agir avant que le dommage ne se réalise et également avant que le droit ne soit définitivement dit797.

Provenant du dehors de la responsabilité civile, cette conception « conséquencialiste » utilisée en dedans peut également apparaître étrangère à sa logique.

b. Une conception étrangère à la responsabilité civile

288. Origine. Classiquement, « la responsabilité consiste dans l’obligation de réparer le

dommage causé, cette réparation prenant le plus souvent la forme de dommages et intérêts »798. La présentation du droit de la responsabilité se passe ainsi de la notion de sanction. La condamnation en responsabilité civile conduit à imposer une nouvelle obligation au débiteur. La notion d’obligation tient lieu de sanction.

289. Incompatibilité apparente avec la responsabilité. A priori, obligation et sanction sont

deux notions juridiques différentes qui ne peuvent être confondues. La conception "conséquencialiste" de la sanction n’aurait alors pas de place en responsabilité civile. Elle serait étrangère à sa logique qui fait intervenir la notion d’obligation pour qualifier ses effets. La responsabilité civile débouche sur une obligation nouvelle et le terme sanction serait surabondant pour qualifier les conséquences de la violation d’une norme de responsabilité.

290. Pistes de compatibilité. Toutefois, la conception "concequencialiste" de la sanction ne doit

pas être entendue comme une conception structurelle mais fonctionnelle. En d’autres termes, la sanction n’a pas une identité propre, c’est le qualificatif ajouté à une notion en vue de lui donner une nouvelle fonction. En ce sens, une obligation peut très bien avoir la fonction de sanction. Cette acception du terme sanction a été exprimée clairement par M. Michel Virally et développée par M. Charles-Albert Morand. M. Virally expose ainsi sa conception : « … d’une obligation violée ou non exécutée, va naître une obligation nouvelle, et ainsi de suite. Des chaînes d’obligations vont se forger (…) jusqu’à ce que le résultat recherché ou un résultat équivalent ait été atteint. A l’obligation initiale sera substituée une autre obligation de donner (dommages et intérêts) ou de faire (remise en état). La sanction, si on veut parler de sanction, ne sera pas un

796 Ch.-A. MORAND, "La sanction", art. préc., spéc., n° 4, p. 303.

797 Sur ces deux significations du préfixe pré, v. J. DERRIDA, « Préjugés : devant la loi », in La faculté de juger, J.

DERRIDA, V. DESCOMBES, G. KORTIAN, P. LACOUE-LABARTHE, J.-F. LYOTARD et J.-L. NANCY, Les éditions de

minuit, coll. « critique », 1985, pp. 87 et s., spéc. pp. 91 et 92, « …ici le mot « préjugés » ne fait pas seulement signe vers ce qui est jugé d’avance ou déjà jugé, décision pré-réflexive ou opinion reçue. (…) le nom « préjugés » peut aussi nommer ce qui n’est pas encore catégorique ou prédicatif ».

798 Ph. LeT

acte de contrainte, mais elle-même une obligation juridique. La contrainte n’apparaîtra finalement que sous forme d’exécution forcée, si on doit aller jusque-là »799. A proprement parler, l’auteur ne recourt pas directement à la sanction. Selon lui, c’est une vue de l’esprit, un véhicule de l’obligation juridique. Celle-ci n’est pas toujours à l’initiative d’un droit ou d’un devoir mais la conséquence de la violation ou la non exécution d’un devoir. Dans ce dernier cas alors, l’obligation juridique est imposée à titre de sanction.

290-1. Cette conception est reprise et développée par M. Charles-Albert Morand qui définit la sanction comme « la conséquence de la violation d’un devoir »800. Il rejoint la conception de M. Virally en ce sens que « le plus souvent, la sanction prend la forme, soit d’une obligation de faire ou de ne pas faire, soit celle de la déchéance d’un droit »801. La sanction vise à assurer la rétribution, la réparation et la prévention. Cette dernière fonction se surajoutant aux deux premières qui distinguent la responsabilité pénale de la responsabilité civile. Pour autant, tout effet de droit n’est pas une sanction selon cette deuxième conception. En effet, la définition est une chose, la qualification en est une autre. L’auteur part alors dans une vaste mais synthétique étude des principaux effets de droit afin de vérifier à l’aune de sa définition s’ils constituent ou non une sanction. Dans cette entreprise, il retient que les peines, qu’elles soient pénales,