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Les nouveaux quartiers de logements, Khu Do Th

Contexte urbain d’une ville en mutation

3. Les nouveaux quartiers de logements, Khu Do Th

3.1. Continuité et rupture, du Khu Tap The au Khu Do Thi

Dès le début de l’indépendance, Hanoi s’était engagée dans une production de logements collectifs très active. L’affluence de nouveaux citadins venus travailler dans les administrations et dans les entreprises d’Etat et qui devaient se loger dans la capitale de la nouvelle République Socialiste du Viêt-nam en est la raison première. La demande était si forte que, même sous les bombardements américains, la construction des grands ensembles ne s’est pas interrompue. A la fin des années 80, la disparition du COMECOM consécutive à la chute du communisme en URSS et en Europe de l’Est, a provoqué une crise économique qui s’est répercutée sur les pays asiatiques frères. Une solution aurait été de se rapprocher significativement de la Chine, mais les tensions culturelles et historiques entre les deux pays n’ont pas permis des échanges suffisant à écarter la crise économique. Le gouvernement vietnamien s’est donc rapidement désengagé de son programme d’habitat collectif. Ceux-ci ont été cédés en propriété aux habitants sous condition de la prise en charge de leur l’entretien. Ce n’est que très récemment, en changeant complètement sa politique du logement, que le gouvernement vietnamien a repris ces activités de construction.

On a donc créé des « zones nouvelles d’urbanisation pour l’habitat », Khu Do Thi en vietnamien, et des entreprises publiques avec autonomie de gestion pour se charger des nouveaux programmes de logement. Branches du ministère de la Construction (tel HUD, Housing Urban Development ; ou VCC, Vietnam Consultant corporation) ou des services de la municipalité (tel CDCC, Construction Department, Consulting and Conception), celles-ci sont donc d’économie mixte. Elles gèrent leurs capitaux de façon à rentabiliser les investissements à très court terme, comme le ferait une compagnie privée. Les compagnies entièrement privées sont encore très rares sur la scène urbaine hanoienne. L’Indonésien CIPUTRA avec son projet de quartier résidentiel à l’ouest du lac Tay, reste une exception.

87. Par exemple le plan de 1873 qui dresse un état des lieux à l’arrivée des Français ou même celui de 1986, date de la décision de l’ouverture du Viet-Nam à une politique économique plus libre : Doi Moi.

De ce fait, ces nouveaux programmes de quartiers résidentiels sont très différents de leurs prédécesseurs, les KTT. Voici quelques différences majeures :

- la superficie :

Les appartements disponibles dans les nouveaux bâtiments de grandes hauteurs des Khu Do Thi offrent une superficie habitable bien supérieure aux ratios en vigueur dans les KTT ou dans les logements exigus des districts centraux surpeuplés de la ville. Entre 70 m2 et plus de 150 m2, dans les immeubles des nouveaux quartiers contre 16 m2 à 50 m2 dans les KTT. Cependant, la qualité architecturale et spatiale des appartements reste encore largement discutable ; il n’est pas sûr qu’elle satisfasse vraiment les usagers de ces nouveaux logements ;

- l’attribution :

La plupart des KTT était construit pour une population très ciblée, principalement fonctionnaire, ouvrière, voire militaire. Certains immeubles étaient aussi réservés pour les employés de la poste, d’un ministère, d’une usine sise à proximité, etc. Les appartements faisaient partie des avantages qui équilibraient les bas salaires. L’attribution prioritaire des logements dans les Khu Do Thi n’est pas efficace et n’a pas de fondement idéologique ou social, malgré les annonces d’intentions des entreprises les construisant. Les appartements ne sont pas loués, comme dans les KTT, mais vendus et leur commercialisation se termine avant même la mise en chantier des immeubles. Les « clients qui travaillent dans l’administration publique » sont prioritaires pour ces achats, ce qui ne signifie en rien qu’ils en seront majoritairement les habitants. Bien que le financement et la commercialisation des appartements soient dans un circuit exclusivement public, ils entrent dans celui de la spéculation privée, dès la première vente. Actuellement, il existe une telle demande en logements à Hanoi, qu’une spéculation s’est organisée avec la vente et la revente des appartements. De ce fait, leur prix final est deux à trois fois plus élevé que leur prix initial ;

- les équipements d’accompagnement :

Conçus et mis en œuvre par la compagnie gestionnaire de l’ensemble du Khu Do Thi, ces équipements sont construits après les immeubles de logement, parfois même après l’emménagement de leurs habitants. Ces investissements sont officiellement remboursés par la municipalité et gérés par celle-ci, cependant, la participation des habitants est requise en réponse à une demande des entreprises publiques afin d’accélérer une mise en œuvre ralentie par les lenteurs de remboursements de la municipalité.

