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Formation et résistance du village : 1960

Etudes de cas : Nongchanh et Fai 1 Ban Fai : résistance d’un espace villageois

1.2 Formation et résistance du village : 1960

Ban Fai est le plus ancien village du secteur Dongpalane. Mentionné pour la première fois sur

le plan de 1920, son implantation est certainement antérieure, elle pourrait dater du début du XXe siècle. Si en 1905 le village n’est pas représenté, un chemin desservait déjà son territoire depuis la route du That Luang jusqu’au site actuel du vat Fai, laissant supposer l’existence de zones habitées ou du moins fréquentées.

Les documents iconographiques, notamment les photographies aériennes de 1954 et 1959, montrent que les premiers groupements d’habitations étaient situés à l’arrière de la rue Dongpalane, au centre actuel du village où se trouvent les dernières maisons de type lao39, dont les rez-de-chaussée peuvent être consolidés, ou dérivées de ce modèle.

A la différence des quartiers de Dongpalane, ban Fai pourtant sis à la périphérie du centre ville, au-delà de la zone humide de Nongchanh, n’est pas resté excentré ; très tôt il a été relié puis intégré à l’ensemble urbain. Et ceci du fait de sa situation à l’extrémité occidentale du secteur et de son double ancrage au réseau de voirie : à la fois sur la route du That Luang qui a longtemps été la principale pénétrante urbaine et sur celle de Dongpalane. Ainsi, dès le milieu du XXème siècle, le village était dans la mouvance du quartier commercial du marché du Matin puis, plus tard, du nouveau “ péricentre ”. Cette conjoncture a influé sur sa croissance ; il s’est d’abord développé vers le nord-ouest (route du That Luang) et le sud-ouest, attiré par le mouvement d’urbanisation de la Dongpalane qui, dès les années 60-70, s’affirmait comme une rue commerçante ; ban Fai contournait alors le cimetière40. Puis, des extensions progressives ont été réalisées vers le canal et, plus récemment, vers la rue Cosco percée en 2000-2001. Force est de remarquer l’importance du réseau de voirie qui suscite et oriente la croissance villageoise.

Pourtant, ban Fai s’est longtemps maintenu sous sa forme villageoise : sur la rue Dongpalane, les maisons sur pilotis et les premiers compartiments de bois n’ont pas cédé la place aux compartiments en dur qui, dès le début des années 70, avaient investi l’autre côté de la rue (devant Nongchanh) ; à l’intérieur du village, les maisons du noyau originel restent présentes au milieu de

39. Voir P. Clément et S. Clément-Charpentier, L’habitation lao, op.cit.

40. Les plans du BCEOM montrent qu’au début des années 60 le village s’étendait jusqu’à la route du That Luang et celle de Dongpalane.

grands espaces arborés. Bien que relié à la ville et à un de ses quartiers les plus dynamiques et commerçants, le village a résisté, à sa façon, aux pressions urbaines, notamment aux pressions d’un urbanisme marchand. Ses habitants majoritairement d’origine lao et installés ici depuis plusieurs décennies sont attachés à leur terre, à leurs maisons, à leur village et surtout à un certain mode de vie. Ce qui ne signifie pas que l’espace bâti n’évolue pas avec son temps, mais peut-être que les transformations ne se font pas aux mêmes rythmes, aux mêmes échelles et selon les mêmes critères qu’ailleurs, à moins que des évènements extérieurs viennent changer le cours de la vie villageoise, ce qui semble être le cas en ce moment.

L’étude de ban Fai nous permet d’appréhender les phénomènes de résistances de l’espace villageois dans la confrontation d’autres structures spatiales (rue commerçante, lotissements, etc.). On s’interrogera sur les transformations actuelles, alors que de grands projets (aménagement de Nongchanh et percée de la Cosco), représentatifs de nouveaux modes de penser et construire la ville, viennent restructurer le secteur. Fai est représentatif de nombreux villages urbains de Vientiane désormais soumis à des pressions similaires ; aussi ses recompositions sont-elles significatives à l’échelle urbaine.