L’organisation du nouveau quartier se fait avec et autour de ces équipements, parc, crèche, école, administration, etc. Ce processus de projet est en continuité avec l’habitude de planification soviétique que les urbanistes vietnamiens maîtrisent grâce à leur expérience acquise lors de la conception des KTT. Une différence non négligeable cependant : aucun marché n’est planifié pour le moment dans les Khu Do Thi alors qu’il était souvent central dans un KTT ;

- les équipements d’infrastructure :

Comme pour les équipements d’accompagnement, ils sont conçus par l’entreprise publique après accord et approbation des autorités de tutelles (ministères de la construction, des finances et municipalité). Les investissements dus à la voirie construite sur le périmètre de la nouvelle zone d’urbanisation ne seront pas remboursés par la municipalité comme cela était prévu. L’implantation de ces ensembles, comme pour les KTT, se fait sur d’anciennes terres agricoles décrétées nouvelles zones d’urbanisation par la municipalité et dans des districts récemment devenus urbains (Quan et non plus Huyen). Ils sont planifiés à proximité d’une voie existante, parfois élargie, ou d’une nouvelle voie sur laquelle ils se connectent. Ils participent au mitage de la banlieue d’Hanoi composée des KTT, des anciens villages, des grands équipements, des terrains agricoles résiduels, des industries et maintenant des Khu Do Thi (Pl. Hno06) ;

- la gestion :

Certains bâtiments des premières opérations de ce type (en particulier dans le Khu Do Thi de Dinh Cong) souffrent de nombreux désordres et de malfaçons. La demande étant particulièrement forte, le gain en superficie offert par ces appartements suffit à convaincre les futurs habitants pour qui, semble-t-il, ces problèmes sont secondaires. Par exemple : la climatisation des appartements est laissée aux soins des habitants, peu après leur emménagement, l’installation de climatiseurs commencent à envahir les façades des immeubles. La gestion de l’eau n’est pas collective, aussi pour avoir de la pression au robinet, chaque salle d’eau est pourvue d’un réservoir, autant de points de fuites

et infiltrations possibles si l’entretien n’est pas régulier. L’entretien des immeubles collectifs devrait être assuré grâce à la participation financière des habitants (30 000 dôngs par mois, soit 1,5 euro), à la location des emplacements pour garer les motos (30 000 dôngs par mois et par motos, soit 1,5 euro) et aux revenus obtenus grâce à la location des quelques boutiques en rez-de-chaussée. Or, selon une expertise française (IMV–2003), ces revenus suffiraient à couvrir 5 % seulement des frais réels d’entretien des bâtiments. Cette situation laisse présager à très court terme des dysfonctionnements de gestion ;

- le mode de production :

Les villas sont dessinées par l’entreprise ou par des architectes qui sont directement contactés par les propriétaires pour une commande privée. En général, un client connaît déjà un architecte (relation, publicité) et le prie de lui proposer un projet. Si le client le retient, un contrat est signé entre les deux parties pour réaliser la villa. Ce mode de production connaît de multiples variations, l’architecte pouvant être mandaté pour une remise de maison clés en main ou seulement pour la phase de conception. Le client se charge alors de la réalisation, seul ou avec un constructeur.

Un décret de la municipalité88 interdit la construction de compartiments dans ces nouveaux secteurs. Cependant, ils demeurent un modèle d’habitat et un choix pour une grande partie de la population citadine. Ce décret semble donc lettre morte au vu des nouveaux compartiments planifiés et construits dans les Khu Do Thi et encore plus en observant le dynamisme urbain privé qui use et abuse de ce type de construction très en vogue. Ainsi certains nouveaux quartiers proposent une variété d’habitat dont le compartiment fait partie. Par exemple à Linh Dam, la compagnie de construction et de gestion (HUD), qui est aussi en charge de vendre les logements, propose des appartements dans des immeubles collectifs (de 11 à 18 étages), des terrains lotis de villas, des maisons de type compartiment où encore des terrains livrés avec le gros œuvre d’une maison jointive d’un habitat en bande de type compartiment, laissant au client le choix du second œuvre et du style.

3.2. HUD, Compagnies d’investissements de projets de développement de l’habitat et de la ville

Cette compagnie vietnamienne dépend entièrement du ministère de la Construction. Elle travaille avec le Comité populaire d’Hanoi pour la réalisation de plusieurs nouvelles zones urbaines pour le logement, Khu Do Thi, situées sur l’ensemble du territoire de la ville. Cette entreprise, semi- publique, a travaillé sur les premières expériences de nouveaux quartiers de logements89. Plus précisément, elle expérimenta le premier bâtiment d’habitation de grande hauteur, neuf étages, dans la zone d’urbanisation de Linh Dam. La mise en chantier de ce nouvel habitat était une aventure risquée à Hanoi : HUD a du passer outre la méfiance habituelle des Vietnamiens pour les immeubles d’habitation de grande hauteur. Les activités de cette compagnie d’investissements sont variées : elle ne se cantonne pas seulement dans la construction, la promotion, la commercialisation et la gestion immobilière ou de terrains à bâtir, mais construit aussi les infrastructures et équipements du nouveau quartier. Elle assure également l’entretien de l’ensemble des espaces communs du quartier. Il existe cependant des différences notables entre le discours 90 de la compagnie et la réalité. Le statut de la société est d’ailleurs ambigu, officiellement entreprise étatique, elle fonctionne plus comme un promoteur privé préoccupé par la rentabilité financière de ses investissements. HUD joue de cette ambiguïté en se substituant en partie à l’État pour certains services publics comme l’entretien de la voirie et des espaces verts, le ramassage des ordures, ou encore la sécurité du quartier relevant exclusivement de HUD.

88 Décret N°123/2001/QD-UB, signé le 6 décembre 2001. L’article 7 prévois que les nouveaux quartiers (Khu Do Thi) devront être construit à 60 % d’immeubles collectifs de plus de 9 étages et à 40 % de villa entourée de jardin au milieu de leur parcelle. Le second alinéa de cet article stipule qu’il ne doit pas y avoir de construction de compartiments dans ces nouveaux quartiers. 89 Qui sont : Giap Bat, Linh Dam et Dinh Cong toutes situées dans la banlieue sud d’Hanoi. Actuellement, HUD met en chantier une nouvelle zone de développement et de logement, My Dinh II à l’Ouest d’Hanoi, proche du nouveau stade construit pour les 22ème Seagames organisés à Hanoi en 2003 ; et une autre zone, Phap Van, aussi dans le sud de la banlieue hanoienne. 90 Celui du directeur de la compagnie, Nguyen Manh Ha, lors des « regards croisés sur Hanoi » organisés entre le 12 et 14 novembre 2002 par l’IMV à Hanoi.

3.3. CIPUTRA

Le quartier résidentiel CIPUTRA n’est pas un Khu Do Thi, mais un quartier de standing proposant des appartements collectifs en copropriété de type condominium, comme ceux que l’on trouve à Singapour ou en Indonésie : un cas un peu particulier donc. C’est la seule opération de cette importance à être montée et financée entièrement par un investisseur étranger : pour les autres opérations, les modèles des appartements sont des copies de plans-types agencés rapidement et maladroitement entre eux. Il en résulte des dispositions inconfortables, peu fonctionnelles avec des pièces éclairées en double jour, voire sans lumière ni ventilation naturelle.

Quant aux bâtiments du futur quartier de CIPUTRA en construction à l’ouest du lac Tay, c’est entièrement terminé que leurs plans arrivent aux bureaux de représentation de cette compagnie à Hanoi. Les architectes installés sur place pour cette opération ont à gérer la mise en œuvre des bâtiments (plan d’exécution et suivi de chantier) sans avoir la liberté de modifier les plans reçus. Les plans, dessinés par un cabinet d’architecture de Singapour pour le promoteur indonésien, n’ont pas intégré certains modes vietnamiens d’usage de l’espace domestique. Aussi les principales critiques émanant des futurs habitants91 portent-elles sur l’absence d’emplacement pour l’autel des ancêtres et l’entrée qui se fait en traversant une pièce d’environ 14 m2, considérée comme un espace perdu et inutilisable qui ne correspond pas au seuil habituel (Pl. Hno-08).

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