Rue Dongpalane : pas de véritable façade commerçante

Le segment de façade sur rue situé devant ban Fai, entre l’enceinte du ministère de l’Industrie et du Commerce et le canal Hong Ké, se distingue de l’ensemble de la rue. Il ne présente pas un front continu de compartiments, mais un bâti mixte peu dense et peu élevé (R, R+1 et R+2) composé, en 2000, d’anciens compartiments de bois (ca. 1960), de compartiments en dur des différentes époques (années 70, 90 et 2000), d’une villa de plain-pied, d’un atelier-hangar dans lequel sont entreposés des stupas, d’échoppes … et d’une placette bordée de maisons sur pilotis.

Cette façade sur rue n’a pas été élevée ex nihilo (comme cela a été le cas devant Nongchanh) ni en lieu et place de constructions conjoncturelles : bars, gargotes et autres échoppes du quartier américain. Elle s’est insérée dans un tissu villageois déjà bien constitué41, contrainte par la présence de sentiers, de découpages fonciers établis, de constructions et d’éléments structurants comme le cimetière, le canal, la pagode.

En superposant le plan de 2003 sur celui de 1962-65, il apparaît que les tracés actuels sont calés sur les découpages préalables. Si les terrains sont parcellisés et densifiés, notamment de part et d’autres des ruelles qui mènent au village, la ligne de fond de parcelles a été maintenue. Les nouvelles constructions s’assurant d’un recul d’environ 10 mètres par rapport à la chaussée en vue d’élargissements de la voie, la profondeur du bâti bordier n’excède pas 15 mètres pour une trame de façade de 4 mètres.

En 2002-2003, plusieurs chantiers participaient à la recomposition de la façade : destruction des structures anciennes, dont la placette et les compartiments de bois ; construction de compartiments en dur qui assurent la continuité du linéaire des immeubles mixtes, de commerce et de résidence. Ces recompositions rendent compte du dynamisme de la rue, notamment à proximité des quartiers de marchés ; elles résultent également de transformations opérées à l’intérieur des tissus, dans le village même de Fai.

Extension et densification du noyau villageois portées par la voirie

En 2000, le noyau villageois situé à l’intersection des ruelles qui mènent de Dongpalane à Cosco et de Fai à Mahosot, ainsi que les constructions implantées à proximité du canal avaient été peu modifiées. S’y trouvaient des maisons laos anciennes (des années 50 et 60) ou dérivées de ce type, notamment des maisons laos coloniales.

A l’entour, les extensions de l’espace villageois, déjà visibles au début des années 60 vers les rues Dongpalane et Mahosot, ont été progressivement densifiées puis, en 2000, prolongées vers Cosco. Ce mouvement d’urbanisation est étroitement lié à la mise en place d’un réseau de ruelles branché sur les trois rues mentionnées afin de mieux desservir et relier les groupements, ces voies

41. Voir les plans du BCEOM, 1962-1965.

récemment créées ou aménagées devenant le support de nouveaux projets qui s’immiscent et s’insèrent dans les structures existantes. Le bâti y est hétérogène. Il comprend un lotissement de bois (R+1) construit dans les années 60, des maisons laos consolidées en rez-de-chaussée, différents types de maisonnettes et villas, de nombreux chantiers le long de la ruelle qui relie Cosco et, enfin, des villas de grand luxe construite à proximité de la Cosco et du canal.

Les nouvelles constructions se sont développées dans les espaces libres ou peu densément bâtis. Si elles ont progressivement gagné les structures en place (densification de la voirie, création des premiers îlots, partition et densification des terrains et du bâti, etc.), elles sont restées ponctuelles, résultant de nombreuses initiatives individuelles. Cette situation tient également au fait que le potentiel économique des habitants ne permettait pas de recompositions plus importantes, d’ailleurs étaient-elles seulement nécessaires ? En outre ce n’était alors, à leur sens, qu’une phase de formation du quartier.

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